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N°199/200

Le laboratoire souterrain du Mont Terri
M. Thury - “Cédra informe” n° 31 Déc 97/avril 98
L'auteur de cet article, Marc Thury, est d'une part conseiller géologique à la Cédra. D'autre part, il dirige, en tant que représentant du Service hydrologique et géologique national (SHGN), le projet Mont Terri, comme président élu.
 

     Dans la galerie de reconnaissance du tunnel autoroutier du Mont Terri, dans le canton du Jura, un projet international pour la caractérisation d'une formation argileuse est en cours depuis 1996. La Cédra, qui est un des partenaires importants du projet, utilise les résultats de ce projet pour compléter les études qu'elle réalise dans le nord-est de la Suisse, où la même formation (Argiles à Opalinus) est étudiée quant à son aptitude au stockage des déchets de haute activité.

     Le projet de recherche international réalisé dans la galerie de reconnaissance du tunnel autoroutier du Mont Terri a pour objectif d'étudier les caractéristiques géologiques, hydrogéologiques, géochimiques et géomécaniques d'une formation argileuse, les Argiles à Opalinus. Ces travaux complètent les recherches que la Cédra poursuit dans le nord-est de la Suisse en vue d'établir la preuve de faisabilité de l'élimination des déchets de haute activité dans cette formation, preuve exigée par le Conseil fédéral. [Cette preuve concerne la faisabilité technique (construction), la sûreté à long terme et l'existence d'une roche d'extension suffisante possédant les caractéristiques requises.]. Comme on envisage d'utiliser, à l'étranger aussi, des argiles similaires pour le stockage final des déchets radioactifs, des organisations de cinq autres pays participent à ce projet. 

     Objectifs du projet

     Le laboratoire souterrain du Mont Terri est le théâtre d'expériences permettant d'étudier les caractéristiques géologiques, hydrogéologiques, géochimiques et géomécaniques d'une roche argileuse, qui sont importantes pour apprécier la faisabilité et la sûreté d'un dépôt final pour déchets radioactifs. 
     Ce laboratoire se situe dans les Argiles à Opalinus, formation relativement résistante contenant des matériaux argileux gonflants. Dans certaines conditions, ces minéraux argileux sont à l'origine de recolmatage des failles; cette roche reste donc extrèmement peu preméable à l'eau. De telles roches argileuses forment du reste aussi les couches de couverture imperméables situées au-dessus des gisements de pétrole et de gaz. En raison des fortes réactions observées entre les Argiles à Opalinus et l'eau, on ne peut pas utiliser les même méthodes de forage et de mesure que par exemple dans le granite. Un important objectif du projet consiste donc à évaluer et à améliorer les méthodes de forage et de mesure appropriées à la caractérisation hydrogéologique, géochimique et géomécanique des Argiles à Opalinus. 
     Situation et structure du laboratoire souterrain
     La route nationale suisse A 16, la Transjurane, qui va de Bienne à Porrentruy et continue sur Belfort, en France, a nécessité la construction de plusieurs tunnels autoroutiers. Dans le cadre d'études géologiques et géomécaniques pour le tunnel autoroutier du Mont Terri, on a creusé en 1989 une galerie de reconnaissance (cf. fig.2)
     Celle-ci traverse les Argiles à Opalinus où se trouve, sous une couverture rocheuse d'environ 300 mètres, le laboratoire souterrain du Mont Terri. La galerie de reconnaissance a une hauteur de 4,6 mètres et une largeur de 4,7 mètres. Elle a été creusée à l'explosif. Pour consolider la roche, il a suffi la plupart du temps d'une couche de béton projeté de 10 à 15 centimètres d'épaisseur, mais il a fallu installer par endroits des poutrelles en acier et des boulons d'ancrage.

