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N°282, décembre 2016

DEUX FIRMES EN DIFFICULTÉ et une politique énergétique jamais mise en place
La France est mal partie et les citoyens avec

Anomalies et irrégularités affectant certains générateurs de vapeur des centrales nucléaires d’EDF
ASN

    À la suite de la découverte, fin 2014, d’une anomalie concernant la composition chimique de l’acier des calottes de cuve du réacteur EPR de Flamanville, l’ASN a demandé à Areva et à EDF d’identifier les causes de cette anomalie et d’en évaluer toutes les conséquences. Dans ce cadre, l’ASN a demandé que soit identifié l’ensemble des composants des réacteurs d’EDF en fonctionnement qui a été obtenus par la même technique de fabrication, et que soit menée une revue des pratiques et de la maîtrise de la qualité des pièces produites par Areva.
    L’IRSN publie une note d’information qui fait le point sur ce dossier et sur les expertises menées concernant la sûreté des réacteurs nucléaires concernés par ces anomalies ou irrégularités.
L’IRSN rappelle ainsi tout particulièrement l’importance pour la sûreté de la qualité de fabrication des composants du circuit primaire des réacteurs et la nécessité de faire évoluer les procédés de fabrication ayant conduit aux anomalies rencontrées.
    S’agissant des anomalies affectant les réacteurs du parc, l’examen de leur impact pour la sûreté est mené avant redémarrage des réacteurs arrêtés, moyennant des actions de caractérisation, de contrôles et de limitation des sollicitations. Dans ce cadre, la situation des réacteurs en production équipés de générateurs de vapeur dont les fonds primaires sont susceptibles de présenter une concentration de carbone nettement plus élevée qu’attendu fait l’objet d’une attention prioritaire.
    À cet égard, l’ASN a prescrit à EDF de réaliser sous trois mois des contrôles supplémentaires pour les cinq réacteurs en exploitation concernés (lire le communiqué de presse de l'ASN ci-dessus) et la note IRSN ci-dessous.


Note d’information
Parc nucléaire d’EDF en fonctionnement :
Anomalies et irrégularités constatées lors des investigations consécutives à l’anomalie concernant les calottes de la cuve du réacteur EPR de Flamanville

     À la suite de la découverte, fin 2014, d’une anomalie concernant la composition chimique de l’acier dans la partie centrale du couvercle et du fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville fabriquée par Creusot Forge, l’ASN a demandé à Areva NP et à EDF d’identifier les causes de cette anomalie et d’en évaluer toutes les conséquences.
     L’anomalie constatée est relative à la présence de carbone, en excès par rapport aux spécifications, dans l’acier constitutif des calottes hémisphériques utilisées pour fabriquer le couvercle et le fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville. Cet excès résulte de l’utilisation d’une technique de forgeage à partir d’un lingot dit «plein», de fort tonnage, pour laquelle toutes les précautions n’ont pas été prises afin d’éliminer les parties en excès de carbone (à savoir les zones dites de ségrégation majeure positive du carbone dans le lingot). Ainsi, il a pu être établi que cette anomalie découle à la fois du choix technique effectué et d’un défaut de qualification du procédé de fabrication.
suite:
     C’est pourquoi l’ASN a demandé, d’une part que soit identifié l’ensemble des composants des réacteurs d’EDF en fonctionnement qui a été obtenu par la même technique de fabrication que celle des calottes hémisphériques de la cuve de l’EPR de Flamanville, d’autre part que soit menée une revue des pratiques et de la maîtrise de la qualité des pièces produites par Areva NP.
     En réponse au premier point, EDF a indiqué avoir identifié l’ensemble des composants concernés du parc en exploitation, comprenant quatre couvercles de cuve, ainsi que des plaques tubulaires et des fonds primaires de générateurs de vapeur. La conséquence de la présence de carbone en excès dans un acier comme celui utilisé pour la fabrication des composants de la cuve ou des générateurs de vapeur (acier dit ferritique) est notamment un affaiblissement des propriétés mécaniques de résistance à la fissuration (la ténacité de l’acier). Les justifications permettant de montrer, que cet affaiblissement est sans conséquence pour la sûreté, ont pu être apportées rapidement pour les couvercles de cuve et des éléments avaient été fournis antérieurement pour les plaques tubulaires.
     Le cas des fonds primaires de générateurs de vapeur nécessite des investigations complémentaires détaillées ci-après.
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     En réponse au second point, Areva NP a réalisé une revue de la qualité des pièces produites à l’usine du Creusot. Cette revue de grande ampleur a mis en évidence 87 irrégularités portant sur les réacteurs en fonctionnement d’EDF, 20 concernant des équipements du réacteur EPR de Flamanville, 1 affectant un générateur de vapeur non encore installé et 4 relatives à des emballages de transport de substances radioactives (Cf. note d’information ASN du 23 septembre 2016)(1). Seules les irrégularités portant sur les réacteurs en fonctionnement d’EDF sont abordées dans la présente note.
     Enfin, il est à noter que le cabinet Large & Associates a publié le 26 septembre 2016 un rapport réalisé à la demande de Greenpeace France concernant l’anomalie des calottes hémisphériques de la cuve de l’EPR de Flamanville et celles relatives aux investigations menées par Areva NP et EDF qui ont été rendues publiques par l’ASN. Ce rapport présente une synthèse de l’ensemble des informations disponibles (2).
 
