La G@zette Nucléaire sur le Net! 
G@zette N°253
NUMERO DEDIE A PIERRE SAMUEL,
cofondateur de la GAZETTE NUCLEAIRE

LES CLI ET LA SURVEILLANCE DE L'ENVIRONNEMENT
Monique Sené
Colloque APEL (ANCLI-IRSN)
 

La surveillance de l'environnement autour des sites nucléaires est un enjeu majeur pour les CLI.

     En effet, cette connaissance permet d'émettre un avis sur le marquage de l'installation sur son environnement immédiat et plus lointain (pollution de sa source d'eau froide –rivière, fleuves ou mer).
     De cette surveillance, il est possible par modélisation de remonter à une estimation d'impact sanitaire. Comment peut-on procéder? Schématiquement, et en fonction du marquage:
     Marquage radioactif: Pour la contamination interne, il faut évaluer les transferts à la chaîne alimentaire (faune, végétaux, sols, eaux, ...), puis in fine à l'être humain. Pour l'irradiation externe, il faut évaluer une dose d'irradiation prenant en compte les temps de séjour, mais aussi les rayonnements émis.
     Marquage chimique: La problématique est la même. A partir de rejets, il faut calculer les transferts à toute la chaîne: eau, sédiments, sols, faune, flore,...
     Et les mesures effectuées dans l'environnement restent indispensables à la modélisation: calage des modèles tant chimiques que radioactifs.
     Les populations riveraines demandent que les mesures et leur interprétation ne relèvent pas seulement des exploitants et des contrôleurs (ASN et IRSN). Les CLI  et l'ANCLI qui mutualise les expériences, doivent donc s'associer à des campagnes réglementaires de mesures ou bien définir un plan de mesures complémentaires. La loi leur en donne la possibilité: il convient de mettre sur pied la méthodologie pour réaliser de telles campagnes de mesures.

Quelles surveillances existe-t-il?

