La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°165/166
B - Incident avec fuite d'eau sur RRA (mai 1998)
1- DSIN
CIVAUX - réacteur no 1 (Vienne)
FLASH no1
3 MAI 1998
Fuite importante sur une tuyauterie du circuit de refroidissement à l'arrêt du réacteur.

     Le 12 mai 1998, vers 20h00, alors que le réacteur était à l'arrêt depuis le 7 mai, une fuite d'eau d'un débit estimé à environ 30 m3 par heure a été détectée sur le circuit de refroidissement à l'arrêt (circuit RRA).
     Ce circuit assure, lors des phases d'arrêt du réacteur, la circulation d'un niveau d'eau minimal dans le circuit primaire, afin d'assurer le refroidissement du combustible présent dans le coeur du réacteur. Il est constitué de deux voies redondantes.
     La fuite a été arrêtée par isolement d'une des voies du circuit RRA, vers 5 h 00 du matin, le 13 mai1998.
     Elle a entraîné un écoulement d'eau du circuit primaire dans les puisards du bâtiment du réacteur. L'eau ayant été entièrement collectée dans le bâtiment du réacteur, cet incident n'a eu aucune conséquence sur l'environnement.
     Les investigations menées par l'exploitant sur le tronçon défaillant du circuit RRA ont mis en évidence une fissure de 180 mm sur une soudure de ce tronçon.
     Le réacteur est actuellement à l'arrêt. Il est correctement refroidi par la voie restée intacte du circuit RRA et il n'y a à ce jour aucun risque pour les populations.
     Des investigations complémentaires sont actuellement menées par l'exploitant pour déterminer la nature et la durée de la réparation et définir dans quel état du réacteur doit être menée la réparation pour garantir à la fois la sûreté du réacteur et la sécurité des intervenants. Les propositions de lrité de sûreté.
     En raison de l'apparition d'une fuite importante qui a entraîné une perte de fluide de refroidissement primaire, cet incident a été classé au niveau 2 de l'échelle INÈS qui en comporte 7

FLASH no3
15 MAI 1998-9H45
Fuite importante sur une tuyauterie du circuit de refroidissement à l'arrêt du réacteur.

     Le 12mai 1998, vers 20h00, alors que le réacteur était à l'arrêt à froid depuis le 7 mai, une fuite d'eau d'un débit estimé à environ 30 m3 par heure a été détectée sur le circuit de refroidissement à l'arrêt (circuit RRA).
     Ce circuit assure, lors des phases d'arrêt à froid du réacteur(pression faible, température faible), la circulation d'un niveau d'eau minimal dans le circuit primaire, afin d'assurer le refroidissement du combustible présent dans le coeur du réacteur. Il est constitué de deux voies redondantes.
     La fuite a été arrêtée par isolement d'une des voies du circuit RRA, vers 5h00 du matin, le 13 mai 1998. Elle a entraîné un écoulement d'eau du circuit primaire dans les puisards du bâtiment du réacteur. L'eau ayant été entièrement collectée dans le bâtiment du réacteur, cet incident n'a eu aucune conséquence sur l'environnement.
     Le réacteur est actuellement à l'arrêt. Il est correctement refroidi par la voie restée intacte du circuit RRA et il n'y a à ce jour aucun risque pour les populations.
     Les investigations menées par l'exploitant sur le tronçon défaillant du circuit RRA ont mis en évidence une fissure de 180 mm sur une soudure de ce tronçon.
     Il a été décidé par l'exploitant, avec l'accord de l'Autorité de sûreté:
- de remplacer le tronçon accidenté par un tronçon neuf
- de procéder à cette réparation en arrêt normal sur générateurs de vapeur. Dans cet état, le coeur du réacteur sera refroidi par les générateurs de vapeur de façon redondante et durable, c'est-à-dire dans des conditions tout à fait satisfaisantes au plan de la sûreté. Hors des périodes de production d'électricité ou d'entretien, cet état d'arrêt est le plus couramment utilisé

fin p. 17

      Le réacteur devrait atteindre cet état dans le week-end. Le retard observé par rapport à ce qui avait été précédemment annoncé ne
provient d'aucun fait nouveau important. Il a été nécessaire:- d'adapter la procédure habituelle de passage de l'arrêt à froid à l'arrêt normal sur générateurs de vapeur pour tenir compte de l'état du réacteur;  cette procédure sera plus longue que d'habitude;
- de vérifier minutieusement cette nouvelle procédure
- de définir des conditions d'intervention protégeant au mieux le personnel.
     En raison de l'apparition d'une fuite importante qui a entraîné une perte de fluide de refroidissement primaire, cet incident a été classé au niveau 2 de l'échelle INÈS qui en comporte 7.
     L'Autorité de sûreté rendra compte régulièrement de l'évolution de la situation sur le
3614 MAGNUC
CONFÉRENCE DE PRESSE
DU 25 JUIN 1998
Premier retour d'expérience sur l'incident du 12 mai 1998 survenu sur le réacteur 1 du CNPE de Civaux.

