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G@zette N°262, décembre 2011

RELEVÉ DE CONCLUSIONS de l’ETUDE GSIEN A L’INTENTION DE L’ANCCLI
sur les Evaluations complémentaires de Sûreté  (ECS)


     Préambule
     Cette démarche «La gestion des situations accidentelles des réacteurs à eau sous pression en France» a fait l’objet de nombreux rapports: nous allons rappeler celui du 5 juillet 1988.
     Dans ce rapport, préparé à l’intention du Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information Nucléaire, les autorités notent que la sûreté repose sur une démarche déterminisme «progressivement complétée en France dans deux voies: l’approche probabiliste et l’approche des accidents graves
     L’approche en accidents graves a conduit à définir un terme source (rejet typique associé à une classe d’accident). Cette approche a aussi conduit à la mise en place de PUI et PPI.
     Pour ces plans, il a été défini après «un examen attentif des possibilités raisonnables d’évacuation et de confinement des populations» (...) «la possibilité des mesures suivantes: dans un délai de 12 à 24 heures après le début de l’accident, il est possible de procéder au déplacement de la population jusqu’à 5 Km et au confinement des autres personnes jusqu’à 10 Km
     Il en découle que ces mesures sont seulement adaptées à un rejet de type S3 (c’est à dire le plus faible: enceinte de confinement intègre). 
     Et de toute façon, dans ce rapport, S1 est éliminé (rupture de l’enceinte donc le rejet le plus important) car:
«les accidents correspondant au terme source S1, sont de fait exclus pour des raisons physiques (impossibilité de décrire un enchaînement de phénomènes conduisant à une défaillance précoce du confinement sur des bases réalistes) 
     Reste le cas S2, pour cela, toujours dans le but de gérer au mieux les situations accidentelles, une réflexion a été menée sur les dispositions permettant d’améliorer la dernière barrière de confinement d’où les procédures Ultimes» et on est ramené au cas S3.
     Ces procédures (U1 à U5) complètent les procédures dites Hors Dimensionnement (H1 à H5). 
     Elles sont toujours en service en 2011.

Démarche Etude Complémentaire de Sûreté (ECS)
     L’ASN a demandé de «supposer la perte successive des lignes de défense, en appliquant une démarche déterministe, indépendamment de la probabilité de cette perte.», 
     EDF répond «cette démarche n’est pas bornée puisqu’elle doit être indépendante des probabilités d’occurrence, c-à-d indépendante du caractère plausible ou non à la fois des aléas retenus et de leurs conséquences sur les lignes de défense
     et conclut «A l’évidence, elle (cette démarche) conduit donc inéluctablement à des rejets importants dans l’environnement, indépendamment de leur caractère plausible ou non.». Or, justement les rejets doivent être minimisés.
     Les approches, exposées dans le préambule, sont sous-tendues par la démarche de sûreté actuelle définie dans les 1970, puis améliorée, mais reposant toujours sur les mêmes a priori:
     * EDF déclare à propos des situations à considérer:  «certaines situations n’ont, par nature, pas de parade raisonnable ni possible à mettre en œuvre, ce qui pourrait conduire à la remise en cause de l’acceptabilité des installations complètement à tort, puisque ces situations ne sont pas plausibles.». (chapitre 0 Introduction)
     * EDF a donc précisé qu’elle mènerait une démarche déterminisme, et procèderait à une  «détermination de parades éventuelles pour les situations en fonction de leur degré de vraisemblance et en tenant compte de leur caractère raisonnablement possible»
     Or c’est là un point dur: l’accident n’est jamais «plausible» ou «vraisemblable». Il se produit donc on ne peut espérer qu’une installation y résistera que, si au moins, les lignes de défenses ont été bien conçues. Il faut également bannir la notion «accident physiquement impossible», notion qui laisse croire que la maîtrise d’un accident s’appuie sur des concepts de physique. Or cette maîtrise s’appuie sur la prévention, une maintenance rigoureuse et un retour d’expérience strictement appliqué et sans délais autres que ceux nécessaires aux analyses.
     Répétons le, nous ne pouvons modéliser l’accident avant sa venue, car l’accident est souvent la superposition de petites séquences dont on n’avait pas pu prédire l’enchaînement et, si on l’avait entrevu, les parades auraient dû déjà exister: à Fukushima il semble que l’on ait quelque peu négligé l’intensité possible du séisme et le tsunami pouvant lui être associé. Mais est-ce qu’en France on utilise bien le retour d’expérience? et est-ce que parfois on ne recule pas une maintenance ou un changement pour des raisons d’obtention de kW?

