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N°157/158
LA PREMIÈRE CENTRALE NUCLÉAIRE POUR LE 21ème SIÈCLE

EN LOIRE-ATLANTIQUE
Chronologie des événements

1) L'historique :
Fidèle à son programme électronucléaire, EDF cherche depuis les années 1970, à implanter une centrale nucléaire en Loire-Atlantique, quelque part entre Nantes et St Nazaire.

On se souvient de la lutte contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff (Finistère) dans les années 80, celle menée contre le projet de centrale nucléaire au Pellerin (en Loire-Atlantique) avait été tout aussi mouvementée. Déclarée d'Utilité Publique en 1977, la centrale nucléaire du Pellerin n'a jamais vu le jour.

* 1983 : François Mitterand abroge la Déclaration d'Utilité Publique pour la construction d'une centrale nucléaire sur le site du Carnet, situé à une trentaine de kilomètres à l'Ouest du Pellerin. Cette D.U.P. est prorogée pour 5 ans par Pierre Bérégovoy en 1993.

Ce qui signifie qu'EDF a jusqu'en 1998 pour commencer des travaux sur les terrains.

* Septembre 1995 : les choses s'accélèrent. Olivier GUICHARD, Président du Conseil Régional des Pays de la Loire, et Luc DEJOIE, Président du Conseil Général de Loire-Atlantique interpellent le Ministre de l'Aménagement du Territoire et le Président d'EDF pour renouveler la candidature du site du Carnet à l'implantation d'une centrale nucléaire. Argument évoqué : bien évidemment la création d'emplois…

2) L'enquête publique
* Du 18 juin au 18 juillet 1996, la Préfecture ouvre une enquête publique pour "le remblaiement des zones humides, pour la construction d'une centrale électrique, sur le site du CARNET".

Le type de centrale n'est pas précisé dans le dossier d'étude d'impact, mais le dossier d'enquête est explicitement ouvert dans le cadre de la Déclaration d'Utilité Publique de 1988, prorogée en 1993, pour une centrale nucléaire au CARNET. Officiellement le Ministre, le Préfet et EDF démentent : aucune décision ne serait prise quant au type de centrale. Elle pourrait être thermique classique ou nucléaire.

Face à la crainte d'une forte mobilisation contre toute centrale nucléaire EDF utilise une nouvelle supercherie : dissocier les remblaiements des zones humides de la programmation d'une centrale nucléaire.

La mobilisation :
* Un collectif "CARNET" d'associations, partis et syndicats se constitue.
* Des comités locaux s'organisent.
* Refusant ce manque de transparence, les populations locales s'expriment :
* La pétition "contre des remblaiements des zones humides du CARNET et la construction d'une centrale électrique dont on ne connaît pas la finalité " a recueilli plus de 16 000 signatures :

suite:
- dont 216 signatures d'élus (notamment les maires de Nantes, St-Nazaire et du Mans, 26 conseillers régionaux dont C. EVIN, une sénatrice PS, etc…)
- plusieurs conseil municipaux adoptent des motions ou délibérations pour s'opposer aux remblaiements et à la construction d'une centrale nucléaire.
- Le Maire de Nantes interroge le Préfet sans succès à ce jour.
- Sur les registre d'enquête publique, 334 dépositions sont consignées. Seules 7 sont favorables aux remblaiements.

* Début septembre : au mépris de la contestation fortement et démocratiquement exprimée, les Commissaires-enquêteurs donnent un avis favorable sans réserve aux remblaiements.
* le 11 octobre 1996 : les 15 000 signatures de la pétition sont remises à Corinne LEPAGE -, lors de l'ouverture du Colloque des "Eco-procédés" à Nantes.
* le 20 octobre 1996 : un rassemblement au Carnet réunit 4 à 5000 personnes.
* le 2 novembre 1996 : l'Association LOIRE-VIVANTE et les Élus Régionaux Écologistes demandent au Ministre de l'Environnement de se saisir du dossier;
* le 3 décembre 1996, dans sa lettre de réponse à nos demandes réitérées de saisine, le Ministre de l'Environnement, Mme LEPAGE s'oppose clairement au projet.
- elle juge le projet "peu justifié et inopportun, suite à la mise en demeure de la France par la Commission Européenne pour insuffisance de protection de l'estuaire de la Loire et contraire à l'esprit du plan gouvernemental en faveur des zones humides, du 22 mars 1996 ".
- elle évoque deux possibilités :
* les remblaiements seraient " sans justification et sans critère d'utilité publique " si le site n'était finalement pas retenu,
* compte tenu du caractère lointain et aléatoire des besoins et de la décision de construction d'une centrale, les remblaiements priveraient l'estuaire d'un apport bénéfique pendant une dizaine d'années, voire plus.

