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N°197/198

ANALYSE DU DOSSIER D'ENQUETE PUBLIQUE CEDRA - MARS 2002
DOSSIERS
CRÉATION DE L'INB CEDRA
ET
DEMANDE D'AUTORISATION DE REJETS D"EFFLUENTS
ET DE PRÉLÈVEMENT D'EAU
RELEVÉ DE CONCLUSION

      Pour analyser les dossiers d'enquête publique (création et rejets de CEDRA), nous n'avons voulu ni étudier les dossiers cités en référence, ni visiter le site de l'installation ou poser des questions au pétitionnaire. Nous n'avons pas voulu, non plus, demander à consulter les avis des ministères concernés ayant instruit le dossier (industrie, environnement, santé, défense, agriculture, services des eaux, … ).
   Nous nous sommes cantonnés dans la vision du citoyen pour essayer de tirer des enseignements sur ce type de dossier et sur l'utilisation qui pourrait être faite des questionnements.
     Les points saillants de cette analyse sont :
     1-Le point zéro:
     Lors du premier permis, accordé AVANT les résultats de la première enquête publique conduisant à un refus, un point zéro a été réalisé.
     Ce point zéro était insuffisant et non contradictoire
     Insuffisant, car il ne portait que sur 38 prélèvements, n'était pas complété par une étude de l'extérieur du centre et la partie chimique avait été omise. 
     Pour pouvoir être utilisé pour un suivi d'environnement et de santé, ce point ne comportait pas assez de prélèvements.
     Non contradictoire, car il a été effectué par le seul pétitionnaire (Cadarache) de juillet à Octobre 97. Ce point zéro doit être assuré par un ensemble de laboratoires : ceux de Cadarache, de l'OPRI, de la CRIIRAD, d'autres tels Subatech, CEMRAD, ... 
     Ce point zéro doit comporter une analyse sur le site CEDRA mais aussi à l'extérieur du site Cadarache. Il doit être radioactif et chimique.
     Une inter comparaison entre différents laboratoires permettrait une mise en perspective des diverses mesures.
     2- Choix du site de Cadarache
     Comme il est indiqué dans le rapport de l'Office Parlementaire de Choix Scientifiques et Technologiques (OPCST) ( mars 2000, n° 2257, page 136)
     "… le centre de Cadarache n'a pas vocation à devenir un centre d'entreposage. Par ailleurs, les investissements nécessaires faits à Cadarache, par la dépense qu'ils représentent et du fait même qu'ils représentent une solution durable, diminuent l'intérêt de solutions nationales et en compromettent la réalisation."
     La surveillance parlementaire, mise en place tardivement (1991) et timidement (déchets de haute activité), n'a pas pu inverser le cours des décisions CEA de 1983. En conséquence Cadarache est (et restera) le centre de regroupements des déchets dit "B" c'est-à-dire contaminés par des émetteurs alpha (très longue période).
     Ce n'est pas étonnant (même si c'est irritant) : une politique industrielle se construit dans le temps et il faut se donner les moyens de la construire. Ce fût donc le sens de la décision du CEA. Force est de constater, en 2002, que les dossiers CEDRA qui arrivent au niveau de débat ne laissent plus de choix. Il reste à souhaiter que les solutions préconisées par le CEA ne s'avèrent pas conduire dans une impasse. 
     Les raisons invoquées pour le choix de Cadarache sont des raisons de circonstances insuffisamment étayées. Elles sont devenues incontournables, mais ne suffisent pas pour justifier un choix qui pèse sur la politique de traitement des déchets français.
   Un audit des pratiques du passé et de celles en gestation devrait être mené par des experts non-CEA et avec une participation de tous (CEA, citoyens, CLI, experts) pour pouvoir faire le point des questions et infléchir les futurs projets grâce à ce dialogue.