suite:
Analyse des rapports EDF

SEISME:
     Au 31 juillet 2011, un certain nombre d’équipements, entre une quarantaine et une soixantaine; sont à vérifier, adapter éventuellement pour être conformes aux exigences de résistance suite à un accident du type Fukushima, c’est à dire «supposer la perte successive des lignes de défense, en appliquant une démarche déterministe, indépendamment de la probabilité de cette perte». Il s’agit ici tout d’abord de la «perte des alimentations électriques et des moyens de refroidissement», entraînée par le séisme, puis le tsunami.
    Bien que la France ne soit pas le siège d’une activité «séisme» de même type que celle du Japon, il n’en reste pas moins que cet aléa doit être étudié.
     Le niveau de dimensionnement au séisme pour un palier (900, 1.300, 1.450) est le même quelle que soit l’installation et s’appuie sur la Règle Fondamentale de sûreté 2001-01. Cette règle pour les 900 ne s’est appliquée qu’à partir de la 3ème visite décennale 
     De plus un certain nombre de défauts pouvant également affecter le bon fonctionnement d’équipements sont en cours soit d’analyses (parades non trouvées) soit en cours de mise en conformité selon des calendriers excédant les 3 à 4 ans.
     Ces retours d’écarts, nécessitant des réparations ou des changements, sont connus voire génériques (affectant les tranches d’un même palier ou même tout le parc). Les parades existent, mais les améliorations sont prévues en «temps caché», donc les programmes de mise à niveau sont exécutés en fonction des arrêts pour rechargement ou maintenance.
     Dans la liste des équipements à vérifier, il manque notamment la tenue du tube transfert entre le BR et le BK. Ce point est signalé dans la revue de sûreté pour les VD3 900 (DSR n°261). Il est également signalé sur la liste des matériels sensibles (chapitre 2-58), mais non analysé parce que, soi-disant, il fait déjà partie des programmes de visites décennales.
     Si les divers équipements IPS (Important Pour la Sûreté) sont dimensionnés séisme, il n’en reste pas moins que les effets domino sont peu étudiés. Des travaux de protection contre les séismes ont été menés pendant des années, mais à Fessenheim et Bugey, il a fallu revoir la tenue de murs en parpaings pouvant finalement «agresser un équipement IPS». 
     Il faut également s’occuper de l’appareillage de contrôle sinon, en cas d’accident grave, il sera à peu près impossible de connaître la température, la hauteur d’eau (appelée PV –protection Volumique), le niveau de radiations, etc.
     De plus, actuellement sur les installations existantes, on est en train de revoir des normes de construction datant des années 1970 notamment l’utilisation de polystyrène «pour remplir les joints inter-bâtiments. Les règles para sismiques ont évolué et recommandent  de restituer les largeurs de joints inter-bâtiments.» Ce point concerne les 900 MWé.
     Notons un point «amusant» le fameux dispositif «U5», soit le filtre à sable prôné après TMI, n’est pas dimensionné anti-séisme parce que «toutes les mesures de dimensionnement prises à la conception des installations et listées plus haut rendent très peu probable le fait qu’un séisme entraîne un accident grave nécessitant l’utilisation de ce filtre à sable». 
     De même, les bâtiments BDS devant être utilisés en cas de crise, ne sont pas dimensionnés séisme et ne sont pas prévus pour des crises longues jamais envisagées, mais Tchernobyl, puis Fukushima prouvent le contraire. C’est également le cas des bâtiments PUI (Plan d’Urgence Interne) qu’il faut concevoir pour pouvoir rester opérationnels pendant plus d’un jour...
     Quant aux MMS (moyens mobiles de secours), il convient d’en vérifier la disponibilité et de s’assurer qu’ils sont dans des bâtiments antisismiques et seraient effectivement opérationnels et mobiles sur un site désorganisé.
     Quant à leur fameuse FARN sera-t-elle capable d’aider plusieurs sites? et, a minima pourra-t-elle s’y rendre?
     EDF a pris des engagements pour le court, moyen et long terme. Mais tout repose aussi sur l’état réel des installations. Les inspections ciblées montrent qu’il y a répétition d’écarts qui peuvent conduire à l’incident. Les installations vieillissent et les maintenances deviennent lourdes. Il est d’ailleurs plus facile (toute proportion gardée) de remplacer des pièces lourdes que de suivre des milliers de robinets, de vis, de traversées, de relais, de soupapes... Les Programmes de Base de Maintenance Préventive (PBMP) et les Essais Périodiques (EP) permettent de déceler de nombreux écarts. Mais les lettres de suivi permettent aussi de se rendre compte que, entre une détection d’écart et la mise en oeuvre d’une action, il peut s’écouler du temps et ce même pour un supportage corrodé ou une simple prise défaillante.

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     INONDATION
     L’approche est très conventionnelle, tout juste nuancée par le retour d’expérience de la tempête de 1999 au Blayais.
     En ce qui concerne l’inondation, le chapitre est quasi identique quel que soit le site: il est tout juste mis entre parenthèses qu’un site fluvial n’est pas soumis aux mêmes aléas qu’un site de rivière ou de mer!
     Voici notre commentaire sur les réponses aux questions de l’ASN concernant la tenue des digues du grand Canal d’Alsace (Fessenheim), du Canal de Donzère (Tricastin) ou du canal de Provence.

FESSENHEIM
     Il est impératif de confronter les travaux menés par le CNPE et ceux menés par le Conseil Général : il est indispensable d’analyser les approches et de trouver la meilleure protection de la centrale dont la plateforme se trouve 10 m en dessous du niveau du Grand Canal d’Alsace. 
     Pour ce faire, il conviendra de choisir la solution qui est la plus pénalisante et non pas la plus «vraisemblable». 

TRICASTIN
     Le site est en dessous du niveau du canal de Donzère-Mondragon et même si des murets protecteurs existent, il y a encore à sécuriser. Il est indispensable, donc, de mener les travaux proposés par EDF et de confronter ces propositions à toutes les hypothèses et ce dans dés délais assez brefs. En effet, les aléas (pluie, crue) prennent des ampleurs peu rencontrées ces dernières années: l’histoire ne suffit plus pour dimensionner...
     D’une façon générale cet aléa «inondation» a beau être évalué avec des crues majorées, l’inondation du Blayais a montré que des phénomènes naturels peuvent changer les estimations «vraisemblables». Par ailleurs, bien que certains sites puissent être sur une plate-forme non inondée (Golfech, Saint Laurent,...) d’une part leur accès peut être très difficile (routes inondées, débris divers charriés par la crue, éboulements de terres,...) et d’autre part le réseau d’électricité alimentant le réacteur peut être défaillant (lignes déchaussées, postes inondés)
     Dans les engagements d’EDF, il est surtout question de surveiller la source froide en vérifiant que les installations électriques ne sont pas noyées, que des bâtiments importants n’ont pas les pieds dans l’eau.
     Il convient également de vérifier l’état des installations et leur capacité à répondre en cas d’incident: relève des équipes, acheminement de matériels de secours, bâtiments de repli correctement aménagés et accessibles même avec une crue hors «normes».
     La question de l’accessibilité au site pour les moyens de secours et les équipes de relève s’était posé au Blayais pendant la tempête de l’hiver 1999. La route avait été submergée. Or, à ce jour, en 2011, la route d’accès est toujours inondable.

AUTRES PHENOMENES: VENTS, PLUIES...
     Le retour d’expérience du Blayais est insuffisamment pris en compte:
     Ce sont les mêmes installations, bien sûr non dimensionnées au séisme, que l’on retrouve:
     - U5 à consolider (alimentations électriques et tuyauteries), non dimensionné pour les vents ni pour résister aux séismes: drôle d’Ultime secours!
     - Les locaux d’urgence résisteraient à des vents violents, par contre tous les bâtiments et matériels nécessaires situés hors des locaux PUI ne sont pas dimensionnés IPS.
     - Vérifier la tenue des aéroréfrigérants quand il y en a.
     - Vérifier la possibilité d’inondation de la plate-forme par ruine des réservoirs non protégés contre le séisme (réservoirs SER et SED) pour les sites de Blayais, Bugey, Chinon, Dampierre, Gravelines, Fessenheim, Saint Laurent, Cattenom, Cruas, Nogent, Paluel, Flamanville 1 et 2, Golfech, Saint Laurent, Penly.
     - Prévoir des éclairages de secours aussi bien internes qu’externes.
     - Prévoir de l’appareillage de secours et avoir des plans pour pouvoir les utiliser.
     - Vérifier la tenue des équipements de communication: antennes, câbles, informatique...
     - Ne pas oublier le risque incendie.

suite:
     Il est à remarquer que le fait d’avoir U5 (filtre et sable) non conforme est assez bizarre. Ajouter que les équipements des bâtiments ultimes secours doivent être renforcés pour qu’ils résistent aux vents, à l’inondation ou au séisme, est plutôt cocasse. Terminer par des bâches dont les supportages sont toujours à renforcer montre que l’ASN a encore beaucoup de travail pour ses inspecteurs.
     Par ailleurs, on a trop tendance à oublier le temps nécessaire pour remettre en état une installation agressée notamment  par des vents violents, combinés à une inondation: Blayais 1 est restée stoppée pendant 18 mois.

