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G@zette N°272, MAI 2014

LA VIGILANCE CITOYENNE BASE DE LA SÛRETÉ ET DE LA RADIOPROTECTION
Sûreté nucléaire en France: des incidents «persistants»
AFP/MYCHELE DANIAU

 
Le site de retraitement d'Areva à La Hague (Manche)
     L'industriel est épinglé pour son retard à traiter et reconditionner des déchets anciens.
     «Globalement assez satisfaisant.» En présentant, mardi 15 avril, devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), son rapport sur «l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2013», Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a repris, mot pour mot, la formule qu'il avait utilisée un an plus tôt en dressant le bilan de 2012. Une façon de souligner qu'entre-temps, la situation ne s'est pas améliorée. Le gendarme de l'atome, qui pointe «la persistance d'incidents», fait état de «certaines situations bonnes mais aussi de «situations clairement insatisfaisantes».
     Au cours de l'année écoulée, toutes activités nucléaires confondues, cent vingt-sept événements ont été classés, sur une échelle internationale de gravité qui compte huit degrés (de 0 à 7), au niveau 1 (simple «anomalie»), et trois au niveau 2 («incident»). Parmi les points noirs, l'ASN épingle notamment Areva, qui, sur son site de retraitement des combustibles usés de La Hague (Manche), tarde à reprendre et à reconditionner «des déchets anciens stockés en vrac», malgré des rappels à l'ordre répétés. Sur ce dossier, M. Chevet indique être «en discussion serrée avec Areva».
     Autre cas litigieux, celui de la société FBFC (Franco-Belge de fabrication du combustible), filiale d'Areva à Romans-sur-Isère (Drôme). Il lui est reproché «un non-respect des règles d'exploitation» et «un manque de rigueur», ce qui lui vaut d'être placée en «contrôle renforcé».
     CARTON JAUNE
     S'agissant des cinquante-huit réacteurs du parc électronucléaire exploité par EDF, l'Autorité de sûreté, tout en décernant quelques bons points, met un carton jaune à plusieurs centrales. Trois d'entre elles - Bugey (Ain), Chinon (Indre-et-Loire) et Civaux (Vienne) - sont «en retrait dans le domaine de la sûreté nucléaire». Trois également - Belleville-sur-Loire (Cher), Chinon (Indre-et-Loire), à nouveau, et Chooz (Ardennes) - pour ce qui est de «l'impact sur l'environnement». Une dernière - Cattenom (Moselle) - en matière de radioprotection.
     En outre, l'ASN juge que «la maîtrise des arrêts de réacteur doit faire l'objet d'une action prioritaire de la part d'EDF».
     En cause, «une maîtrise insuffisante des opérations de maintenance dans leur planification comme dans leur réalisation». Une déficience qui «peut avoir des impacts défavorables, par la désorganisation qu'elle entraîne, sur la qualité des opérations de maintenances elles-mêmes».