     1-SURVEILLANCE REGLEMENTAIRE
     - Les cadres réglementaires
     * mondial: AIEA édicte des recommandations (transport, radioprotection, sûreté,...), UNSCEAR, CIPR;
     * européen: le traité Euratom en ses articles 35, 36, 37 relatif à la surveillance des installations, à son organisation et aux modalités de communications des données.
     * français: la loi TSN (juin 2006) 
     - intègre les grands principes en matière de protection de l'environnement (prévention, précaution, pollueur-payeur et information du public);
     - réaffirme le principe fondamental de responsabilité première de l'exploitant;
     - crée l'Autorité de Sûreté;
     - précise les conditions de transparence: base légale pour les CLI, création du Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité nucléaire, droit d'accès du public aux informations détenues par les exploitants sur la sûreté des installations et la radioprotection;
     - L'organisation française
     * surveillance de proximité assurée par les exploitants au titre de leurs autorisations de rejets:
     - loi TSN n°2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire;
     - décret d'application n°2007-1557 du 2 novembre 2007;
     L'exploitant assure une surveillance selon ses autorisations (Demande d'Arrêté de Rejets et de Prélèvements d'Eau – DARPE qui aboutit à un décret d'autorisation de rejets et prélèvements d'eau) sur le site et à proximité dont les résultats sont consignés dans des registres. Les CLI sont consultées lors de l'enquête publique;
     L'exploitant peut assurer une surveillance "complémentaire" à son initiative (ou sur demande). Elle vise à détecter et caractériser des contaminations résultant d'incidents. Tous les 10 ans un bilan environnemental est réalisé par chaque site, par l'exploitant ou un laboratoire agréé;
suite:
     * surveillance d'ensemble du territoire métropolitain et outre-mer exercée par l'IRSN (décret n°222-254 du 2 février 2002);
     * réseau national de mesures de la radioactivité dans l'environnement:
     - code de la santé publique (Art. R1333-11 et R1333-11-1)
-décision homologuée par ASN n°2008-DC-0099 du 29 avril 2008: nomination des membres du Copil et de la commission d'agréments des laboratoires. Des associations font partie du Copil. Il y a encore à apprendre à communiquer et à savoir répondre aux questions. Ce réseau sera ouvert au public en janvier 2010...
     L'ASN prend des décisions suite au DARPE et contrôle le respect des dites prescriptions par des inspections et un suivi des registres. L'ASN délivre les agréments aux laboratoires effectuants des mesures dans l'environnement. L'ASN contrôle toutes les installations nucléaires de base ainsi que des installations de recherche et les installations hospitalières utilisant des rayonnements ionisants
     L'IRSN apporte son appui pour l'examen des DARPE et assure la coordination d'une surveillance radiologique du territoire. 
     * réseaux de télémesure:
     - air: TELERAY(mesure le débit de dose gamma en continu) est formé de 180 balises (métropole et outre-mer) et transmis en temps réel en salle de télésurveillance
       SARA (mesures alpha et bêta) est formé de 13 balises;
     - eau: Hydroteleray surveille les fleuves 
     Téléhydro surveille les eaux usées des grandes villes;
     * réseaux de prélèvement: échantillons d'air, eaux, sols, flore et faune;
     * réseaux d'observatoires OPERA: 34 stations d'Observatoire Permanent de la Radioactivité: suivi de la radioactivité naturelle et artificielle;
     Il existe également d'autres réseaux:
     Milieu marin: "Les milieux aquatiques (marin et dulçaquicole) bénéficient de réseaux de surveillance mis en place par des organismes de l'état. Pour le milieu marin, c'est l'Institut français pour la recherche et l'exploitation de la mer (IFREMER) qui pilote pour le Ministère de l'environnement trois grands réseaux qui sont le RNO (Réseau national d'observation de la qualité du milieu marin), le REMI (Réseau de surveillance microbiologique) et le REPHY (Réseau de surveillance phytoplanctonique). Pour le milieu dulçaquicole, ce sont les Agences de l'eau qui pilote pour le Ministère de l'environnement le RNB (Réseau national de bassin)". (communication JC Amiard –CS de l'ANCLI);
     Eaux douces: 
     - réseau national de Bassin (RNB) suivi par les Agences de Bassin;
     - Réseau des eaux potables: la maîtrise en revient aux services Santé-environnement des DDASS;
     - Réseau national des données sur l'eau qui permet de donner par exemple la qualité des cours d'eau, l'inventaire des rejets industriels, ...
     Sols: BASIAS inventaire des anciens sites industriels et activité de services;
     BASOL inventaire des sites et sol potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif
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     Atmosphère: réseaux de surveillance de la qualité de l'air. Les acteurs sont:
     - l'ADEME (Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) assure la coordination nationale et gère la Base de Données de Qualité de l'Air (BDQA);
     - Le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l'Air (LCSQA)
     - La Fédération des Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air regroupe 38 associations.
     Il existe des grands projets de recherche sur les bassins des fleuves (communication de B. Caussade CS de l'ANCLI) qui peuvent aboutir à la mise en place de réseaux: 
     - la Seine et son estuaire (pollution agricole, pollution industrielle, ...),
     - le Rhône (divers projets vont étudier sa pollution et les transferts)
     - La Garonne
     - La Loire (plan Loire Grandeur Nature, ...)
     La plupart de ces plans de recherches s'étendent sur des dizaines d'années et sont refondus en fonction des résultats.
     Le cadre réglementaire est fort alléchant. Reste qu'il est mis en place pour vérifier le fonctionnement d'une installation et qu'elle ne sort pas de ses rails.
     Par contre pour calculer un impact, il faut des mesures plus fines, un plan de mesures plus important et avoir des séries pour pouvoir estimer une tendance. Les mesures réglementaires ne sont pas adaptées aux demandes des riverains. 

     2- QUE PEUVENT FAIRE LES CLI? QUE DOIVENT FAIRE LES CLI?
     Possibilités:
     Leurs possibilités d'action et ce qu'elles doivent faire sont régis par la loi TSN et par le décret de mars 2008.
     Cadre réglementaire:
     Les CLI sont obligatoirement consultées dans le cadre des procédures suivantes:
     - Autorisation de création d'une INB (Wikipedia)
     - Autorisation de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement d'une installation
     - Elaborations des prescriptions de l'ASN encadrant les prélèvements d'eau, les rejets (radioactifs et chimiques) dans l'environnement et les autres nuisances (sonores, transports, ...)
     La consultation se fait dans un laps de temps donné et sur la base du dossier de l'exploitant.
     Les CLI se sont déjà confrontées à cette problématique : les dossiers étaient payants et le temps d'analyse  celui de l'enquête publique (1 mois à 1 mois et demi).
     Or, pour pouvoir analyser le dossier, il faut plus de temps et surtout il faut l'intégralité du dossier (avis IRSN, avis ASN, avis des divers services - Agence de l'eau, DASS, ...).
     Si la CLI fournit une analyse apportant un nombre de questions important: elle ne peut donner un avis, sans réponses de la part de son interlocuteur et divers services. D'ailleurs peut-elle donner un avis? Elle peut et doit poser des questions et par ce biais obtenir éventuellement, des modifications du dossier. De toute façon c'est l'ASN qui est seul juge in fine et la CLI peut juste apporter un avis local. Il n'est, d'ailleurs, pas cohérent que les réponses émanent du seul exploitant: expérience vécue lors du dossier de démantèlement de l'atelier Haute Activité Oxyde à l'usine d'AREVA NC.  Et expérience vécue par tous ceux qui ont participé à l'analyse d'un dossier d'enquête publique.
     Cadre complémentaire:
     Par l'article 22 de la loi TSN la CLI:
     - V: "peut faire réaliser des expertises, y compris des enquêtes épidémiologiques, et faire procéder à toute mesure ou analyse dans l'environnement relative aux émissions ou rejets des installations du site"
     Santé:
     - La CLI du Tricastin (CIGEET) a piloté la mise en route d'une étude de santé (épidémiologie descriptive). Selon les résultats, il sera envisagé de faire une étude plus ciblée (environ 10 fois plus chère)
     - La CLI de Soulaines a aussi lancé ce type d'études;
D'autres CLI y songent, mais il faut tester la méthode avant de lancer trop d'études. 