Figure 2
La Transjurane A16 relie Belfort à Bienne et Berne. C'est dans le tunnel du Mont Terri de ce tronçon d'autoroute que se trouve le laboratoire souterrain, aménagé dans les Argiles à Opalinus, comme on le voit sur le profil géologique de la figure 4.
suite:
    Comme cette galerie de reconnaissance servira, dès fin 1998, soit après l'ouverture du tunnel autoroutier, de passage de sécurité et doit donc rester libre, huit niches de 8 mètres de long et 4 mètres de haut maximum ont été excavées début 1996 pour les besoins du projet. La plupart de ces expériences sont réalisées dans des forages creusés à partir de ces niches.
     Dès fin 1997, on a excavé avec l'autorisation de la République et Canton du Jura une nouvelle galerie et des niches d'une longueur totale de 250 mètres environ. Il est prévu de réaliser d'autres expériences de grande envergure dans ce nouveau système de galeries.
     Ainsi qu'il ressort de la figure 3, cette nouvelle galerie part de la galerie de reconnaissance existante, qu'elle longe ensuite à une distance de 30 mètres, avant de la rejoindre à nouveau. Cette nouvelle galerie a une hauteur de 4 mètres et une largeur de 3,5m. Elle a été essentiellement creusées à l'explosif. La roche est consolidée avec du béton projeté et des éléments de protection en acier dans les parties moins stables. Dans la zone de l'expérience ED-B (analyse de la décompression pendant et après la construction de la galerie), la galerie e été excavée, sur 35 mètres, en profil circulaire de 3,6mètres de diamètre, à l'aide d'une haveuse.

Figure 3
Plan du laboratoire souterrain du Mont Terri. La galerie de reconnaissance a été excavée en 1989, les niches destinées aux expériences en 1996. La nouvelle galerie a été excavée au cours de l'hiver 1997/98.

     Les argiles à Opalinus du Mont Terri

     Les argiles à Opalinus ont été formées il y a environ 180 millions d'années, au cours du Jurassique (Dogger, Aalénien), par le dépôt de fines particules de vase au fond de la mer [cf. texte encadré de la page 10 du n° 31 “Cédra informe”]. Elles contiennent 40 à 80 pour cent de minéraux argileux, dont 10 pour cent sont gonflants. D'autres composantes sont le quartz (stable et silt), la calcite, la sidérite, la pyrite, la feldspath et le carbone organique. La roche est finement poreuse et contient 4 à 12 pour cent d'eau. L'épaisseur totale des Argiles à Opalinus est estimée à environ 140 mètres. On peut distinguer trois faciès légèrement différents (variétés rocheuses) : dans la moitié inférieure de la séquence, un faciès argileux; au milieu, un faciès sableux et calcaire d'environ 15 mètres d'épaisseur; dans la moitié supérieure, un faciès sableux alternant avec un faciès argileux. 
     L'anticlinal du Mont Terri a été formé il y a quelques millions d'années, au cours du plissement du Jura. Comme il ressort de la figure 4, cet anticlinal a été cisaillé et a chevauché le Jura tabulaire de l'Ajoie. Dans la zone du laboratoire souterrain, les couches ont une inclinaison d'environ 45 degrés vers le sud-est et sont décalées par quelques failles de faible épaisseur inclinées de 20 à 60 degrés vers le sud-est. Ce n'est que vers le milieu des Argiles à Opalinus qu'on a observé, dans le tunnel autoroutier comme dans la galerie de reconnaissance, une assez grande zone faillée de plusieurs mètres d'épaisseur, qu'on a appelé faille principale.