     A la suite de l'incident survenu le 12 mai 1998 sur le réacteur no l de la centrale nucléaire de Civaux (Vienne) lors duquel une fuite d'eau importante s'était produite sur l'une des deux voies redondantes du circuit de refroidissement à l'arrêt (RRA), la DSIN a souhaité qu'une exploitation détaillée du retour d'expérience de la gestion de cet événement soit menée, aussitôt que le retour à un état pleinement satisfaisant de sûreté serait atteint sur ce réacteur. En effet, cet événement a conduit à une mobilisation importante et prolongée de l'exploitant EDF et de l'Autorité de sûreté, et il convient d'examiner les conditions dans lesquelles l'organisation de crise aurait pu être mobilisée différemment au regard des constats et des difficultés observés au cours du traitement de cet incident.
     Les faits relatifs au déroulement technique de la gestion de cet événement sont décrits dans les communiqués MAGNUC et ceux de presse des 13 et 28 mai.
     L'événement se caractérise par une phase aiguë, pendant la nuit de 12 au 13 mai jusqu'à l'isolement de la fuite du circuit RRA, suivie d'une phase prolongée (plusieurs semaines, dont 5 jours de mobilisation intense dès le 13 mai) au cours de laquelle le refroidissement du coeur n'était pas assuré de façon redondante. L'événement s'est produit dans un contexte déjà chargé dans l'actualité du nucléaire (problème de contamination des transports de combustibles OSéS), mobilisant déjà fortement les moyens de la DSIN et d'EDF.
     EDF a rapidement mis en place une organisation lourde, à l'instar de ce que prévoit le plan d'urgence interne (PUI) de la centrale nucléaire, pendant la phase aiguë et les 5 jours qui ont suivi, sans toutefois déclencher formellement le PUI qui aurait alors conduit à l'alerte des pouvoirs public, et en particulier la mobilisation générale de l'organisation de crise de l'autorité de sûreté. Il en a résulté une dissymétrie par mobilisation seulement partielle et différée de l'organisation de crise des pouvoirs publics (préfecture, DSIN, IPSN).
     Plus précisément, le directeur du parc nucléaire d'EDF s'est limité à informer le directeur de la DSIN le 13 mai vers 3 h 00, en lui indiquant qu'une fuite d'eau primaire était encours sur la tranche 1, qu'EDF mobilisait d'importants moyens pour isoler cette fuite et que le déclenchement du PUI n'était pas à envisager avant un délai d'environ 2h. L'isolement de la fuite vers 5 h a donc conduit au non-déclenchement du PUI.
     Une inspection de Civaux a été menée par la division des installations nucléaires (DIN) de la DRIRE Aquitaine dès le 13 mai en fin de journée. La DIN a constaté que la procédure de conduite utilisée par EDF à partir de 3h le 13 mai aurait du entraîner le déclenchement du PLI dès ce moment. Elle a immédiatement demandé à EDF pour quelles raisons la procédure n'avait pas été suivie par l'exploitant. EDF a répondu, début juin, que le volume d'eau disponible dans le réservoir dit «PTR», compensant la fuite d'eau du RRA, était largement suffisant le 13 mai à 3 h pour ne pas justifier l'engagement immédiat du PUI; EDF a indiqué par la suite qu'une erreur portant sur un seuil de niveau du réservoir PTR explique l'engagement précoce de la procédure de conduite qui aurait dû entraîner le déclenchement du PUI. Ces justifications fournies par EDF sont en cours d'examen par l'Autorité de sûreté avec l'appui de l'IPSN.

suite:
Sans préjuger des conclusions de cet examen, la DSIN estime, d'ores et déjà, que le déclenchement du PUI n'aurait pas modifié le choix de la façon de maîtriser l'incident: EDF a assuré une gestion technique correcte et a su mobiliser et renouveler ses équipes pour traiter l'incident dans la durée. Toutefois le déclenchement du PUI aurait permis une mobilisation plus rapide et plus ample des pouvoirs publics, avec notamment pour conséquence une information plus rapide et plus précise du public et des médias sur l'attitude à avoir hors du site. En ce qui concerne la DSIN, le déclencheinent du PUI aurait entraîné la mise en place de l 'organisation de crise permettant une mobilisation plus importante des ressources, ce qui aurait eu pour principal effet d'améliorer les conditions de travail et de relève des personnes de la DSIN impliquées dans le traitement de cet événement particulièrement long.
     Au sujet des relations avec les médias et le public, les faits suivants concernant la DSIN sont à signaler. entre le 13 mai et le 8 juin 1998, la DSIN a émis 7 communiqués sur le serveur MAGNUC afin de tenir à jour les informations sur les actions engagées pour ramener le réacteur dans un état de sûreté pleinement satisfaisant. La DSIN a par ailleurs, diffusé un communiqué de presse dès le 13 mai, et un second, daté du 28 mai, récapitulant le déroulement de l'incident. Le classement de l'événement au niveau 2 a été établi dès le 13 mai. Enfin la DSIN a répondu aux interviews de la presse et aux quelques demandes de renseignements du public.
COMMUNIQUÉ

