La G@zette Nucléaire sur le Net! 
G@zette N°223/224

II- DOSSIER EPR

INTRODUCTION AU DÉBAT


     En avant pour la lecture commentée du dossier du maître d'oeuvre. Je dirai tout de go que, pour les déchets le niveau politique assume et a présenté son dossier. Par contre pour l'EPR on nous ressert EDF et c'est EDF qui cite les termes de la loi. Alors on se cache et on n'assume pas.
     Bon, aucune importance.
     En conséquence EDF suit la loi "L'État veille à conserver, dans la production électrique française, une part importante de la production d'origine nucléaire."... "La première (priorité) est de maintenir l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2020 en disposant, vers 2015, d'un réacteur nucléaire de nouvelle génération opérationnel permettant d'opter pour le remplacement de l'actuel génération."
     Et voilà tout est dit.

FLAMANVILLE, pourquoi?

     En 10 ans on a construit et mis en service 46 réacteurs "conçus pour une durée minimale de fonctionnement de 40 années" et "Si chacune de ces centrales s'arrêtait de fonctionner à sa date anniversaire de 40 ans, le pays enregistrerait, en l'espace de 10 ans, une baisse des trois quarts de la capacité de production nucléaire actuelle."
     D'où la date de 2020 mais cette analyse est en contradiction avec la politique d'EDF qui tend à prolonger la durée de vie. Certes rien n'est jamais acquis, mais EDF, par un programme de gestion du combustible et de protection de la cuve contre les neutrons, espère augmenter le temps de vie des cuves : le “petit problème est la garantie constructeur qui ne s'appliquerait plus au delà de 40 ans, temps où les réacteurs vont être fragilisés par le vieillissement des divers composants.
     Donc apparaît la nécessité de construire un réacteur pour garder "une garantie de savoir-faire" mais d'une part cette construction ne garantit rien du tout et d'autre part pourquoi ne pas s'interroger sur l'apport de réacteurs plus sûrs et surtout fonctionnant à plus haute température d'où un rendement bien meilleur et une économie d'eau.
     Et pourquoi un EPR? On venait de mettre au point le palier N4 (Type Civaux). Il suffisait de les améliorer, de prendre en compte toutes les avancées en matière de sûreté et il n'y avait quasi pas de plâtres à essuyer. En effet, l'EPR compte suffisamment de changements pour que sa mise au point puisse s'avérer fort délicate.
     Évidemment le nerf de la guerre est la capacité financière d'EDF : là non plus pas d'inquiétude. EDF va passer, a passé des alliances de partenariats , avec ENEL - opérateur italien - et doit aussi se rapprocher de la Suisse et de l'Allemagne, du moins c'est probable.
     Et pourquoi Flamanville?  Parce ce que EDF possède les terrains, parce ce que la plate forme est déjà réalisée (ceci n'est pas un argument massue c'est le cas pour au moins la moitié des sites de centrales). Par contre, le fait que la presqu'île est favorable est sûrement un argument favorable. A contrario le fait qu'il faut prévoir une nouvelle ligne à haute tension joue dans l'autre sens.
     Enfin tous les arguments ont conduit EDF à choisir Flamanville. C'est plus joliment présenté que mon abrupte affirmation : .... "pour (..) être en mesure de décider de remplacer les réacteurs actuels le moment venu, EDF souhaite engager maintenant la construction de la tête de série EPR à Flamanville."

Les besoins mondiaux
     On commence par une affirmation : "En 2030 la planète consommera 60% d'énergie de plus qu'aujourd'hui."

suite:
     Si c'est le cas on va dans le mur pour l'excellente raison que les ressources ne vont pas suivre :
     En Mtep le charbon passerait   de 2.389  à 3.601
                    le pétrole                  de 3.676 à 5.766
                     le gaz                      de 2.190 à 4.130
                    le nucléaire               de    692 à  764
                    l'hydraulique             de    224 à  365
                   Biomasse/déchets      de 1.119 à 1.605
                  Autres renouvelables   de      55 à   258
     En ce qui concerne les réserves, il plane de sérieux problèmes : le pétrole sera de plus en plus énergivore en ce qui concerne son extraction, le nucléaire aussi . Quant à récupérer tout le potentiel de l'uranium 238 ou du thorium, il faut des usines de retraitement, des sites de stockage et/ou d'entreposage (et de multiples passages en réacteur, ce qui pose de sérieux problèmes). Les affirmations du genre "récupération d'un facteur 60" sont de la publicité mensongère.
     Si on regarde le graphique de l'augmentation de la consommation d'électricité on constate que c'est le poste  résidentiel-tertiaire qui passe d'environ 60TWh à 310 TWh. Comme il s'agit de chauffage on peut avec une politique volontariste, remplacer ce poste par le solaire, par la récupération des ordures, par.... De cette façon on économiserait au moins 200 TWh. Cette opération nous permet de fermer 25 à 30 réacteurs sur le temps de la mise en place du programme de remplacement, sans rien perdre en compétitivité mais en diminuant sérieusement notre problème des déchets
     Cette évaluation sur la composition des besoins permet de nuancer la courbe du renouvellement des unités produisant de l'électricité.
     Comme en 2004 on aurait pu se passer de 200.000 MW si on avait changé nos moyens de chauffage. Alors en 2040 on aurait besoin seulement de 100.000 MW.
     Que l'effet de serre soit à examiner avec soin est une réalité mais le nucléaire ne changera rien à notre mode de transport : la route. Nous n'avons pas développé le fer-routage ou le recours au transport en commun. En conséquence nos émissions de CO2 nucléaire ou pas augmenteront.

Quels choix pour maintenir l'option nucléaire ouverte?
     Sémantiquement parlant, maintenir l'option nucléaire ne devrait pas interférer sur le développement des autres énergies, en particulier les renouvelables. C'est oublier la différence de coûts. Pour le nucléaire : 1 réacteur est une bagatelle entre 3 et 4 milliards €. 
     Pour les autres on parle en millions €. C'est pour cette raison que le nucléaire se développe et pas les autres énergies. Il n'y a pas assez d'argent...
     De plus il y a un lobbying infernal qui déclare la guerre à toutes les formes d'énergies (sauf le nucléaire) au prétexte qu'elles polluent les paysages.
     Je ne vais pas m'extasier sur les éoliennes, les panneaux solaires et autres possibilités mais je voudrais dire que les lignes à haute tension n'ont rien de particulièrement esthétique, que les résidus de mines c'est pas ça non plus et que les tours de 170 m de haut  n'améliorent pas les points de vue.
     Il est vrai que tout doit être concocté en évitant les nuisances mais, dans la vie il faut savoir choisir et pourquoi ce serait forcément le nucléaire?

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Les alternatives
     On aurait pu sans problème choisir le génération 2 soit la suite des 1450 MWé en ajoutant toutes les améliorations nécessitées par le démarrage difficile des centrales de Chooz et de Civaux.
     Et de cette façon, si on veut faire du nucléaire mieux vaut changer de filière et tenter les hautes températures ainsi que le signale EDF. Mais sa conclusion est très différente : il est proposé pour ne pas avoir de rupture en 2040 de se lancer en 2020 dans le renouvellement du parc.
     L'inconvénient d'une vision de ce type proposée par EDF c'est qu'on part sur un parc EPR à partir de 2020 et qu'on ne réfléchit pas du tout à la mise en place d'un autre programme.

Lancement d'une série EPR en 2015
     EDF veut disposer d'un modèle de réacteur déjà testé (mais le palier N4 avec toutes les améliorations nécessaires qui ont été détectées à cause des problèmes N4 c-à-d Civaux et Chooz, est un bon candidat). EDF veut également tout le puzzle industriel. En conséquence EPR tout de suite puis série à partir de 2015.
     C'est insidieux mais le programme va s'imposer avec des décisions irréversibles de ce type.
     Les enquêtes publiques, le débat tout cela ne servira à rien : le programme est déjà parti. 