Figure 4
Profil géologique du tunnel autoroutier du Mont Terri d'après Schaeren et Norbert 1989
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     Les Argiles à Opalinus sont très peu perméables à l'eau. Lors de la construction de la galerie de reconnaissance et du tunnel autoroutier, on n'a pas observé d'intrusion d'eau naturelle ou d'endroit humide, que ce soit dans la roche ou le long des failles; une première évaluation hydraulique des quantités d'eau ayant afflué dans les forages pour les échantillonnages d'eau a révélé une conductivité hydraulique de 2.10-13 à 10-15 mètres par seconde pour la roche, et d'environ 10-13 mètres par seconde pour la faille principale. 
     L'eau interstitielle des Argiles à Opalinus est très fortement minéralisée.. 
     On a extrait des eaux de type chlorure de sodium avec une concentration de minéraux dissous approchant les 20 grammes par litre. Une eau presque aussi fortement minéralisée a pu être prélevée dans la zone de la faille principale. Ces eaux devraient contenir une part importante d'eau de mer datant de nombreux millions d'années.
     Le projet
     Début du projet
     En automne 1994, le Service hydrologique et géologique national (SHGN) a présenté, dans le canton du Jura, une requête pour l'excavation de niches ainsi que pour des forages dans la galerie de reconnaissance du tunnel autoroutier du Mont Terri, en vue d'y réaliser un programme international de recherche. Cette requête a été acceptée en février 1995. Le SHGN et la Cédra ont ensuite élaboré en commun une proposition de programme comportant toute une série d'expériences et l'ont présentée aux organisations membres du “Working Group on Measurement ans Physical understanding of Groundwater Flow Through Argillaceous Media”, le “Clay-club” [cf. article page 19 Cédra informe N°31], de l'AEN de l'OCDE. L'Andra, la PNC et le CEN.SCK se sont jointes au projet. Un programme d'investigations a ensuite été préparé en commun et les recherches sur le terrain ont pu commencer en janvier 1996. Quatre autres organismes ont entre temps adhéré au projet.
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     Organisation du projet
    L'encadré (voir plus loin) présente les organismes qui participent au projet. Ce dernier est placé sous le patronage du Service hydrologique et géologique national (SHGN) qui a déposé, auprès de la République et Canton du Jura, les demandes pour les programmes d'investigation et obtenu les autorisations nécessaires.
     Le projet est dirigé par les neuf partenaires de projet. Il se compose d'une série d'expérience et est divisé en plusieurs phases d'une année chacune. Chaque partenaire de projet peut proposer des expériences auxquelles il veut participer. La direction et le financement d'une expérience sont alors assurés par les partenaires qui y participent. 
     Les résultats des expériences sont à la disposition de tous les partenaires de projet et les rapports techniques élaborés peuvent être consultés auprès du SHGN. 
Le programme de recherche
     Stratégie
     Le programme de recherche a été stratégiquement divisé en trois étapes. 
     Dans la première étape, qui comprenait les phases de projet 1 et 2 (janvier 1996 à juin 1997), on a procédé à des expériences simples qui avaient pour but d'évaluer et, en cas de besoin, d'adapter des méthodes de forage et des techniques de mesure appropriées, ainsi que de caractériser - sommairement dans un premier temps- les Argiles à Opalinus. On considérait cette première étape nécessaire, parce qu'on s'attendait à ce que les Argiles à Opalinus avec leur cohésion relativement faible et leur teneur élevée en eau interstitielle et en minéraux argileux gonflants, réagissent au contact de l'eau exogène, et qu'il faille de ce fait s'attendre à des forages instables avec effondrements de parois. Les expériences des phases 1 et 2 ont confirmé ces attentes et ces craintes et permis l'évaluation d'une méthode de forage appropriée -forage à l'air comprimé - et de différentes techniques de mesure. 
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Mt. Terri Project
Organismes concernés

Autorité responsable du tunnel autoroutier du Mont Terri

                    République et Canton du Jura
                    Département de l'Environnement et de l'Equipement

Partenaires du projet

SHGN         Service hydrologique et géologique national, Suisse (Patronage)
Andra          Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, France
BGR            Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe, Allemagne
Cédra          Société coopérative nationale pour l'entreposage de déchets radioactifs, Suisse
CEN.SCK  Centre d'étude de l'énergie nucléaire, Studiecentrum voor Kernenergie, Belgique
Enresa         Empresa National de Residuos Radiactivos, Espagne
IPSN          Institut de protection et de sûreté nucléaire, France
Obayashi    Obayashi Corporation, Japon
PNC          Power Reactor and Nuclear Fuel Development Corporation, Japon