      3-Séisme, survol, accident de criticité
     Ces trois points ont en commun le fait que l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), suite à des accidents, a rédigé de nouvelles recommandations et a demandé aux exploitants des réévaluations de sûreté.
suite:
   Séisme : cette construction nouvelle ne peut pas prendre comme règles celles du démarrage de Cadarache. Les Règles Fondamentales de Sûreté ont été redéfinies en fonction des connaissances acquises et des exigences de sûreté qui en ont résulté.
     Que l'ensemble du site ne puisse pas être reconstruit est une réalité. Que les bâtiments nouveaux soient construits selon des règles des années soixante tout juste améliorées, nous semble une erreur. Il est donc indispensable que ce soit l'intensité du séisme de Lambesc (intensité IX, 1909) qui serve de base pour le dimensionnement des nouvelles installations. 
   Survol : L'arrêté de 1957 ne peut plus être invoqué depuis le 11 septembre 2001. Actuellement toutes les installations à risques remettent à niveau ce problème et plus généralement tout ce qui serait lié à des actes terroristes. 
     Il était de toute façon apparu que prendre comme avion de référence le CESSNA ou le LEAR n'était pas suffisant, même en s'abritant derrière de faibles probabilités. 
     Criticité : L'accident de Tokaï Mura a conduit l'ASN, à demander le réexamen de la possibilité d'un accident de criticité. 
     Par ailleurs, l'accident de l'usine AZF de Toulouse a montré qu'il était déraisonnable de déclarer "un accident impossible" même si sa probabilité est très faible. 
     À la lecture des dossiers, nous pouvons constater que si ces risques sont pris en charge individuellement, il n'apparaît pas que soient étudiés les effets d'amplification dus à des effets "domino".
    La notion de barrières successives n'a de sens que si l'événement initial (séisme, chute d'avion gros porteur, explosion, etc… ) n'a pas détruit ces barrières.
     4- prélèvement d'eau
     La prise d'eau de Cadarache est régie par un arrêté qui date de 1961:
     " CEDRA ne demande pas de prélèvement supplémentaire et s'inscrit dans la demande en eau actuellement autorisée ;" (page 5 Étude d'impact) 
     Comme CEDRA ne demande rien, cet arrêté de prise d'eau n'est pas révisé. Il serait tout de même important de revenir sur cette autorisation pour mieux tenir compte de la nouvelle loi sur l'eau du 3 janvier 1992.
     Dans le cadre de cette la loi sur l'eau, la prise d'eau devrait être revue, car sont concernés : "les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restituées ou non, avec une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants." 
     Il nous semble nécessaire de revoir ce problème d'eau : prélèvements dans le canal d'EDF, dans la nappe phréatique, rejets dans la Durance. 
     5-Inventaire
     CEDRA doit regrouper dans ses entrepôts des déchets Faiblement Irradiants (FI) et Moyennement Irradiants (MI). Ils sont contaminés par des émetteurs alpha et ne peuvent être admis dans un centre de surface, tel que défini actuellement par la réglementation. 
     L'inventaire dressé repose sur le contenu des entreposages actuels du site (PEGASE, INB 56) ainsi que sur celui des entreposages des autres sites CEA (Fontenay, Grenoble, DAM-Ile de France, Marcoule, Valduc). 
     En fin de traitement CEDRA regroupera environ 13000 colis FI et 4700 MI. 
     L'engagement est pris de ne traiter que des déchets CEA. Cependant il peut se faire que des déchets provenant d'autres producteurs soient envoyés à Cadarache sur réquisition préfectorale. 
     Cet inventaire est extrêmement varié. 
p.5