3) L'autorisation des travaux :
* le 1er janvier 1997, Alain JUPPE désavoue son Ministre de l'Environnement, Corinne LEPAGE. Il autorise le remblaiement des zones humides du Carnet.
* le 31 janvier 1997 : le Préfet a signé l'arrêté d'autorisation des travaux de remblaiement des zones humides du Carnet.

La mobilisation :
* le 25 janvier 1997 : 6000 à 7000 personnes manifestent dans les rues de Nantes contre la décision d'autorisation des travaux, décision du Premier Ministre Alain JUPPE.
* Les initiatives militantes se multiplient : création de collectifs locaux, réunions d'information, débats publics, initiatives festives (théâtre, musique…).
* Les recours en justice vont être déposés au Tribunal Administratif :
- pour obtenir sursis à exécution des travaux,
- pour jugement sur le fond,
- pour l'annulation de l'arrêté.

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NOS POSITIONS

I - La transparence des procédures de décision est un enjeu pour la démocratie.
Ici la procédure est inacceptable.
L'opacité du dossier a provoqué une forte opposition de la population et de ses élus.

Deux exemples :

a) le Gouvernement refuse d'annoncer clairement le projet, mais prépare le terrain en morcelant le dossier:
     Depuis le lancement du premier programme électro nucléaire français en 1971, EDF n'a pas remis en cause sa production d'électricité nucléaire, ni annoncé de diversification énergétique. Bien au contraire, EDF a affirmé récemment sa volonté de construire une nouvelle génération de centrales nucléaires européennes en collaboration avec des groupes industriels allemands et suédois. Pour ce faire, EDF recherche des sites neufs et valorisants. Or le Carnet fait partie de ses choix.
* le 18 juin 1996 : une enquête publique pour remblaiement des zones humides du Carnet a été ouverte dans l'opacité la plus complète. Le Gouvernement et EDF cherchent à dissocier les remblaiements de zones humides de la programmation d'une centrale nucléaire.

Le type de centrale n'est pas précisé dans le dossier d'étude d'impact, mais le dossier d'enquête est explicitement ouvert dans le cadre de la Déclaration d'Utilité Publique de 1988, prorogée en 1993, pour une centrale nucléaire au Carnet. Officiellement le Ministre, le Préfet et EDF démentent : aucune décision ne serait prise quant au type de centrale, elle pourrait être thermique classique ou nucléaire.

De deux choses l'une :

* ou l'on s'en tient au dossier , et il serait normal en démocratie que le Ministre et EDF annoncent la globalité du projet et le type de centrale à venir,
* ou l'on croit le discours officiel (l'absence de choix de centrale, le caractère aléatoire et lointain des besoins en électricité), et l'on s'interroge sur la nécessité de remblayer 51 hectares de zones humides, pour 300 MF, sans projet, justifiant le caractère indispensable de cette localisation.

b) les documents et actes officiels ouvrent des possibilités en contradiction avec les déclarations lénifiantes du Gouvernement.
* le 31 janvier 1997 : Le Préfet signe l'arrêté d'autorisation de travaux, incluant la possibilité d'utiliser pour les remblayages, des boues de dragages du chenal de Loire par le Port-Autonome.
* le 7 février, un arrêté modificatif excluant cette possibilité est pris par le Préfet, suite aux craintes de pollution soulevées publiquement par les écologistes (Robin des Bois).

Une telle précipitation pour tenter de rassurer dès qu'un point délicat est soulevé prouve
* l'importance qu'attache le Gouvernement à remblayer les 3 hectares à tout prix.
* que ce dossier est sur de nombreux points en contradiction avec la Loi et les discours officiels.
* que la pression des écologistes est nécessaire pour obtenir la mise en conformité des arrêtés.

Manipulation et opacité sont les principales caractéristiques de cette procédure.
Nous exigeons d'être informés.

II - Les projets doivent être justifiés avant d'être décidés :
1°) Les besoins nationaux en électricité ne sont pas prouvés :

* Par courrier du 28 Août, le Ministre de l'Industrie confirme :
- l'horizon particulièrement lointain des besoins supplémentaires en production électrique,
- la possibilité d'une implantation au Carnet,
- il justifie la demande de remblaiements par la limite de validité de la déclaration d'utilité publique de 1988, prorogée par décret du 3 mars 1993, soit jusqu'au 8 mars 1998.