Gestion du projet

                 Geotachnisches Institut SA, Berne, Suisse


     Dans la deuxième étape, qui comprend les phases de projet 3 et 4 (juillet 1997 à juin 1999), on devrait procéder à des expériences plus complexes. Dès le début du programme, on a éprouvé le besoin d'une expérience permettant d'analyser les modifications des Argiles à Opalinus lors de la construction d'une nouvelle galerie. Dès qu'on a su que la République et Canton du Jura pouvait autoriser la construction d'une nouvelle galerie, on a planifié de nouvelles niches et d'autres expériences complexes (tests thermiques, essais de gonflement, essais de diffusion). 
     Dans la troisième étape, qui comprend les phases de projet postérieures à la phase 4 (après juin 1999), il faudrait, pour diverses expériences, procéder à des observations à long terme. Selon les besoins, il faudrait par ailleurs avoir la possibilité de réaliser de nouvelles expériences. Le programme de cette troisième étape est donc encore ouvert. On sait seulement que les observations à long terme seront réalisées. Elles peuvent se faire pendant des années avec de petit coûts logistiques, car la galerie de reconnaissance sera entretenue par le Canton du Jura, en tant que partie du système du tunnel autoroutier. 
     Questions à élucider
     L'article suivant donne une liste des questions auxquelles les expériences réalisées au laboratoire souterrain du Mont Terri devraient apporter une explication. Chacune de ces expériences a toujours deux objectifs. Premièrement, l'acquisition de connaissances sur les processus et paramètres géomécaniques, géochimiques et hydrauliques des Argiles à Opalinus, connaissances particulièrement importantes pour la preuve de l'élimination que doit fournir la Cédra. Deuxièmement, l'évaluation et l'amélioration de méthodes de mesure appropriées. Celles-ci revêtent une grande importance pour les partenaires de projet étrangers qui envisagent de construire des dépôts finals dans des roches argileuses similaires. 

