La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°201/202, novembre 2002

EXTRAITS DE SILENCE numéro 288 (page 9, 10, 11)
"TECHNOLOGIE ET... BRISE DE CONSCIENCE"
Christian Maillebouis


(...) 
     1/ Pour la France, ce plan prévoit qu'environ 5% de notre future consommation électrique devra être assurée par l'énergie éolienne soit l'équivalent de la production de 4 à 5 réacteurs de 900 MW (Ce pourcentage correspondra à une production éolienne d'environ 25 à 30 TWh/an. Un réacteur de 900 MW a une production annuelle nette d'environ 5.7 TWh). Ainsi toute argumentation qui tendrait à tromper en faisant miroiter un remplacement total de nos centrales nucléaires seulement par des éoliennes est profondément malhonnête; (voir pour un argumentaire BelIa et Roger Belbeoch, sortir du nucléaire, c'est possible avant la catastrophe, 1995, Esprit frappeur. Paris)
     Faut-il rappeler que le fondement d'une politique énergétique durable est basé sur la diversification des sources de production en fonction des potentialités locales ? Prôner alors le tout éolien est une aberration profonde qui ne vise qu'à discréditer cette filière et ses acteurs, tout en apeurant inutilement certains esthètes des paysages. Malgré tout, cette planification nous amène naturellement à réfléchir sur l'empreinte écologique de milliers d'éoliennes dans notre pays (en référence au livre de M Wackernagel et W Rees, Notre empreinte écologique, 1999, Les Éditions Écosocieté, Montréal).
     Rappelons d'abord que le nombre programmé d'éoliennes à installer en France se situera entre 5000 (prévision du ministère de l'industrie) et 10000 (prévision de l'ADEME), et qu'il est probable qu'à l'horizon 2010, un nombre certain, on parle d'un tiers (?), de ces installations se feront en mer à une dizaine de km des cotes. (..)
     Mais pour bien apprécier l'empreinte totale d'une industrie, il est nécessaire d'intégrer le temps de retour à la normalité après sa cessation d'activité. En effet, les surfaces occupées par toute industrie ne se libèrent jamais au claquement de doigt, à la simple fermeture des sites. Quand donc le site de Malville (Seveso, Salsignes, etc.) retrouvera sa virginité d'antan ? Puisque les anti-éoliens prennent si rapidement l'exemple du nucléaire pour dévaloriser les énergies renouvelables, ne faut-il pas rappeler certains faits incontournables ?
     En France, les grandes étapes de la construction d'une centrale nucléaire sont régies par le décret du 11 décembre 1963 modifié par celui du 19 janvier 1990. Ce texte impose à l'exploitant d'indiquer les diverses étapes de la fermeture de la centrale nucléaire et la remise en état du site en respectant des règles minimales de surveillance. Ainsi le démantèlement d'une centrale nucléaire se programme actuellement sur 50 ans. Pour une centrale nucléaire classique (sur le modèle de celle de Cruas soit 4 réacteurs REP de 900 MW) d'une durée de vie de 30 années, l'empreinte écologique minimale est de 8500 hectares-années. Il est évident que ce calcul n'intègre absolument pas les aires de stockage ultime des matériaux irradiés du fait même que leur période d'activité porte pour certains sur des dizaines de milliers d'années. Dans ces conditions, l'empreinte écologique calculée serait gigantesque, sans aucune comparaison possible avec d'autres industries ! À l'opposé, une éolienne dont les fondations ont une emprise au sol d'environ 100 m2 se démonte totalement en quelques jours, sans grande pollution résultante des sites. Ces quelques chiffres montrent combien l'impact sur l'environnement dans la durée - le seul qui vaille - même de quelques dizaines de milliers d'éoliennes, est objectivement dérisoire devant celui d'une unique centrale nucléaire. 
     2/ Une tout autre interrogation est de savoir si notre mode de consommation énergétique occidental, aussi condamnable qu'il soit, peut être comblé totalement par l'ensemble des énergies renouvelables. Évidemment, la question est si vaste, que je ne saurais ici la résoudre. Je me bornerai à énoncer quelques données facilement contrôlables en guise d'éléments de réflexion.
     En ces temps électoraux incertains, l'Autriche se rappelle à nos bons souvenirs ! Ce pays dont la densité humaine est comparable à la nôtre, produisait en 1999 près de 80% de son électricité par des renouvelables alors qu'en France on en était à peine à 15%. La réglementation sur le chauffage électrique (Une aberration en terme de cycle thermique.) y est si contraignante que dans les faits il est pratiquement impossible de choisir un tel mode de chauffage. De plus, le gouvernement autrichien vient de prendre des mesures similaires pour le chauffage au fioul. Aussi, 150000 m 2 de capteurs solaires y sont installés par an, alors que la France est sur des bases dix fois moindres et culmine péniblement avec un parc d'environ 400000 m 2 de capteurs installés (Voir MM Claude Birraux et Jean-Yves Le Deaut, l'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Paris, 2001, pages 120 et suivantes). Et il ne viendrait vraiment à l'esprit de personne de dire que le niveau actuel de vie des Autrichiens est inférieur au nôtre (..) 