     A la suite de l'incident survenu le 12 mai 1998 sur le réacteur no1 de la centrale nucléaire de Civaux (Vienne), une réunion visant à établir en commun un premier bilan de la gestion de cet incident s'est tenue à Poitiers en présence de Bruno Fontenaist, Préfet de la Région Poitou Charentes et de la Vienne, d'André-Claude Lacoste, directeur de la DSIN, de Bernard Dupraz, directeur de l'exploitation du parc nucléaire d'EDF et de Pierre Bart, directeur de Civaux.
     L'incident survenu à Civaux a conduit à une mobilisation importante et prolongée d'équipes tant du côté de l'exploitant que des pouvoirs publics. A la phase aiguë du traitement de l'incident de la nuit du 12 au 13 mai, a succédé, sur une durée de plusieurs semaines, une phase de gestion «post-incidentelle» visant à ramener le réacteur dans un état satisfaisant du point de vue de la sûreté. Il est apparu essentiel aux différents acteurs de procéder en commun, aussitôt le règlement technique de l'incident achevé, à une exploitation détaillée du «retour d'expérience» de la gestion de cet événement. Au cours de la réunion, les principaux constats soivants ont été faits:
- gestion technique : EDF a assuré une gestion technique correcte de l'incident.
- conséquences sur le personnel, la population et l'environnement: l'incident n'a pas entraîné de conséquences radiologiques ni sanitaires sur le personnel de la centrale, la population et l'environnement. L'ensemble des vérifications et mesures faites confirment ce point.
- déclenchement de l'alerte : EDF a décidé dans la nuit du 12 au 13 mai de ne pas déclencher le PUI. L'autorité de sûreté a demandé à EDF de justifier ce choix. Ces justifications sont en cours d'examen.
- Conséquences sur les autres réacteurs du parc EDF: l'analyse technique amis en évidence une erreur de conception du RRA sur le palier N4. Par mesure de précaution, les 2 autres réacteurs de même type à Chooz sont en cours de déchargement. Les réacteurs de Chooz et de Civaux ne redémarreront qu'avec un RRA redessiné et après vérification. La situation sur les autres réacteurs est en cours d'examen.
     Ces premiers constats donneront lieu, pour chacune des entités concernées, à l'approfondissement nécessaire afin d'améliorer tant les procédures internes que les relations entre acteurs en phase de gestion d'incident.
     Les progrès doivent porter en particulier sur:
- la clarification des conditions de déclenchement des alertes : PUI, phase intermédiaire d'alerte, etc. D'ores et déjà la convention d'information entre la préfecture de la Vienne et la centrale de Civaux sera réécrite et son contenu sera rendu public.
- l'information des médias et du public le rôle des CLI et des élus en cas de crise doit être précisé.

Contacts:
préfecture: M. Fosseux 05 49 55 70 00
DSIN: S.LeBreton 0l 43 19 39 61
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C - Quelques réflexions préliminaires concernant l'incident survenu sur le circuit de refroidissement à l'arrêt (RRA)
de CIVAUX-1
Bella Belbéoch
     Les trois derniers réacteurs nucléaires de 1450 MWé mis en service par EDF, Chooz B-I, Chooz B-2 et Civaux- I (réacteurs du palier N4) sont les plus puissants du monde et, au dire de leurs concepteurs, les plus sûrs et les plus performants grâce aux nombreuses modifications qui ont été apportées aux anciens réacteurs.
     Les deux réacteurs de Chooz ont été mis en service en août 1996 et avril 1997 avec 5 ans de retard sur le planning initial et leur démarrage a été émaillé d'incidents variés dont les plus importants ont été des problèmes liés à une informatique inadaptée à la conduite d'un réacteur nucléaire et à la mise en oeuvre de pompes primaires "trop efficaces" pouvant conduire à une perturbation des assemblages de conibustible et à un freinage de la descente des grappes de contôle (ce sont elles qui permettent d'arrêter la réaction nucléaire en cas de besoin). Sans parler des pannes sur les turbines et des pièces que l'on prélève sur le réacteur de Civaux en cours de finition pour dépanner en urgence les réacteurs de Chooz. Quant à Civaux- 1 il a fonctionné à peine depuis son couplage au réseau la veille de Noël 1997 et à 50 % de sa puissance seulement.
     Le 12mai 1998, fuite d'eau sur le circuit de repoidissement du  réacteur à l'arrêt, (RRA) du réacteur Civaux-l. Saluons l'exploit des concepteurs géniaux des réacteurs 100 % français du palier 1450 MWé : le changement qu'ils ont introduit dans ces réacteurs avec une nouvelle configuration de ce circuit auxiliaire va entraîner, après l'incident survenu sur le réacteur Civaux- 1, le déchargement du combustible non seulement de Civaux- 1 mais aussi de Chooz B-1 et B-2 qui ont la même configuration du circuit RRA.
     Il va falloir vérifier l'intégrité des circuits (le refroidissement de l'ensemble des réacteurs, 900 et 1300 MW compris. Il est indispensable que les autorités de sûreté aient un réel pouvoir de décision tant sur la conception que sur la réalisation et les contrôles.
     Cet incident est beaucoup plus important qu'il n'y paraît à première vue car il ne se résume pas à l'isolement d'une fuite sur un circuit. Il met en évidence la complexité et la sophistication des réacteurs dont les dysfonctionnements peuvent conduire à un accident grave.