Figure 6
     Dans la résine a été injectée dans un forage (B4) de la paroi de la galerie de reconnaissance (expérience FM-B). Une partie de cette résine a filtré au pied de la paroi de la galerie. L'autre partie a pénétré dans le système de diaclases ouvertes de la zone de décompression (EDZ) et y a durci. Un surforage (BB) et d'autres forages tout autour ont permis de démontrer la présence de diaclases remplies de résine.
     La liste des questions est susceptible d'être allongée à tout moment. Il est par exemple possible que les propriétés étanches des roches argileuses au-dessus de gisements de pétrole et de gaz soient étudiées par le groupe de recherche pétrolière au Mont Terri. 
(.....)
     Premiers résultats
     Les résultats des recherches des phases 1 et 2 sont en cours d'évaluation. La publication des rapports est en préparation. Mais quelques résultats intéressants peuvent être présentés déjà maintenant.
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     Zone de décompression fortement perméable
     La roche est toujours soumise à une pression tributaire notamment de l'épaisseur du recouvrement. Lorsqu'une cavité (galerie, caverne) est creusée dans la roche, cette dernière a tendance, selon sa résistance, à se diriger plus ou moins fortement vers la cavité; une zone dite de décompression (Excavation disturbed zone, EDZ) se forme alors autour de chaque galerie. Lors de l'excavation des huit niches de la galerie de reconnaissance du Mont Terri, on a observé dans la roche, derrière la paroi de la galerie, de nombreuses diaclases (fissures) de décompression ouvertes, souvent parallèles à la paroi de la galerie. 
     A la surface de ces diaclases, on a observé des cristaux de gypse blancs mesurant quelques millimètres, formés depuis 1989, date de la construction de la galerie de reconnaissance. Pour l'essai FM-B, on a donc injecté, avec une légère surpression, de la résine dans un forage effectué dans la paroi de la galerie. Ce forage a été surforé avec un plus grand diamètre, et d'autres forages ont été percés tout autour (voir fig.6). Jusqu'à une profondeur d'environ 80 centimètres par rapport à la paroi de la galerie, les carottes de ces forages ont révélé de diaclases remplies de résine. On en a conclu à l'existence d'un système de diaclases ouvertes dans la zone de décompression. Des tests hydrauliques dans cette zone ont confirmé une conductivité hydraulique très fortement accrue par rapport à la roche non faillée.
     Ancienne eau de mer contenue dans la roche
     Lors de la construction de la galerie de reconnaissance du Mont Terri, les Argiles à Opalinus sont apparues toujours sèches, même dans les zones faillées. Mais ses pores très fins renferment 4 à 12 pour cent d'eau interstitielle. Dans le cadre de l'expérience WS-A, on a creusé vers le haut des forages inclinés de 20 à 30 mètres de long, et on les a chaque fois fermés par un obturateur. Au bout d'une année, on a pu recueillir et analyser environ 0,06 litre d'eau dans le forage réalisé dans les Argiles à Opalinus non faillées (faciès argileux), et environ 3,5 litres dans celui foré à travers la faille principale. De plus, dans le cadre de l'expérience WS-B, on a pu extraire des échantillons rocheux et analyser quelques millilitres d'eau. Le tableau 1 montre les résultats de ces analyses et les compare à la composition moyenne de l'eau de mer. La composition chimique et les proportions isotopiques des eaux des Argiles à Opalinus du Mont Terri révèlent une composante importante d'une ancienne eau de mer ayant dû séjourner dans cette formation extrêmement peu perméable depuis plusieurs millions d'années.
     Pression interstitielle
     Pour la mesure de la pression de l'eau dans des roches dures, comme exemple le granite, on dispose depuis longtemps de techniques de mesure éprouvées : on introduit dans un forage des obturateurs gonflables hydrauliquement, on les met sous pression et on observe la remontée de la pression dans l'intervalle obturé (c.-à-d. isolé). 
     Dans une roche peu résistante, très faiblement perméable et fortement poreuse comme les Argiles à Opalinus, la méthode de mesure qu'on vient de décrire a été estimée trop peu fiable par différents chercheurs qui s'attendent aux processus suivants:
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          - Pendant la période de mesure, la roche qui se trouve dans la zone des obturateurs soumis à une pression élevée cède quelque peu, et les valeurs de pression observées dans l'intervalle de mesure en sont influencées. 
- L'eau introduite dans l'intervalle de mesure peut réagir avec les minéraux argileux de la roche. Des processus comme le gonflement de la roche et l'osmose peuvent fausser les valeurs de pression.
L'Andra a de ce fait réalisé une expérience qui consiste à développer et tester un nouveau système d'obturateurs [Expérience PP (Porewater Pressure Experiment)], et le CEN.SCK en a été mandaté. La figure 7 montre schématiquement le système d'obturateurs mis au point. Il se distingue des instruments de mesure conventionnels par le fait que l'intervalle de mesure est délimité par des sections indéformables, scellées par des injections de résine, et qu'on a installé dans l'intervalle de mesure un tuyau en acier fritté fortement poreux, d'un diamètre externe inférieur de quelques millimètres au diamètre du forage. Dans cet acier poreux, on peut faire circuler de l'eau chimiquement comparable à l'eau interstitielle, qui réagit de ce fait aussi peu que possible avec la roche. 

Figure 7
Schéma du système à obturateurs multiples mis au point selon les plans du CEN-SCK (Belgique) 
     Ce système d'obturateurs a pu être construit et monté avec succès dans un forage du Mont Terri. La figure 8 montre la courbe de remontée de la pression mesurée, qui tend à une valeur de 22 bar, indiquant une pression hydraulique de 220 mètres d'eau, ce qui n'est pas en contradiction avec le niveau de l'eau souterraine dans les sondages réalisés à partir de la surface. 