     L'autorité de contrôle relève encore que «la prise en compte des facteurs humains dans les activités d'exploitation et de maintenance est hétérogène en fonction des sites et reste perfectible». Et elle s'inquiète, s'agissant des doses de radioactivité reçues par les personnels, de l'augmentation de 18% de la dosimétrie collective par réacteur. Une hausse qui, imputable à l'allongement des arrêts de réacteur pour les travaux de maintenance, est «plus importante que prévu».
     ENJEUX SANS PRÉCÉDENT
     C'est dans ce contexte, souligne M. Chevet, que se posent «des enjeux de sûreté sans précédent pour les dix ans à venir». À commencer par le renforcement de la résistance du parc nucléaire hexagonal face à des situations extrêmes (séisme, inondation, tempête, perte d'alimentation en électricité ou en eau...). «Les actions post-Fukushima s'inscrivent dans la durée, insiste le président de l'ASN. Nous en sommes au début du chemin, l'essentiel du travail reste devant nous
     Autre question sur la table, celle de la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans, comme le souhaite EDF. «Cette poursuite n'est pas acquise», rappelle l'ASN, qui ne rendra un avis général sur ce sujet — à étudier ensuite réacteur par réacteur — qu'en 2018. D'ores et déjà, indique M. Chevet, le réacteur 1 de Tricastin (Drôme), dont la cuve présente «des défauts connus», et ceux de Belleville-sur-Loire, dont les enceintes ont «des taux de fuite importants», risquent d'avoir des difficultés à passer ce cap des quarante ans.
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     HARMONISATION EUROPÉENNE
     Au niveau européen, l'Autorité de sûreté plaide pour «le développement de la coopération», dans la perspective d'un accident nucléaire majeur. «Nous partons du postulat qu'un accident est possible en France et en Europe», explique M. Chevet (note du webmaistre: sous-entendu acceptons-le! Voir la page "ALERTE: réunion secrète du lobby nucléaire" du site générique de la Gazette). Plusieurs pays seraient inévitablement touchés, alors que les procédures (évacuation, confinement, distribution de pastilles d'iode) diffèrent aujourd'hui selon les pays. Il faut donc «harmoniser la gestion de crise».
     Autant de préoccupations qui, pour le contrôleur du nucléaire, exigent «une autorité de sûreté renforcée», avec des moyens accrus. Il faut, défend-il, «une refonte de ses sources de financement, en y incluant les exploitants nucléaires».
     Devant ce tableau, Denis Baupin, vice-président (EELV) de l'Assemblée nationale, lui-même membre de l'Opecst et rapporteur de la commission d'enquête sur les coûts du nucléaire, estime que «la sûreté nucléaire est toujours aussi défaillante». Le rapport de l'ASN, commente-t-il, «vient confirmer la fragilité de la sûreté nucléaire française, alors même que l'ASN confirme qu'un accident grave est possible dans notre pays». Et de juger «urgent que l'Etat se saisisse enfin de la transition énergétique pour sortir de cette mono-industrie dangereuse».

