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G@zette N°225/226
AIEA Prix Nobel de la PAIX!?

Jean-Marie Brom
STOP TRANSPORTS - HALTE AU NUCLEAIRE - RESAU "SORTIR DU NUCLEAIRE"
(7 octobre 2005)

    Il n'est peut-être pas inutile de rappeler la fonction première de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA): selon ses statuts, adoptés en 1957, l'Agence "a pour but d'accélérer et d'élargir la contribution de l'énergie atomique à la paix, la santé et la prospérité à travers le monde".
    Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que chaque pays disposant aujourd'hui de l'arme nucléaire la doit au fait qu'il possède également un ou plusieurs réacteur nucléaire "civil". On peut aussi rappeler que les réacteurs nucléaires actuels (EPR compris) sont les héritiers directs des piles atomiques de Hanford (USA) dont la seule utilité était de produire le plutonium nécessaire à la bombe de 1945.
    Officiellement, seuls cinq pays - les USA, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France – se sont arrogé le droit de posséder des armes nucléaires. Ce privilège est considéré comme inacceptable par beaucoup de pays d'autant que, c'est un secret de polichinelle, l'Inde, le Pakistan et Israël ont de leur propre initiative rejoint le "club de la bombe". Ce pourrait être bientôt, si ce n'est déjà fait, le cas de l'Iran, la Corée du Nord, et certainement d'autres pays comme le Brésil.
    Et à chaque fois, lors de chaque essai nucléaire prouvant la possibilité de détourner l'énergie nucléaire dite pacifique à des fins militaires, c'est par son silence que le nouveau prix Nobel de la Paix a salué la démonstration de son inefficacité…
    Et l'actualité récente le prouve, les inspections de l'AIEA sont inefficaces à défendre la paix: il a ainsi fallu des mois pour que, dans un Irak pourtant dévasté par la première guerre du Golfe et le blocus économique, les inspecteurs de l'AIEA puissent estimer que le dictateur Saddam Hussein n'était pas parvenu à mettre au point des armes nucléaires. Cela n'a pourtant pas empêché la guerre. Et encore une fois, après le déclenchement des hostilités, l'AIEA n'a fait que répéter qu'elle n'avait rien trouvé. Aucune autre forme de protestation, aucune prise de position dénonçant une guerre faite prétendument à cause d'armes de destruction massives imaginaires.
    En prétendant indûment être en capacité d'empêcher la prolifération nucléaire à des fins militaires, l'AIEA abuse l'opinion publique et laisse l'humanité s'enfoncer vers l'irréparable. Et en aidant des pays à développer une industrie nucléaire, l'AIEA est un pompier pyromane qui aggrave le risque… qu'elle est par ailleurs incapable de contrôler...
    Pire: l'AIEA s'est signalée à de nombreuses reprises en cachant la vérité sur le nucléaire et ses conséquences, comme le 5 septembre dernier avec la publication d'un scandaleux rapport qui minimise considérablement les conséquences réelles de la catastrophe de Tchernobyl. Est-ce ainsi que l'on pense défendre les droits de l'homme?
    D'ailleurs, en vertu d'un texte de 1959, hélas toujours en vigueur, l'AIEA interdit carrément à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de s'exprimer sans son accord sur les conséquences sanitaires du nucléaire, qu'il s'agisse d'Hiroshima, Nagasaki, Tchernobyl, ou de tout autre affaire atomique. C'est probablement ainsi qu'il faut comprendre la contribution de l'énergie nucléaire à la santé.
    De Henri Dunant (fondateur de la Croix Rouge) à Nelson Mandela, en passant par Amnesty International ou Médecins Sans Frontières, le Prix Nobel de la Paix est censé récompenser une activité dans "la défense des droits de l'homme, la médiation dans les conflits internationaux, le contrôle des arsenaux et le désarmement" (déclaration de Comité norvégien du Prix Nobel). A travers l'activité passée et présente de l'AIEA, on pourra vainement  chercher la justification de la présence de cette agence aux côtés de figures telles que Martin Luther King, Mère Thérésa ou René Cassin.
    Il y a eu, par le passé, des controverses quant à l'attribution du Prix Nobel de la Paix : Henry Kissinger et Le Duc Tho (qui avait par ailleurs décliné le prix) étaient responsables de la mort de milliers d'innocents, mais avaient initié la fin de la guerre du Viet-Nam. Sans même évoquer des souvenirs plus récents... Mais jamais on n'aura récompensé un organisme dont l'action ou les buts ne rentrent même pas dans les critères d'attribution...
    A l'occasion du 60ème anniversaire d'Hiroshima et Nagasaki, des survivants de ces bombardements auraient fait de bien plus dignes lauréats du Prix Nobel de la Paix.  C'est aussi le cas des millions de citoyens qui ont manifesté de par le monde contre la guerre en Irak. En fin de compte, si l'affaire n'était pas aussi grave, on pourrait s'amuser de ce que Nobel, inventeur de la dynamite, cautionne cette fois la possibilité de mise au point d'armes de destruction massive.

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