     Fonds primaires des générateurs de vapeur (GV)
     Les fonds primaires de générateur de vapeur dont l’acier présente un excès de carbone (au-delà d’une concentration de 0,22%) du fait de leur mode de forgeage sont issus de deux fabricants:
     * Creusot Forge (CF);
     * Japan casting and forging corporation (JCFC).
     À ce jour, l’IRSN a connaissance de 46 générateurs de vapeur (répartis sur 18 réacteurs) dont les fonds sont affectés par cette anomalie. Pour ce qui concerne les fonds fabriqués par JCFC, il convient de distinguer ceux issus de lingots de 90t de ceux issus de lingots de 120t. Parmi les réacteurs concernés, 9 sont à l’arrêt et 9 sont en puissance (en date du 30 septembre 2016).

Répartition des générateurs de vapeur présentant des fonds primaires en anomalie



     À la demande de l’ASN, des mesures de teneur en carbone en surface externe et des contrôles non destructifs (par ressuage et ultrasons) sont effectués sur les fonds des générateurs de vapeur concernés lors des arrêts de tranche pour maintenance et rechargement de combustible. Une réévaluation du risque de rupture brutale est également effectuée pour chacun de ces fonds.
     Concernant les fonds primaires concernés, l’IRSN a été sollicité par l’ASN sur les aspects suivants:
     * l’exhaustivité des chargements retenus pour l’analyse du risque de rupture brutale;
     * la méthodologie d’analyse du risque de rupture brutale et ses résultats;
     * l’analyse de sûreté et les mesures compensatoires (3) proposées par l’exploitant afin de réduire les risques.
     Deux avis ont été émis par l’IRSN; ils sont disponibles sur son site internet (et dans cette Gazette).
     * l’avis IRSN/2016-0275 du 5 août 2016 (4), relatif aux réacteurs de 900 et de 1.450 MWe, qui recommande qu’EDF renforce les mesures compensatoires qu’il a proposées, caractérise au plus tôt les zones ségrégées et procède à des examens non destructifs pour la détection d’éventuels défauts en peau externe des fonds concernés;
     * l’avis IRSN/2016-0277 du 11 août 2016 (5) relatif aux fonds primaires des générateurs de vapeur du réacteur n°2 de Chinon B, qui valide la démarche d’EDF commune à tous les fonds des réacteurs de 900 MWe fabriqués par Creusot Forge et recommande une mise à jour de l’analyse à l’issue des caractérisations sur fond sacrificiel (6).
suite:
     Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le redémarrage des réacteurs arrêtés est possible sous réserve que les mesures de concentration de carbone et les contrôles non destructifs ne remettent pas en cause les hypothèses de l’analyse d’EDF; cette analyse devra toutefois être mise à jour après réalisation du programme de caractérisation sur fonds sacrificiels.