Les raisons du choix d'EDF

     EDF aurait pu nous rappeler la sûreté du réacteur, expliciter les études en cours, donner le bilan de ses réponses aux questions de l'ASN française et de l'autorité finlandaise.
     Eh bien non : il faudra juste "disposer d'un modèle de réacteur techniquement éprouvé et conforme aux exigences françaises."
     Grâce à la Finlande, à ses ingénieurs et ses contrôleurs il va être possible d'en savoir plus sur le dossier. Cependant EDF reconnaît que cette construction en Finlande "ne permet pas à EDF de se forger une expérience concrète pour maintenir ses compétences d'architecte de centrales." car La Finlande (TVO) achète clés en main  et pas EDF.
     Il faudra aussi "disposer d'une organisation industrielle opérationnelle, techniquement et économiquement éprouvée.."
     Il faudra "avoir acquis l'expérience d'exploitation suffisante d'un EPR.."
     Tous ces arguments concourent à la sûreté mais ne la démontrent pas. Alors d'où viennent les chiffres pour qualifier la sûreté de meilleure?
     Ensuite EDF entend montrer son indépendance et sa liberté de choix en donnant une liste de réacteurs tous sur papier (USA, Grande Bretagne, France/Allemagne, Siemens).
     EDF justifie le 1.600 MWé car on construit moins d'unités: c'est une vision mais finalement 5 réacteurs de 500 MWé donnent plus de souplesse en ce qui concerne la maintenance et les arrêts pour rechargement. Elle prétend qu'on pourra le charger en MOX donc engage sur la voie du retraitement sans en avoir pesé les avantages et les inconvénients.
     Elle vante la possibilité de réaliser des maintenances réacteur en fonctionnement et surtout affirme qu'en cas d'accident grave il y aura un récupérateur de coeur fondu qui évidemment n'a jamais été testé.
Pourquoi Flamanville?
     Sur les 19 sites existant, EDF avait sélectionné la Basse Normandie, la Haute Normandie, Rhône-Alpes.
     Flamanville a finalement remporté le pompon.
     Il faut bien sûr construire en plus une ligne à très haute tension mais bon...

L'EPR à Flamanville

     Enfin un chapitre sur la sûreté
     Des objectifs de sûreté ambitieux
     A part affirmer des ambitions:
     - le nombre des incidents doit diminuer
     - le risque de fusion du coeur doit être encore réduit
     - les rejets radioactifs pouvant résulter de tous les accidents concevables doivent être minimisés, en particulier ceux qui conduiraient à des rejets précoces doivent être “pratiquement éliminés”.
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     La procédure pour y parvenir n'a rien d'une évidence.
     Elle DOIT exister (voeu pieux s'il en est) mais outre que se donner un objectif de diminution des incidents serait à appliquer à TOUS les réacteurs et pas seulement à l'EPR, le risque de fusion du coeur dépendra de la sûreté et de la fiabilité des appareil. Quant aux rejets il serait utile de les minimiser aussi pour tous les réacteurs.
     Pour le reste ce sont des hypothèses : le récupérateur de coeur fondu n'a (heureusement) jamais été testé et en l'état il reste du travail. Quant à l'enceinte double, elle existe déjà sur les 1300 et les 1400 mais il est vrai que la peau d'étanchéité métallique sera une amélioration.
     Limiter l'exposition des travailleurs est un but en soi et pour se faire "automatiser certaines opérations, ajouter des écrans de protection, faciliter le montage et le démontage ainsi que le démantèlement futur" est un excellent retour d'expérience. Mais pourquoi ne pas songer à en faire profiter dans la mesure du possible les autres paliers.

Des progrès significatifs en matière d'environnement
     Comme les autorisations de rejets n'ont cessé de diminuer, il faut bien que l'EPR se plie à cette coutume.
     En ce qui concerne les rejets radioactifs liquides et gazeux: tritium et carbone 14 resteront au même niveau que pour les 1300.
     De toute façon comme le niveau des autorisations et le suivi de l'impact seront définis au moment de l'enquête publique, on a droit à une liste détaillée du cahier des charges que devra suivre l'arrêté de rejets soit:
     - prélèvements d'eau:
     1- refroidissement du condenseur est assuré par de l'eau de mer filtrée et traitée contre les salissures du circuit de refroidissement.
     2- alimentation en eau industrielle des circuits primaire et secondaire. L'eau est déminéralisée et des produits (hydrazine, lithine, morpholine, chlore,...) lui sont ajoutés pour limiter la corrosion des circuits ou assurer le contrôle de la réaction nucléaire (bore).
     Le fonctionnement des 3 Flamanville nécessite 157 m3/s dont 67 pour l'EPR.
     Il est intéressant d'apprendre que la centrale de Flamanville bénéficie d'une autorisation de prélèvement d'eau nettement supérieure à ses besoins puisque prévue pour 4 réacteurs.
     Dans le cadre des nouvelles dispositions de la loi sur l'eau, il serait normal de revoir ces prélèvements et de dimensionner correctement l'usine de dessalement. En effet un prélèvement qui s'élève à 820.000 m3 par an est suffisamment important pour poser des problèmes sur les cours d'eau (Diélette, Petit et Grand Douet) qui sont loin d'être des fleuves à grand débit..
     Même si d'une façon optimiste il est affirmé que "l'échauffement n'a pas d'influence significative sur l'équilibre du milieu aquatique", on doit continuer la surveillance.
     En ce qui concerne les rejets chimiques, il est normal qu'ils diminuent puisque c'est ce que pose le décret de mai 1995 pour l'ensemble des réacteurs. De toute façon les rejets annoncés sont très proches de ceux d'un 1.300. Il y a lieu d'améliorer ce point. Il est un peu osé d'affirmer que le Bore, la morpholine et l'hydrazine n'ont pas d'impact sur l'environnement.
     Il est, de fait, assez difficile d'affirmer que ces produits chimiques n'ont pas d'effets significatifs sur l'environnement pour l'excellente raison que le suivi d'environnement lié aux produits chimiques est fort réduit. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le groupe radioécologie du nord cotentin a en partenariat avec la CSPI lancé une campagne de mesures dans l'environnement Nord Cotentin. Ces mesures permettront de mieux cibler les autorisations de rejets dont EDF parle sans cesse sans vraiment préciser ce qui se pourrait être fait.
     Pour les rejets radioactifs réglementés, rappelons le, en même temps que les rejets chimiques, les principaux rejets sont tritium et carbone 14. Ces 2 éléments étant difficile à piéger, ils sont rejetés en totalité. On a longtemps jugé qu'ils n'avait pas d'effet ce n'est pas si évident. Il est clair qu'il est plus facile de rejeter en arguant de l'immensité de la mer. Cependant ce qui compte ce sont les accumulations éventuelles et bien sûr le passage dans les chaînes alimentaires.
     Quoiqu'il en soit la présence de l'EPR augmentera subtantiellement les rejets de la centrale: 8 à 11 TBq de tritium, 1.400 à 2.300 GBq en carbone 14, 0,8 à 1,2 GBq en iodes, 45 à 67,5 TBq en gaz rares.

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     Cela fait peut être moins au KWh mais bien plus pour la population.
     Quant à l'impact qui se monte pour la population voisine à 0,04milliSv par an, c'est un calcul réalisé avec un modèle dont la validité reste incertaine.
     En ce qui concerne les rejets en cas d'accident, soyons modeste; il a été mis des parades supplémentaires mais il faut les valider avant de conclure.

Les déchets de Flamanville 3: des volumes en baisse
     Les déchets radioactifs: ils proviennent du combustible et des matériaux et produits en contact avec le fluide primaire. Comme la quantité de déchets est exprimée en volume, il est vrai qu'ils seront plus faibles puisque le taux de brûlage va augmenter et l'enrichissement aussi.
     Mais les 5 m3 de hautement actifs seront plus chaud et plus radioactifs donc prendront plus de place dans un stockage.
     Quant aux 4 m3 de déchets "moyenne activité à vie longue" c'est identique les volumes décroissent mais la radioactivité croit.
     C'est aussi le même problème pour les faiblement et moyennement actifs à vie courte (86 m3).