EXEMPLES pour illustrer les propos de Pierre Franck Chevet
I- AREVA la HAGUE et les déchets pas très bien traités
N/Réf. : CODEP-CAE-2014-016723
OBJET : Contrôle des installations nucléaires de base
Inspection n° INSSN-CAE-2014-0434 - du 1er avril 2014
     Dans le cadre des attributions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) concernant le contrôle des installations nucléaires de base prévu à l’article L. 592-21 du code de l’environnement, une inspection annoncée a eu lieu le 1er avril 2014 à l’établissement AREVA NC de La Hague, sur le thème de l’exploitation des ateliers AD2 (Atelier dans lequel sont conditionnés les déchets technologiques provenant des autres ateliers de l’établissement.) et EDS (Atelier Entreposage de Déchets Solides ) et en particulier la fabrication des colis de déchets par l’atelier AD2.
     J’ai l’honneur de vous communiquer, ci-dessous, la synthèse de l’inspection ainsi que les principales demandes et observations qui en résultent.
     Synthèse de l’inspection
     L’inspection du 1er avril 2014 a concerné la fabrication de certains colis de déchets par l’atelier AD2 et les conditions de l’entreposage de ces colis sur les ateliers AD2 et EDS. Les inspecteurs ont d’abord examiné les modalités de gestion des déchets arrivant dans l’atelier AD2 ou induits par son activité. Ils ont contrôlé par sondage des dossiers qualité de colis de déchets. Ils ont ensuite visité plusieurs entreposages de déchets de l’atelier AD2.
     Au vu de cet examen par sondage, l’organisation définie et mise en œuvre sur l’atelier AD2 paraît satisfaisante. L’exploitant devra néanmoins améliorer la signalisation du zonage déchet dans ses locaux d’entreposage et s’assurer que ce zonage est compatible avec les risques de transfert de contamination.
     Il devra en outre présenter son analyse sur la complétude  des dossiers qualité associés à chaque colis de déchets produit sur AD2.
     A Demandes d’actions correctives
     A.1 Zonage déchets
     En fonction de la zone dans laquelle ils sont produits, les déchets générés par l’activité de l’atelier AD2 sont qualifiés de conventionnels ou de nucléaires. Avant d’être conditionnés en colis, ils sont entreposés dans certaines salles ou couloirs de cet atelier qui doivent être aptes à les recevoir. Cette aptitude est matérialisée à l’aide d’un zonage, par lequel l’exploitant prend des mesures destinées à garantir l’absence de transfert de contamination éventuelle d’une zone à déchets nucléaires (ZDN) vers une zone à déchets conventionnels (ZDC).
     Lors de la visite de l’installation, les inspecteurs ont noté des incohérences dans la signalisation des ZDN et des ZDC. En particulier, les salles B-359 et B-369 disposaient d’un double affichage sans qu’aucune barrière physique empêchant tout transfert de contamination potentielle ne soit présente.
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     Lors de l’inspection du 11 septembre 2012, les inspecteurs avaient déjà mis en évidence qu’un autre local de l’atelier AD2 ne respectait pas les règles de zonage mentionnées dans le guide de l’ASN SD3-D-01 indice 2 relatif à l’élaboration des études déchets. Notamment, la nécessité de disposer de barrières physiques entre deux zones différentes (ZDC et ZDN) n’était pas respectée. En réponse, le local concerné avait fait l’objet d’un surclassement définitif en ZDN en application de la procédure d’AREVA intitulée «Zonage déchets – principe et application» [2005-12381]. 
     Je vous demande de vous conformer aux principes du guide susmentionné en mettant en place une barrière physique entre les deux parties des locaux B-359 et B-369 ou en révisant le zonage déchets de ces locaux.