Figure 8
Remontée de la pression (à 20 m de la galerie de reconnaissance)
Courbe de remontée de la pression à eau interstitielle dans les Argiles à Opalinus, dans la zone de la niche PP (cf figure 3), à 20 mètres au sud-ouest de la galerie de reconnaissance.
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Tableau 1
Composition chimique de l'eau interstitielle et de l'eau souterraine provenant des Argiles à Opalinus du Mont Terri, ainsi que de l'eau de mer.
Les eaux des Argiles à Opalinus contiennent encore près de 50 pour cent des ions typiques de l'eau de mer, sodium, chlore et brome. D'autres composantes ont été modifiées avec le temps par des processus d'interaction entre la roche et l'eau.
     Données sur la composition de l'eau de mer. Turekian K.K. (1969) : “The oceans, streams and atmosphere”. Dans : Wedepohl K.H. : “Handbook of Geochemistry 1 (p. 297-323)”; Springer, Berlin/Heidelberg/New York.
Conclusions
     -  Dans la galerie de sondage du Mont Terri, on a pu entreprendre avec succès un projet international portant sur l'étude d'une formation argileuse. 
     - On a pu gagner la confiance et le soutien du gouvernement et de l'administration de la République et Canton du Jura. 
     - Plus de cent scientifiques des organismes partenaires et de plus de 16 universités et instituts de recherche de six pays européens et du Japon ont appris à collaborer avec pour motivation commune de contribuer à porter le projet à un niveau scientifique élevé. 
     - Le projet s'étendra vraisemblablement sur plusieurs années. De nouvelles expériences peuvent être incorporées à tout moment dans le programme et de nouveaux partenaires de projet sont les bienvenus.
Publications

Il est prévu de publier les résultats de ces recherches dans la série des rapports géologiques du Service hydrologique et géologique national. Un rapport sur les résultats des phases 1 et 2 du projet est en préparation.

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Laboratoire souterrain du Mont Terri
 
     Projet de recherche international dans la galerie de reconnaissance du Mont Terri pour l'évaluation des caractéristiques hydrogéologiques, géochimiques et géotechniques d'une formation argileuse (Argiles à Opalinus).

     Buts du projet

     Les expériences menées dans le laboratoire souterrain du Mont Terri ont pour but de récolter des informations sur les caractéristiques géologiques, hydrogéologiques, géochimiques et géotechniques d'une roche argileuse: les argiles à Opalinus. Ces caractéristiques sont d'une grande importance pour juger de la faisabilité et du degré de sûreté d'un dépôt final pour des déchets radioactifs ou chimiques. Pour ces expériences, on a effectué au Mont Terri des forages d'une longueur maximum de 30m, dans différentes directions, pour y réaliser toute une série de mesures. Il s'agit aussi de tester et d'évaluer des méthodes de mesure existantes et de les adapter aux roches argileuses.
   Participation internationale
     Plusieurs pays ont entrepris des recherches sur la possibilité de stockage de leurs déchets radioactifs dans des roches argileuses. C'est la raison pour laquelle différentes organisations d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne, de France et du Japon se sont jointes au projet. Cinq de ces organisations ont déjà un laboratoire souterrain. Bien que les roches étudiées dans ces laboratoires soient peu ou pas comparables aux Argiles à Opalinus, les connaissances et l'expérience de ces partenaires sont un apport important au projet et lui assurent un niveau scientifique élevé.
   Pas de stockage de déchets radioactifs au Mont Terri
     Il n'est pas question d'entreposer des matériaux radioactifs au Mont Terri. La géologie locale, les plissements et les structures tectoniques compliquées du Jura plissé sont à l'évidence très défavorables. Pour la Suisse, les travaux effectués au Mont Terri ont pour but de compléter les études géophysiques déjà menées à bien et le forage profond prévu dans la région du Weinland (canton de Zurich). C'est là que la preuve de la possibilité d'un stockage définitif, telle qu'elle est exigée par le Conseil fédéral est cherchée dans les Argiles à Opalinus. 
     Galerie de reconnaissance, niches et nouvelle galerie
     La galerie de reconnaissance du Mont Terri a été excavée en 
1989 pour reconnaître les conditions géologiques et géotechniques des roches avant la construction du tunnel autoroutier. Elle servira de galerie de sécurité après la mise en service du tunnel autoroutier, fin 1998. Étant donné que le passage ne devait pas être gêné, les partenaires du projet ont fait excaver huit niches début 1996, et la plus grande partie des forages et des expériences ont été réalisés à partir de ces niches. Une nouvelle galerie d'une longueur d'environ 250 m sera creusée avant l'été 1998 pour permettre la réalisation de nouvelles expériences.
suite:
     Quelques-unes des questions à élucider
     - Quelle est la perméabilité à l'eau et aux gaz de la roches, des fissures et des failles ? 
     - Y a-t-il une circulation d'eau ou bien l'eau stagne-t-elle dans les pores de la roche ?
     - Quelle est la composition chimique de l'eau des pores de la roche, des fissures et des failles? 
     - Quelle est l'extension de la zone endommagée par le creusement autour d'une galerie ? 