     Les déchets conventionnels: 
     Pour la centrale de Flamanville on va donc passer:
     - en déchets inertes de 127 tonnes à 187 tonnes
     - en déchets industriels de 569 tonnes à 800 tonnes
     - en déchets industriels spéciaux de 403 tonnes à 600 tonnes.
     Même si dans le cadre de la démarche ISO 14001 on espère valoriser, pour le moment c'est encore à réaliser.

     L'impact sonore
     Tout est OK. On est dans les normes .. Les THT bruissent un peu mais bon on n'a  rien sans rien.
     Pour le reste la centrale n'est pas plus bruyante que les camions sauf son omniprésence de tous les instants.

     L'insertion paysagère 
     Difficile de louper la centrale mais à vrai dire 2 ou 3 cela ne va pas être vraiment un site aéré.

Un kWh compétitif porté par des performances industrielles accrues

     Les objectifs de performance
     Il est affirmé "le coût complet du kWh produit sera compétitif vis-à-vis d'autres moyens de production qui pourraient construits à sa place, centrale à charbon propre ou cycles combinés au gaz", ce n'est qu'une affirmation qui est répétitive. En 1974 c'était déjà l'argument et il était déjà faux.
     En ce qui concernent les améliorations : la seule qui contribue à augmenter le rendement est celle de la meilleure efficacité de la turbine.
     Pour le reste il ne s'agit pas du rendement: utiliser moins d'assemblages combustible parce que le pourcentage de 235 a été augmenté ne signifie pas utiliser moins de 235 mais avoir un volume plus faible d'assemblages puisqu'on les change moins souvent. Par contre avec de bons réflecteurs pour les neutrons, le seuil de criticité est atteint avec une concentration moindre en uranium 235. Ce qui signifie qu'en fin d'utilisation, pour une même quantité d'électricité on obtient:
     - moins d'uranium 238 résiduel (mais ce n'est pas le rendement ni le problème)
     - autant de produits de fission
     - autant de transuraniens.
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     On sait que en moyenne :
     - 1 fission donne 200 MeV et il faut 31 milliards de fission. pour produire 1 joule.
     - La fission de tous les noyaux de 1g d'uranium 235 dégage une énergie équivalente à 1 mégawatt-jour (plus précisément 0,95 MWj) et 1 MWj est égal à 86 milliards de joule.
     Ce sont les constantes physiques et on ne peut les changer. Ceci signifie que pour une même quantité d'énergie thermique (pour l'EPR de l'ordre de 4.400 MWth) on a le même nombre de fission et donc de produits de fission.
     Hors la turbine, tous les paramètres (combustible plus efficace, réacteur plus gros (?), réflecteur) jouent sur la réactivité du réacteur et non sa puissance.
     Le moins de déchets proclamé s'applique aux volumes; la radioactivité est concentrée en un volume plus faible mais elle n'a pas diminué.

     La disponibilité
     il est supputé que la disponibilité de l'EPR devrait se situer autour de 91% et ce, par réduction "des durées d'arrêt nécessaires au rechargement du combustible et à sa maintenance."
     Comme on ne peut rien prédire: qui vivra, verra!
     Ce qui est certain c'est que la maintenance doit être assurée correctement et que le chargement-déchargement doit être très amélioré car pour le moment les 2 postes posent des problèmes alors si on fait galoper tout le monde cela risque d'être assez drôle du côté de l'efficacité. Veut-on tester les niveaux élevés de l'échelle INES?
     Évidemment la production d'électricité devrait être plus élevée puisqu'il s'agit d'un 1.600 MWé. Mais il n'est pas évidemment qu'une telle puissance arrange vraiment la tenue du réseau, plusieurs unités de 500MWé seraient plus faciles à gérer. Quant à l'effet de taille sur les coûts, ça se discute. Et pour le reste comme on a aucun besoin d'un EPR, on ferait mieux de concocter un programme énergétique ouvert, utilisant toutes les sources possibles et combinant le recours aux économies d'énergies. En ces temps de barils de pétroles à des prix en hausse, ce serait être responsable car de toute façon le baril restera cher. Quant aux clichés "grâce au nucléaire...", pour remplacer le pétrole, c'est à côté du sujet puisque ce sont les transports qui l'emploient et que la voiture nucléaire n'est pas à l'ordre du jour.

Le coût prévisionnel du projet et son financement
     Coût: Comme il est indiqué "le projet Flamanville 3, en intégrant la totalité des coûts de développement de la série, est estimé à environ 3 milliards € (2003) Ce coût n'est qu'une estimation provisoire du maître d'ouvrage puisque tous les marchés ne sont pas encore attribués" . Ce coût est en fait celui d'une tête de série si on construit au moins 10 pièces (même si il est indiqué que le coût du kWh passerait de 43 à 35 €/MWh). La comparaison entre le gaz et le nucléaire ne donne pas la palme au nucléaire puisque les coûts sont à peu près équivalents. L'argument massue concerne le gaz carbonique. 
     Il est à remarquer que si on passe au cycle biogaz il n'y a plus l'argument CO2 et sur les prix non plus si on se décidait enfin à développer la filière.
     Reste que l'estimation des coûts dépend 
     - du temps de vie du réacteur (60 ans, 40 ans...)
     - des charges fiscales
     - de la gestion du combustible et des déchets
     - du démantèlement (déconstruction pour céder aux mots nouveaux)
     Il se trouve que les postes "gestion des déchets" et  "démantèlement" ne peuvent pas être estimés correctement car il n'y a pas d'expérience sur eux. Donc les coûts sont estimés à au moins 30% près ce qui sur 3 milliards fait un joli pactole.

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     Financement: pour le moment partenariat avec ENEL (Italie) à hauteur de 12,5%. Pour les autres partenaires ce n'est pas encore signé mais il y aura sûrement: Allemagne, Belgique, Suisse, éventuellement Espagne et Portugal, peut être même la Grande Bretagne. Si chacun finance pour 12 à 20%, il nous restera bien peu: 25% de la production. Guère étonnant, si on se rappelle qu'on exporte toujours, par an, l'équivalent de la production de 10 à 12 réacteurs et qu'on va récupérer les 3 Tricastin en passant de l'enrichissement par diffusion gazeuse à la centrifugation.

     Choix de conception
     Un petit couplet sur la sûreté du réacteur.
     - 4 ensembles de sauvegardes : garantir le contrôle de la réaction nucléaire, maintenir le refroidissement du réacteur, limiter l'augmentation de pression et de température dans le bâtiment réacteur.
     - Diversification accrue des alimentations électriques de sauvegarde
     - Protection renforcée contre les agressions externes y compris les chutes d'avions: Sont bunkérisés le bâtiment réacteur, le bâtiment combustible (enfin...), la salle de commande et 2 des 4 bâtiments de sauvegarde (pourquoi pas les 4?)
     En ce qui concerne les chutes d'avion, c'est utopique de penser pouvoir y faire face. La Finlande a d'ailleurs demandé une protection supplémentaire de tous les orifices de prise et rejets d'air. Mais, la résistance à un avion militaire ne garantit rien à propos des gros porteurs (en gestation, comme le dernier Airbus A380) bourrés en plus de kérosène.
     - Récupération du combustible fondu: Le dispositif imaginé doit être testé et pour le moment c'est un plan.
     - réflecteur lourd dans le réacteur: bonne initiative pour limiter la fluence (nombre de neutron qui frappent la cuve en un temps donné) et qui sont un des paramètre du vieillissement des matériaux sous irradiation. De plus la cuve a une garantie de fonctionnement pour une fluence donnée (dépend du temps de vie - 40 à 60 ans-, de la disponibilité - 91% annoncés pour x % réels-)
     - une salle de commande informatisée: Compte tenu des problèmes sur le N4, souhaitons que ça marche mieux. Pour cela il faut avoir tenu compte de l'avis des opérateurs en particulier et savoir rédiger de bonnes notices. Et il faut un concepteur (et un réalisateur) à la hauteur
     - une salle des machines plus performante : Sur le N4, la mise au point de la turbine Arabelle n'a pas été sans mal. Elle perdait ses pales et nous l'avions rebaptisé Marguerite. Heureusement que le constructeur est encore inconnu car sinon cela signifierait que l'EPR est déjà en construction. Est-ce vrai? Alors et ce débat, il sert à quoi?