     Par ailleurs, lors de l’inspection du 23 novembre 2013, les inspecteurs avaient relevé que les contrôles de non-contamination radiologiques effectués par les prestataires, lors d’un transfert de déchets nucléaires d’une ZDN vers une ZDC, n’étaient pas formalisés. Ce type de transfert est permis sous réserve du respect des dispositions de la  procédure d’AREVA  2007-12081 v. 4.0 «Dispositions applicables aux entreposages des déchets» qui mentionne notamment qu’«en principe, les déchets nucléaires sont entreposés en Zone à Déchets Nucléaires. Cependant, des déchets nucléaires peuvent transiter et être entreposés en Zone à Déchets Conventionnels, si leur confinement est assuré par un emballage adapté (type 1P2 ou assimilable) et si l'absence de contamination labile de l'emballage a été vérifiée par un protocole de contrôle approprié». L’exploitant avait répondu qu’une réflexion était en cours afin de préciser les modalités de contrôles radiologiques lors des transferts de déchets entre ZDN et ZDC. Dans ce contexte, le double affichage présent dans une même salle, relevé lors de l’inspection du 1er avril 2014, et l’absence de moyens de contrôle radiologique à proximité immédiate peuvent être à l’origine de confusions dans l’application des procédures associées au zonage déchets.
     Compte-tenu de ces éléments, je vous demande de mener une réflexion sur le zonage déchet de l’atelier AD2. En particulier, je vous demande de justifier le zonage déchets de tous les couloirs et de rendre cohérente la signalisation dans l’installation. Dans le cas où vous maintiendriez le zonage actuellement en place, je vous demande de me justifier l’absence de transfert de contamination d’une zone à l’autre ou de mettre en place une matérialisation de la limite de zone.
     A.2 Mise à jour du formulaire contrôle C0 avant évacuation
     Les Colis C0 sont des colis composés d’un fût de 213 litres dans lequel des déchets nucléaires conditionnés en fûts de 120 litres compactés sont bloqués à l’aide d’un mortier de ciment. Parmi les documents d’enregistrement associés à la fabrication d’un colis C0, le formulaire intitulé «Contrôle C0 avant évacuation» prévoit la saisie des valeurs de mesure de l’activité surfacique par frottis effectuée sur les colis de déchets C0 après production. Lors du contrôle de ces documents, les inspecteurs ont pu noter qu’aucune valeur n’était renseignée. L’exploitant a précisé que les valeurs n’étaient reprises qu’en cas de dépassement des valeurs limites rappelées par ailleurs sur le formulaire. 
     Je vous demande de mettre en cohérence le formulaire «Contrôle C0 avant évacuation» et vos pratiques.
     B Compléments d’information
     B.1 Dossiers qualité
     Un colis de déchets doit être conforme à son dossier d’agrément délivré par l’ANDRA. Pour produire un colis conforme à l’agrément, l’exploitant définit des spécifications de conditionnement permettant de garantir cette conformité. Ces spécifications sont accompagnées de plans d’assurance et de contrôle qualité (PAQ et PCQ) et d’autres documents nécessaires à l’ANDRA. 
     Le PAQ du colis C0 liste les documents d’enregistrement assurant la traçabilité des phases d’élaboration de ce type de colis qui consiste en un dossier qualité et des enregistrements complémentaires. Les inspecteurs ont pu examiner les dossiers qualité de certains colis C0, choisis par sondage. Ils ont relevé que certaines pièces justificatives relatives aux spécifications n’y figuraient pas. Notamment, le respect des paramètres de gâchées du mortier de remplissage et les justificatifs garantissant l’épaisseur de tôle minimale de chaque fût 213 litres vide, qui constitue l’enveloppe externe du colis final, ont été présentés de manière complémentaire, postérieurement à l’examen des dossiers qualité. Ces pièces justificatives ne sont pas rangées dans les dossiers qualité. 
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     Les inspecteurs ont également examiné des dossiers associés à des colis de type CBF-C’2 qui ne disposent pas encore d’agrément de l’ANDRA mais qui doivent respecter des spécifications de production. Les inspecteurs ont établi les mêmes constatations.
     L’exploitant a expliqué que le logiciel SPAD2 garantissait toutefois la traçabilité de chaque colis en référençant les déchets contenus dans le colis, la gâchée de mortier, le conteneur ainsi que l’activité du colis final et les résultats des contrôles radiologiques de fin de production. Ce logiciel ne permet cependant pas un archivage des documents de preuve.
     Je vous demande de me présenter votre analyse quant à la nécessité de constituer, pour chaque colis, un dossier qualité autoportant, permettant de vérifier l’entière conformité à l’agrément délivré par l’ANDRA ou à la spécification de production pour les colis ne disposant pas de cet agrément.
     B.2 Détection incendie dans un entreposage de fûts de déchets combustibles 
    La salle B 362 est destinée à l’entreposage de déchets nucléaires en fûts de 120 litres. Certains de ces fûts contiennent des matières combustibles et les inspecteurs ont relevé que le local ne disposait pas de dispositif de détection automatique d’incendie. L’exploitant a expliqué que ce point avait été examiné lors de création de cet entreposage de déchets au travers d’un dossier d’autorisation de modifications (DAM) interne à AREVA, que l’installation d’une détection incendie était envisagée et qu’une ronde quotidienne avait été décidée en tant que mesure compensatoire.
     Je vous demande de me préciser l’échéance à laquelle la détection incendie de la salle sera effective.
     Vous voudrez bien me faire part de vos observations et réponses concernant ces points dans un délai qui n’excèdera pas deux mois. Pour les engagements que vous seriez amené à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement et d’en préciser, pour chacun, l’échéance de réalisation.
 Pour le directeur général de l’ASN et par délégation, Le chef de division,  Guillaume BOUYT

