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N°151/152
De la sûreté en France
     Depuis des années le GSIEN se bat, et la lecture de la Gazette Nucléaire permet de s'en rendre compte, pour que les autorités de sûreté soient efficaces. Une première condition était son indépendance. Une avancée dans ce sens fut réalisée par la transformation du Service central en une Direction sous la double tutelle des ministres de l'Environnement et de l'Industrie.
     Mais est-ce suffisant?
     A-t-on obtenu le résultat recherché sur le plan de l'efficacité?
     Une réflexion portant sur des événements récents donne des doutes. Réfléchissons au problème des modifications des barres de contrôle pour le pallier N4 (1450 Mwé). Les barres de contrôle présentaient une usure rapide et importante due à des vibrations induites par la circulation de l'eau dans la cuve. Cette usure provoquait des fissurations circonférencielles de la gaine, et à la suite de ruptures de barres immobilisant la grappe concernée, des mesures conservatoires de surveillance et de sévérité dans les critères de remplacement avaient été prises (non sans des compromis difficilement justifiables sur le plan de la sûreté que nous avions dénoncés à l'époque). Des modifications des tubes guides furent étudiées par Framatome pour être mises en oeuvre sur CHOOZ B. Manque de chance (???) en raison de la défaillance du nouveau système de contrôle installé à Chooz et de la nécessité de tout reprendre à zéro, un très long retard intervint dans le démarrage de ces tranches du palier N4. La première mise en oeuvre de ce nouvel agencement des barres fut faite sur la centrale de Daya Bay, en Chine. Et on s'aperçut que la nouvelle géométrie avait des résultats catastrophiques. Un fort ralentissement de la descente des barres, voire même un blocage. D'où l'air malin du constructeur et une pub de premier ordre pour le "made in France". Ouf on l'avait échappé bel chez nous, à Chooz.
     La question qu'on doit se poser est la suivante: cette nouvelle configuration de l'ensemble barres de contrôle-tubes guides était prévue sur une centrale française. Donc la modification proposée par Framatome avait dû franchir l'analyse des bureaux d'étude d'EdF, puis avoir l'agrément des autorités de sûreté. Que la DSIN n'ait pas la compétence pour éplucher un problème de ce genre, cela semble être une évidence, mais elle est dotée d'un support technique l'IPSN. Cet Institut aurait dû mettre en évidence le problème grâce à la compétence (affirmée) de ses agents, et tout le moins s'apercevoir que les essais effectués n'étaient ni représentatifs ni significatifs. Car enfin, une modification sur un élément aussi essentiel pour la sûreté ne se décide pas sans des travaux de modélisation, des essais sur maquette et même un fonctionnement réel sur une veine liquide représentative de la situation à l'intérieur de la cuve du réacteur.
     A ces légitimes questions une des réponses de la part de l'Inspection de Sûreté d'EdF est que c'est la fonction des essais de démarrage de détecter les anomalies. Ces essais ont donc pleinement remplis leur rôle, à leur avis. Seulement à ce stade de la réalisation il s'agit d'ultime détection de défauts de fabrication: il ne s'agit plus de vérifier si un concept est erroné. Or le cas qui nous préoccupe est une erreur de conception qui ne relève plus des essais de démarrage mais aurait du être détectée longtemps avant. Il y a donc une faille dans tout le système de sûreté..
     Nous voyons apparaître toute une série de carences au niveau du contrôle de la proposition d'un fournisseur, Framatome en l'occurrence. Ces carences se situent à EdF, à l'IPSN et en fin de chaîne au niveau de l'autorité de sûreté qui, chapeautant l'édifice porte la responsabilité finale.
     C'est inquiétant et même préoccupant si on doit reconnaître qu'on ne peut pas se fier à l'autorité de sûreté.

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