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N°139/140
Les déchets radioactifs

     Les déchets sont toujours présents, les sites sont en prospection. Les Instances Locales de Concertation (c'est la dénomination des Commissions Locales d'Information avant la construction) se réunissent et réunissent quelques personnes. La forme choisie est la forme conférence et les conférenciers sont souvent du bon côté (du point de vue du préfet qui gère ce type d'instance). La concertation est, donc faible et c'est bien dommage. Ce qui est encore moins facile à supporter c'est la politique de l'ANDRA qui distribue des cadeaux pour les enfants, des dépliants et multiplie les petites réunions. Les associations n'ont pas les moyens de faire pareil mais tout de même elles assurent une présence et bien souvent leur intervention fait réfléchir.
     On pouvait espérer un autre traitement du problème. Pourquoi se lancer dans la mise en place de deux labos coûteux alors que tant de choses peuvent être précisées simplement avec les petites unités type Auriat, Tournemine ou Revin.
     L'IPSN a fait le point sur les connaissances et manifestement il y a encore beaucoup à faire sans se lancer tête baissée dans une construction énorme et qui devrait "raisonnablement être construite sur un site potentiellement correct". Voici:
     - Le papier préparé pour l'audition de la Meuse,
     - le papier du CSSIN,
     - Le papier du programme de l'IPSN
     - L'annexe 14 du rapport Castaing

     J'ai voulu faire un point sur ce sujet bien brûlant et j'ai repris ce papier de 1982 sur la destruction des actinides et du neptunium en particulier. Il n'a pas une ride parce qu'on n'a pas progressé sur ce sujet, d'ailleurs quels progrès pourrait-on faire?
     Pour que ce soit d'un intérêt quelconque la décontamination doit atteindre des taux de 99 % ce qui exige des chaînes successives coûteuses en irradiation du personnel et surtout en déchets successifs qui vont grossir le tas des déchets B, à stocker en profondeur (doctrine officielle bien sûr).
     Les rendements et les bilans des opérations sont tout de même assez peu alléchants et supposent le séjour en réacteur pendant 6 à 10 ans pour obtenir des réductions. Il faut prévoir des réacteurs, des usines de retraitement, des usines de fabrication de combustibles spécialement affectés à ce cycle. Il est certainement plus sage d'arrêter de disperser des polluants radioactifs tout au long du cycle.
     Peut-être pouvons-nous intervenir pour obtenir que l'on cesse de rêver que la technique peut tout faire.
 

Programme de recherche et activité d'un laboratoire

Intervention GSIEN

Préfecture de la Meuse - décembre 1994


Préambule
     Avant d'étudier le laboratoire et son activité, je voudrais préciser quelques points. Plusieurs options étaient possibles (et le restent encore) en ce qui concerne le problème des déchets.
     Le choix ou non du retraitement change les analyses car cela modifie les quantités et les emballages à traiter, même si le choix reste, in fine, un stockage en couches géologiques profondes.
     De plus il n'est pas évident que le stockage profond soit la bonne solution, c'est la solution retenue actuellement mais rien ne prouve que cette voie soit la bonne.
     Pour le stockage en profondeur (et les autres aussi d'ailleurs), l'eau est le vecteur du transfert de la radioactivité. Lorsque l'eau atteindra le site profond, elle sera l'agent de l'altération, puis de la détérioration, tout d'abord des emballages et ensuite des déchets eux-mêmes. L'eau chargée des radioéléments pourra regagner les eaux de surface après des processus lents mais inéluctables. Le risque présenté par cette eau dépendra, alors, de la nature des éléments radioactifs et de leur activité résiduelle.
     En l'état des connaissances, le stockage profond soulève de multiples problèmes avec de multiples facettes tels que:
     - des aspects scientifiques et techniques,
     - des aspects économiques,
     - le besoin de règles.
     La phase laboratoire souterrain est, de fait, la demière phase des processus d'études du stockage des déchets. On doit se souvenir que tout d'abord il faut faire des études sur échantillon puis sur petits sites. La mise en place des laboratoires souterrains se fera sur un site ou des sites, a priori, propices et considérés comme aptes au stockage.