     Spécificité des fonds JCFC
     Les connaissances de l’exploitant sont moins détaillées pour les fonds fabriqués par JCFC que pour ceux fabriqués par CF. De par leur fabrication, les fonds de générateur de vapeur de JCFC sont décarburés en surface extérieure, ce qui interdit les mesures de concentration de carbone sur ces surfaces. Ces mesures sont cependant possibles au voisinage des tubulures usinées ainsi qu’au niveau d’un méplat présent uniquement en partie inférieure des fonds de générateur de vapeur issus d’un lingot de 120t.
     Les mesures réalisées sur le méplat des générateurs de vapeur des réacteurs n°1 et 3 de Tricastin montrent des concentrations de carbone atteignant 0,39% (les valeurs mesurées jusque-là ne dépassaient pas 0,32% et restaient proches de celles rencontrées pour les calottes hémisphériques de la cuve de l’EPR de Flamanville). Ces valeurs remettent donc en cause les hypothèses retenues jusqu’alors. Ces deux réacteurs sont actuellement à l’arrêt.
     À ce stade, il ne peut pas être exclu que les autres générateurs de vapeur de fabrication JCFC, tout particulièrement ceux issus de lingots de 120t, présentent des ségrégations de carbone équivalentes à celles observées sur les deux réacteurs précités. Certains des générateurs de vapeur issus de lingots de 120 t équipent des réacteurs actuellement en puissance (Fessenheim1, Gravelines 4, Tricastin 2 et Tricastin 4), pour lesquels des justifications, récemment transmises par EDF, sont en cours d’examen. Les réacteurs n°4 de Bugey et n°2 de Gravelines, actuellement à l’arrêt, sont également concernés.
     L’IRSN ne dispose pas à ce stade de données sur le comportement des matériaux à de tels niveaux de concentration de carbone, significativement supérieurs à ceux étudiés dans le cadre de l’anomalie de la cuve de l’EPR de Flamanville. Les connaissances sur le comportement de ces matériaux nécessitent notamment des essais sur des pièces sacrificielles. EDF a engagé des actions en ce sens en vue de réévaluer sa démarche de justification pour ce qui concerne les fonds de fabrication JCFC issus de lingots de 120t.
     Les irrégularités dans la réalisation de pièces forgées à l’usine Areva NP du Creusot: les dossiers barrés.
     Ces irrégularités correspondent, pour la plupart, à des écarts au référentiel du fabricant, voire aux spécifications de ses clients, constatés au moment des fabrications, mais qui n’ont pas fait l’objet d’un traitement. Ces écarts ont néanmoins été tracés dans des dossiers dits barrés (car marqués d’une double barre en première page). L’instruction menée à la fois par Areva NP, EDF, l’ASN et l’IRSN a consisté à évaluer les conséquences de ces écarts comme cela aurait dû être fait au moment de leur découverte. La grande majorité des irrégularités relevées lors de la revue de la qualité des pièces produites à l’usine du Creusot a été instruite, permettant de conclure l’absence de conséquences pour la sûreté des réacteurs concernés.
     L’instruction des irrégularités se rapportant au réacteur n°4 de la centrale nucléaire du Bugey se poursuit et l’ASN se prononcera sur l’impact de ces irrégularités avant d’autoriser le redémarrage du réacteur (à noter toutefois que ce réacteur est également concerné par les anomalies de carbone sur les fonds primaires fabriqués par JCFC).
p.24


     Le cas de la virole basse d’un générateur de vapeur du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Fessenheim est l’objet d’une attention particulière de l’ASN et de l’IRSN. L’irrégularité est consécutive au fait qu’en 2008, au cours du forgeage de cette virole, Creusot Forge n’a pas été en mesure d’éliminer l’extrémité de la pièce, dénommée masselotte, du fait d’une longueur de pièce insuffisante à l’issue des premières opérations de forgeage. Ainsi, la majeure partie de cette masselotte est présente dans la pièce finale alors qu’elle aurait dû être éliminée (lors d’une opération appelée chutage) compte tenu des moins bonnes propriétés de l’acier et des impuretés (inclusions) qu’elle contient potentiellement. Cet écart a été noté au moment de la fabrication, mais ses conséquences n’ont pas été évaluées. Face à ce constat, EDF a procédé le 13 juin 2016 à la mise à l’arrêt du réacteur et l’ASN a suspendu le 18 juillet le certificat d’épreuve du générateur de vapeur, entraînant le maintien à l’arrêt du réacteur.
     EDF et Areva NP ont décidé de réaliser des examens de ce générateur de vapeur et un programme d'essais, dans l’objectif de demander la levée de la suspension du certificat d’épreuve. À cet égard, un dossier présentant la démarche proposée pour la justification de l’aptitude au service du générateur de vapeur affecté a récemment été transmis par EDF et AREVA. Il comprend en particulier des essais non destructifs sur la virole du générateur de vapeur et s’appuie sur un programme expérimental prévu sur deux viroles sacrificielles représentatives.
suite:
     En conclusion, l’IRSN rappelle l’importance pour la sûreté de la qualité de fabrication des composants du circuit primaire des réacteurs et la nécessité de faire évoluer les procédés de fabrication à l’origine des anomalies rencontrées.
     S’agissant des anomalies affectant les réacteurs du parc, l’examen de leur impact pour la sûreté est mené avant redémarrage des réacteurs arrêtés, moyennant des actions de caractérisation, de contrôles et de limitation des sollicitations. Dans ce cadre, la situation des réacteurs en production équipés de générateurs de vapeur dont les fonds primaires sont susceptibles de présenter une concentration de carbone nettement plus élevée qu’attendu fait l’objet d’une attention prioritaire.

notes
1) Note d’information ASN:
  http://www.asn.fr/1
2) Rapport Large & Associates (pdf):
http://www.greenpeace.org/
3) Les mesures compensatoires sont des mesures à mettre en œuvre lors des phases de démarrage et d’arrêt des tranches pour éviter les risques de choc thermique sur les fonds primaires des générateurs de vapeur.
4) Avis IRSN 2016-00275:
http://www.irsn.fr/1
5) Avis IRSN 2016-00277:
http://www.irsn.fr/2
6) Un programme d’essais est prévu par EDF sur des fonds sacrificiels (fonds représentatifs des fabrications Creusot forge et JCFC); l’objectif est de déterminer les caractéristiques mécaniques dans la zone affectée et de déterminer l’étendue en profondeur de cette zone.
p.25

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