L'implantation sur le site de Flamanville
     Il y a au moins 2 choses de sûres: 
     - le Nord Cotentin avec Flamanville 1 et 2 produisait 3% de la consommation annuelle de la France (18TWh) et plus du double de celle de la Basse-Normandie.
     - il faudra construire une nouvelle THT pour évacuer le courant.
     En ce qui concerne le grand chantier. il faudra gérer sur 10 ans 2 à 3.000 personnes (transport, logement, autres équipements).

     La concertation autour du projet
     Il est certain qu'avoir attendu la 75 eme page pour vraiment parler du débat public et de l'apport de la CLI est en soi assez révélateur du fait que la concertation n'est pas vraiment vue comme un questionnement des populations pouvant conduire à des modifications du projet : c'est juste une aumône accordée pour que "les gens" ne puissent pas dire qu'ils n'ont pas été informés. Il ne s'agit pas d'une consultation car celle-ci se fera lors des enquêtes publiques qui, bien sûr, ne se feront que "si le projet est confirmé par EDF à l'issue du débat"
     Mauvaises langues que vous êtes, le projet pourrait ne pas aboutir...

La maîtrise du chantier puis les grandes étapes

     Il est passé en revue la phase "réalisation des ouvrages en mer" puis "construction des bâtiments".
     La problématique "eau potable" est aussi évoquée car le chantier nécessitera 200m3 par jour.
     Il est certain que le trafic routier serait confortablement augmenté environ une cinquantaine de camions par jour (sachant qu'il en passe 280 environ actuellement...)

          Le calendrier est le suivant:
     2004 début
     2005 débat public
     2006/2007: instruction des dossiers, préparation du site
     2008/2009: processus d'autorisation et construction des bâtiments
     2010/2011: construction des bâtiments et montage des matériels, premiers essais. chargement.
     2012: couplage
     puis observation sur 3 ans jusqu'en 2016

Et voilà vous savez tout: bonne lecture

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La sûreté de l'EPR
Cahier CNDP - GSIEN
     Le seul document officiel disponible sur ce sujet est la note d'information sur la "Prise de position du gouvernement concernant les options de sûreté du projet de réacteur EPR", en date du 5 octobre 2004, disponible sur le site internet de l'autorité de sûreté nucléaire (Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), dont la dénomination officielle est DGSNR : Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection.) (wwww.asn.gouv.fr).
     Ce document comprend
     - La lettre de prise de position,
     - Les directives techniques pour la conception et la construction de la prochaine génération des réacteurs nucléaires à eau sous pression,
     - Les règles techniques relatives à la construction des circuits primaires et secondaires principaux des réacteurs nucléaires à eau sous pression.
     Les directives techniques s'appuient sur des travaux IPSN (Institut de Protection et Sûreté Nucléaire, devenu IRSN: Institut de Radioprotection et Sûreté Nucléaire)  et RSK (Reaktor SicherheitsKommission, Commission de sûreté nucléaire allemande), le tout examiné par le Groupe Permanent chargé des Réacteurs nucléaires (GPR). Mais le rapport mis sur le site ne concerne que "la philosophie et l'approche de sûreté", ce n'est donc pas un rapport de sûreté. Or, pour pouvoir se faire une opinion factuelle sur l'évolution de la sûreté de ce projet par rapport à ses prédécesseurs, il est indispensable de consulter le rapport préliminaire de sûreté qui, à cette date, ne nous est toujours pas accessible.
     Une lecture attentive de ces textes nous a plongé dans un abîme de perplexité, tant il apparaît que ce ne sont que des recueils de voeux pieux.
     Les objectifs fixés par l'ASN dans une lettre du 22 juillet 1993 étaient ambitieux:
     * Le nombre des incidents doit diminuer, notamment par l'amélioration de la fiabilité des systèmes et par une meilleure prise en compte des facteurs humains ;
     * Le risque de fusion du coeur doit être réduit de manière significative ;
     * Les rejets radioactifs pouvant résulter de tous les accidents concevables doivent être réduits significativement.
     Au stade actuel de l'examen du projet de réacteur EPR, l'ASN considère "que les options de sûreté retenues,... , satisfont globalement à l'objectif fixé d'amélioration générale de la sûreté". 
     Toutefois, elle souligne qu'il reste des points à confirmer :
     * La prévention des erreurs humaines, l'amélioration de la radioprotection des travailleurs, ainsi que la réduction des rejets radioactifs et de la quantité et de l'activité des déchets ;
     * Les dispositions de conception, de fabrication et d'exploitation des lignes principales du circuit primaire ( ensemble de canalisation assurant la circulation de l'eau dans le circuit primaire et les fonctions de sauvegarde. Il y a 4 lignes principales sur l'EPR.), et le cas échéant des circuits secondaires, devant permettre d'exclure de certaines études d'accident leur rupture complète doublement débattue;
     * L'architecture matérielle du contrôle-commande (ensemble informatique et électronique qui permet de gérer le pilotage du réacteur en situation de fonctionnement normal ou accidentel.);
     * La conception du récupérateur de coeur fondu mis en place pour la gestion des accidents graves;
     * La compatibilité des caractéristiques du projet standard de réacteur EPR avec le site de réalisation qui serait proposé.
     Elle note également qu'"il est nécessaire d'examiner la protection de l'installation vis-à-vis des actes de malveillance"... dont "la protection du réacteur contre les chutes intentionnelles d'avions commerciaux".
     Déjà, à ce niveau de lecture, la précision de certains objectifs est confondante:
     "Le risque de fusion du coeur doit être réduit de manière significative";
     "Les rejets radioactifs pouvant résulter de tous les accidents concevables doivent être réduits significativement".
     Significatif signifie quoi? Est-ce une nouvelle unité de mesure?
     Ce qui est "significatif" c'est que la sûreté de ce nouveau réacteur à la lumière des incidents des REP (Réacteur à Eau Pressurisée) actuels et si la décision de le construire est prise, doit être améliorée. Mais l'approche retenue ne garantit rien sur les améliorations possibles. 
     Clamer qu'il sera 10 fois plus sûr, qu'il fera moins de déchets (15 % parce qu'il utilisera lui-même le plutonium qu'il produit) ne repose sur rien de tangible dans les dossiers consultables par les citoyens. 
     Cette réduction proclamée de la diminution des déchets provient de la volonté d'augmenter le taux de combustion des combustibles. Cette politique a pour élément moteur l'espacement plus important (de 12 à 18 voire 24 mois) des arrêts pour recharge de combustible, d'où une augmentation de la disponibilité du réacteur, donc une amélioration du facteur rentabilité. 
suite:
     Ceci impose deux exigences techniques :
     - La première est l'augmentation du taux d'enrichissement des combustibles soit en U235, soit en Pu239. Cette exigence se heurte à des limites physiques de réactivité au-delà desquelles la sûreté du réacteur n'est plus garantie en phase accidentelle (Les études de sûreté ont montré que pour un enrichissement élevé des combustibles, dans une séquence accidentelle nécessitant l'injection dans le circuit primaire de bore pour arrêter la réaction, celle-ci divergeait de nouveau après le passage de la "bulle" de bore dans le coeur) . 
     - La seconde est la tenue des gaines à des taux d'irradiation neutronique beaucoup plus élevés. Actuellement les recherches destinées à trouver un matériau permettant d'atteindre des taux élevés de fluence neutronique, donc de dpa (déplacements par atome), se font encore de façon empirique sans que l'on sache si elles pourront aboutir (Sous l'impact des neutrons provenant des réactions de fission, les atomes de métal se déplacent, créant des lacunes et des agrégats. Ceci produit une fragilisation de ce métal, dans notre cas, des gaines de combustible. Il n'existe pas encore de recette permettant de juguler les effets de ce phénomène bien connu, dont l'étude se poursuit depuis les débuts de Phénix ).
     Le facteur d'amélioration de la sûreté est calculé sur la base d'analyses probabilistes qui ont quasiment toujours été prises en défaut lorsqu'elles ont été confrontées à un incident ou accident réel (Voir, par exemple, les circuits RRA du palier N4)
     La protection renforcée des zones sensibles (bâtiment réacteur, bâtiment combustibles,...) n'est pas totale et "le fait que les tuyauteries de vapeur sont implantées par paires et ne sont pas protégées contre les chutes d'avions" (il faut bien qu'à un moment la vapeur produite dans les générateurs de vapeur sorte du bâtiment réacteur pour aller jusqu'aux turbines. Il y a, pour chaque boucle primaire, une zone critique où une rupture de cette canalisation vapeur va produire un tel choc au niveau des tubes d'échange du générateur de vapeur, qu'ils risquent de ne pas résister. Ceci produirait une brèche dans le circuit primaire, avec rejet du contenu du circuit primaire directement à l'extérieur du bâtiment réacteur.) va obliger à prendre en charge "la vidange simultanée de deux générateurs de vapeur" qui "devrait être étudiée avec des règles appropriées" (page 67).
     Force est de constater que "les fameuses avancées de sûreté" sont encore en gestation.
     Si on examine les réalisations précédentes et en particulier les réacteurs du palier N4 (Chooz et Civaux), on constate qu'il a fallu plus de 2 ans pour réussir à mettre en place un nouveau contrôle-commande qui est toujours imparfait. 
     Quant aux canalisations, celles du refroidissement de réacteur à l'arrêt (RRA), étaient fissurées après 6 mois de fonctionnement parce qu'un problème élémentaire de plomberie avait été "oublié" : le non mélange instantané des eaux chaudes et froides.(Ce type de problème est pourtant bien connu. Dans les années 70, le remplacement d'un gros morceau de canalisation primaire sur la centrale américaine d'Indian Point avait nécessité, en raison des doses d'irradiation reçues par les travailleurs, l'utilisation de plusieurs centaines de soudeurs.)
     Plus inquiétant, les nouveaux modèles de grappes de barres de commande (barres contenant un élément absorbant les neutrons qui permettent, par leur insertion dans les assemblages de combustible, d'ajuster le niveau de puissance du réacteur. Associées aux barres d'arrêt d'urgence, elles doivent permettre de stopper très rapidement le réacteur dans toutes les situations d'urgence.) destinés au palier N4, avaient été si bien testés avant fabrication définitive que, lors de leur première implantation sur une installation industrielle, la centrale de Daya Bay en Chine, les barres refusèrent obstinément de descendre conformément à leur cahier de charge.
     Ces voeux pieux des autorités et les considérations qui en résultent, exposés dans ce document, sont sûrement les mêmes que ceux qui avaient préparé la naissance du palier N4. Vraisemblablement les mêmes avis favorables avec réserves avaient été donnés. La constatation des défaillances donne à penser plusieurs hypothèses:
     - Le constructeur ne tient pas compte des réserves, ou même des règles de l'art. 
Il ne reste alors qu'à essayer de trouver ultérieurement des solutions palliatives (par exemple utilisation de mauvais granulats pour la fabrication du béton des doubles enceintes, suivi d'opérations de colmatage de la paroi interne avec des résines dont la tenue dans le temps et en conditions d'accident grave reste à prouver. Les tests de vieillissement des résines, effectués avec des débits de dose importants, ne sont pas représentatifs des conditions réelles d'emploi. Le contrôle du vieillissement sur site n'est pas convaincant, dixit l'ASN.);
     - Toute la chaîne de contrôle-qualité, depuis le dessin, les tests, la mise en place est insuffisante. Cette chaîne qui devrait commencer aux bureaux d'étude, en passant par les bureaux de contrôle, les analyses par les supports techniques de l'ASN, puis les prises de décision par le constructeur et l'ASN, présente des défaillances manifestes, comme l'ont montré les canalisations du RRA ou les barres de contrôle des réacteurs du palier N4.
p.24