Rôle du circuit de refroidissement à l'arrêt. L'incident du 12 mai 98
     Le circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA) est un circuit auxiliaire important puisqu'il est chargé de refroidir le coeur dans une situation de mise à l'arrêt du réacteur, c'est à dire d'évacuer la puissance résiduelle due à la seule radioactivité du coeur. Citons à ce propos le rapport d'activité de 1997 de la Direction de la sûreté des installations nucléaires dans le chapitrc conccrnant les principaux circuits auxiliaires (page 165): "Le circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA) a pour fonction, lors de la mise à l'arrêt normal du réacteur, d'évacuer la chaleur du circuit primaire et la puissance résiduelle du combustible, puis de maintenir l'eau primaire à basse température pendant toute la durée de l'arrêt. En effet, après l'arrêt de la réaction en chaîne, le coeur continue à produire de la chaleur, appelée puissance résiduelle. Il est nécessaire d'évacuer cette puis sance, qui autrement pourrait suffire à endommager, voire à faire fondre le combustible, dégageant une grande quantité de produits radioactifs [souligné par moi]. Le circuit PRA sert égalenieut à vidanger la piscine du réacteur après rechargement du combustible"
     Il faut donc refroidir le coeur d'une façon suffisante par de l'eau convenablement borée. Le circuit RRA remplit ce rôle après l'arrêt du réacteur. Il est mis en relation avec le circuit primaire lorsque le fluide primaire - initialement à 155 bars et 320 oC - atteint au cours du refroidissement un état déterminé de pression et température (180oC sous une pression de 28 bars dans le cas présent) et fonctionne jusqu'à l'arrêt final souhaité pouvant aller jusqu'à l'arrêt à froid avec ouverture du couvercle de la cuve. Idem pour les opérations inverses. Ce circuit intervient dans le déchargement et le chargement du combustible. Il comporte deux voies, A et B, séparées géographiquement dans le bâtiment réacteur.
     Redisons que le réacteur de CIVAUX- 1 n 'avait fonctionné que peu de temps et à une puissance de 50 % seulement, lorsqu'une fuite d'eau s'est produite le 12 mai sur la tuyauterie de la voie A. 

suite:
Une fissuration de 18cm de long sur 1 à 2 mm de large affectait la soudure longitudinale externe d'un coude formé de deux demi-coquilles en acier inox forgé et soudées entre elles, entraînant une fuite importante d'eau, créant ainsi une situation incidentelle, libérant environ 350 m3 d'eau radioactive (et d'eau de rinçage) pendant les 9 heures séparant la survenue de la fuite due à la fissuration jusqu'à l'isolement de la voie A. (Lors de la réunion de la Commission Locale d'Information du 17 juin, le volume était ramené à 250 m3 par EDF).
     Le 12 mai le circuit RRA était en arrêt dans une des situations dite d"'Arrêt Normal sur RRA", correspondant à un état d'arrêt intermédiaire de 180oC et 28 bars et ce, depuis le 7 mai. (Il nous a été dit, sans confirmation, qu'EDF était en attente des autorisations des autorités de sûreté pour faire fonctionner le réacteur à 90% de puissance nominale).
     La chronologie des événements au jour le jour ayant conduit à des versions contradictoires dues souvent au fait qu'un état souhaité: "On envisage de faire telle opération", n'a pas été suivi de sa réalisation concrète, nous nous bornerons à souligner quelques éléments qui nous paraissent importants du point de vue de la sûreté, en attendant une chronologie complète de l'incident. Rappelons simplement que la survenue de l'incident impliquait de la part d'EDF deux sortes d'actions:
- continuer à refroidir le coeur pour faire baisser la puissance résiduelle et amener le réacteur dans un état acceptable du point de vue de la sûreté
- isoler le tronçon fuitard de la voie A.
     Ces deux étapes ont été atteintes le mercredi 13 mai au matin à 5h 41 et depuis il a été décidé de décharger le coeur. L'opération qui c'est poursuivie pendant un long mois a consisté à faire baisser puissance résiduelle, température et pression pour amener le circuit à la pression atmosphérique (1 bar) afin de pouvoir ouvrir le couvercle puis de décharger le combustible.
     En date du 25 juin il n'était toujours pas déchargé à cause d'un autre "aléa", une histoire de porte à verrouiller et qui ne marchait pas entre le compartiment transfert et la piscine de désactivation. C'est encore pas de chance... Il a vraiment été vérifié sous toutes les coutures avant sa mise en route ce réacteur? Ce dernier problème a enfin été résolu.

Lacunes dans le contrôle-qualité et erreurs de conception du circuit RRA

I - Quelques remarques générales concernant le contrôle-qualité des tuyauteries
     L'acier inox utilisé dans le circuit RRA est fabriqué par un sous-traitant de Framatome. Il est utilisé couramment dans le circuit primaire. Les contrôles sont-ils fiables concernant l'élaboration de l'acier des tuyaux et des coudes ? Il est très surprenant de lire dans le journal Le Monde du 20 mai 1998 (D. Gallois et H. Morin) au sujet des 39 coudes présents dans le circuit RRA de Civaux analogues à celui qui s'est fissuré "Au vu des analyses, Framatome décidera ou non du remplacement des 39 coudes analogues de la centrale". Il est indispensable que ce soient les autorités de sûreté qui décident car il s'agit d'un problème de sûreté.
     Tous les essais et examens effectués avant le démarrage ont, nous a-t-on dit, été normaux. Nous aimerions cependant savoir quel sous-traitant de Framatome a effectué les contrôles des soudures étant donné une expérience passée de falsification des résultats des clichés de rayons X sur un réacteur de Dampierre. (Le sous-traitant était Spie-Batignolles).
     En somme qui contrôle les contrôleurs ?

2 - Erreur de conception de la nouvelle configuration du circuit RRA
     Rappelons que l'eau chaude, aspirée dans une branche chaude d'une boucle du circuit primaire, est refoulée, une fois refroidie par passage dans le circuit RRA, dans une branche froide d'une autre boucle du circuit primairc. Le refroidissement est obtenu par circulation d'une partie de l'eau chaude dans un échangeur de chaleur, l'autre partie étant déviée dans un by-pass. 