Le laboratoire, sa nécessité, son apport aux problèmes des déchets
     Il y a nécessité à développer des techniques de gestion des déchets qui minimisent le retour des radioéléments dans la biosphère. Le stockage en couches géologiques profondes que doit tester le laboratoire est-il suffisamment bien défini?
     Il n'est pas aisé de répondre à cette question. L'analyse des divers documents montre la complexité du sujet.
     L'IPSN a étudié différents milieux à l'aide de petites unités dénommées LEMI (Laboratoires d'Etudes Méthodologiques et Instrumentales, nous reviendrons sur ces petites unités). Ces études menées depuis plus de 10 ans n'ont pas encore permis de disposer de modèles vraiment fiables permettant d'étudier un terrain. La géologie nous renseigne bien sur le passé d'une région mais elle a du mal à nous prédire le futur.
     Il n'est pas encore évident que le meilleur choix soit celui de l'enfouissement profond. En effet le suivi des déchets enrobés et installés dans une galerie dont l'accès n'est plus possible, une fois le bouchage du site effectué reste un point difficile. Cette solution peut être valable, éventuellement pour le court terme mais si on décèle une pollution que fera-t-on? Si on est encours de remplissage, l'accès aux galeries sera peut-être encore possible avec des robots. Si on est en phase terminale, on pourra suivre la pollution mais on ne pourra pas intervenir sur le site. Le site, une fois fermé on ne pourra que déplorer la pollution.

suite:
     Il faut être conscient que, probablement on parviendra à assurer la sécurité des populations sur des décennies mais au delà de quelques centaines d'années les prévisions deviennent très incertaines.
     Le laboratoire est donc une inélégante solution pour éviter de se poser les questions de fond:
     - 1 Ayons le courage de nous poser des questions sur notre consommation d'énergie et limitons notre production de déchets,
     - 2 Ayons aussi le courage de prendre la solution d'entreposage des déchets pour assurer leur surveillance et éviter de polluer irrémédiablement le sous-sol.
     Il est souvent affirmé que des laboratoires sont indispensables pour la recherche:
     - de matrices de déchets présentant la plus grande résistance possible à l'eau pour réduire les transferts de produits radioactifs,
     - de surconteneurs résistants à l'eau et retardant la destruction des colis,
     - de la meilleure roche d'accueil - argile, sel, granite, schistes-,
     - de procédés d'obturation des galeries pour éviter qu'elles ne constituent des failles dans le confinement.
     Ces études pourraient être faites avec les LEMI. Certaines ont d'ailleurs été menées, il faudrait faire des bilans avant de se lancer sur des échelles plus grandes.
     Le dernier point est qu'il manque encore une règle du jeu bien définie pour étudier un site profond. Le Centre Manche a permis de mettre sur pied une Règle Fondamentale de Sûreté pour les sites de surface. Cette RFS n'existe toujours pas pour les sites profonds ce qui ne facilite pas la recherche d'une solution. La publication d'une règle très générale sur le sujet n'a pas clarifiée la situation mais laisse la porte ouverte à toutes les interprétations.

Analyses des résultats de l'IPSN avec les LEMI
     L'IPSN a mené de nombreuses études sur le problème de l'efficacité des barrières géologiques vis à vis de la migration des déchets radioactifs. En 1992 une évaluation de ces études a été présentée au Comité Scientifique de l'IPSN.

1. Evaluation 1992
     La majeure partie des travaux portaient sur le granite, une seule était sur l'argile au LEMI de Toumemine.
     Les rapporteurs s'interrogeaient sur l'ensemble des études en notant l'absence de travail de synthèse, l'absence de comparaison avec des travaux intemationaux.. Ils déploraient également que les études se bornent à accumuler des résultats sans faire apparaître les acquis et les manques.
     Voici l'intégralité de leurs recommandations:
     «L'objectif majeur des travaux réalisés dans les LEMI semble être de développer un savoir faire méthodologique et instrumental. Il paraît donc essentiel, qu'à la fin de chaque opération, soient tirées les leçons de l'expérience de façon à bien souligner les acquis et les questions laissées en suspens.

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     En outre, une étude bibliographique devrait être entreprise systématiquement avant toute étude de terrain de façon à montrer en quoi le travail proposé est original et comment il fait avancer les connaissances.
     La lecture de l'ensemble de ces travaux donne l'impression qu'un grand effort a été fait pour élaborer les éléments d'un puzzle mais que personne ne s'est soucié de l'assemblage des différents morceaux du puzzle. Certes le rapport Goguel «a le mérite d'énoncer un certain nombre de règles permettant de définir le cadre d'une étude de stockage profond. Mais qui se soucie de montrer comment les travaux effectués dans les LEMI permettent effectivement de répondre aux questions posées par l'application de ces règles? Il nous semble qu'un document de synthèse sur les résultats acquis serait nécessaire, ne serait-ce que pour faire le point sur ce que l'on sait faire aujourd'hui et ce que l'on ne sait pas faire. Ce travail de synthèse devrait d'ailleurs intégrer les résultats obtenus sur les autres sites expérimentaux à l'étranger de façon à préciser la stratégie à suivre pour le futur.
     Un moyen très efficace, et peut-être le seul, de montrer qu'un travail de recherche est solide est de le publier dans des revues à comité de lecture. Les rapporteurs font leur travail, et la qualité des études s'en trouvent presque toujours nettement accrue. »