     - Quelle est l'augmentation de la perméabilité dans cette zone ? 

     - Quelles sont les techniques de forage les plus appropriées ? 
     - Quels sont les fluides à utiliser pour diminuer ou annuler le risque d'effondrement des forages par gonflement des minéraux argileux ? 
     - Quels sont les mécanismes prépondérants de l'écoulement de l'eau souterraine et du transport des solutés ? 
     - Quelles sont les contraintes tectoniques dans la roche et quelles sont les méthodes les plus appropriées pour les mesurer ? 
     Géologie
     Les argiles à Opalinus ont été formées il y a 180 millions d'années par le dépôt de fines particules de vase au fond de la mer, à l'époque du Jurassique. Leur épaisseur atteint à peu près 100 m au Mont Terri. Elles contiennent 40 à 80% de minéraux argileux. Environ 10% de ces minéraux sont gonflants, c'est-à-dire que la roche augmente de volume en présence de venues d'eau. Les autres composantes de cette roche sont le quartz (sable et silt), la calcite, la sidérite et la pyrite. Les argiles ne sont pas très résistantes et les parois de la galerie de reconnaissance ont dû être revêtues de béton projeté (voir page de couverture). 
     Tectonique
     Les couches dessinent un pli - l'anticlinal du Mont Terri - bien visible dans la coupe géologique ci-dessus. Ce pli a été poussé sur les couches du Jura tabulaire il y a quelques millions d'années. On a pu observer, dans les Argiles à Opalinus, des failles plus moins importantes, au contact desquelles des paquets de roches ont été décalés les uns par rapport aux autres. 
     Hydrogéologie
     Les argiles à Opalinus passent pour être extrêmement peu perméables. Lors de la perforation de la galerie, aucune venue d'eau, ni taches d'humidité n'ont pu y être observées, même à proximité des failles. La roche est finement poreuse et contient 4 a 12% d'eau. Les premières analyses ont montré qu'il s'agissait d'une eau chargée en sels (20 grammes de chlorure de sodium par litre), ayant probablement séjourné plusieurs millions d'années dans les pores de la roche. 
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Bush endosse la création d'un dépôt central
de déchets nucléaires au Nevada
     WASHINGTON, 15 fév (AFP) - Le président américain George W. Bush a donné vendredi son feu vert à la création d'un cimetière souterrain pour stocker la totalité des déchets nucléaires américains au Nevada (ouest), ouvrant ainsi la voie à une bataille sévère avec les autorités et la population de cet Etat qui refuse de devenir le dépotoir nucléaire des Etats-Unis.
     M. Bush a fait connaître sa décision dans une lettre adressée aux dirigeants du Congrès et rendue publique par la Maison Blanche. Le président a suivi les recommandations qui lui avaient été adressées la veille par son secrétaire à l'Énergie Spencer Abraham.
     Il avait proposé le stockage de la totalité des déchets nucléaires américains, qui représentent environ 77.000 tonnes, à Yucca Mountain, sous les montagnes arides du désert de Mohave au Nevada, un site situé à environ 140 km de la capitale du jeu, Las Vegas. 
     Les principaux responsables politiques au Nevada qu'ils soient républicains ou démocrates, sont opposés à la création de ce dépôt. Ils craignent qu'il ne fasse fuir les touristes de Las Vegas, l'une des premières destinations touristiques américaines, et que cela ne ralentisse le développement de la capitale américaine du jeu, qui se place en tête de toutes les villes américaines pour la croissance urbaine. 
     La décision de M. Bush qui devrait être confirmée officiellement sous peu, pourra être bloquée par le Parlement du Nevada. Mais dans ce cas, indique-t-on à la Maison Blanche, c'est aux parlementaires du Congrès à Washington qu'il appartiendra de prendre une décision en dernier ressort. 
     Actuellement les déchets nucléaires américaines sont stockés sur 131 sites provisoires dans 39 États.
mardi 23 juillet 2002
20h29
Bush autorise l'enfouissement de déchets nucléaires
au Nevada