PERTE DES ALIMENTATIONS ELECTRIQUES - PERTES DES SYSTEMES DE REFROIDISSEMENT
     Il s’agit de récupérer  et ce dans des délais assez courts:
     1- le refroidissement:
     - en cuve, afin d’empêcher le découvrement des assemblages combustibles;
     - dans les piscines d’entreposage de combustibles
     et
     2 - les alimentations électriques
     Et il s’agit également d’éviter le percement de la cuve, suite au dénoyage du coeur dû à une brèche du circuit primaire. Or au niveau des joints des pompes primaires s’ils sont insuffisamment refroidis un danger subsiste.
EDF estime  en ce qui concerne les joints des pompes primaires, que:
     1- les joints toriques résisteraient à une perte de refroidissement? Mais EDF mène encore des études pour avoir des joints «à technologie améliorée»;
     Avec la nuance que, peut être, une règle de conduite suffirait pour ramener le réacteur en position de repli, ce qui peut ralentir des études déjà évoquées en fin des années 1970.
     2- l’évolution de la conduite du réacteur en «refroidissement rapide» rendrait l’injection aux joints inutile dès que la température du primaire a atteint 220°C et la pression 45 bars.
     Il reste à bien préciser cette conduite du réacteur et à en évaluer les dangers: tenue des aciers, par exemple et le document de conduite n’est pas encore rédigé.
     Par ailleurs l’alimentation en eau, indispensable pour assurer l’intégrité des circuits et des piscines n’est pas suffisamment sécurisée. Cette opération doit absolument être menée dans les délais les plus brefs.
     Certains matériels (alimentation de la bâche PTR) permettant de réalimenter en eau ne sont pas résistants au séisme. EDF envisage de le faire et cette bâche est tout de même INDISPENSABLE!!.
     La réalimentation en eau des piscines dépend de pompes non classées pour le séisme. Il faudra y remédier et en plus protéger leur alimentation électrique, sinon on ne pourra pallier le découvrement.
     Ce point avait manifestement été sous-estimé.
     En effet, les accidents envisagés ne prévoyaient pas la superposition de la perte des alimentations électriques et des moyens de refroidissement.
     Surtout il n’était pas envisagé qu’une telle situation puisse perdurer plus de 2 semaines.
     Les piscines ne sont pas bunkérisées: ce point est également à analyser sérieusement.

ACCIDENTS GRAVES
     C’est une répétition des 3 chapitres précédents avec simplement la description d’enchaînements qui, bien sûr, pourront être contenus moyennant quelques améliorations: autonomie des sources d’électricité, de l’alimentation en eau, des moyens de transmissions, d’un éclairage externe et interne, des appareils de mesures et de la transmission de leurs résultats. Reconnaissons que l’on a quelque peu négligé ce problème, car se promener dans des bâtiments sans éclairage ne doit pas faciliter la tâche. De même n’avoir pas d’instruments ne permet que difficilement des interventions pertinentes.
     Il est traité en plus le risque hydrogène dont l’accident de Fukushima a montré l’importance, bien sûr connu mais dont la gravité était minimisée.

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PROBLEMATIQUE HYDROGENE 
Bâtiment combustible: 
     Si on se borne à la radiolyse, il est clair qu’avec une bonne ventilation c’est gagné.
     Tout de même EDF envisage l’arrêt plus ou moins prolongé de la ventilation et étudiera le problème pour le rendre vraiment négligeable TANT QU’IL Y A DE LA VENTILATION.
     EDF étudie aussi «les dispositions à prendre afin de rendre robuste en toutes situations (et sans découvrement du combustible), l’instrumentation en piscine (température et niveau) pour la gestion de l’appoint». Ce qui prouve que l’instrumentation est un point faible.
Et tout en reconnaissant la production d’hydrogène importante en cas de découvrement, EDF l’écarte aussitôt :
     «Lors du phénomène physique d’oxydation des gaines, la réaction entre le zirconium des gaines et la vapeur d’eau produirait de l’hydrogène en quantité suffisamment importante pour dépasser le seuil d’inflammabilité
     Compte-tenu des moyens mis en œuvre pour éviter le découvrement des assemblages combustible, le risque de production d’hydrogène par oxydation des gaines de zirconium est écarté».
     Le retour d’expérience de Fukushima, montre qu’il est cependant possible qu’il y ait découvrement des assemblages dans les piscines d’entreposage. 

Bâtiment réacteur
Risque hydrogène:
     La question de la production d’hydrogène consécutif à un dénoyage du coeur a longtemps été niée. Des recombineurs, ont enfin été implantés à partir de 2007, mais on cherche encore la bonne place où les mettre dans l’enceinte (l’instrumentation de certains recombineurs en cours).
     Les expériences menées par l’IRSN dans le cadre du programme PHEBUS PF ont montré que ce dégagement était maximal au bout de quelques heures, en accord avec la situation de Three Mile Island (1979) où une explosion hydrogène est survenue 10 heures après le déclenchement de l’accident.
     En raison de cette occurrence, des filtres à sable ont été installés sur les tranches  du parc, afin de permettre un dégonflage de l’enceinte du BR et éviter qu’une explosion hydrogène ne fasse dépasser la pression de ruine de l’enceinte.
     Actuellement les procédures prévoient ce dégonflage 24 à 48 heures après le début de l’accident, ce qui n’est pas en rapport avec le retour d’expérience de TMI.
     Par ailleurs, il semble bien que la section des canalisations  conduisant au filtre à sable ne permettrait pas une baisse de pression suffisamment rapide dans le BR.
     En tout état de choses, peut-on vraiment écarter le découvrement des combustibles en séquence accidentelle grave? 

Rupture de l’enceinte par traversée du radier par le corium
     La simple prise en compte de cette question répond à la question précédente. La formation d’un corium est consécutive à la fusion du coeur, elle-même provoquée par son dénoyage.

