La G@zette Nucléaire sur le Net! 
G@zette N°235/236
Un point sur les MINES et INCIDENTS

Centre de stockage de déchets radioactifs de l'ANDRA
à Soulaines dans l'Aube (CSA)
DONNEES INCOMPLETES ET INSUFFISANCE DES  CONTROLES


A. Analyse critique du dossier soumis à enquête publique par l'ANDRA pour obtenir des autorisations de rejets radioactifs
     Fin 2004, l'ANDRA a soumis à enquête publique un dossier de demande d'Autorisation de Création et de Demande d'Autorisation de rejets pour le CSA (INB N°149).
     La CRIIRAD a présenté, mardi 7 novembre 2006, à la Commission Environnement du Conseil Régional Champagne-Ardenne, les résultats de l'analyse critique de ce dossier. Cette étude a été réalisée pour le CEDRA 52, avec le soutien financier du Conseil Régional Champagne-Ardenne.
     Les principales conclusions de l'étude CRIIRAD sont:
1.Les mensonges sur les rejets radioactifs
     A la fin des années 80, lors de l'enquête publique d'autorisation de création du CSA, le futur site de stockage de déchets radioactifs a été présenté aux populations comme un site qui n'aurait pas besoin d'autorisations de rejets d'effluents radioactifs parce qu'il n'effectuerait aucun rejet radioactif dans l'environnement, ni sous forme liquide ni sous forme gazeuse. C'est d'ailleurs ce qui a été garanti dans le décret de création du 4 septembre 1989.
     Pourtant, depuis la réception des premiers déchets radioactifs en 1992, certaines cuves d'effluents radioactifs sont vidangées dans le bassin d'orage et le ruisseau (eaux d'infiltration à travers les ouvrages de stockages, contaminées par le tritium, par exemple). Le fonctionnement du CSA induit également depuis 14 ans des rejets radioactifs à l'atmosphère, rejets diffus et non maîtrisés de tritium à partir des déchets et rejets de divers radionucléides à la cheminée de l'atelier de compactage des déchets (tritium, carbone 14, iode 125, iode 131, etc.).
2.Insuffisance de l'inventaire des substances radioactives stockées. 
     L'inventaire fourni par l'ANDRA à l'appui de sa demande d'autorisation de rejet est très insuffisant. Par exemple, aucune précision n'est donnée sur les quantités de thorium 232, radium 226 ou plomb 210 stockées. La précision de l'inventaire est pourtant fondamentale pour apprécier l'impact réel du site. 
     Par exemple, la présence dans les déchets du radium 226 et du polonium 210 est fortement probable. Or: 1/ le radium 226 produit un gaz radioactif, le radon 222, qui ne semble pas être mesuré actuellement par l'ANDRA; 2/ le plomb 210, en se désintégrant, crée du polonium 210, radionucléide de très forte radiotoxicité par ingestion, que l'ANDRA ne prend pas en compte pour les calculs de dose aux riverains. Ceci est d'autant plus préoccupant que les prescriptions techniques accordent au plomb 210 des limites très élevées sur l'activité massique maximale admise (600 millions de becquerels par kilogramme). Ces données, pourtant essentielles, n'ont pas été incluses dans le dossier soumis à enquête publique.
3. Insuffisance des contrôles effectués sur les rejets et leur impact. 
     A de très nombreux égards, le dispositif d'autocontrôle mis en œuvre par l'ANDRA n'est pas satisfaisant: les rejets atmosphériques de chlore 36 (période physique de 300.000 ans) ne sont pas mesurés; le nickel 63 (période physique 100 ans) n'est pas spécifiquement recherché dans les rejets liquides et atmosphériques; la mesure spécifique du tritium (12 ans) et du carbone 14 (5.730 ans) n'est pas  prévue dans les plantes aquatiques du ruisseau en aval du point de rejet (alors que ce sont les 2 radionucléides pour lesquels l'ANDRA a obtenu les autorisations de rejet les plus importantes, respectivement 5 milliards et 120 millions de becquerels par an), etc.
suite:
      Ce dispositif a cependant été validé par l'arrêté d'autorisation de rejet du 21 août 2006. Ceci pose une nouvelle fois la question de la pertinence des prescriptions réglementaires.
4.Sous estimation des doses subies par les riverains. 
     Pour calculer l'impact de son installation sur les populations, l'ANDRA fait un calcul de dose partiel  qui aboutit à un impact négligeable au sens de la directive Euratom de mai 96 (moins de 10 microSieverts par an). Si l'on effectue correctement le calcul et que l'on prend en compte  l'exposition externe à la clôture et l'exposition induite par le transport des déchets radioactifs  on obtient une dose cumulée supérieure d'un à deux ordres de grandeur, ce qui correspond à des niveaux de risques cancérigènes non négligeables, voire même inacceptables (supérieurs aux limites réglementaires: soit 250 microSieverts par an pour le seul site de l'ANDRA et 1.000 microSv par an pour l'ensemble des activités nucléaires.).