     Les déchets proviennent des diverses activités du CEA : résidus de façonnage de combustible pour les réacteurs de recherche ou expérimentaux, résidus de traitement de minerai (radifères du Bouchet), résidus des activités (gants, cellulose, outils, etc.), boues de station d'épuration, etc. 
     Le contenu radioactif est plus ou moins explicité en ce qui concerne la charge en plutonium. De plus l'inventaire des autres radioéléments n'est pas connu avec précision. Les formes physico-chimiques ne sont pas précisées. Certains fûts peuvent même contenir des solvants ou des gaz. 
     Le traitement des fûts va être assez difficile, surtout pour les plus anciens. 
     Il est probable que CEDRA permettra d'avoir une meilleure connaissance de ces déchets anciens mais la méconnaissance actuelle peut être source de danger, en particulier pour les travailleurs. Il faudrait améliorer la précision de l'inventaire radioactif et chimique des colis anciens. 
     6-Études de dangers
     Elles sont menées de façon très segmentée. Les scénarios envisagés sont très réducteurs même s'ils sont déclarés "réalistes". En, effet, un incendie dans une boite à gants, dans le local d'entreposage tampon ou un séisme affectant le bâtiment de traitement pendant son fonctionnement sont considérés comme trois événements disjoints. 
     Pourtant en cas de séisme, surtout s'il est hors du dimensionnement actuel, il est vraisemblable que de nombreuses alimentations en fluides seraient détruites ou arrêtées. Il ne s'agit plus d'évoquer un incendie limité à une boîte à gants, mais d'imaginer les séquences accidentelles conduisant à une dispersion de produits radioactifs et d'évaluer les quantités qui pourraient être dispersées. 
     Le chapitre "Mesures prises pour faire face au risques et limiter les conséquences des accidents" décrit les installations et les mesures de surveillance associées. 
     Il n'est jamais envisagé le contournement des dispositifs installés. 
     La conclusion se passe de commentaire " Les mesures ont été prises par rapport à tous les risques envisageables". Certes, mais reconnaissons que la phrase suivante est moins optimiste.
     "Malgré toutes les dispositions prises en matière de prévention et de surveillance des risques d'origine interne ou externe, des accidents peuvent survenir."
     Dommage que cette phrase n'apparaisse qu'à la fin car elle est la base d'une maîtrise des dangers et de ce que l'ASN appelle "la culture de sûreté"."
     Plutôt que de se baser sur un scénario "réaliste", mieux vaut estimer un terme source pessimiste et des conséquences potentielles à partir de ce terme source.
     C'est pourquoi cette autre affirmation est à proscrire : "Même dans les conditions accidentelles les plus défavorables, l'impact radiologique sur le public reste négligeable : aucune contre-mesure n'est à mettre en place (confinement, évacuation des populations, … ). ". (page 88, Etude de dangers) Est-ce si certain ?
     7-Rejets et impact sur la santé
   Rejets chimiques
     "Les rejets de l'installation se situent à des niveaux bien inférieurs aux domaines dans lesquels les impacts sanitaires sont déterminés. Par principe de non-pertinence du risque, les effets potentiels sur la santé ne seront pas développés" (page 139, Etude d'impact)
suite:
     Ce principe de "non-pertinence des risques" (nouvellement créé pour la circonstance car inconnu jusqu'à ce dossier) conduit à des aberrations. C'est probablement en son nom que l'explosion du nitrate d'ammonium n'avait pas à être prise en compte à l'usine AZF (Toulouse).
     Par ailleurs la problématique de la chronicité et celle de la synergie existent. Il serait bon de développer un peu plus
    Rejets radioactifs
     Pour la composante radioactive l'absence de registres de santé détaillés ne permet pas de faire des bilans et c'est dommage. Les enquêtes épidémiologiques ont besoin de ce support. Il serait opportun d'avoir un tel registre dans la région. Il faut cependant se rappeler que ce registre doit être bien préparé, bien suivi et qu'il ne pourra guère servir avant une période d'enregistrement d'une dizaine d'année.
     Par ailleurs il existe un suivi des rejets liquides et gazeux. C'est un suivi permettant de vérifier le bon fonctionnement des installations de Cadarache, ce n'est pas un suivi permettant une réelle connaissance de la contamination de l'environnement et donc de l'impact du site sur la santé des populations et des travailleurs. 
     En conséquence, il convient de revoir les plans de suivi des rejets liquides et gazeux dans cette optique : impact sur la santé et sur l'environnement.
     Des études plus systématiques doivent être menées autour des sites : étude radioécologique et chimique (mesures plus fréquentes, avec un maillage plus adapté, etc.), registres de morbidité permettant d'effectuer des études plus ciblées.
     8-Le calendrier de fonctionnement
La décision de réaliser les entrepôts par tranche doit permettre de prendre en charge les améliorations provenant des enseignements du retour d'expérience. 
     De plus, de nouveaux procédés permettent aux exploitants d'effectuer des rejets qui ne représentent que quelques % des autorisations (autorisations qui ont de 10 à 30 ans d'âge). La nécessité de les revoir est un impératif. 
     En conséquence, il nous semble judicieux de limiter dans le temps l'autorisation de création et les autorisations de rejets chimiques et radioactifs. 
 