Comment gérer une telle possibilité?
     1- Les 2 réacteurs de Fessenheim ont un radier épais de 1,5 m, soit les moins épais du parc et EDF doit étudier des parades:
     «Pour les 2 tranches de la centrale de Fessenheim, l’épaisseur du radier est de 1,50m de béton. Les estimations précédemment réalisées par EDF ont montré qu’avec cette épaisseur, dans ces situations très peu probables, la durée de percement serait dans les cas les plus pénalisants d’environ un jour.
     Néanmoins, compte-tenu des incertitudes sur ces estimations, EDF a engagé l’étude détaillée de l’épaississement des radiers des deux réacteurs de Fessenheim, en vue d’une première réalisation avant mi-2013 sur la tranche 1

suite:
     2- Pour les autres réacteurs 
     - En cas de percée de la cuve, le corium par interaction thermique et chimique attaque le béton du radier et cette décomposition engendre des gaz d’où une montée de pression et l’utilisation de U5 (motivation des procédures qui prévoient le dégonflage de l’enceinte au bout de 24 à 48 heures)
     - En cas de percée du radier => un apport d’eau sur le corium peut ralentir le processus
     De toute façon les études sont toujours en cours et Fukushima sera un élément de la réflexion.

Autres dangers: chimiques
     Les installations présentes sur le site, soumises à autorisation et présentant un impact éventuel sur l’intervention du personnel et l’organisation en situation de crise sont le poste d’hydrazine, les diesels de tranche, les diesels de secours et l’entreposage de leur fuel et la chaudière auxiliaire.
     Ce chapitre «accidents graves» donne une liste et une analyse des accidents dimensionnant un certain nombre de matériels, mais il manque principalement une analyse des difficultés pour accéder aux équipements de secours, difficultés qui ont été observées au Blayais en 1999. Il est clair que cette partie est plutôt dévolue à la partie «Gestion de crise», mais la conception même des bâtiments et des équipements doit intégrer ce problème. Des équipes devront en principe s’y se déplacer. 
     En cas de pertes des alimentations électriques internes et externes, il faut prévoir des moyens manuels et donc un déplacement, car le transfert d’une commande manuelle en un lieu sécurisé et sur un site aussi étendu qu’un CNPE semble utopique.
     De toute façon il existe déjà des actions qui exigent des déplacements : pose de dalots de sols, mise en route des dégrilleurs, accès aux Moyens Mobiles de Secours et déplacement des dits moyens...

Et pour terminer cette revue rapide et ciblée: les scenarii d’accidents étudiés se déroulent en général très vite de 4 à 7 jours grand maximum. Si on considère les diverses expériences, ce n’est pas le cas dans la réalité.
     Il serait préférable de considérer que le déroulement accidentel sera long et de prévoir le gréement du site en conséquence.

     Il faut aussi bien définir les dégâts extérieurs: confiner des populations au-delà de 3 à 4 jours, sera mission impossible. Quant à les évacuer, il faut prévoir les centres et les rendre vivables en un temps bref. Ceci fait aussi partie des scenarii d’accidents, car l’accès au site peut devenir quasi impossible d’où le problème de relève.
Ce sujet est plus ou moins traité en annexe 1: Organisation de crise EDF.
     Il repose pour partie sur une organisation inexistante (début de fonctionnement en 2012), la Force d’Action Rapide Nucléaire.

LES PRESTATAIRES
     EDF traite principalement «les entreprises prestataires de services» et comment les faire travailler dans de bonnes conditions. C’est effectivement un point très important. En effet, ces personnels assurent 80% des travaux : maintenance, remplacement de gros équipements (GV, Goujons de couvercle, remplacement des pièces de l’alternateur, rénovation des aéroréfrigérants, épreuve hydraulique et épreuve enceinte, CND, informatique, matériels de contrôle, ...)
     Mais est-ce bien raisonnable? Comme le souligne  l’OPECST page (108 rapport du 30 juin 2011) «Un besoin d’implication accrue des personnels
     Lors de leurs visites de différents sites nucléaires, vos rapporteurs ont tenu à ménager le temps nécessaire au dialogue avec les personnels et leurs représentants syndicaux. Ces derniers ont unanimement exprimé leur inquiétude à l’égard de la pratique de la sous-traitance. Au travers de ces entretiens, vos rapporteurs ont aussi compris que la capacité à recruter des personnels compétents constitue l’une des conditions essentielles au maintien de la sûreté des installations nucléaires. (...)

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     À cet égard, l’appel à la sous-traitance constitue un facteur de risque supplémentaire, dans la mesure où il rend plus difficile l’appréciation de l’ampleur des besoins de recrutement dans l’ensemble de la filière. Qui plus est, des sous-traitants confrontés à des difficultés de recrutement seront tentés d’y palier par la sous-traitance en cascade, voire en déléguant des personnels insuffisamment formés. Aussi, apparaît-il indispensable de mettre en place des formations initiales et continues destinées spécifiquement aux sous-traitants dans les bassins d’emploi
     Cependant la politique EDF est ce recours à la sous-traitance. Ce fait implique, donc, qu’ils doivent être encadrés, formés, suivis par la médecine du travail.
     Il est présenté beaucoup d’améliorations pour faciliter leurs diverses tâches, tant mieux. 
     À ce sujet, il conviendra de s’assurer qu’il ne s’agit pas de voeux pieux et que l’on suivra les recommandations de l’OPECST (page 110 du rapport du 30 juin 2011): «l’activité du sous-traitant, responsable du suivi qualité de ses prestations, doit faire l’objet d’un contrôle par le donneur d’ordre, ce qui ajoute un acteur, chargé du suivi du prestataire, dans l’organisation. Symétriquement, cette personne affectée au contrôle du prestataire, n’est, en principe, pas habilitée à s’adresser directement aux intervenants du sous-traitant, mais uniquement à leur chef d’équipe, chargé du pilotage du marché. Ce sont donc deux niveaux qui se rajoutent à l’organisation existante. Celle-ci s’avère donc tout à la fois plus lourde et plus sujette à erreurs, l’empilement des intermédiaires étant source d’incompréhensions
     Cette cascade ne doit pas aider les prestataires dans la réalisation de leurs tâches.
     Cependant il n’est pas question de gestion en cas d’accidents:
     - que deviennent les prestataires en phase accidentelle?
     - comment les utilise-t-on? 
     - comment les former?
     En effet, il y a toujours des prestataires sur les sites car certains contrats prévoient que l’entreprise assume la responsabilité complète du  chantier : mise en place, réalisation, vérification. Et d’autres contrats portent sur des maintenances périodiques.
     Ils peuvent être indispensables pour localiser les matériels: qu’en est-il de leur participation ?