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Ces deux veines d'eau, l'une chaude, l'autre refroidie, se rejoignent à la sortie d'un té mélangeur. (La tuyauterie a la forme d'un T, les trois branches sont parcourue a) par de l'eau chaude déviée par le by-pass, b) de l'eau ayant été refroidie par passage dans l'échangeur, c) le mélange eau chaude/eau froide). Par rapport aux anciens paliers la configuration géornétrique du circuit RRA a été modifiée. C'est ainsi que le coude ayant présenté la fissuration est soudé directement, sans tronçon intermédiaire, au-dessus de la troisième branche du té. Cette partie de la tuyauterie, parcourue par un mélange de veines d'eau chaude et d'eau froide, est sujette à des chocs thermiques. Le coude introduit des perturbations et augmente la "longueur de mélange" et les contraintes thermiques.
     Sur la voie A, lorsque le coude fissuré a été découpé, les examens métallurgiques ont montré:
- qu'un réseau de microfissurations ("faiençage thermique") existait sur le tronçon restant du té.
- que des défauts existaient également au-delà du coude ! Ainsi la longueur de mélange des veines eau chaude/eau froide est très grande.
     Certes une telle configuration, mettre un coude juste au-dessus d'une zone de mélange, est autorisée par les codes de construction mécanique mais elle ne peut que nuire au mélange homogène des deux veines eau chaude/eau froide et ne peut qu'introduire des turbulences et des contraintes thermiques. Il est assez irréaliste d'avoir réalisé une telle configuration.

3 - Lacunes de conception concernant les contrôles métallurgiques non destructifs
     Du point de vue du contrôle, seuls étaient envisagés au démarrage de Civaux, le contrôle visuel, le ressuage, les radiographies et n'était vérifiée jusqu'à présent que la soudure externe du coude. Des méthodes de contrôle par ultrasons n'avaient pas été qualifiées pour le contrôle en service du circuit RRA alors qu'elles sont performantes pour détecter les défauts en profondeur. Sur la voie B supposée intacte, des examens par ultrasons ont mis en évidence la présence de nombreux défauts métallurgiques de type "faiençage" au point qu'après réparation de la voie A celle-ci était jugée plus sûre que la voie B

Questions

     1) Quelles études d'hydraulique en température et pression réelles d'emploi ont été effectuées avec cette configuration de circuit?
     Comment cette configuration a-t-elle été qualifiée? En somme y a-t-il eu des études en vraie grandeur pour étudier le mélange des veines eau chaude/eau froide alors que la présence d'un coude si près du té de mélange ne peut qu'entraîner des perturbations dans l'homogénéisation du mélange en les reportant plus loin par effet miroir ?
     2) Quelles études de fatigue thermique en température et pression réelles ont été effectuées avec cette configuration en utilisant de l'acier inox de la même nuance qui est couramment utilisé dans tout le circuit primaire ? (Il s'agit de l'acier Z 2CN I 8-10).
     C'est un problème difficile à résoudre (et peut-être insoluble) puisque les expérimentations ne se font jamais sur de très longues durées comparables aux durées réelles d'exploitation. Cependant, que de tels défauts (faiençage et fissure du coude) soient apparus si peu de temps après la mise en route de Civaux-1 est inquiétant, surtout qu'on nous assure que tous les contrôles étaient normaux avant la mise en route et qu'il n'y a pas de singularité visible ayant pu affecter la soudure du coude. On utilise souvent, en métallurgie, une équivalence temps-température, en considérant qu'une expérimentation à température plus élevée simule une durée plus longue tout en sachant que cette équivalence est erronée dans certains cas. Qu'en est-il pour l'étude de cette portion de circuit du RRA?
     3) Qu'en est-il sur les autres paliers ?
     La différence de température entre eau chaude et eau froide est de l'ordre de 140oC : la température de l'eau chaude est de 180oC lors de la mise en fonctionnement du circuit RRA et la température de l'eau froide, refroidie par l'eau du circuit RRI - circuit de Refroidissement Intermédiaire - est de l'ordre de 40oC. Cette différence de températilre est sensiblement la même quel que soit le palier même s'il est possible que, dû à un refroidissement plus efficace du circuit RRI dans le palier N4, cette différence de température soit supérieure ou égale à140oC pour Civaux. Cette différence de température entre réacteurs de différents paliers est marginale et n'explique pas une fatigue thermique qui serait spécifique du palier N4.  