2. Synthèse 1994
     Ces recommandations sévères ont abouti à un travail de synthèse présenté en février 1994 dont je vais tirer quelques extraits. L'auteur (Jean Claude Barescut) part du principe:
     «une solution ne pourra être acceptable que si l'on peut prouver que son impact radiologique et les contraintes qu'elle impose aux populations actuelles et futures sont insignifiants. »
     Il en conclut:
     «Une démonstration à ces échelles de temps et d'espaces [durée de vie le million d'années et perte d'efficacité sur quelques milliers d'années] ne peut reposer sur des expériences en vraie grandeur. Le recours à la modélisation est obligatoire pour faire une synthèse entre les expériences partielles et pour assurer les nécessaires transpositions d'échelles d'espace et de temps
     Il ajoute que la responsabilité de la conception et de la mise en oeuvre des stockages est du ressort des exploitants et que la mission de l'IPSN est de conseiller les pouvoirs publics et d'évaluer les arguments des exploitants.
     En conséquence l'IPSN doit développer ses moyens d'expertise et en particulier maîtriser la modélisation.
     Un point important est le suivant:
     «Si les travaux sur la barrière géologique sont privilégiés actuellement c'est que tous les spécialistes s'accordent pour juger que c' est l'alternative la plus avancée et le passage obligé pour tout mode d'élimination... Les travaux seront réorientés, si nécessaires, en fonction de l'avancée éventuelle de solutions nouvelles ou du retour en grâce de solutions examinées autrefois.» [souligné par le GSIEN]

Modélisations
     Les modélisations ont été établies avec différents résultats physiques

     1. La complexité des couplages
     La migration des produits radioactifs est gouvernée par les mouvements de l'eau dans le sol. C'est un problème d'hydraulique mais vont intervenir aussi la dilatation de la roche, les colmatages chimiques, les effets thermiques, les mouvements tectoniques.

suite:
     2. La perméabilité en milieu fracturé
     «On arrive à établir quelques liaisons entre les grands mouvements subis par les massifs mais on est loin de pouvoir prédire la perméabilité d'un massif à partir de son histoire.»
     « Il y a d'ailleurs un problème de fond pour l'exploration d'un site de stockage potentiel car on ne peut se permettre de truffer le sol de forages d'exploration

     3. L'effet thermo-hydro-mécanique
     «Le principal problème des milieux fissurés est sans doute le chauffage par les déchets.»
     «Il est impossible de représenter le réseau de fractures réelles mais les conclusions qualitatives sont sans ambiguïté: de larges fissures et un soulèvement du sol de quelques dizaines de cm sont à attendre d'un stockage type. Cela peut conduire à réduire la charge chauffante (espacement des colis, refroidissement préliminaire) ou à le placer plus en profondeur. »

     4. La chimie
      «Le rassemblement des données existantes est un vaste travail mené à l'échelle internationale. La mesures des constantes manquantes, surtout lorsqu'elle doit se faire en laboratoire chaud ne progresse que très lentement

     5. La géoprospective
     Pour le stockage profond on mise sur «Un des critères de choix d'un site est justement d'éliminer les sites où ces effets [variation du niveau des mers, séismes, érosion, etc...] sont envisageables.. «bien qu'on ne peut se contenter de considérer que les conditions externes resteront fixes.»