GESTION DE CRISE
     EDF ensuite revisite la gestion de crise : PUI en interne et PPI en externe. Pour appuyer toutes ces actions pour apprendre à gérer une crise et grâce retour d’expérience de Fukushima, il est annoncé la création d’une Force d’Action Rapide Nucléaire (pdf FARN).
     En fait ce sera pour gérer l’après l’accident parce que, dans un premier temps, la gestion accidentelle reposera sur les humains, leurs connaissances et leurs aptitudes à gérer l’impossible.
     Mais que feront les personnels sur le site, sachant que les premières mesures prises sont fondamentales pour les suites de l’accident?
     Quelles seront leurs marges de manoeuvre s’il n’y a plus de salle de contrôle, s’il est impossible de sortir des bâtiments et si l’eau a tout envahi, et que les réservoirs soit d’eau, soit de fuel sont inaccessibles ou mêmes détruits.
     En principe, le personnel de conduite doit  être formé et comme en période de crise, il sera aux premières lignes, il convient de lui apprendre sur simulateur et avec des exercices à acquérir des gestes réflexes. 
     Cela dit, il faut tenir compte du fait qu’un incident, même minime entraîne un stress certain et que de surcroît les fiches de conduite ne traitent pas forcément de l’incident qui est en train de se dérouler. Et même si la consigne est de savoir stopper le réacteur et le ramener à l’état froid, cela peut s’avérer très difficile  et d’autant plus angoissant que cet avatar s’éternise. 
     À Fukushima, ce fut certainement un des points durs et l’on aura intérêt à bien l’étudier.

suite:
     EDF conclut sa synthèse sur l’organisation de la crise en ces termes:
     «La gestion de crise est l'ensemble des modes d'organisation, des techniques et des moyens qui permettent à une organisation de se préparer et de faire face à la survenance d'une crise puis de tirer les enseignements de l'évènement pour améliorer les procédures et les structures dans une vision prospective.
     Pour faire face à ces types d’agressions et au titre de la législation, l’exploitant a mis en place une réponse organisationnelle pour gérer l’événement.
     L’organisation de crise est suffisamment robuste et «tout terrain» afin qu’en présence d’événement non prédictible, ne rentrant pas dans un schéma préétabli en termes d’aléa et de critères de déclenchement, le site puisse mettre en œuvre l’organisation PUI en l’adaptant autant que de besoin en fonction de l’agression potentielle ou réelle
     D’une part, la définition est un peu optimiste, mais la conclusion l’est encore plus: chaque exercice montre des failles (souvent répétitives), mais gérer une situation accidentelle nécessitera beaucoup d’adaptation à des conditions «non prévues».
 
RELEVÉ DE CONCLUSIONS - DEUXIEME PARTIE
AREVA et CEA
Analyse des rapports AREVA


Site du TRICASTIN
     Le site est très vaste: il comporte non seulement toutes les installations de préparation de l’uranium, d’enrichissement de cet uranium sous forme gazeuse, mais aussi une entreprise traitant des effluents et un CNPE, voisin fournissant l’électricité.

REMARQUE
     Pour l’aléa sismique, il n’y a pas de marge sur les bâtiments anciens et pas de moyens pour les rendre fiables. 
     D’ores et déjà il est prévu de remplacer l’usine d’enrichissement (Georges Besse d’EURODIF) par l’usine Georges Besse II moderne et construite avec les nouveaux critères antisismiques. 
    De même l’usine de conversion COMURHEX Pierrelatte sera remplacée par l’usine COMURHEX II. 
     Ces deux constructions sont donc sous le référentiel séisme RFS 2001-02.
     AREVA fait reposer la sûreté de ses installations sur la mutualisation des efforts avec EDF. Il faut cependant que chaque installation ait ses propres défenses, car en cas de problèmes généralisés sur le site, les secours risqueraient d’être insuffisants.
     De plus prévoir un regroupement de certains moyens sur un site plus ou moins voisin parce que tel ou tel accident n’est pas plausible peut n’être pas pertinent.

Et pour finir AREVA s’engage:
     «L’ensemble des analyses effectuées a permis d’identifier des actions qui seront réalisées en vue de limiter les risques liés à l’occurrence d’agressions naturelles, y compris extrêmes, à savoir:
     * la poursuite des programmes de remplacement des usines de conversion et d’enrichissement actuelles,
     * la continuation de l’étude de renouvellement du stockage d’acide fluorhydrique lié à l’atelier de défluoration,
     * l’évaluation du comportement sous séisme de la zone d’émission de l’atelier de défluoration et de l’atelier de fabrication du fluor,
     * l’étude de la disponibilité des moyens d’alerte et de communication,
     * l’étude de l’amélioration des moyens de mitigation de rejets gazeux accidentels

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REMARQUE  sur Tricastin: L’analyse d’incendies interne et externe pouvant compliquer sérieusement la lutte contre les conséquences d’un accident est insuffisamment étudiée.
     Par ailleurs, en dehors des installations (COMURHEX II et Georges Besse II) qui sont déjà programmés et qui vont  remplacer des installations non conformes, les calendriers pour toutes les autres améliorations sont très flous.

Site LA HAGUE
     La présentation générale appelle les remarques suivantes

REMARQUE 1:
     AREVA – La Hague est dévolue au retraitement. Il comporte également quelques installations en démantèlement, des installations de conditionnement des déchets, des installations d’entreposage de ces déchets, des silos pour les déchets vitrifiés, des piscines d’entreposage de combustibles irradiés.
     AREVA a, comme pour les autres sites, précisé que le retour d’expérience de Fukushima ne s’applique pas de façon immédiate. Cependant si la réaction nucléaire n’est pas utilisée dans les procédés, elle est un danger présent dans tous les entreposages (plutonium notamment)
     En effet AREVA rappelle:
     «Dans le cycle du combustible, il n’est jamais fait usage de la réaction nucléaire: les règles de sûreté-criticité impliquent l’existence de deux défaillances indépendantes pour envisager l’apparition éventuelle d’une réaction critique (...). Un tel accident de criticité, même si ces effets locaux peuvent être très graves pour les travailleurs concernés, ne peut avoir que des effets très locaux, à l’échelle d’une pièce ou d’une installation.
     L’accident de criticité est donc d’abord dans le cadre de cette étude une source potentielle d’effets dominos (agression d’une activité voisine ou d’une fonction de confinement) et un obstacle complémentaire à la gestion d’une situation d’accident grave (accessibilité réduite)

REMARQUE 2:
     AREVA affirme que l’arrêt de l’alimentation suffit, quasiment dans tous les cas, pour arriver à un état de repli. Cette affirmation est quelque peu optimiste.
     Il faut tout de même prévoir des diesels de secours pour alimenter «les installations  nécessitant des fonctions actives à long terme.» Il y a de plus des installations qui ont besoin de refroidissement permanent et cette affirmation «L’état de repli sûr des installations repose très souvent sur des dispositions totalement passives, les enjeux d’évacuation d’une puissance thermique résiduelle n’étant présents qu’à l’aval du cycle du combustible.» ne s’applique sûrement pas aux piscines d’entreposage, même si le temps d’intervention est plus favorable que pour une piscine d’entreposage de réacteur.