     3/ En septembre 1997, la norme européenne 150 14040 était homologuée en France. Son domaine d'application, comme indique en son titre, est le "management environnemental" (Ouf !). L'intérêt fondamental de cette norme est qu'elle établit les principes et un cadre méthodologique pour les "analyses du cycle de vie" (ACV) d'objets ou de systèmes de production. Aujourd'hui, cette récente notion est encore loin d'avoir pénétré les esprits français. Toute production d'énergie induit diverses charges écologiques (occupation d'espace, émission de rejets dangereux, consommation d'énergie primaire, perturbation du cycle de l'eau, etc.) que seule une ACV détaillée et circonspecte permet de mesurer exactement. Cette approche est essentielle dans une comparaison objective des différents systèmes producteurs d'énergie.
suite:
     Nous connaissons les raisons profondes qui orientent actuellement nos choix de produits énergétiques. Du particulier à l'État, ces logiques ne relèvent finalement que du registre économique. Depuis les décisions électronucléaires sous Pompidou jusqu'à la protestation régulière des automobilistes sur le prix des carburants, toutes nos politiques énergétiques se cantonnent sur un court terme financier et très conjoncturel. Les rapports sociaux, la politique, l'économie, etc. sont évidemment des éléments fondamentaux d'une société mais biaisent dès la racine toute vision critique sur la pertinence "durable" d'un choix technologique. Dans le secteur électrique, ces ACV sont particulièrement... éclairantes ! Elles permettent de comparer objectivement les différentes filières et de calculer les temps de retour énergétique de chaque système. Sans sous-évaluer les autres écobilans partiels (sur le CO2 rejeté, le cycle de l'eau, etc.) ou les impacts environnementaux annexes, il est capital dans le domaine de l'énergie (électrique ou non) de connaître précisément le temps mis par un système à être excédentaire en énergie.
     À quoi bon produire de l'énergie, si l'énergie produite ne couvrira jamais (ou tardivement) celle qui a été nécessaire à la constitution du système de production? Dans nos sociétés non conviviales (capitaliste, communiste, dictatoriale, etc.), certains groupes de pression (industriels, banquiers, etc.) conçoivent encore des systèmes obsolètes producteurs d'électricité, avec des rendements énergétiques globaux catastrophiques, simplement parce qu'ils sont rentables sur le plan économique à court terme. Mais qu'il arrive alors une grave perturbation (catastrophe, guerre, ouverture du marché, etc.) dans cette réalité socio-économique et l'équilibre de ces systèmes énergétiques bascule du fait de leur faible pertinence technologique. (..)
     Dernières Nouvelles
     La plus grande éolienne de France couplée au réseau jeudi
     LA-CHAUSSEE-SUR-MARNE, 3 sept (AFP) - A 52 ans, Hervé Huet, agriculteur marnais à Pogny, a décidé de semer le vent pour récolter l'électricité : son éolienne géante, la plus grande de France, d'une puissance de 1,5 MW, résultat de trois ans d'études et d'efforts, doit être couplée jeudi au réseau EDF.
     Haute de 85 mètres au rotor, les pointes des trois pales culminent à 125 mètres, à la verticale. Et ses lignes aérodynamiques sont étrangement discrètes, au sommet de la crête crayeuse de Champagne, sur le territoire de la commune de La-Chaussée-sur-Marne (Marne). Sa rotation maximum est de 17 tours par minute: "elle sera silencieuse", assure son promoteur.
     "Ce qu'on entendra c'est le bruit du vent, sifflant légèrement dans la voilure. L'éolienne en soi ne fait aucun bruit", explique-t-il.
E     t fièrement: "aucun rejet de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, on est dans le ton du sommet de Johannesburg !"
     Pour le cultivateur, il n'y a qu'un pas du blé et de la betterave à la production d'énergie renouvelable. "La terre, l'eau et le vent sont des éléments naturels avec lesquels je travaille depuis toujours", explique-t-il. "C'est pour cela que j'ai commencé par l'exploitation de deux micro-barrages hydroélectriques, l'un dans l'Aube et l'autre en Alsace".
     Il assiste à une conférence de l'Agence de développement de la maîtrise de l'énergie (ADEME), à Dunkerque en 1999, et décide de se mettre dans le vent.
     "Je n'ai d'abord rencontré qu'un scepticisme amusé de la part des politiques locaux", se souvient-il. 
     Un peu Don Quichotte, Hervé Huet va de l'avant pour construire son moulin à vent. "Il n'y a qu'à regarder les gravures de l'époque, les moulins étaient nombreux dans la région, pour moudre le blé des agriculteurs. Et nous sommes à quelques encablures du moulin de Valmy, celui qui a été transformé en paquet d'allumettes par la tempête de décembre 1999". 
     Pas de danger avec l'éolienne high tech, "elle ne tournera jamais plus vite. Ses senseurs informatisés l'orientent toujours au mieux pour capter les brises. Elle se met automatiquement face au vent, sans aucune prise, en cas de tempête. Elle est étudiée pour résister à des rafales de 250 km/h". 
     "C'est finalement l'ADEME qui m'a aidé avec une subvention de 12 % du coût total, explique Hervé Huet, et la région a automatiquement doublé la mise. (...) Mais le plus positif a été Yves Cochet (Verts), à l'époque où il était ministre de l'Environnement", concède cet "homme de droite". 
     D'un poids de 275 tonnes, l'ouvrage a été construit en près de trois mois par la société Énergies du Midi de Béziers (Hérault) et fournira environ 600 foyers en électricité. 
     L'ensemble lui a coûté "un peu moins" de 1,8 million d'euros : selon ses calculs le "retour sur investissement" se fera en 7 ans. "Je paierai la banque pendant 12 ans, conclut-il, mais finalement c'est un investissement bien moins hasardeux de l'agriculture". 
     COMMENTAIRE
     OK les éoliennes c'est bien mais il faut savoir raison garder. Mais la comparaison de Silence est très intéressante et il faut creuser cette voie pour avoir une politique énergétique de qualité et surtout pas mono technique.
     Et puis pensons toujours aux économies d'énergie, c'est ce qui finalement nous permettra vraiment de ne pas polluer.
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