2°) Les moyens de production électrique doivent être diversifiés et décentralisés au plus près des besoins de consommation :
* La centrale thermique de CORDEMAIS actuellement utilisée en "pointe", ne fonctionne pas à pleine capacité.
     Elle emploie 600 personnes et possède toutes les infrastructures de communication, d'approvisionnement en matière première et de distribution de l'électricité nécessaires à son fonctionnement et à son développement (appontement en Loire, connexions SNCF et routière, installation de dépollution d'eau industrielle en cours de chantier, dispatching électrique…).

suite:
Deux tranches sur cinq viennent de bénéficier de travaux de désulfuration d'un coût de 1,2 milliards de francs. Cette désulfuration pourrait être poursuivie.
* Par ailleurs, à Cordemais des espaces sont disponibles pour la construction de nouvelles unités de production utilisant des techniques modernes de combustion, respectueuses de l'environnement.
Aucune logique d'aménagement de l'estuaire ne justifie de fermer la centrale thermique de Cordemais sur la rive Nord, pour installer une centrale nucléaire sur la rive Sud. Quel que soit le type de cette hypothétique centrale, tous les équipements seront à refaire et nécessiteront des investissements d'autant plus coûteux qu'ils sont prévus sur 51 hectares de zones humides qui imposent au préalable des travaux de remblaiement pour 300 MF (soit 6 millions de francs/hectares).
Une logique d'aménagement de l'estuaire doit prévaloir, par l'optimisation des équipements existants et leur mise en relation. La rive Nord de l'estuaire constitue une pôle énergétique d'importance nationale, grâce à la raffinerie de Donges, au terminal méthanier, au terminal charbonnier, à la centrale thermique de Cordemais.
Ce projet est contradictoire avec l'ambition de concilier développement économique et protection de l'environnement pour les futurs projets d'aménagement de l'estuaire, option largement approuvée par les élus et les acteurs économiques locaux et régionaux.

III - Les enjeux de ces remblaiements dépassent la Loire-Atlantique, à deux titres :
1°) La protection des zones humides en France :
     Victimes de leur mauvaise réputation et des aménagements intempestifs, les "marais et marécages" figurent parmi les milieux naturels les plus menacés. En France, leur superficie a régressé de 50% en 30 ans.

L'estuaire de la Loire :
La stérilisation des milieux naturels du Carnet est contraire aux orientations du programme gouvernemental en faveur des zones humides adopté en mars 1995, aux préconisations du Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux Loire-Bretagne adopté en juillet 1996. Elle est aussi contraire aux directives européennes pour la protection des espèces et des milieux naturels, alors que la France est déjà mise en demeure par la Commission européenne pour insuffisance de protection dans l'estuaire de la Loire.

Au Carnet, on prévoit de remblayer 51 hectares de zones humides, dont 40% des roselières du sud-Loire au fortes capacités d'épuration de l'eau et d'accueil des oiseaux, pour installer les parkings et la voie d'accès au site, la centrale elle-même devant être construite sur le socle rocheux !
     Les zones humides jouent un rôle économique. L'estuaire de la Loire est un écosystème complexe et très productif dont la dégradation ne doit pas se poursuivre.
     La destruction de ces 51 hectares de zones humides pour 300 MF (soit 6 MF à l'hectare) ne peut être engagée sans qu'EDF ait fait la démonstration de la pertinence économique , technique et écologique du choix de cette zone.
     Le coût de ces travaux est équivalent à la moitié du coût de la station d'épuration des eaux usées de l'agglomération nantaise (Tougas).

2°) Le lancement d'un nouveau programme électro-nucléaire pour le 21ème siècle.
     Le premier programme de production électrique "tout-nucléaire" français (59 réacteurs) décidé en 1971, s'achèvera en 1998 avec la mise en service de la centrale de Civaux (Vienne).
     La centrale nucléaire du Carnet serait la première d'un nouveau programme électronucléaire français pour XXIème siècle.
C'est maintenant que se font les choix de production énergétique pour les 50 années à venir.
     Dès maintenant le Gouvernement et EDF doivent s'engager résolument vers la diversification des moyens de production d'électricité (co-génération, énergies renouvelables, etc…) en réduisant progressivement la part du nucléaire. EDF doit préserver tous les savoir-faire. Développer une véritable politique d'économies d'énergie et "d'efficacité énergétique" dépend de la seule volonté politique. Or, les choix de politique énergétique n'ont jamais fait en France l'objet d'un débat clair.
     Nous exigeons une réduction progressive de la production d'électricité nucléaire et l'engagement d'une politique de diversification des moyens de production énergétique.

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