II- AREVA la HAGUE encore et toujours et cette fois sur la maîtrise de la criticité
N/Réf. : CODEP-CAE-2014-017539
OBJET : Contrôle des installations nucléaires de base
Inspection n° INSSN-CAE-2014-0416 du 09 avril 2014
     Dans le cadre des attributions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) concernant le contrôle des installations nucléaires de base prévu à l’article L. 592-21 du code de l’environnement, une inspection annoncée a eu lieu le 9 avril 2014 à l’établissement AREVA NC de La Hague. Cette inspection avait pour thème la maîtrise du risque de criticité sur les ateliers R1, T1 (Les ateliers R1 et T1 sont ceux où se déroulent les opérations de cisaillage et de dissolution des combustibles usés) et URP (Unité de redissolution du plutonium).
     J’ai l’honneur de vous communiquer, ci-dessous, la synthèse de l’inspection ainsi que les principales demandes et observations qui en résultent.
     Synthèse de l’inspection
     L’inspection du 9 avril 2014 concernait la maîtrise du risque de criticité sur les ateliers R1, T1 et URP.
     Les inspecteurs ont examiné la formation et l’évaluation des compétences des opérateurs impliqués dans la maîtrise du risque de criticité. Une vérification par sondage a été réalisée sur le respect de certaines exigences associées figurant dans les règles générales d’exploitation (RGE). Les inspecteurs ont également contrôlé le respect des engagements pris par l’exploitant à la suite de précédentes inspections et de l’événement survenu sur l’atelier T1 le 5 mai 2013 concernant l’envoi non-souhaité de coques (Structures métalliques issues du cisaillage des combustibles usés) dans le rinceur acide des embouts (Structures métalliques servant à la solidarisation d’un assemblage de combustible); Les inspecteurs se sont enfin rendus sur l’atelier URP.
     Au vu de cet examen par sondage, l’organisation définie et mise en œuvre sur les ateliers R1, T1 et URP pour la maîtrise du risque de criticité paraît satisfaisante. L’exploitant devra néanmoins prendre les dispositions nécessaires en vue de respecter les consignes internes fixant les modalités d’introduction de matériaux réflecteurs de neutrons à proximité d’équipements contenant de la matière fissile.
     L’exploitant devra également s’assurer que la dématérialisation des dossiers internes d’autorisation de modification ne nuise pas à la lisibilité et à la complétude de ces derniers. 
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     A-Demandes d’actions correctives
     A.1 Gestion des matériaux réflecteurs de neutrons dans le cadre de la maîtrise du risque de criticité
     En cas de modification de l’environnement des équipements contenant de la matière fissile, dont la mise en place de protections biologiques contre les rayonnements, la consigne de criticité des ateliers R1, T1 et URP (document de référence 2003-13046) requièrent entre autres la sollicitation de l’avis d’un ingénieur criticien.  
     Au cours de la visite de l’atelier URP, les inspecteurs ont examiné plusieurs boîtes à gants dans lesquelles transite de l’oxyde de plutonium. Afin de placer les opérateurs dans les meilleures conditions de radioprotection, des tabliers en plomb sont entreposés à proximité des boîtes à gants. Sur la boîte à gants de l’électrolyseur, une protection a priori plombée est également placée en contact direct avec l’équipement. Les inspecteurs ont souhaité savoir si l’introduction de ces matériaux réflecteurs de neutrons à proximité d’équipements contenant de la matière fissile avait été préalablement validée par un ingénieur spécialiste en criticité. Le jour de l’inspection, l’exploitant a indiqué être en recherche d’information, mais n’a donné aucun élément de réponse à ce sujet.  
     Je vous demande de justifier que l’introduction de matériaux réflecteurs à proximité de certaines boîtes à gants de l’atelier URP a été étudiée au regard du risque de criticité, conformément à la procédure 2003-13046.
      A.2 Contrôle des postes de surveillance
     Les règles générales d’exploitation (RGE) de l’atelier T1 précisent, dans le cadre de la surveillance des quantités de matière fissile, que les voies de mesures des postes 2 et 3 du contrôle neutronique passif (CNP) font annuellement l’objet de vérifications physiques et électroniques.  