Validation des modèles
     Après cette revue des modélisations il aborde un point difficile, la validation des modèles.
      «Trois voies s'ouvrent à nous pour valider les modèles. Le travail sur échantillon en laboratoire, le travail sur site [l'IPSN a appelé ses sites LEMI mais pour ne pas créer une confusion avec les laboratoires de l'ANDRA, ils seront dénommés sites d'études] en tentant de maîtriser les conditions expérimentales. Et enfin le travail sur le terrain dans des cas où la maîtrise des conditions est quasi nulle.»
     «le laboratoire est essentiel pour analyser les roches, mesurer les perméabilités, la conduction thermique...» en un mot pour mettre en évidence les paramètres essentiels aux modèles.
     En ce qui concerne le travail sur site citons notre auteur:
     «Dès lors que l'on aborde des phénomènes où joue une variabilité spatiale, le travail sur le terrain devient indispensable. C' est également nécessaire pour être sûr qu'il n'y a pas de phénomènes ayant échappé au travail de laboratoire. Le travail sur terrain est indispensable pour valider les modèles de circulation.
     Il y a une nuance importante entre deux types de laboratoires. Les premiers servent à la validation et à la progression des connaissances. On peut mettre dans cette catégories les études sur sites de l'IPSN... Une deuxième catégorie est celle pour laquelle on a tendance à réserver la dénomination - laboratoire souterrain -. Ce type de laboratoire, normalement de dimensions représentatives d'un stockage est avant tout destiné à vénfier qu'un site déterminé est apte au stockage. On élimine donc a priori tout emplacement pour lequel on a un doute sur son aptitude future. En principe, ne serait-ce que pour des questions de coûts, on devrait être sûr de disposer de modèles et techniques nécessaires avant d'entreprendre ce type de construction... En pratique, la phase d'exploration préliminaire off'e encore des possibilités de validation.»

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     Ainsi il est rappelé «Du point de vue scientifique la limite est floue. La différence est dans la finalité: les premiers sont consacrés à l'avancement des sciences et techniques alors que les seconds, comme le médiateur le rappelle souvent sont des reconnaissances de sites et pourront se transformer en stockage s'il se confirme qu'ils sont adaptés
     Toute la question est là: sont-ce des véritables reconnaissances de sites et se retirera-t-on d'un de ces sites s'il s'avère inadéquat. Une claire réponse à une telle question clarifierait le débat.
     Ce rapport nous présente un bilan sur Fanay et les milieux fissurés dans le granite. Il reste encore beaucoup de travail avant d'avancer dans la modélisation, en particulier sur la circulation de l'eau en milieu fissuré. On a une connaissance au point de forage et on ne sait pas du tout raccorder les forages entre eux.
     Les milieux argileux (Mol en Belgique et Tournemine) sont présentés reposant sur le fait que:
     «La perméabilité de l'argile est si basse qu'elle peut être considérée comme nulle. Le problème est donc comme pour le granite de prouver que des circulations ne peuvent court-circuiter l'argile saine

Voici les conclusions
     «C'est à l'exploitant de choisir sa stratégie de protection et il est clair que s'il estime que sa démonstration peut se passer de faire appel aux propriétés protectrices de certains sous-systèmes, il a tout intérêt à cibler ses efforts sur les autres. Plus il arrivera à affiner ses marges sur les phénomènes qu'il prend en compte, plus il aura de latitude pour prendre de marge sur les phénomènes incertains. Par exemple, on a indiqué que la fracturation des milieux granitiques posait encore quelques problèmes de part la difficulté de repérer les fissures conductrices et à garantir qu'il ne s'en ouvrira pas d'autres. Il n' est pas impossible que des études ultérieures ne montrent que cette crainte est exagérée mais une façon de tourner la difficulté pourrait être de se reposer plus sur les qualités du colis de déchets (c'est l'option suédoise) ou de ses barrières ouvragées. L'exploitant peut aussi éviter la difficulté en préférant les milieux sédimentaires multicouches. L'exploitant n'est en fait soumis qu'à l'obligation de résultats et non de moyens. Quels que soient ses choix, il devra faire la preuve incontestable de l'efficacité de sa solution
     «Au stade où en sont les études il est donc sans doute trop tôt, aussi bien pour l'exploitant que pour l'IPSN, pour trop restreindre les domaines d'étude. L'exploitant a des projets importants, en particulier ceux demandés par la loi. L'IPSN doit optimiser son effort en se préparant à évaluer les propositions des exploitants mais aussi en justfiant sa compétence d'expert. Il faut, pour cela que ses modèles et leurs utilisateurs aient fait la preuve de leur validité pour les uns, de leur compétence pour les autres. Toutes ces raisons justifient que ce domaine clé bénéficie d'une attention soutenue et soit l'occasion de collaborations internationales autour de la modélisation et des activités de validation associées

Travaux de l'IPSN
     Comment ce rapport se traduit-il dans les activités de l'IPSN? Voici un aperçu de son programme pour 1995

     Stockages profonds
     - études dés transferts en milieu argileux
     Il faut comprendre en laboratoire les mécanismes de circulation de l'eau dans ce milieu très imperméable. L'approche passe par l'étude d'autres modes de transport que ceux liés à la perméabilité (diffusion et vérification des modes de transfert)...
     - modélisation de l'influence des phénomenes géochimiques sur la circulation des radionucléides dans le milieu profond.