REMARQUE 3:
     Certainement le phénomène de dénoyage sera moins rapide que pour un réacteur. 
     Cependant: ce qui est certain ou à tout le moins probable, c’est qu’en cas d’arrêt de la ventilation, il faudrait vérifier que l’accumulation d’hydrogène n’entraînera pas une explosion hydrogène.
     Par ailleurs l’arrêt des pompes d’alimentation en eau risque de conduire à un dénoyage des piscines d’entreposage et éventuellement à un dégagement d’hydrogène bien plus rapide et important que celui dû à la radiolyse.

suite:
REMARQUE 4:
     Le retour d’expérience de Fukushima doit conduire à une révision des plans PUI et PPI. En effet, le PPI repose sur des études des années 1970 en ce qui concerne les zones d’évacuation et de confinement ainsi que de la zone de distribution d’iode stable. Il faudra inclure des réflexions sur le «post–accidentel». En général, il a été pris en compte un accident se déroulant sur un temps court (24h) permettant un retour à la normale assez rapide (dépendant d’un terme source «réaliste»). Or Fukushima, malgré des efforts énormes, n’est pas terminé en novembre 2011 soit 8 mois...
     Il convient de se rappeler que les inventaires radiologique (composés solides et liquides) et chimiques sont impressionnants.

Protection SEISME
     - Piscines
     Elles ont été soumises à un réexamen de sûreté, il est donc affirmé «Les Structures, Systèmes et Composants Clés assurant les fonctions de refroidissement et de confinement présentent un niveau de robustesse homogène ou supérieur au niveau minimal des bâtiments de Génie-Civil installations
     Mais il s’agit de bâtiments non bunkérisés dont il convient d’étudier plus à fond la tenue. De plus il faut s’assurer qu’une vidange rapide sera toujours contenue.

     - Autres installations
     Il convient maintenant de mettre en œuvre rapidement les améliorations nécessaires si elles ne sont que planifiées.
     Pour les installations construites lors de la deuxième moitié des années 1990, bien que la méthodologie ait évolué, il faudrait tenir compte des derniers développements en matière de séisme.

Et pour conclure
    REMARQUE 5
    AREVA annonce une échéance vers 2030 pour reconditionner les déchets accumulés sur le site. Cette échéance est lointaine, même si AREVA prévoit «les moyens de remédiations dans les projets de RCD»
     En effet, il est apparu dès le début des années 1990 que des silos, des cuves sans fond étaient présents sur le site: la DSIN (ASN maintenant) avait conditionné le démarrage de UP3 à un plan de reprises des déchets. Cette demande reformulée en 2000 n’est toujours pas satisfaite...
     Quant à l’explosion hydrogène, AREVA signale seulement que «les ‘structures, systèmes et composants clés’ contribuant à la réalisation des fonctions de confinement des matières, de leur refroidissement et de dilution d’hydrogène de radiolyse mis en place à la conception pour prévenir les risques associés ont été identifiés
     «Identifiés»  ne va pas suffire à garantir leur tenue.
     Par contre, en cas de perte totale des sources électriques et donc des possibilités de dilution de l’hydrogène, on pourrait aboutir à un accident grave.
     AREVA réalisera une étude complémentaire sur «l’amélioration de la méthode d’évaluation des risques d’explosion d’hydrogène de radiolyse
     Dommage qu’il n’y ait pas de calendrier.
     En définitive, tout est décrit, tout est en référentiel, mais le calendrier est très flou.
     De plus, on n’a pas vu apparaître la prise en compte d’un effet «domino» notamment dû à un incendie interne ou externe.
     Certes le site ne sera pas la proie d’un tsunami, mais par contre une tempête dévastatrice est tout à fait possible. Et la possibilité d’une explosion hydrogène ne peut pas être écartée.

p.10


USINE MELOX
REMARQUE 1
     Moyens de crise. Notons qu’il s’agit de «valider les solutions identifiées et d’en proposer éventuellement d’autres ainsi qu’un planning de mise en œuvre.». Cet inventaire de dispositifs supplémentaires (organisation, moyens techniques,(...) n’est pas validé (!!) parce que jusqu’à maintenant les diverses installations s’appuyaient sur «ceux présents en interne sur l’établissement». 
     Est-il raisonnable de les «mutualiser»?
     Le rapport indique que: «un moyen dont la mise en œuvre est nécessaire sous un délai de 48 heures serait préférentiellement localisé sur l’établissement et qu’à contrario, pour un besoin au-delà de ce délai de 48 heures, il pourrait être acheminé à partir d’un autre site
     Mais supputer qu’au-delà de 48h ils pourront être acheminés nous semble irréaliste.
     Les accidents ne se plient pas aux modélisations: ils sont imprévisibles, invraisemblables car sinon on pourrait les éviter. 

Et pour conclure
REMARQUE 2
     En ce qui concerne «la perte des sources électriques et des sources froides», une étude est en cours pour vérifier l’évolution des températures et visant à justifier «l'allongement des délais d'apparition des phénomènes physiques associés».
     Il n’est pas question d’incendie externe ou interne. Il est supposé que si un accident se produit sur le site de Marcoule et si tous les moyens extérieurs étaient déjà mobilisés, MELOX pourrait quand même mettre son établissement en position de repli.
     Cette analyse doit être confortée par des études ciblées. En effet il est clair «l’évaluation complémentaire qui a été menée sur le site de MELOX conclut globalement à une bonne robustesse de l’installation face aux agressions envisagées.» Les actions de progrès envisagées doivent être menées dans un futur proche, car elles sont importantes:
     «Certaines améliorations visant à renforcer la capacité de gestion dans la durée d’une situation accidentelle aggravée ont toutefois été identifiées. Celles-ci consistent essentiellement en une dotation complémentaire de moyens légers d’intervention, de moyens de communication et une mobilisation des personnels en renfort alterné

FBFC ROMANS
     Cette usine produit des assemblages combustible.
REMARQUE
     Il aura fallu Fukushima pour que FBFC Romans lance enfin son étude de gestion de crise.
     Cette installation doit se doter de moyens d’intervention, de matériels de protection et de matériels de surveillance; Il est encore prévu une mutualisation de moyens entre les sites AREVA.
     Mais les travaux pour le centre de crise ou la salle de repli devraient être rapidement réalisés.
     De toute façon tout cet inventaire de besoins n’est qu’une première liste et elle sera examinée dans une phase ultérieure.
     Dommage qu’il manque un véritable calendrier notamment pour les moyens de gestion de crise au plan humain, matériels et organisationnel.
     Et pour conclure cet examen
     Après analyse de 2 accidents (fuite UF6 chaud et perte de l’HF concentré), il a été constaté le manque de mise à niveau de la tenue des installations. Cette mise à niveau n’est pas encore terminée pour le séisme.      De même l’organisation de crise doit être améliorée. Il est aussi évident qu’on ne prend pas assez en compte un état dégradé par un incendie avec en prime une tempête.
     Il est d’ailleurs statué: «Il peut donc en résulter des difficultés dans la mise en place des moyens normalement prévus dans le PUI, en cas de cumul d’une situation post-séisme et de situations accidentelles supplémentaires.
     De façon plus fine, l’analyse a permis d’identifier un certain nombre d’actions qui seront réalisées afin d’améliorer encore le niveau de sûreté de l’installation notamment dans des situations extrêmes» 

suite:
     Et surtout, il est toujours signalé à propos de la gestion des crises en situation «post séisme»:
     «(...) Ce dernier point de l’analyse a montré une bonne adaptation de la gestion de crise prévue au niveau du PUI vis-à-vis des situations redoutées hors dimensionnement étudiées du fait que ces situations sont du même type que certains accidents envisagés dans le PUI. En revanche, les moyens humains, matériels et plus largement l’organisation, prévus pour la gestion des situations de crise, risquent d’être affectés par un séisme.»
     Dont acte. Mais il manque encore la décision.
 