 (suite)
suite:
Les longueurs de mélange s'avérant beaucoup plus grandes que prévu, même si le coude est plus éloigné du té pour les réacteurs des paliers 900 et 1300-1350 MW des problèmes analogues peuvent survenir. Il est nécessaire de s'assurer de l'intégrité du circuit RRA sur l'ensemble du parc. ("Cette distance entre le point de mélange eau tiède et le coude peut varier entre 200 mm et 3000 mm selon les réacteurs" sans que nous ayons pu obtenir de renseignements plus précis). Il nous a été indiqué que les autorités de sûreté ont demandé à EDF de vérifier tous ces ciruits.
     4) Les débits d'eau.
     On pourrait invoquer, outre la position du coude, des débits d'eau plus élevés pour le nouveau palier N4, ou plus déséquilibrés entre eau chaude et eau froide. Lors de la réunion de la CLI du 17 juin il a été invoqué, comme cause possible de la fissuration, des différences de débit trop élevées entre eau chaude et eau froide qui pourraient être provoquées par la configuration du circuit, l'eau chaude ralentissant le débit d'eau froide. De toute évidence cette configuration n'a pas été étudiée suffisamment avant la mise en route du palier N4. Un problème de fatigue thermique a été récemment invoqué dans l'existence de fissurations dans un tronçon droit, ce qui était alors une nouveauté, d'une portion non isolable du circuit primaire, à l'arrivée du circuit d'injection de sécurité de Dampierre-l. Dans ce cas l'eau froide provient d'une vanne non étanche en amont et donc ce débit d'eau froide est très faible. A signaler que des amorces très petites (non décelables) sont suffisantes pour provoquer la fissuration en moins d'un cycle.
     5) La 'fuite avant rupture", gage de sûreté selon EDF...
     La question non résolue jusqu'à présent est : pourquoi ça a fissuré sur Civaux- 1 et pas sur Chooz B1 et B2 qui ont fonctionné plus longtemps et à pleine puissance.
     On peut s'étonner dcl 'opinion de M. Hutin, d'EDF (chef de mission au Département d'exploitation du parc nucléaire -DEPT) rapportée dans Nucleonics Week (June 22, 1998) où il explique que "(...) l'épisode de Civaux-l,bien que pénible pour l'exploitant, est d'une certaine façon rassurant pour le directeur de la maintenance car il donne une démonstration une fois de plus [du principe] de fuite avant la rupture (...)".A la direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) les autorités de sûreté n'admettent pas la fuite avant rupture comme pouvant faire partie des principes de sûreté d'EDF mais M. Hutin dit qu'il "apprécie la marge de sécurité supplémentaire qu'elle apporte". Auparavant il était suggéré que la fissuration sur le coude de Civaux avait pu être initiée par exemple par des contraintes résiduelles, ou bien par une bosselure minuscule dans la soudure car "il faut si peu de chose pour initier une fissuration dans un métal affecté par de la fatigue thermique". (On pouvait penser que M. Hutin aurait émis quelque critique vis-à-vis de ses collègues qui ont permis cet état de fait par le tracé du circuit du RRA mais pas du tout). En somme, ce n'est pas un mal, bien au contraire d'avoir quelques défauts qui permettent la fissuration et préviennent la rupture. Il faut pouvoir laisser la fuite se produire, c'est bon pour la sûreté puisqu'on évite la rupture On croit rêver, trop d'assurance-qualité nuirait ?
     Dans l'article de Nucleonics Week, M. Merle (directeur du Bureau de contrôle des chaudières nucléaires -BCCN, sous-direction de la DSIN) indique que "les autorités de sûreté considèrent qu'un dossier relatif à la fuite avant rupture doit être complet et comprendre non seulement le mécanisme de la fissuration mais aussi des mesures de détection de la fuite et des critères d'isolement de la fuite". Ce n'est certes pas le cas de Civaux où la fuite n'a été isolée qu'au bout de 8 heures.
     En fait les commentaires de M. Hutin reviennent à critiquer les autorités de sûreté qui sont trop exigeantes...
     6) Quelles autres "innovations" ont été introduites dans le palier N4?
     Au vu des performances de l'innovation concernant le circuit RRA on est en droit de se poser sérieusement cette question. On sait déjà que l'introduction de pompes plus performantes sur le circuit primaire a posé des problèmes pour le réacteur de Chooz-B 1 pouvant affecter la neutronique du coeur. Il nous paraît donc adéquat de faire un inventaire de tous les changements introduits dans le nouveau palier.
     Les difficultés de l'information: reflets des difficultés pour arriver à des états codifiés ?
     La "procédure incidentelle par états".
     Autrefois la procédure était événementielle", on cherchait d'abord à supprimer la cause de l'incident, ici isoler la voie A du circuit RRA. La "procédure par états vise à ramener le réacteur dans un état codifié par des procédures prédéterminées (elle a été introduite après l'accident de Three Mile Island) et non en priorité de supprimer la cause. 
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Il a été dit que les deux voies étaient en fonctionnement au moment de la survenue de l'incident, qu'il a été difficile de savoir quelle voie fuyait et à quel endroit, d'où la difficulté à isoler la fuite et que cela expliquerait qu'il ait fallu 9heures pour isoler la voie A.
     Il y a sur ce circuit des capteurs de pression et de débit d'eau et des alarmes différentes en salle de contrôle correspondant aux deux voies qui sont séparées géographiquement dans le bâtiment réacteur. Posons alors quelques questions naïves:
     1 - Qu'en est-il du nombre de capteurs sur le circuit et comment sont-ils situés par rapport aux vannes permettant d'isoler les différents tronçons du circuit? N'avait-t-il pas été envisagé qu'un coude situé juste derrière le té de mélange pouvait être un endroit à protéger alors qu'il est situé en amont du refoulement vers la branche froide du circuit primaire ?
     2 - A-t-il été bien pris en considération qu'une dépressurisation du circuit, de 28 bars à la pression atmosphérique, entraînait immanquablement une vaporisation de l'eau lorsqu'elle passe de 180oC à 20oC, la vapeur - radioactive - envahissant le bâtiment réacteur et rendant la visibilité nulle ? (Dans le cas présent la vapeur n'était que faiblement radioactive le réacteur ayant fonctionné peu de temps et à puissance réduite). Il a fallu attendre d'y voir clair! Cette non-visibilité nous apparaît comme l'élément déterminant de la durée ayant été nécessaire pour isoler la portion de circuit comprenant le coude fissuré. Ce n'est qu'à 4 heures du matin qu'une équipe a pénétré dans le bâtiment réacteur pour vérifier de visu qu'un coude fuyait sur la voie A.
     3 - Un fonctionnement anormal avant le 12 mai ? Concernant les essais qui auraient pu être effectués sur le réacteur entre le 7 mai et le 12 mai il nous a été répondu que tout avait été normal, qu'il n'y avait pas eu de coup de bélicr ayant pu justifier l'ouverture de la fissure sur le coude de la voie A du RRA.
     Le 13 mai au matin le réacteur était à basse pression (7 bars ou 5 bars selon les sources d'information) et basse température 50 à 60oC), mais pas dans un état standard. Les jours qui ont suivi, avant et après la réparation de la voie A, le déroulement des opérations a été très fluctuant: on nous annonçait une procédure, le lendemain c'était une autre car celle qu'on avait tentée n'avait pas marché. Nous nous bornerons à citer la tentative de passer par les générateurs de vapeur (GV) qui a eu lieu le vendredi 15 mai entre 16 et 18 heures alors que la voie A était isolée. Elle a échoué car "la vanne réglante du by-pass de la voie B a fui". Il n'y a donc pas que la tuyauterie qui a des problèmes, les vannes aussi. Et puis la "bonne" voie B s'est avérée pleine de défauts métallurgiques après examen par ultrasons.
     Nous attendons une chronologie complète de ces allers-retours entre utilisation de la "bonne" voie, puis de l'autre après réparation, ou des deux, des essais de formation d'une bulle au pressuriseur, de suppression de la bulle, de l'éventage de l'eau du primaire etc. jusqu'à l'obtention d'un état permettant enfin l'ouverture de la cuve et le déchargement du coeur.
     4 - On peut cependant se poser une question concernant la puissance résiduelle du réacteur. N'était-elle pas plus basse que prévu ce qui aurait entraîné une difficulté pour monter en température et en pression lors de la tentative de passer par les GV ? D'où une autre question : les chaînes de mesures neutroniques sont-elles bien calibrées sur ce réacteur pour connaître de façon précise l'état du coeur?
     5 - Nous voulons signaler un autre événement qui n'a pas eu d'explication satisfaisante. Il s'agit d'un rejet de vapeur ayant eu lieu dans la même plage horaire que cette tentative de passer par les GV. Il nous a été dit que c'était une coïncidence, que vu la quantité d'effluents liquides accumulés il s'agissait d'un essai du personnel chargé du traitement des effluents afin de valider une méthode par utilisation de vapeur à l'aide du circuit de vapeur auxiliaire de vapeur, essai qui aurait échoué. Cette information a été infirmée par une autre source. Il nous a par ailleurs été indiqué que le réacteur Civaux-l aurait été admis à fonctionner à 50 % de la puissance sans que la totalité de l'installation d'effluents ait été requise. Si tel est le cas il nous paraît nécessaire que l'autorité de sûreté exige que la totalité de l'installation des effluents avec sa complète potentialité de fonctionnement soit requise lorsqu'une tranche est mise en fonctionnement dès le démarrage du réacteur, car un incident nécessitant beaucoup d'eau est toujours possible comme le montre cet incident de Civaux ayant conduit au minimum à 250 m3 d'effluents liquides.