     À la consultation des fiches associées aux essais réalisés à cet effet, les inspecteurs ont mis en évidence l’absence de contrôle physique des sous-postes M4 et M5 du poste 2. Seuls des contrôles sur la réponse électronique de la voie de mesure sont effectués, mais ces derniers ne permettent pas de vérifier le bon fonctionnement ni l’état de vieillissement de la partie destinée à la détection. L’exploitant a indiqué que la réalisation d’un tel test n’était pas retenue compte-tenu de la difficulté d’accès aux équipements en question et du niveau d’exposition aux rayonnements que cette opération est susceptible d’induire.  
      Je vous demande de prendre les dispositions nécessaires afin de respecter les exigences des RGE de l’atelier T1 en palliant l’absence du contrôle physique des sous-postes M4 et M5 du poste 2.
      A.3 Processus FEM/DAM
     La dématérialisation des fiches d’évaluation de modification et des dossiers d’autorisation de modification des installations (FEM/DAM) est effective sur le site depuis mi-2013. En consultant certains DAM par sondage dont le DAM URP 130190 portant sur la mise en place d’un outillage de manutention en BAG 109 électrolyseur, les inspecteurs ont noté que cette dématérialisation avait modifié les modalités de validation de l’autorisation de modification. Ainsi la partie DAM n’est plus renseignée par le chef d’installation et, sur certains dossiers examinés, la validation de l’avis de sûreté et du niveau d’autorisation requis après avis des experts consultés par le responsable de la sûreté opérationnelle (RSO) n’apparaît plus sur la partie FEM. Dans les deux cas, cette validation est remplacée par un visa électronique en première page du FEM/DAM. Les inspecteurs ont souligné que cette pratique nuit à la complétude et à la lisibilité des FEM/DAM.
     Je vous demande de réexaminer votre processus de dématérialisation concernant les FEM/DAM afin que chaque document soit dûment renseigné.
     Par ailleurs, la procédure HAG SRE 144 Rev. 04 stipule qu’«en cas de désaccord entre le chef d’installation et le spécialiste sûreté, le directeur d’établissement statue». Les inspecteurs ont indiqué que le seul usage d’un visa électronique en première page du FEM/DAM n’autorise plus le chef d’installation à compléter ou amender les éventuelles réserves formulées par le spécialiste sûreté alors que cette possibilité lui est offerte sur la partie DAM. Le chef d’installation R1/T1 a alors expliqué que des échanges non tracés avaient lieu lorsque nécessaires avec le spécialiste sûreté afin de cadrer définitivement la recommandation avant la signature.
     Je vous demande de prendre des dispositions pour que les modalités approuvées de délivrance des autorisations internes soient respectées de sorte que le format des FEM/DAM dématérialisés permette au chef d’installation d’apporter ses observations écrites sur les éventuelles réserves formulées par le spécialiste sûreté.
     B Compléments d’information
     B.1 Processus de formation des opérateurs
     Dans le cadre de l’analyse des réponses consécutives aux inspections du 12 septembre 2012 et du 22 février 2013, les inspecteurs ont consulté la procédure encadrant la délivrance des autorisations d’exercer et le formulaire type, extrait du livret de compagnonnage pour les opérateurs des ateliers R1, T1 et URP, qui liste l’ensemble des formations à suivre. Les inspecteurs ont relevé que le suivi de la formation « HCSURO », qui englobe la formation théorique sur le risque de criticité, est désormais indiquée comme obligatoire dans le cursus de formation mais qu’elle n’est pas un pré-requis à la délivrance de l’autorisation d’exercer. 
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     Les inspecteurs ont indiqué qu’ils estiment judicieux de dispenser la formation théorique sur le risque de criticité avant la délivrance de l’autorisation d’exercer. L’exploitant a expliqué que la formation des opérateurs via le processus de compagnonnage prime sur la formation théorique et que pour des raisons d’organisation, la formation «HCSURO» actuellement dispensée à raison de deux fois par an peut difficilement être réalisée à la demande.