Analyse des rapports CEA
ATPu
     Cette installation n’est pas conçue pour résister à  un séisme et de plus sa conception date de 1959.  Elle a été «conçue pour la production des éléments combustibles à base de plutonium. Le CEA a confié, depuis 1991, l’exploitation technique du CFCa à AREVA NC (à l’époque, COGEMA - Compagnie Générale des Matières Nucléaires).
     Les derniers crayons de combustibles ont été fabriqués en 2003.»
     L’installation est dans «la phase de Cessation Définitive d’Exploitation (CDE) et ce depuis 2003. Et actuellement: À fin juin 2011, 156 équipements ont été démantelés et 169 restent encore à démanteler, et ceci d’ici mi- 2013
     Il convient de finaliser au plus vite les opérations d’évacuation des matières radioactives et ce selon les engagements CEA, encore en évaluation: «La disposition essentielle confirmée par cette évaluation complémentaire de sûreté consiste, à défaut de pouvoir consolider les bâtiments de l’installation en démantèlement, à finaliser, dans les meilleurs délais, les opérations d’évacuation de matières radioactives présentes et le démantèlement de l’ATPu

MASURCA
     Cette installation est actuellement à l’arrêt, mais le CEA voudrait la redémarrer en 2017. En conséquence il présente "l’avenir" de MASURCA.
     De toute façon MASURCA ne répond pas aux critères de la RFS 2001-01 et c’est pourquoi le CEA s’engage dès maintenant sur une série de modifications  permettant «d’apporter en termes de résistance des composants, de renforcement de l’indépendance entre les différents niveaux de défense de l’installation ou de gestion de l’accident
     La décision avait déjà été prise de construire un nouveau bâtiment répondant aux normes RFS 2001-01 et ce pour entreposer les éléments fissiles et le sodium provenant de MASURCA. Ce nouveau bâtiment devrait être disponible en 2017.
     Et le CEA s'engage sur un programme sur lequel il serait opportun d’avoir des dates plus précises, d’autant plus que Masurca devrait redémarrer en 2017. De toute façon cette installation «rénovée» devra répondre aux normes «post Fukushima».

OSIRIS
     Osiris «un réacteur de recherche de type piscine à cœur ouvert, où l’eau légère joue le rôle de modérateur, de caloporteur et de protection biologique. Il utilise un combustible à plaques de type siliciure (plaques d’U3Si2Al gainées d’aluminium, l’uranium est enrichi à moins de 20% en 235U). Sa puissance nominale est de 70 MW thermiques
     Ce réacteur a divergé en 1966.  Il atteint ses 45 ans. 
     Il est jumeau d’une maquette «Isis» de 0,7 MW thermiques
    Son arrêt était programmé pour 2011/2012.
     Cependant comme la construction du réacteur Jules Horowitz (voir ci-dessous) ne sera pas terminée avant 2017, Osiris a subi des rénovations pour être prolongé suite à sa visite type décennale de 2009.
     Il faudra donc le surveiller, pour l’amener à un niveau de sûreté maximal.

p.11

PHENIX
     Phénix est arrêté, en Mise à l’Arrêt (MAD). 
     Son dossier de Mise à l’Arrêt Définitif et de Démantèlement (MAD-Dem) est en cours d’instruction et les opérations devraient commencer fin 2013, si le décret de MAD-Dem est signé. 
     Deux étapes importantes pour la réduction des risques radiologiques et toxiques sont programmées:
     «- 2017: fin du déchargement des éléments du cœur (évacuation de plus de 99% de la radioactivité contenue dans l’installation)
    - 2023: fin du traitement du sodium coulable (traitement de plus de 99% du sodium présent dans l’installation).»
     Le démantèlement a commencé dès 2009, pour réduire les risques: évacuation des substances dangereuses excédentaires, aménagements de locaux...

Moyens de gestion des accidents graves:
     Bien évidemment la crise serait gérée par les moyens humains et de communication mis en œuvre au titre du PUI du centre de Marcoule.
     «Du point de vue technique, la gestion des différentes situations à risque d’effet falaise ne demande pas la réalisation de manœuvre significative de l’installation. Les principaux moyens à mettre en œuvre sont relatifs à:
     - moyens de lutte contre les inondations,
     - moyens de lutte contre les feux de sodium, »
     - moyen de lutte l’incendie tout simplement qui pourrait déclencher une catastrophe
     Mais il faut tout de même que Phénix soit autonome au plan conduite et mise en repli de l’installation.

suite:
REACTEUR JULES HOROWITZ ou RJH
     Le Commissariat à l’énergie atomique a été autorisé à créer cette installation par décret n° 2009-1219 du 12-10- 2009.
     Le RJH est en construction et l’exercice ECS a permis «d’identifier que le dimensionnement tel que prévu comporte un ensemble de marges intrinsèques permettant d’ores et déjà de supporter des situations plus critiques que celles induites par les évènements inclus dans le dimensionnement.»
     Le bilan de l’exercice ECS sera positif puisqu’il aura permis de mettre en évidence le besoin de points d’amélioration.
     Le CEA en donne la liste. Elle devrait être prise en compte pour le démarrage du réacteur prévu en 2016.
     Ce réacteur est destiné à remplacer OSIRIS pour ma production des radioéléments à usage médical, machine qui date de 1966 et qui aurait dû être stoppé en 2012.
 