     WASHINGTON (Reuters) - Le président des États-Unis George W. Bush a signé une résolution ouvrant la voie à l'enfouissement des déchets nucléaires de l'ensemble du pays dans les montagnes Yucca, malgré l'opposition des habitants et des parlementaires du Nevada. 

     Le porte-parole de la Maison Blanche Ari Fleischer a déclaré que cette décision "nous permettra, après une décennie d'études scientifiques, de franchir la prochaine étape dans la mise en place d'un stockage sûr des déchets nucléaires de la nation". 
     Le site, en plein désert du Nevada, à 150 km au nord-ouest de Las Vegas, doit entrer en service en 2010. Il pourra contenir les 70.000 tonnes de matériau radioactif devant être enfouies pour 10.000 ans, d'après l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis. 
suite:
     Mais les législateurs du Nevada, faisant écho aux préoccupations exprimées par les habitants de la région, craignent que le site ne devienne une cible de choix pour les terroristes. Ils ont affirmé leur détermination à se battre par tous les moyens contre ce projet, aussi bien devant la justice qu'au Congrès par le biais de son financement. 
     Le Congrès avait donné son accord définitif le mois dernier à la résolution signée par George W. Bush.
Laboratoire de Bure: un ouvrier meurt
écrasé par un tube de 4 tonnes
     BURE (Meuse), 16 mai (AFP) - Un ouvrier, qui travaillait à Bure (Meuse) sur le chantier du laboratoire souterrain d'études sur le stockage de déchets nucléaires, a été tué mercredi soir, écrasé par un tube d'aération de 4 tonnes, a-t-on appris jeudi auprès de la direction du site et des gendarmes.
     L'ouvrier, un homme de 33 ans, originaire de la Haute-Marne, travaillait au fond du puits principal d'accès du futur laboratoire souterrain, à 226 mètres de profondeur, lorsque l'accident s'est produit vers 18H30.
     Un médecin arrivé sur les lieux vers 19H00 avec les pompiers n'a pu que constater le décès de l'ouvrier.
     Le tube d'aération, d'un diamètre de 60 cm et d'une longueur de 15 mètres, s'est détaché à une quinzaine de mètres au dessus de l'ouvrier.
     Les gendarmes de la brigade de Montiers-sur-Saulx, avec le concours d'éléments de la brigade de recherches de Bar-le-Duc, ont ouvert une enquête pour tenter de déterminer les causes de l'accident.
     Par ailleurs, le parquet de Bar-le-Duc qui attend les premiers résultats de la procédure de flagrance menée par les gendarmes, s'oriente "vers l'ouverture prochaine d'une information judiciaire".
     Parallèlement, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) maître d'oeuvre du chantier est actuellement en concertation avec les entreprises du Groupement Fond Est (GFE), qui réalisent les travaux sur le site, et devrait se prononcer dans la journée sur la reprise ou non des travaux. 
     En décembre dernier, un accident avait déjà eu lieu dans le puits principal. Un ouvrier y avait fait une chute de onze mètres alors qu'il effectuait des travaux de bétonnage. Il avait chuté en raison de l'ouverture "par erreur" d'une trappe sur laquelle il se trouvait.
     Victime de plusieurs fractures, l'homme avait également eu la rate endommagée. Selon l'enquête préliminaire, "une double erreur humaine" était à l'origine de cet accident.
     Les travaux avaient alors été arrêtés pendant plus d'un mois.
     Le laboratoire de recherche souterrain doit être construit à une profondeur de 490 mètres pour étudier à partir de 2004 la possibilité de stocker des déchets nucléaires à grande profondeur, dans une couche argileuse.
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