L'importance du circuit RRA et la sûreté
     Le rûle du circuit RRA, circuit considéré comme un circuit auxiliaire dont seul le clapet de refoulement fait partie du circuit primaire, a été sous-estimé dans les analyses de sûreté. 

suite:
Remarquons qu'au départ du programme nucléaire et des réacteurs 900 MW ce circuit RRA n'était pas considéré comme important pour la sûreté et ne nécessitait pas une surveillance particulière. Ce point de vue a été modifié pour les 1300MW mais peut-être pas suffisamment. D'autant plus que la distance entre l'extrémité du té et le coude a varié avec les différents réacteurs de 3 m à 20 cm pour devenir nulle sur le palier 1450 MWé afin de "compacter" le circuit...

     1 - Que se serait-il passé si le réacteur avait fonctionné à pleine puissance et depuis 1 an?
     Sous l'influence d'un coup de bélier, de vibrations anormales, d'un séisme, le tuyau d'une voie aurait carrément pu se rompre à cause des microfissurations dues à la fatigue thermique, ou les deux voies du circuit RRA défectueuses se fissurer simultanément. Dans les deux cas la fuite d'eau aurait été beaucoup plus importante que lors de l'incident du mois de mai. Avec une puissance résiduelle plus élevée et donc une quantité de chaleur plus grande à évacuer la contamination dans le bâtiment réactcur aurait eté plus forte. Il aurait fallu davantage d'eau borée pour compenser la fuite (il s'agit de remplir une baignoire qui fuit! Cette situation s'appelle gavé-ouvert chez les spécialistes du nucléaire...) conduisant à davantage d'effluents liquides et gazeux. Les réserves d'eau, et dont la borisation doit être effectuée d'une façon adéquate, auraient-elles été suffisantes pour continuer à refroidir le coeur?
     Signalons aussi que le circuit RRA doit pouvoir être utilisé en cas accidentel de rupture de tuyauterie vapeur et de petite brèche primaire. Et s'il n'est pas disponible pour cause de fuite ? Peut-on nous garantir qu'une élévation de la réactivité du coeur (pouvant aller jusqu'à la fusion du coeur) serait impossible dans ces conditions et qu'il n'y aurait pas de rejets dans l'environnement ?