     Je vous demande d’étudier les dispositions envisageables afin que la formation théorique des opérateurs sur le risque de criticité soit dispensée préalablement ou à défaut au plus près de la délivrance de l’autorisation d’exercer. 
 
     Par ailleurs, les inspecteurs ont noté que le contrôle des connaissances des opérateurs préalable à la délivrance des autorisations d’exercer n’est pas réalisé de manière exhaustive au regard de l’ensemble des connaissances.
     Je vous demande de vous prononcer sur la pertinence de mettre en place des moyens permettant le contrôle de l’ensemble des domaines abordés au cours de la formation des opérateurs en préalable à la délivrance de l’autorisation d’exercer.

     B.2 Vérification de l’absence d’accumulation de matière fissile
     Dans le cadre de la vérification du respect des RGE, les inspecteurs ont consulté les documents attestant de l’absence d’accumulation de matière fissile dans certains équipements de l’atelier T1 pour lesquels la prévention du risque de criticité ne repose pas sur leurs caractéristiques géométriques. 
     En particulier, les comptages neutroniques annuels réalisés sur les cuves 2230.10, 2230.30 et 2230.31 ont été contrôlés. Ces mesures sont effectuées après vidange et éventuellement rinçage des équipements. Le suivi du comptage neutronique permet ainsi de vérifier l’absence d’accumulation de matière fissile dans ces équipements. Toutefois et bien que les comptages neutroniques relevés correspondent à des quantités de matière fissile résiduelle faibles, les inspecteurs ont noté que l’exploitant n’a pas défini de seuil opérationnel de sûreté relatif à la criticité au-delà duquel il convient de lancer une action corrective.
 
     Je vous demande de me préciser votre analyse au regard de l’absence de seuil de sûreté- criticité sur la quantité de matière fissile pouvant s’accumuler dans les équipements à géométrie non-sûre 2230.10, 2230.30 et 2230.31 de l’atelier T1.
 
     C Observations
     Dans le cadre de l’instruction des FEM/DAM, la procédure prévoit entre autres la possibilité de solliciter un avis d’expert en criticité. Les experts, tous domaines confondus, pouvant émettre un avis sont par ailleurs listés de manière exhaustive. Toutefois, les inspecteurs ont relevé sur les dossiers consultés par sondage que certains avis d’experts sont visés par du personnel en formation qui n’est par définition pas encore expert dans le domaine. L’exploitant a indiqué que la pratique retenue sur l’établissement est de faire vérifier systématiquement par une personne référente les avis rendus par le personnel en formation. Ce système de vérification est formalisé par une double signature sur les avis d’experts. Par ailleurs et à la suite d’une récente embauche, un courrier du responsable criticité du site a été envoyé aux ateliers concernés afin de rappeler cette pratique. Toutefois, les inspecteurs ont noté que cette bonne pratique qui se veut pérenne n’est pas transcrite dans les procédures du site et notamment dans la procédure associée à la construction et à l’instruction des FEM/DAM.   

     Vous voudrez bien me faire part de vos observations et réponses concernant ces points dans un délai qui n’excèdera pas deux mois. Pour les engagements que vous seriez amené à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement et d’en préciser, pour chacun, l’échéance de réalisation.
Pour le directeur général de l’ASN et par délégation,
Le chef de division, Guillaume BOUYT

     III COMMENTAIRE Gazette
     Le Président de l’ASN se fait du souci et il a raison. Le démantèlement d’un atelier plutonium à Cadarache a prouvé que l’on pouvait accumuler de la matière fissile (heureusement pas en bonne configuration) et dépasser les valeurs critiques. Certes il ne s’est rien passé à Cadarache, mais ce n’est pas la peine de tenter le diable et de bafouer les règles de sûreté.
     Prolonger les installations n‘est déjà pas une bonne idée, mais sans une sûreté de haut niveau, une radioprotection rigoureuse c’est carrément envoyer des personnels au casse-pipe et cette attitude est inadmissible.