     L'expérience des quelques sites actuellement en phase de surveillance ou de reprise (site Manche, Fontenay aux Roses, Marcoule, Valduc, Cadarache), doit conduire à une grande prudence. 
En effet, aussi bien sur les emballages des produits, que sur la pratique des entrepôts ou du stockage, des erreurs d'estimation, d'appréciation ont été commises. Ces erreurs provenant du niveau de connaissance au moment de la mise en œuvre doivent pouvoir être rectifiées.
     De plus, les estimations de dangers, les calculs des doses et donc des effets sur la santé sont menés à l'aide de modèles. Ces modèles doivent être calés par des mesures sur le terrain qui doivent permettre de les vérifier. Or il s'avère qu'actuellement les mesures sont insuffisantes en nombre, en localisation et en précision pour permettre ce calage des modèles. 
     Il faut, impérativement ne pas reproduire la situation présente c'est-à-dire des autorisations jamais revisitées à la lumière du retour d'expérience. Si une erreur a été commise, on ne devra pas continuer au prétexte que les décisions de 2002 ont conduit sur une voie irréversible. Et si cette voie est une impasse ?
p.6

     9- Démantèlement
     Une page en tout et pour tout. Il est exact que l'installation peut être décontaminée, qu'elle peut être démontée. Simplement rien n'est simple en milieu contaminé ou en milieu chimique. 
     Les difficultés de reprise de toutes les installations devraient conduire à moins d'optimisme. 
     Cependant, même annoncé si brièvement, on se réjouit d'apprendre que ce démantèlement est prévu et qu'une réserve financière commence à être constituée. 
     En conclusion
     Le GSIEN, ayant voulu se placer dans le cadre strict des dossiers soumis à la population, en souligne la difficulté de lisibilité, tout en reconnaissant la qualité du travail.
     L'éparpillement des rubriques dans les divers dossiers rend difficile une vue d'ensemble des problèmes.
     De plus, une critique de fond peut être formulée. La philosophie des études de dangers est en elle-même dangereuse.
     Elle consiste à sectoriser les analyses en les considérant comme statistiquement indépendantes.
     Chaque étude de risque est effectuée dans les "règles de l'art", mais sans tenir compte des effets d'amplification dus à une interférence avec un autre événement.
suite:
     Par exemple, pour les risques liés à un séisme, le choix d'une intensité du séisme historique, donc d'un séisme majoré de sécurité (SMS), définit le dimensionnement des installations. Dans ces conditions, puisque les structures sont sensées tenir, il n'est pas paru utile au pétitionnaire de prendre en compte leur éventuelle dégradation dans l'étude des autres risques.
     Or nous contestons le choix de cette intensité qui ne nous semble pas réaliste au vu de la situation géologique du site et d'un séisme récent d'une intensité supérieure (Lambesc 1909).
     Dans ces conditions les notions de confinement, de permanence des alimentations tant électriques qu'en divers fluides ne nous semblent plus être pertinentes dans les analyses.
     De même il n'est pas exclu qu'en cas de séisme un incendie puisse se déclarer, et ce dans des conditions de confinement qui ne sont plus celles prises dans l'étude.


     Il en de même pour les études de criticité, elles gagneraient à prendre en compte une situation générale dégradée, pouvant être à l'origine d'un tel accident.

     Il nous semble essentiel que les études de danger intègrent cette approche, ce qui rendrait indispensable la révision des termes sources utilisés pour étudier les éventuels rejets et leurs effets sur les populations et l'evironnement.
     La surveillance environnementale dans ses composantes chimique et radioactive devrait être réalisée avec la participation de plusieurs laboratoires. Cette intercomparaison crédibiliserait une analyse de qualité gage de la santé des travailleurs et des populations.
début p.7

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