     - Certains phénomènes sont méconnus, voire non compris sur le plan théorique (Les tests de vieillissement des résines, effectués avec des débits de dose importants, ne sont pas représentatifs des conditions réelles d'emploi. Le contrôle du vieillissement sur site n'est pas convaincant, dixit l'ASN.- Nous citerons l'influence de la vitesse de sollicitation (vitesse de déformation), la triaxalité des contraintes.-) , tels ceux de la fatigue pour lesquels on applique des règles empiriques (au doigt mouillé, comme disent les spécialistes). (La règle de "Miner" permet d'effectuer une "cuisine" autorisant à jongler avec les dépassements du nombre de cycles de chargement (de types d'efforts) définis par le constructeur. On a pu constater le résultat à Civaux et à Chooz) 
     Une grande attention est apportée à la problématique des accidents graves conduisant à la fusion du coeur. Il est clair que pour cette famille de réacteurs la perte du modérateur donc du caloporteur induit une très forte probabilité de fusion du coeur. L'accident de THREE MILE ISLAND en 1979 en est l'illustration. Le dénoyage du coeur a conduit à la fusion d'environ 80% de sa masse. C'est seulement après une dizaine d'années de travaux qu'on a pu se rendre compte que, bien qu'ayant tenu, la cuve était profondément fissurée.
     Pour l'EPR, il est prévu de placer un récupérateur de coeur fondu  pour la gestion des accidents graves, ce qui n'avait pas été jugé utile pour tous les réacteurs construits en France après 1979. (dispositif grâce auquel, en cas de fusion du coeur du réacteur et percement de la cuve, le corium (mélange de combustible et de divers métaux de structure fondus) est sensé ne pas arriver au contact du béton qu'il risque d'attaquer et de percer. De plus il doit diviser la masse fondue pour éviter tout risque de recriticité. Mais il ne faut surtout pas que le corium soit en contact avec un grand volume d'eau, sinon on court le risque supplémentaire d'une explosion vapeur dégageant une très importante quantité d'énergie)
     Toutefois, le dossier indique sous la rubrique : Refroidissement du coeur en dehors de la cuve (page 56)
     "Jusqu'à maintenant aucun système de codes valides ne peut décrire de manière fiable les phénomènes pour les séquences d'accident grave. Aussi la conception du puits de cuve et de la grande chambre d'étalement, y compris le refroidissement du corium, doit être justifiée par le concepteur sur la base de résultats expérimentaux et de calculs associés pour un large spectre de scénarios possibles."
     Tout l'inventaire des expérimentations, démonstrations, études demandées par l'ASN dans le cadre de cette problématique (pages 53 à 56), montre à quel point l'occurrence d'une fusion de coeur avec les classes de combustibles envisagées sur ce nouveau réacteur, semble préoccupante. 
     C'est pourquoi il nous paraît indispensable qu'un "status report" soit fait sur ce domaine, et ce par une instance plurielle. Cette analyse est une nécessité incontournable avant toute prise de décision concernant l'éventualité de la construction d'un tel réacteur.Quant aux actes de malveillance, on en est encore à croire que les chutes d'avion se limiteront au CESSNA ou au LEAR JET. 
suite:
L'impact d'un gros porteur bourré de kérosène reste soi-disant "impossible". D'une part, rien n'est impossible en terrorisme et d'autre part la taille des avions (A380 ou nouveaux Boeing) risque de fausser toutes les évaluations. Rappelons que même sans impact direct, la boule de feu de kérosène, couplée à l'onde de choc sur le site, risque de tout dévaster. 
     La recommandation de la page 68 concernant les explosions: "Avant qu'une décision soit prise sur la construction d'une tranche sur un site spécifique, le concepteur doit prouver que la protection standard relative aux explosions est appropriée en tenant compte du développement industriel actuel et planifié autour du site. Dans le cas contraire des mesures administratives doivent être prises ou des protections complémentaires doivent être mises en place." laisse rêveur face à un demi-siècle d'évolution technique. De nombreux exemples, dont AZF à Toulouse, montrent que les mesures administratives sont impuissantes pour endiguer ou planifier les développements urbains et industriels sur d'aussi longues périodes.
     Le dossier, tel que nous le connaissons à l'heure actuelle, montre que de nombreuses incertitudes doivent être levées en préalable à toute décision. Il est trop fréquent que des impasses soient faites, laissant en suspens des questions pour lesquelles on suppose que les réponses arriveront en temps et heure. Et lorsque les réponses ou les solutions arrivent à un stade de la construction où elles ne peuvent plus être prises en compte, il est coutumier de se contenter de palliatifs plus ou moins efficaces, appuyés par de brillants calculs permettant de "justifier" les manquements techniques. Ces palliatifs ne sont en fait que des brevets de bonne conscience pour les décideurs.