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Déversement non contrôlé d’effluents radioactifs
dans le réseau public d’évacuation des eaux usées

L'ASN reclasse l'événement au niveau 2 de l’échelle INES
et reste attentive à la mise en place des actions correctives
 
    20/05/2014 11:30 Communiqué de presse
     A la suite d’une série d’événements en 2012 et 2013 (cf. tableau ci-après) relatifs à des fuites du réseau de collecte des effluents radioactifs (principalement de l’iode 131) du service de médecine nucléaire de l’hôpital Haut-Lévêque à Pessac, l’ASN reclasse le plus important de ces événements (déclaré en août 2013) au niveau 2 de l’échelle INES du fait d’une surveillance insuffisante du réseau d’effluents et d’un manque de culture de sûreté. Elle reste attentive à la mise en place des actions correctives.
    Le 2 août 2013, l'ASN a été informée par l’hôpital Haut-Lévêque à Pessac de la découverte de la présence d’une radioactivité anormale d’une canalisation d’évacuation des eaux usées. Des investigations ont montré que des effluents radioactifs provenant des chambres de radiothérapie interne vectorisée  ont été rejetés directement dans le réseau public d’assainissement d'eau au lieu d’être dirigées vers des cuves de décroissance radioactive, entre le mois d’août 2012 et le 27 juillet 2013, à cause d’une erreur de raccordement de canalisation. Le raccordement était défectueux depuis la réalisation de travaux en août 2012.
     Cette radioactivité anormale avait été détectée fortuitement par l’hôpital, le 27 juillet 2013, lors d’un contrôle de non contamination d’une flaque d’eau (infiltration de pluie d’orage) présente dans un local situé sous les chambres de radiothérapie métabolique. Ce contrôle était motivé par un précédent événement, survenu le 21 juillet 2013, au cours duquel une fuite d’effluents radioactifs avait été découverte dans le même secteur.
     Dès la découverte de cette contamination, les traitements avaient été suspendus par l’hôpital, jusqu’à la remise en bonne continuité des canalisations, qui s’est achevée le 9 août 2013.
(suite)
suite:
     Le 16 septembre 2013, l’ASN a donc demandé à l’établissement de lui présenter un programme de rénovation complet des réseaux d’évacuation des effluents radioactifs. Elle a demandé que ce plan précise les dispositions prises pour assurer le suivi technique des travaux et en contrôler la bonne réalisation. L’ASN a également demandé la mise en place d’un programme de contrôle régulier du débit de dose à proximité des canalisations.
     L’établissement a communiqué son plan d’action à l’ASN le 13 février 2014. L’ASN a toutefois demandé au centre hospitalier le 28 mars 2014 de faire également réaliser une expertise sur l'impact des rejets pour les personnes susceptibles d’exercer une activité les exposant aux eaux usées (égoutiers, personnels de la station de traitement de eaux usées). L’ASN a demandé également à l’établissement de lui préciser les solutions techniques retenues pour la rénovation du réseau, ainsi que l’échéancier des travaux associés. Elle contrôlera notamment la réalisation des actions correctives que l’établissement s’est engagé à mettre en place. Dans ce cadre, l’ASN a convoqué le 16 mai 2014 la direction du CHU et le chef du service de médecine nucléaire.
     Par ailleurs, en réponse à une demande de l’ASN du 21 novembre 2013, l’établissement a indiqué le 13 février 2014 que l’activité totale déversée était estimée à 244 gigabecquerels (GBq) en iode 131. Selon l’établissement, les doses reçues par le personnel de l’hôpital travaillant dans le secteur impacté n’ont pas dépassé 1 millisievert (mSv), qui est la dose limite annuelle admissible pour une personne du public.

     COMMENTAIRE : il y a encore du travail pour assurer une sûreté de qualité...
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