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G@zette N°213/214

L'incroyable affaire Debus
Mardi 24 janvier 2004


     COMMUNIQUE CRIIRAD
     La sous-traitance illégale d'une matière nucléaire par un récupérateur de métaux du Val-de-Marne (Sté DEBUS) conduit à la contamination d'une fonderie de Seine-Saint-Denis (Sté BUDIN), puis au transport irrégulier de déchets radioactifs jusque dans les Ardennes où ils attendent depuis plus de 8 mois sur un site non autorisé (parking de METAL-BLANC).
     Au terme d'une enquête approfondie, la CRIIRAD saisit 4 ministères et décide de porter plainte contre X avec constitution de partie civile.
     La CRIIRAD a commencé ses investigations en octobre 2003 à la demande de l'association " protection de l'environnement de Bourg-Fidèle " et de Mr Brusa, le chauffeur qui a transporté les déchets radioactifs. Après analyse des documents disponibles, entretiens téléphoniques avec la plupart des intervenants et compte tenu du caractère générique des anomalies identifiées, la CRIIRAD a interpellé les quatre ministres concernés : Travail, Santé, Écologie et Industrie :
     " Nous nous permettons d'attirer votre attention sur les dysfonctionnements découverts lors de notre enquête sur la circulation irrégulière d'uranium appauvri entre différentes ICPE, circulation ayant entraîné la contamination d'une fonderie, l'exposition de travailleurs et l'immobilisation (à ce jour sans solution) de remorques de déchets radioactifs sur un site non autorisé ".
     Nous pouvons synthétiser comme suit les principales infractions et défaillances :
     - violation de la réglementation sur les matières nucléaires ;
     - violation de la réglementation sur les matières radioactives ;
     - défaut de protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants et notamment :
     1/ les employés de la fonderie BUDIN d'Aubervilliers qui ont travaillé plus de 6 mois en milieu contaminé alors que tous les responsables étaient informés ;
     2/ le chauffeur du poids lourd, M. Brusa, qui n'a bénéficié d'aucune information ni conseil de radioprotection.
     Voici la liste des organismes dont la responsabilité peut être mise en cause à la lumière des éléments recueillis à ce jour par la CRIIRAD : 
     - l'établissement DEBUS de Villejuif (94) comme responsable des délits 
     et à titre secondaire, pour avoir contribué à en aggraver les conséquences : 
     - l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) ; 
-la Division Sûreté Nucléaire et Radioprotection d'Ile de France (DGSNR dite ASN) ; 
     - les sociétés MERI et STMI (liste provisoire et non exhaustive).
     La CRIIRAD a notamment interpellé les autorités sur :
     1/ le défaut de collaboration des différents services concernés ;
     2/ la sortie d'un 2ème chargement radioactif alors que la fonderie était sous surveillance ;
    3/ l'application étroite du principe pollueur-payeur (qui conduit à tout facturer à la principale victime du délit et à témoigner une surprenante mansuétude au principal fautif)
    4/ la délivrance d'agrément à des sociétés privées dont la compétence et/ou la rigueur sont contestables;
     5/ la délivrance d'autorisations d'incorporer des substances radioactives aux équipements professionnels, sans les garanties suffisantes et sans que l'on sache faire face aux conséquences des dysfonctionnements ;
    6/ la sous-traitance illégale; (etc.).
suite:
Par ailleurs, afin que les vrais responsables soient poursuivis, la CRIIRAD a décidé d'engager une action en justice. Le dossier a été transmis à maître Faro qui doit déposer la plainte entre les mains du doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de Créteil.
Les courriers aux ministres et la synthèse du rapport seront disponibles ce jour à partir de 13h sur le site officiel de la CRIIRAD
NUCLÉAIRE  : Entre le Val-de-Marne et les Ardennes de l'uranium appauvri circulait en toute illégalité

     LE FIGARO (Delphine Chayet [25 février 2004]
     L'alerte est venue d'un chauffeur de camion, exposé à son insu à des déchets radioactifs, lors du transport d'un chargement illicite, contenant entre autres de l'uranium appauvri. Enquêtant sur l'origine de la cargaison, la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) découvre un «délit grave», commis dans le Val-de-Marne par une entreprise spécialisée dans la récupération de métaux ”la société Debus”.
     Hier, l'association s'est tournée vers les ministères de l'Écologie, de l'Industrie, du Travail et de la Santé. «Notre enquête a mis en lumière une série de dysfonctionnements et d'anomalies qui pourraient révéler la défaillance du système entier», indique Corinne Castanier, directrice de la CrII-Rad.
     L'association découvre notamment que de l'uranium appauvri a circulé en toute illégalité sur le territoire français, voyageant du Val-de-Marne aux Ardennes en passant par une fonderie installée en Seine-Saint-Denis. «Et, à chaque étape, des employés sont entrés sans le savoir au contact de ce déchet industriel radioactif», note Corinne Castanier.
     Le chargement sort en janvier 2003 des ateliers de l'entreprise Debus. L'établissement classé est autorisé à stocker jusqu'à sept tonnes d'uranium appauvri, une matière soumise à un cadre juridique très strict. L'entreprise confie pourtant à une fonderie traditionnelle de Seine-Saint-Denis le traitement de ces six têtes de Thératron, un matériel médical utilisé pour les radiothérapies.
     «Nous ne savions pas que la carcasse métallique contenait de l'uranium appauvri. Nous l'avons fondue comme si ce n'était que du plomb», explique Hervé Budin, gérant de l'entreprise de recyclage qui n'est pas habilitée à recevoir des matériaux radioactifs. Le 19 mai, les «crasses» issues de l'opération sont transportées en camion vers une dernière entreprise, située dans les Ardennes. Mais, en passant sous le portique de détection de l'usine, l'alarme se déclenche. 
     Les autorités sont aussitôt informées.
     Saisi par l'administration, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) intervient alors dans la fonderie Budin. Les experts, qui confirment la contamination du four et de l'atelier, recommandent un assainissement «dans les meilleurs délais» ainsi que le suivi médical des employés. «Nous avons en effet relevé des poussières radioactives dangereuses en cas d'inhalation ou d'ingestion», indique Jean-Luc Pasquier, de l'IRSN.
     Le site, dont la fermeture n'a été demandée à aucun moment, n'est cependant, à ce jour, pas encore «entièrement décontaminé», d'après Hervé Budin pour qui la facture va s'élever à 200.000 €. «La principale victime du délit doit payer toutes les conséquences du délit alors qu'une surprenante mansuétude est témoignée à l'égard de celui qui l'a commis», dénonce d'ailleurs la Criirad qui a annoncé hier son intention de déposer plainte auprès du tribunal de grande instance de Créteil. Sollicitée hier, la direction de l'entreprise Debus a, de son côté, refusé de s'expliquer.

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