suite:
     Environnement:
     - la CLS de Fessenheim a fait procéder à une étude lors de la 1ere et de la 2eme décennale par la CRIIRAD: il n'a pas été possible d'accéder au site.
     - SEIVA a fait procéder à des études sur les rejets tritium par la CRIIRAD, par l'Observatoire mycologique de Bourgogne (histoire par les lichens), par l'IRSN (modélisation de la diffusion gazeuse du tritium par l'analyse de feuilles de chênes). Elle fait un suivi des rejets (tritium et autres radionucléides) et ce depuis 1996.
     - la Cli du Blayais a fait procéder à une étude radioécologique en 2001 par la CRIIRAD qui n'a pas eu accès au site;
     - La CLI de Golfech fait faire des mesures par le laboratoire départemental;
     - La CLI de Cadarache a fait procéder à un état des lieux en 2008: la CRIIRAD n'a pas pu faire de prélèvements sur le site;
     - La CLI de Gravelines a voulu réaliser des analyses (Tritium et chimiques) sur un échantillon d'eau souterraine. Les prélèvements ont été effectués lors d'une inspection ASN. Cependant le protocole envoyé par la CRIIRAD n'a pas été respecté: l'échantillon n'a pas été prelevé dans un piézomètre proche de la centrale. La mesure n'est donc pas représentative de la pollution des eaux sous la centrale. De plus la CRIIRAD avait rappelé qu'on ne peut pas établir un bilan sur la base d'une seule mesure. Elle avait aussi regretté que la demande lui soit parvenue le 16 Septembre 2008 pour une inspection (avec prélèvement) se déroulant le 18.
     Il n'a pas été possible de définir un plan de prélèvement, ni une convention d'accès cohérente.
     - La CLI la Hague a fait procéder à de nombreuses campagnes par l'ACRO. Elle a aussi suivi les travaux du GRNC et posé des questions qui ont conduit à des analyses complémentaires.
     Civaux, les CLI de la Loire, enfin presque toutes les CLI ont fait procéder à une analyse des mesures. Cette pratique doit devenir courante...
     Cependant il faut être réaliste: la CLI peut faire procéder à des analyses fines et détaillées avec un pas de temps de 4 à 5 ans. Car, ceci permettra de les faire avec une méthodologie adaptée et les meilleurs outils disponibles de façon à baisser les seuils de détection.
     Pour réaliser de telles mesures sur et à l'extérieur du site, il faut mettre sur pied une convention d'accès, réunir les fonds nécessaires et lancer un appel d'offres sur les laboratoires agréés ne dépendant ni de l'exploitant ni de l'ASN.

     ET POUR CONCLURE
     La loi et le décret des CLI offrent  des possibilités aux CLI. 
     Le tour des expériences montre la difficulté de l'exercice et surtout le manque de réussite. 
     Il ne faudrait pas que la loi reste un voeu pieux!!
     L'exploitant doit apprendre à supporter les questions, l'ASN à expliciter ses divers communiqués, lettres de suivi. Quant à l'IRSN, il faut également qu'il continue sa politique d'ouverture et l'adapte aux  questions des CLI.
     Le Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire, mis en place en 2008 doit aussi aider les CLI et l'ANCLI en organisant des séminaires, en répondant aux questions des CLI. Tout se met en place...
     Quant aux CLI, elles doivent se saisir des problèmes, s'interroger, reprendre les diverses expériences et utiliser leurs propres compétences.
     Quant à l'ANCLI, elle mutualise, rassemble et par ses groupes de travail purement ANCLI, mixtes ANCLI-IRSN permet une discussion entre membres de CLI. Le Comité Scientifique de l'ANCLI doit être à l'écoute des CLI et essayer de répondre au moins à leurs besoins de formation et de mise en oeuvre de convention avec les exploitants et l'ASN.
     La mise en place se fait: c'est un processus lent qui demande du temps (les acteurs sont des bénévoles) et un financement régulier. La route est encore longue...

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