     En guise, non de conclusion, mais d'exemple du style de ces documents, voici un court extrait de la page 4 des règles techniques relatives à la construction des CPP et CSP (CPP: Circuit Primaire Principal, CSP : Circuit Secondaire Principal)
     "Dès la conception des appareils, toutes les mesures nécessaires sont prises pour faciliter l'accessibilité, l'inspectabilité, la réparabilité, voire le remplacement des différentes parties de ceci. Des cas particuliers peuvent présenter des limitations ou une impossibilité à la remplaçabilité, s'ils résultent d'un choix dûment effectué en amont. Les mesures nécessaires sont prises pour que l'accessibilité et l'inspectabilité puissent être maintenues compte tenu de l'irradiation des matériaux en permettant en particulier la mise en oeuvre d'examens à distance et l'utilisation d'outils de maintenance adaptés."

     Ces textes ont dû être rédigés avant la nouvelle mode, sinon il serait question de accessibilitance, inspectance, réparance, remplacance, etc...

p.25

L'EPR : un danger pour l'homme et pour l'environnement
juin 2005
infonucleaire@altern.org
     EDF a décidé le 21 octobre 2004 d'implanter le réacteur nucléaire [dit] de troisième génération, EPR (European Pressurised water reactor) sur le site de Flamanville, dans la Manche.
     «L'EPR est dix fois plus sûr que les centrales nucléaires actuelles».
     Cette citation de l'actuelle ministre française de l'industrie, Nicole Fontaine, est pour le moins bizarre, comme le fait remarquer Axel Mayer du BUND de Freiburg (Allemagne). En effet, ne nous rabâche-t-on pas depuis des dizaines d'années que les centrales nucléaires en service actuellement sont toutes sûres à 100%?
     Tandis que le mouvement écologiste allemand, qui s'est laissé endormir par les promesses soporifiques d'une soi-disant « sortie du nucléaire », attend que la fermeture des installations atomiques se fasse d'elle-même, les multinationales de l'énergie nucléaire comme EnBW, RWE, Eon, Vattenfall, EDF, Siemens et Areva préparent le terrain pour faire accepter la construction de nouvelles centrales atomiques en Europe. Le projet EPR est financé par EDF et EnBW avec notre argent, si tant est que nous en sommes clients. Sa construction reviendra à Siemens et à Areva. 
     «Si le gouvernement français se prononce début 2004 - le projet est à l'ordre du jour des Conseils des Ministres des 11 et 18 février - pour l'adoption de ce projet franco-allemand d'Areva, l'EPR pourra entrer en fonctionnement en 2010», a déclaré Nicole Fontaine le 7 novembre 2003. 
     (note de la Gazette: le projet a été inscrit dans la loi sur l'énergie (2004). Il ne manque plus qu'un débat public -portant sur quoi- et une enquête publique pour Flamanville 3 (site choisi) dont on connaît d'avance le résultat : le dossier est bouclé, CQFD)
Nouvelles stratégies pour imposer l'EPR en douceur
     Une grande partie du parc nucléaire européen doit être renouvelée à partir de 2005 et Siemens & Areva sont bien décidées à garder le pied dans le marché nucléaire mondial. Avec l'EPR, il ne s'agit pas seulement d'un nouveau réacteur pour la France, mais bien de créer une tête de série, modèle de référence à exhiber sur le marché mondial.
     Le lobby du nucléaire a tiré les leçons de ses défaites à Wyhl, Wackersdorf, Plogoff, etc., et ne répétera pas ses erreurs. Il s'y prend désormais autrement: une campagne publicitaire habile, coûtant plusieurs millions d'euros, est mise en place un peu partout en Europe pour vanter les mérites de ce type de réacteur «nouveau, sûr et durable». La propagande publicitaire est maintenant complètement axée sur l'aspect "écologique» et favorable au climat de ce nouvel investissement. Ce sont justement les lobbies auxquels les écologistes ont mis des années à imposer des dispositifs pour réduire les taux de nitrate et de soufre dans leurs vieilles mines de charbon, qui utilisent maintenant des arguments environnementaux pour relancer leurs programmes nucléaires! Et qui de plus s'efforcent de diviser le mouvement écologiste par le biais de polémiques sur les éoliennes. C'est ainsi que l'on réussit à refouler le souvenir des accidents nucléaires de:
     -Tchernobyl:
 (//www.dissident-media.org/infonucleaire/special_tcherno.html), 
     -Harrisburg:
(//www.dissidentmedia.org/infonucleaire/tmi_25.html),
     -Tokaimura:
(//www.dissident-media.org/infonucleaire/accident_japon.html ), etc.
     Sites prévus pour les premiers EPR:
     Cela pourrait être la Finlande ou Penly, en Normandie (France). Ce qui compte pour le choix de ces sites, c'est que la résistance politique et citoyennes y soit minime. Un petit pays comme la Finlande peut facilement se laisser abuser par l'arrivée de l'argent, du pouvoir et de l'influence du lobby de l'atome.
     Une fois la brèche ouverte, ce dernier espère que cela fera des envieux en Europe. «Plutôt un mauvais réacteur construit en Allemagne ou en France qu'un tout aussi dangereux chez nos voisins européens finlandais », c'est le mot d'ordre qui se rattache habilement aux égoïsmes nationaux. Cela peut aussi être un aspect de la mondialisation.
     De toute façon, les centrales nucléaires françaises arrivées en fin de vie devront être remplacées, et en Allemagne, l'industrie nucléaire compte sur un changement de gouvernement, avec des partis pro-nucléaires qui attendent leur tour. Il est surprenant que, dans le monde entier, ce soient souvent des partis très conservateurs qui agissent contre l'homme, la nature et l'environnement.
     Le lieu d'implantation de l'EPR pourrait aussi être Fessenheim, car c'est la centrale la plus vieille de France, et il y aurait d'ores et déjà sur le site de la place pour deux nouveaux réacteurs. Des  mesures d'hygiène psychologique» ont d'ailleurs été prises en 2003 pour préparer le terrain: la centrale s'est auto-dotée d'un certificat environnemental (ISO 14001) et a fondé le nouveau club pro-nucléaire «Au fil du Rhin».
     Mais les risques sismiques et la solide opposition des populations de part et d'autre du Rhin plaident contre le choix de ce site.
suite:
     Dangers de l'EPR (en bref):
     - Où qu'on le construise, l'EPR sera dangereux.
     - Il produit des déchets nucléaires qu'il faudra stocker durant des millions d'années. Pour chaque mégawatt d'électricité produite en un an, chaque centrale produit la radioactivité à vie courte et à vie longue d'une bombe d'Hiroshima. Deux EPR à 1.600 MWé chacun produiraient la radioactivité de 3.200 bombes d'Hiroshima.
     - Partout où des hommes travaillent, les erreurs humaines sont possibles - voir :
http://www.chez.com/atomicsarchives/embrouilles_centrales.html
     - L'EPR est grand, au lieu d'être sûr. L'organisation internationale des médecins pour la prévention d'une guerre atomique IPPNW dénonce la capacité de 1.600 MW comme un abandon des normes de sécurité. C'est pour éviter une explosion des prix de l'électricité que Siemens & Areva privilégient le gigantisme au détriment de la sécurité.
     - Les systèmes de sécurité passifs de l'EPR ne sont pas suffisants, armatures et pompes sont toujours entraînées par motrices, qui peuvent s'arrêter à la moindre panne de courant. La seule innovation de l'EPR est le réservoir destiné, en cas d'accident majeur, à recevoir et refroidir le coeur en fusion. Pour ce faire, il faudrait d'une part que le bassin soit absolument sec, sans quoi les risques d'explosion de vapeur sont très élevés, et d'autre part, il faudrait recouvrir d'eau le coeur en fusion, ce qui provoquerait justement ces explosions de vapeur à éviter...
     - Et pour l'EPR, des gens mourront dans les mines d'extraction d'uranium, voir: 
http://www.dissident-media.org/stop_nogent/95_cogema.html , par les radiations proches des centrales, dans les usines de plutonium (dites de retraitement) et d'enrichissement d'uranium.
     - Comme toute autre centrale nucléaire conventionnelle, l'EPR produira des rejets radioactifs lors de son fonctionnement dit « normal ».
     - Destiné à l'exportation, l'EPR aggrave donc le risque que de nouveaux pays entrent en possession de la bombe atomique. Selon Jean-Jacques Rettig, du CSFR (Fessenheim), «l'État français n'a tiré aucune leçon de la vente d'une centrale nucléaire à l'Irak. Celui qui détient une centrale nucléaire est capable de construire une bombe. Pour des profits à court terme, EDF, EnBW, Siemens et Areva mettent la paix mondiale en danger».
     - Le projet EPR a commencé bien avant les événements du 11 septembre 2001.
     L'EPR n'est pas prévu pour faire face à une éventuelle attaque terroriste. Une attaque terroriste ou un accident nucléaire majeur rendraient une grande partie de l'Europe inhabitable pour toujours. Un pays possédant des centrales nucléaires est à la merci de tous les chantages.
     - L'EPR n'est pas à l'abri du risque de fusion du coeur du réacteur. Tous les dispositifs de sécurité de l'EPR ne peuvent que contrôler des fusions à basse pression, dispositifs dont le fonctionnement est par ailleurs très controversé.
     - L'EPR n'est donc pas un nouveau réacteur, tous les problèmes inhérents au P.W.R restent entiers.