CONCLUSION GÉNÉRALE


     L’analyse de tous les dossiers et la lecture des lettres de suivi nous conduisent à une constatation mitigée.
     Certes les réacteurs subissent des maintenances, des mises à niveau, mais les inspections révèlent les faiblesses de ces actions : supportages corrodés, fiches explicatives mal rédigées, interventions sur des capteurs non réalisées, tenue de murets protecteurs non qualifiée, radioprotection mal gérée...
     Comme par ailleurs des équipements (réservoirs d’eau de secours, instrumentations, matériels de transmissions,...) ne sont pas suffisamment robustes pour résister à des situations exceptionnelles (vents, crues...) les divers exploitants  se sont effectivement engagés à remédier à ces insuffisances.
     Ajoutons un point qui nous semble cocasse: certains équipements de secours s’avèrent être moins robustes que ceux qu’ils sont censés secourir, par exemple le matériel de la procédure U5!!!

 p.12

Rapport d'évaluation complémentaire de sûreté pour Fessenheim
Bien la présentation, Zéro le contenu
Jean Marie BROM –sept 2011
 

     Les fameux rapports d'évaluations complémentaires de sûreté ont été mis en ligne (en consultation uniquement...) par l'Autorité de Sûreté Nucléaire. Quelque 7.000 pages, mais on aurait pu épargner quelques arbres: toutes les parties généralistes (sur les règlements, les méthodologies, les modes de calcul, les probabilités, soit près de la moitié) ne sont que des copiés-collés d'un rapport à l'autre...
     Disons de suite qu'il s'agit d'une auto-évaluation, et on aura compris le but de l'exercice...
     Après une lecture rapide (394 pages pour le seul rapport de Fessenheim) la conclusion est claire: en fait de "stress-tests", il ne s'agit en rien de résultats de tests, et le seul stress est celui qu'ont dû éprouver les écrivains d'EDF pour rendre leur copie dans les temps... Ces fameux rapports ne sont qu'une compilation des "dossiers de sûreté" de chaque centrale, dossiers réactualisés à l'occasion des visites décennales de réacteurs, ou lors de modifications de règles de sûreté (à l'occasion de l'inondation du Blayais, par exemple). Tous éléments qui devraient déjà être connus de l'ASN, pour autant que cette "autorité" fasse son travail et suive l'histoire (et les évolutions...) de chaque centrale.
     Rien d'original, donc. Rien de rassurant non plus. À l’évidence, en 2010, la centrale de Fukushima aurait pu rendre ce genre de rapport et démontrer ainsi sa sûreté absolue.
     Et c'est bien normal: en quelques mois, il était impossible de conclure de nouvelles études, de nouvelles simulations, de simplement imaginer que l'improbable pouvait se produire... On a donc dû faire du neuf avec du vieux, reprendre les mêmes conclusions, avec une langue de bois pseudo-scientifique à la sauce 2011.
     Mais ces rapports, qui décrivent l'ensemble des procédures et les matériels destinés à répondre à des cas critiques, montrent que l'on a eu bien de la chance qu'il n'y ait eu "que" 5 fusions de coeur dans l'histoire (Three Mile Island, Tchernobyl et les 3 réacteurs de Fukushima). Rappelons que les études probabilistes faites en 1975 (et qui sont la base des études de sûreté des centrales nucléaires) prévoyaient une probabilité de fusion de cœur de 1/7.000 par réacteur et par an.
     Mais ce qui est bien plus grave est que ces rapports ne répondent même pas au cahier des charges de l'ASN: dans son cahier des charges, l'ASN est claire: "l'approche doit être essentiellement déterministe" autrement dit: quelle que soit la probabilité d'un évènement, cet évènement doit être pris en compte. Et pourtant, sur le point du séisme, l'approche probabiliste n'est pas remise en cause...
     On doit rester, pour cette partie, à la même question: si la centrale (du moins le réacteur 1) correspond bien aux normes de 2001 (la fameuse RFS 2001), rien ne permet de valider cette norme au regard de l'évolution de la sismologie et de la connaissance des terrains. Le réacteur 2, quant à lui, correspond encore aux normes de 1985, mais est en cours de remise aux normes... de 2001... 
suite:
     Mais ce n'est pas tout: l'ASN a spécifiquement exigé d'étudier "les conséquences de la rupture des digues du Grand Canal d'Alsace à proximité de Fessenheim".  Rien de tel dans le rapport rendu ce jour par EDF! Et c'est – presque – normal: pour un réacteur situé 13m en contrebas d'un canal avec un débit de près de 1.000 m3/sec, il n'est pas besoin de longues études pour deviner la suite...

Quelques perles glanées dans ce rapport: 
     - Si l'ensemble des systèmes de refroidissement (normaux et de secours) étaient défaillants et que le courant vienne à manquer, "l'entrée en accident avec fusion de cœur serait de quelques heures". On pouvait s'en douter....
     - Et si cela arrivait, le confinement assuré par le bâtiment réacteur apporte "une autonomie de un à trois jours". Merci pour la précision...
     - Et la suite? "Au-delà de cette autonomie, ces rejets resteraient très inférieurs à ceux enregistrés à Fukushima..". Nous voici rassurés par la science...
     - Sur la perte de tout système d'alimentation électrique (ligne électrique, diesels de secours...):
     EDF prévoit la "mise en place d'un Diesel Supplémentaire d'Ultime Secours (DUS), robuste aux inondations et séismes...". Et pourquoi pas deux?
     De toute façon, il n'y a pas à s'inquiéter, les études et travaux d'amélioration devraient se poursuivre "au-delà de 2020". Pourvu que rien n'arrive avant....
     - Concernant les séismes, EDF va étudier pour 2015 (!) "un séisme susceptible d'entraîner plusieurs ruptures de barrages [initiant la fameuse vague de débordement de la digue, Note JMB] pour confirmer que les protections du site sont suffisantes". C'est effectivement plus rassurant si les conclusions de l'étude sont tirées 5 ans avant l'étude... Quant à une nouvelle étude sismique, il n'en est pas question...
     - "Un autre point à réexaminer concernant le risque de perte des alimentations électriques ou de système de refroidissement pour les réacteurs: ce point sur le site de Fessenheim n’entraîne pas d’analyse complémentaire (sic)" (chapitre 5, page 35). Puisqu'on vous le dit... Comprend qui pourra...
     - Et l'on trouve la même phrase obscure concernant les piscines de combustibles...
     - À propos du percement du radier (plancher de la centrale) par un corium (magma de combustible fondu) : "les études d’EDF (?) ont montré que (..) dans ces situations très peu probables [ah... le déterminisme voulu par l'ASN...] la durée de percement serait d'environ un jour". Mais jusqu'à présent, il avait toujours été dit qu'une fusion de cœur était impossible. La preuve: il n'est pas prévu de récupérateur de corium... 
     - Mais plus loin: "la percée du radier interviendrait au-delà de deux jours, une fois réalisé mi-2013 en tranche 1 son épaississement". La nappe phréatique d'Alsace aura deux jours de répit, mais seulement après 2013, et pas pour la tranche 2...

Commentaire Gazette:
Analyse réalisée sur écran; ce n'est pas si mal.

p.13


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