2 - Le chargement et le déchargement du combustible
     A propos de ce circuit RRA, il y a des situations, lors du chargement et du déchargement de combustible où, pour gagner du temps, EDF utilise le circuit dans des conditions dites de "plage de travail basse". Il y a eu récemment des modifications des règles de sûreté, et seuls sont autorisés un nombre annuel limité de chargements dans ces conditions. Au vu de l'incident de Civaux il ne nous paraît pas raisonnable d'un point de vue de la sûreté d'autoriser un quelconque fonctionnement avec un bas niveau d'eau dans le circuit primaire.

Un réexamen de l'analyse de sûreté nous paraît nécessaire.

L'échelle INES n'est pas une échelle de sûreté
     L'incident a été classé au niveau 2 de l'échelle internationale des événements nucléaires (INÈS). Cette échelle est, pour les autorités de sûreté, un "outil de communication et non pas un outil d'évaluation de la sûreté". En somme, il s'agit de faciliter la tâche des informateurs du public. L'échelle INES leur permet d'éviter l'analyse de tous les aspects de l'événement et d'informateurs ils deviennent transmetteurs. En fait la plupart des journalistes confondent communication et sûreté.
     Cette échelle ne tient compte que des conséquences immédiates des incidents ou accidents indépendamment du contexte dans lequel ils se produisent. Il n'est pas correct, du point de vue de la sûreté, d'isoler l'incident de Civaux des diverses anomalies qui ont été relevées sur les réacteurs de Chooz de même conception. C'est l'ensemble des défauts de conception dont il faut tenir compte et cela devrait conduire à une révision complète de ce nouveau type de réacteur et pas seulement à la réparation d'une tuyauterie défaillante et d'une définition d'un nouveau tracé de circuit.
     Selon les autorités il n'y a pas eu de rejet de radioactivité hors du site et l'incident de Civaux a été classé au niveau 2.
     L'analyse que nous avons faite montre pourtant l'importance potentielle de cet incident et comment il aurait pu dégénérer en incident plus grave, voire en accident. C'est pourquoi il faudrait que citoyens et médias soient un peu plus curieux vis-à-vis des dysfonctionnements que révèlent les incidents du parc français car ils prouvent la potentialité d'accidents graves possibles.

Le non-respect des consignes de conduite : EDF interprète la sûreté à sa façon
     Le directeur de la sûreté des installations nucléaires, M. Lacoste, aurait été prévenu par EDF dans la nuit à 3 heures du matin, soit 7 heures après le début de l'incident. Ses représentants, tant à Paris qu'à Bordeaux n'ont été prévenus que le mercredi 13 mai au matin. 

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Rappelons que la Direction Régionale de l Industrie, la Recherche et l'Environnement (DRIRE) d'Aquitaine à Bordeaux a sous sa responsabilité la centrale de Civaux en plus de celles de Golfech et du Blayais et que le directeur de la centrale de Civaux n'a pas jugé bon de prévenir de l'incident. Or il y a au moins deux raisons pour lesquelles le PUI (Plan d'urgence Interne) aurait dû être déclenché officiellement en prévenant instances locales et nationales au lieu d'un renforcement des équipes sur le site puis appel aux experts nationaux d'EDF ce qui est un PUI spécial maison, version EDF
     C'est l'eau de la bâche PTR qui a été utilisée pour refroidir le réacteur. Le PUI doit être mis en oeuvre lorsque l'eau contenue dans cette bâche, initialement de 3000 m3, descend à 2800 m3. Ce seuil correspond à une consigne de conduite "applicable en condition de sûreté dégradée" qui a été fixé au préalable par EDF (proposé par EDF et validé par les autorités de sûreté). Il a été atteint lors de l'incident dans la nuit du 12 au 13 mai; or EDF n'a pas déclenché le PUI. EDF ayant maîtrisé la situation avec un niveau d'eau final dans la bâche PTR pas tellement plus bas, il peut sembler a posteriori que le déclenchement du PUI n'était pas nécessaire et EDF risque d'être tenté de faire baisser ce seuil de 2800 m3
Ceci reviendrait à ne pas verbaliser un automubili~te qui franchit une ligne blanche sous prétexte qu'il n'y a personne sur la voie en sens inverse. On sait bien que dans ce cas une voiture peut survenir inopinément d'une voie transversale et provoquer l'accident. De même on ne doit pas "blanchir" EDF de n avoir pas déclenché le PUI sous le prétexte qu'en définitive l'eau utilisée n'est pas descendue très en dessous du seuil requis car un incident concomittant nécessitant de l'eau supplémentaire est toujours possible. La violation par EDF des consignes de conduite est inadmissible.
     La 2ème raison est sans appel : à partir du moment où l'intégrité du circuit primaire était rompue par l'existence de la fuite avec perte de fluide primaire où il y avait de la radioactivité dans le bâtiment réacteur, la "2ème barrière" de la défense en profondeur tant vantée par EDF était en défaut et le PUI de niveau 2 aurait dû être déclenché. En fait, EDF s'est fait son petit PUI personnel en court-circuitant autorités locales et nationales. Un PUI virtuel en somme. C'est inadmissible.
     Il semble bien qu'un bras de fer s'est engagé entre autorités de sûreté et EDF qui veut être seul maître d'oeuvre dans les situations incidentelles et accidentelles, ce qui nécessite toute notre vigilance afin que les autorités de sûrete puissent jouer leur rôle de garde-fou...
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