     Que faire?
     Il faut se mobiliser et résister à la propagande médiatique du lobby nucléaire. Il y a encore des millions de consommateurs écologistes qui achètent des produits à Siemens. Nombreux sont ceux qui achètent leur électricité à des firmes nucléaires telles que Eon, EnBW, RWE, Vattenfall ou à des filiales dites environnementales. Cela pourrait changer avec le lancement de l'EPR, car il existe des producteurs alternatifs, vendant à bon marché de l'électricité produite à 100% sans nucléaire comme l'EWS de Schönau.
     Mais résister pacifiquement, cela signifie aussi faire pression sur tous les sites possibles, résister à Gorleben, faire pression sur les partis pro-nucléaires allemands, ainsi que sur les partis au pouvoir en léthargie.
     Les actions transfrontalières et une coopération anti-nucléaire internationale sont plus nécessaires que jamais. Si le lobby nucléaire ne connaît pas de frontières, ses opposants non plus.
     L'industrie nucléaire est tournée vers le passé alors qu'une vraie préparation de l'avenir exige le développement des alternatives. Une politique énergétique digne de ce nom, durable et respectueuse du climat doit combiner différents facteurs: économies d'énergie, renoncement au gaspillage, cogénération, sources d'énergie renouvelables. Sans une véritable politique économique écologiquement soutenable, nous conduisons notre planète droit à sa perte. Avec l'EPR, cela ira seulement un peu plus vite.

p.26
A lire:
- "Nucléaire: La double manipulation" et "EPR: il est urgent d'attendre" voir:
  http://www.dissident-media.org/infonucleaire/relance.html
- Le dossier noir de l'EPR du Réseau Sortir du Nucléaire voir: //www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=sinformer&sousmenu=themas&soussousmenu=epr2&page=index,
qui lance un "blocage administratif" d'EDF pour obtenir l'annulation de sa construction voir:
http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=agir&sousmenu=campagnes&soussousmenu=2004&page=index
- Revue de presse : L'EPR à Flamanville ! voir: http://www.dissident-media.org/infonucleaire/epr_trop.html
- Le pseudo-débat sur le nucléaire en France voir: http://www.dissident-media.org/infonucleaire/deba_nat.html
- Pour rire : Un débat public sur l'EPR débutera mi-octobre voir:
 http://www.dissident-media.org/infonucleaire/blague_epr.html
- la Gazette Nucléaire n°215/216, septembre 2004.

Retard en vue pour l'EPR français
L'Usine nouvelle - Jeudi 26 mai 2005
     Note du Réseau "Sortir du nucléaire":
     Cet article confirme de façon éclatante que le nucléaire français est moribond. Les mythes (compétence, indépendance) s'effondrent les uns après les autres. Par contre, l'argent public (notre argent !) va une nouvelle fois être mobilisé pour le nucléaire par l'intermédiaire des subventions (massives?) au "pôle de compétitivité Bourgogne". L'EPR français semble d'ailleurs n'avoir été commandé que pour sauver l'industrie nucléaire hexagonale de la disparition. Enfin, l'article se conclut sur "les gigantesques programmes nucléaires qui s'annoncent" sur la planète, mais il faut rappeler que, dans le même temps, il y aura beaucoup plus de fermetures de réacteurs (fin de vie).
     Nucléaire - Retard en vue pour l'EPR français
     Faisabilité technique à démonter, capacités de production insuffisantes : pour Areva, les obstacles industriels s'accumulent pour construire l'EPR de Flamanville d'ici à 2012 comme prévu.
     Question de crédibilité pour le numéro 1 mondial du nucléaire. A ses interlocuteurs, Anne Lauvergeon, la présidente d'Areva, affirme qu'elle fera tout pour que la cuve de l'EPR de Flamanville- 3 "et notamment sa partie supérieure, la virole porte-tubulure, la pièce maîtresse qui nécessite la fonte et le travail d'un lingot creux d'acier faiblement allié de 420-430 tonnes" soit fabriquée dans l'ex-«sanctuaire industriel du nucléaire français», dans le bassin du Creusot/Chalon-sur-Saône. Il ne peut en être autrement.
     Areva qui n'a déjà pas pu assurer la production de celle de la première commande EPR destinée au finlandais TVO et a dû la sous-traiter au Japon, doit pouvoir réussir à maîtriser parfaitement l'élaboration de cette énorme virole. Une condition indispensable si le groupe veut vendre demain, à la Chine ou aux États-Unis, le seul réacteur de troisième génération aujourd'hui sur le marché. Un défi et une course de vitesse difficiles pour pouvoir surmonter cette « situation stratégique handicapante».

     Quatre ans de recherche
     Résultat : le planning du premier EPR français est, à ce stade, bel et bien décalé de plusieurs années. La fabrication des pièces de la partie supérieure de la cuve, la plus complexe de l'îlot nucléaire, devrait être lancée dans deux ans pour que le réacteur puisse être mis en service, comme le souhaite EDF, en 2012. Elle ne le sera pas. De même que pour les générateurs de vapeur dont quatre pièces de la virole sur huit demanderont encore deux ans d'études.
     Il faudra d'ici là de nouveaux investissements, tant pour le chaudronnerie de Framatome-ANP que pour Creusot-Métal (Industeel) et Sfarsteel, filiale du groupe France-Essor, héritier de Creusot-Loire Industrie, l'ex-pilier du programme nucléaire français contrôlé aujourd'hui par Michel-Yves Bolloré, qui lui fournit les composés forgés finis.
     Plus précisément, comme le remarque l'un des principaux industriels associés au programme, le "sanctuaire" manque aujourd'hui, de structure de levage, d'une lingotière, d'un bassin de coulée, d'un outil de forgeage dimensionnés aux nouveaux enjeux. Il faudra surtout trois, voire quatre, années de recherche pour espérer pouvoir lancer la production, estiment Jean-Pierre Durski, directeur de l'usine Areva de Chalon/Saint-Marcel, et Marc Benner, délégué régional d'EdF.

suite:
En technique de coulée comme en caractérisation des matériaux des recherches sont encore indispensables et, en mobilisant pour ce faire, outre leurs compétences propres, celles des laboratoires du CEA de Valduc à Is-sur-Tille près de Dijon, de Grenoble et de Saclay, de l'École des arts et métiers de Cluny, de l'Esirem (École supérieure d'ingénieurs de recherche en matériaux), de l'université de Dijon ou du centre de formation Cetic (Intervention sur chaudières nucléaires à eau pressurisée).