B. Niveaux de radiation anormalement élevés à la clôture du CSA / mesures CRIIRAD du 8 novembre 2006
     Le CEDRA 52 et la CRIIRAD ont organisé durant la matinée du 8 novembre 2006 à Soulaines un stage ouvert au public sur la mesure de la radioactivité et l'utilisation de compteurs Geiger. Une partie du stage portait sur des notions générales de physique nucléaire et de radioprotection. La session s'est terminée par un volet pratique, les 15 stagiaires étant invités à effectuer des mesures sur le terrain, à la clôture sud-ouest du CSA. 
     Ces mesures ont permis de démontrer que, dans le domaine accessible au public, le flux de radiation gamma est 2 à 3 fois supérieur au niveau naturel, en particulier au droit du bâtiment de Transit dans lequel sont déchargés les déchets radioactifs amenés par camions. 
     Des mesures supplémentaires ont été effectuées en fin d'après-midi par un ingénieur de la CRIIRAD, à la clôture est du CSA. Elles ont révélé un niveau de radiation plus de 5 fois supérieur à la normale au droit de certains ouvrages de stockage. Le niveau est plus de 3 fois supérieur à la normale sur plus de 200 mètres le long du sentier qui longe la clôture.
     La présence de cet impact radiologique par "irradiation externe", en dehors des limites du site, conduit à des doses non négligeables et constitue une violation du principe d'optimisation des doses (principe ALARA). La CRIIRAD demande que cette situation soit traitée (par exemple, par le déplacement de la clôture).

     Note: Il semble que le niveau de radiation à la clôture soit en augmentation (doublement entre 1999 et 2005). En effet, L'ANDRA évaluait cet impact, pour 3 heures par jour, passées à la clôture, à 65 microSieverts par an (année 1999). Cette valeur est estimée par l'ANDRA à 130 microSieverts par an pour l'année 2005.
 

Renseignements complémentaires à la CRIIRAD: 
Bruno CHAREYRON (bruno.chareyron@criirad.org), tél.: 04 75 41 82 50
CEDRA 52: Michel MARIE  (06 66 95 97 77 / 06 81 31 17 36).
Rapport complet sur le site de la CRIIRAD: www.criirad.org

p.27

Après l'Andru: l'Andra

     Souvenez-vous, en juillet 2006, du festival "Décibels contre la poubelle": incidents, arrestations, garde-à-vue, détention provisoire, et comparution immédiate pour les "4 de Bure".

     Un premier jugement, lourd de conséquences: 10 mois de prison avec sursis pour trois d'entre eux, 6 mois pour le quatrième, 2 ans de mise à l'épreuve, interdiction de quitter le territoire, et une interdiction de séjour en Meuse et en Haute-Marne pour trois d'entre eux, le quatrième étant Lorrain.
     Mais ils sont aussi condamnés à des dommages et intérêts pour les parties civiles, c'est-à-dire l'Andra, la gendarmerie, et un vigile. L'Andra ayant fait une "estimation" qui s'élevait - tenez-vous bien! - à 127.400 €, et réclamait une "provision" de 10.000 €. Le vigile blessé (oh, une entorse!) réclamait, quant à lui, 15 000 €! Le Tribunal ne pouvant statuer sur des suppositions approximatives et arbitraires, renvoyait à une date ultérieure la suite du procès pour ces deux parties civiles, ainsi que pour la vitre brisée de la voiture de la gendarmerie.
     Pour donner le change, le tribunal octroyait 500 € de dommages et intérêts pour chacun des six gendarmes qui s'étaient portés parties civiles.
     Pour régler les premiers frais, mais aussi pour mettre en œuvre une "stratégie": pétition, courriers aux élus, courriers à l'Andra, à la presse, concerts de soutien (Dijon, Villers, Poitiers, Sainte-Hélène, et prochainement Chaligny le 10 février 2007 avec un concert Ska-Reggea).
     Après l'action de Kévin, suspendu à un lampadaire devant le labo, qui mobilisa toute la presse, l'Andra réagit très rapidement en envoyant démenti sur démenti à la presse et la télévision, en précisant qu'elle ne demandait que 10.000 € sans toutefois "effacer" l'estimation de 127.400 €, comme on a pu le voir en gros plan sur France 3 Reims.
     Tout s'enchaîna rapidement jusqu'à ce lundi 13 novembre. Une soixantaine de personnes étaient venues pour soutenir les 4 de Bure, des élus avec leurs écharpes, la presse, la télévision et la radio. Et, simultanément, une action devant la sous préfecture de LARGENTIERE (ARDÈCHE) où une vingtaine de personnes étaient présentes, avec une délégation reçue par le sous-préfet .
     A l'intérieur, grand étonnement! Seule l'Andra était présente comme partie civile. Après l'intervention de l'avocat de l'Andra (je passerai les détails): 9.648 € pour "réparation du préjudice direct". Nos avocates se lancèrent alors dans un plaidoyer à couper le souffle, de par son contenu, son audace, sa pertinence et son ironie. Ainsi l'Andra, en la personne de son avocat, humiliée, un genou à terre, ne répliquait ni ne mouftait, et adoptait un profil bas devant la presse. Le jugement sera rendu le 15 janvier 2007.
     Cette affaire, même avec une aussi lourde condamnation pénale, des dommages et des frais aussi élevés, aura quand même permis à de nombreuses personnes de se rencontrer, de nouer des liens... et aura aussi permis de constater que, face à l'égoïsme et à la loi du plus fort, la solidarité est la plus belle des armes qui existent. Merci encore au nom des 4 de Bure pour ce remarquable soutien.

suite:
     A cette occasion, une compilation CD de 21 titres a été lancée. Elle est disponible, au prix de 4 € à l'adresse kommando.pernod@laposte.net, ou chez CACENDR, 5 rue du 15 septembre 1944, 54320 Maxéville (frais d'affranchissement en sus).
     La lutte continue: le 17 mars prochain un grand rassemblement, dans cinq villes de France (Lyon, Toulouse, Lille, Rennes et Strasbourg) pour dire NON à l'EPR et non à la relance électronucléaire. Un bus est prévu au départ de NANCY (et partout ailleurs en France). Venez nombreux, engagez-vous pour une participation citoyenne quant aux choix énergétiques.
AEMHM - Association des Elus Meusiens et Haut-Marnais opposés à l'enfouissement
&
Collectifs Bure-Stop / Coordination nationale des 
Bar-le-Duc
Mardi 16 janvier 2007

COMMUNIQUE
Les 4 jeunes militants de BURE encore condamnés
     L'Andra veut marginaliser l'expression autour de la poubelle nucléaire.
     Elle a de quoi révolter, cette condamnation prononcée lundi par le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc (Meuse); condamnation à payer un lourd tribut à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) en "dédommagement" de prétendues dégradations commises lors d'une manifestation en juillet.

     Alors même que l'ANDRA n'a apporté aucune preuve des dégâts, ni fourni aucune facture, ces jeunes militants - déjà lourdement condamnés sur le plan pénal le 1er août à des peines de six à dix mois de prison avec sursis pour "violences aggravées", "dégradations" et "outrages"- sont à nouveau écrasés par une peine disproportionnée.

     Si sanctionner les dérives peut être légitime, faire un exemple par une telle sentence n'est pas acceptable.

     Dans cette affaire, c'est bien le militantisme qui est sanctionné et non la réalité des actes.

     Force est de constater que la justice s'en prend sans mesure à ceux qui luttent pour la vie et la sauvegarde de notre planète, révoltés qu'ils sont par la toute-puissance d'un lobby qui installe sans obstacle sa poubelle nucléaire contre l'avis des populations.

     Cerise sur le gâteau: ils devront également verser des compensations à l'Andra au titre des frais de justice et 600 € pour dommage moral à un gardien du site expérimental!

     Les organisations signataires se déclarent solidaires de ces 4 jeunes gens et continuent le combat avec eux, pour la sauvegarde de notre terre.

Contacts: Daniel MICHEL: 06 88 32 86 15 / Claude KAISER: 06 22 05 09 24

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