     Parer au plus pressé
     Faute de commandes nouvelles, la métallurgie nucléaire a perdu de sa superbe en France ces quinze dernières années. Et surtout compromis son indépendance. La cuve de Civaux-2, le dernier réacteur d'EdF mis en service près de Poitiers fin 1999, a été coulée et forgée au début des années 1990. Ces heures fastes ne sont plus qu'un lointain souvenir. De surcroît, la partie supérieure de la cuve de l'EPR est très différente de celle de la génération précédente (palier N4) qui supposait la réalisation d'un lingot creux de 190 tonnes, une partie supérieure de la cuve en deux pièces et une tubulure posée et soudée sur des orifices creusés dans la virole.
     Les soudures doivent être aujourd'hui réduites au strict minimum pour simplifier et réduire les temps de fabrication, de même qu'ensuite limiter les délais d'arrêt des centrales lors des opérations de contrôle et de maintenance. Pour que la virole porte-tubulure soit réalisée en France, Areva et Sfarsteel (via ses filiales Creusot- Forge et Creusot-Mécanique) vont devoir monter d'un cran leur savoir-faire et leurs investissements. A Chalon, on sait aujourd'hui fondre, en trois postes de coulée, et forger un lingot creux de 250 tonnes (actuellement pour les couvercles de cuves), mais pas encore résoudre les problèmes soulevés par la réalisation de l'indispensable lingot creux de 420-430 tonnes.

Probablement en cinq postes de coulée.
     Une technologie conforme aux solutions traditionnellement choisies par les ingénieurs français pour assurer une répartition thermique plus homogène de la pièce et de meilleures propriétés mécaniques. Une option qui n'est pas remise en question dans l'immédiat. A l'inverse, Mitsubishi Heavy Industries et la forge de Japan Steel Works qui assurent la fabrication en cinq coulées et le travail de la cuve de l'EPR finlandais d'Olkiluoto-3 de TVO qui doit être mis en service au printemps 2009 ont déjà terminé la virole. Mais avec leur propre technologie, celle du lingot plein.
     (Note Gazette: est-ce si sûr, le lingot creux est un brevet japonais...)
     Manifestement, les concepteurs du projet EPR: les Allemands de Siemens et les Français réunis au sein de Framatome ANP ne se sont pas attardés sur les questions de faisabilité industrielle. Le successeur du N4 devait, à très long terme, venir remplacer le parc nucléaire de première génération. Il est devenu, plus vite que prévu, le projet de référence de la troisième génération, le premier sur le marché mondial. Surtout pour une époque où les donneurs d'ordre, à capitaux privés pour leur majorité, tiennent à faire plus vite (cinq ans au lieu des sept habituels du programme français), moins coûteux (l'EPR finlandais a été facturé 3 milliards d'euros, les suivants seront forcément moins chers) et pour plus longtemps (l'exploitation de l'EPR est prévue pour 60 ans contre 40 la génération précédente).

p.27

     Conséquence:
     Il faut aujourd'hui parer au plus pressé. L'ingénierie d'Areva est en surchauffe (trois ans et demi de commandes signées) en raison des deux grands chantiers finlandais et français, mais aussi des importantes commandes françaises et américaines en particulier (seize couvercles de cuves, vingt-et-un générateurs de vapeur et trois pressuriseurs). Du fait des pyramides d'âge ou de l'arrêt du programme nucléaire allemand depuis six ans, nombre d'ingénieurs et de chercheurs, des deux côtés du Rhin, sont partis vers d'autres horizons professionnels ou en préretraite. Ce qui suppose aujourd'hui une embauche importante de jeunes ingénieurs et techniciens pour reconstituer et rénover le savoir-faire.
    Particulièrement recherchées, les compétences dans la science et le génie des matériaux, les procédés de fabrication (état de surface, tenue à la corrosion), en simulation numérique et en contrôles non destructifs, ou encore en robotique et en optimisation industrielle. Areva, qui a embauché 150 jeunes ingénieurs et techniciens l'an dernier sur son site de Chalon/Saint-Marcel en Saône-et-Loire, compte en recruter une centaine cette année. Valinox-Nucléaire (groupe Vallourec), le tubiste de Montbard au nordouest de Dijon, propose une cinquantaine de postes. Sfarsteel cherche une trentaine de tourneurs verticaux supplémentaires.

     Un pôle de compétitivité
     L'autre défi est économique et passe par le projet de pôle de compétitivité PNB (Pôle Nucléaire Bourgogne): lancer la fabrication de la totalité d'une cuve pour un ou deux réacteurs, n'est plus rentable après plusieurs années de sous-activité des sites bourguignons spécialisés depuis toujours dans les composants lourds. Areva et ses partenaires souhaiteraient des engagements à long terme d'EdF au-delà de l'actuelle tête de série. Combien d'EPR suivront Flamanville et à quelle échéance? Aucun engagement irrévocable n'a été pris ni par l'État ni par EdF, devenue société anonyme et déjà soucieuse de l'impact de ses décisions sur son entrée en Bourse, en principe toujours prévue avant la fin de cette année.

     Via ce projet, les industriels impliqués dans l'aventure du «réacteur du XXIe siècle» vendent aux pouvoirs publics l'idée qu'il faut, dès maintenant, s'équiper pour construire cinquante EPR. En France, bien sûr, mais aussi en Chine, en Inde, au Pakistan, en Corée du Sud ou en Suède. Soit, en moyenne, quatre EPR par an. D'où l'obligation de rassembler, au plus vite, pour pouvoir «fabriquer les composants lourds du circuit primaire», 157 millions € de crédit, dont 140 millions pour des investissements industriels (cuve et générateurs de vapeur) et 17 millions pour la R&D et la formation.

     L'avenir est bourguignon
     Sur la ligne de départ: le CEA, EDF, Areva, Sfarsteel, Valinox-Nucléaire, Industeel et, espèrent ses promoteurs, entre 70 et 100 de leurs sous-traitants. Areva a déjà investi 40 millions € dans des préétudes. Et, annoncé fin avril que 30 millions € sur trois ans allaient être consacrés au renforcement du potentiel industriel de Chalon/Saint-Marcel. Sfarsteel a lancé un programme de modernisation de 10 millions €, Valinox de 7 millions pour la modernisation d'un four de traitement thermique des tubes utilisés dans les générateurs de vapeurs.
     Un début pour les promoteurs du «PNB» qui comptent fortement sur le soutien de l'État à leur projet de pôle. Impossible d'échouer de toute façon. Pour qu'Areva puisse vendre l'EPR en Chine, il faut impérativement que le groupe puisse démontrer qu'il maîtrise parfaitement, dans toute sa complexité, la fabrication de la cuve. Il est en effet peu probable, en raison des actuelles relations entre la Chine et le Japon, que Pékin confie à deux groupes nippons les commandes des quelque quarante cuves attendues de son prochain programme nucléaire. Des missions d'ingénieurs d'Areva sont allées en Mandchourie pour savoir quelles possibilités existaient d'y faire fabriquer ces cuves géantes.

     Leur conclusion:
     Théoriquement possible, mais, pour l'instant, des problèmes de qualité demeurent. Le temps ne joue pas forcément au bénéfice du numéro 1 mondial. Le principal concurrent de l'EPR sur l'immense marché chinois qui se profile, l'«AP 1.000» de Westinghouse, ne comporte pas de cuve de cette dimension (mais le groupe américain n'est plus qu'ingénieriste sans être lui-même industriel). L'avenir d'Areva va donc se jouer en Bourgogne. Si la mobilisation prévue ne se concrétise pas, on peut craindre que le groupe d'Anne Lauvergeon ne puisse, en définitive, s'aligner en candidat le mieux placé pour les gigantesques programmes nucléaires qui s'annoncent.

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