     Il faudra approfondir la compréhension du couplage des phénomènes chimiques aux phénomènes hydrologiques et thermiques.

     - modélisation des transferts dans la biosphère
     L'effort doit porter sur l'intégration des connaissances radioécologiques, utiles dans le cas de l'impact des stockages de déchets, avec en particulier deux aspects: assimilation par les végétaux et les animaux, définition des biosphères de référence à une échelle de temps inhabituelle...

     - étude des transferts en milieu fissuré
     Le granite est le meilleur exemple pour ce type de milieu. On sait actuellement décrire les fractures, mais on ne connaît pas leur comportement sous sollicitation thermomécanique...

- modélisation de la probabilité d'extension de la calotte glacière et modélisation de l'érosion.

suite:
En guise de conclusion
     Il y a eu une mise à plat des programmes, des résultats. Beaucoup de travaux sont en cours:
     IL EST URGENT D'ATTENDRE car aucune conclusion ne se dégage et il reste beaucoup à faire pour cerner l'ensemble du problème du stockage des déchets.
     L'ANDRA devrait s'inspirer des travaux de l'IPSN pour se définir une stratégie à la mesure du problème.
     Le CEA puis l'IPSN ont fourni un effort pour étudier le stockage des déchets mais d'une part la plupart des études ont porté sur le stockage en surface et sur le stockage profond. Beaucoup de voies n'ont pas été explorées par conviction intime des acteurs ou par manque de moyens. Le laboratoire souterrain, tel qu'il est défini par l'ANDRA, est une étape ultime. Il n'est pas actuellement possible de faire un tel choix.

     Qu'apporte le laboratoire à ces résultats?
     Peut-on exploiter les résultats des LEMI pour définir un
laboratoire?

     Dans l'état actuel du dossier il est prématuré de songer à un laboratoire puisque, comme le souligne le rapport de l'IPSN le choix du site doit être quasiment un choix définitif. Le laboratoire ne pourrait valider que des modélisations et des études déjà très avancées. Ce n'est pas le cas, il est donc préférable de continuer des études avec des LEMI pour valider les études de laboratoire. Il ne faut pas précipiter le stockage en profondeur. Il faut assurer un entreposage sûr, effectuer des recherches sur les emballages, s'assurer de leur tenue. Les transferts dans les plantes et les animaux doivent être continués en particulier avec les résultats de Tchernobyl. De même les dernières études de la CIPR, de l'AIEA doivent être prises en compte pour évaluer l'impact d'un site. C'est en cours mais le travail est complexe car certains termes comme celui des facteurs de transfert restent incertains.
     D'autre part une consultation des populations est indispensable, consultation ouvrant les dossiers et permettant les questionnements.
     Pourtant à la dernière réunion du CSSIN (Conseil Supérieur de Sûreté et d'Information Nucléaire) d'octobre l'ANDRA a présenté son programme.
     Quatre départements se sont dégagés suite à la médiation du député Christian Bataille.
     L'ANDRA mène des études pour établir la géométrie possible des sites. Des études sont en cours pour vérifier l'écoulement des eaux. On essaie aussi d'évaluer la stabilité des sites pressentis et leurs ressources naturelles pouvant entraîner une intrusion ultérieure.

     Dans la Meuse: 2 forages profonds sont prévus. Un est réalisé, l'autre est programmé en décembre 1994.

     Dans le Gard: un forage profond de 885m a été réalisé à Marcoule.

     Dans la Vienne: 11 forages entre 300 et 600 m dans le granite sont programmés pour 1994.
     Si le travail en laboratoire et sur site avaient permis l'élaboration de modèles et une compréhension de tous les phénomènes on pourrait être à la phase laboratoire. Ce n'est pas le cas.
     Les LEMI ont permis, après de nombreux efforts, de pointer le manque de modélisation, le manque de bilan. Il s'est dégagé une série d'expériences à réaliser en petits sites avant toute autre approche. L'IPSN a un programme cohérent, qu'elle le réalise.
     L'idée d'un laboratoire n'a pas de cohérence scientifique, c'est juste un moyen de faire croire que le problème des déchets a une solution. Le problème reste entier. Il est illusoire avec un problème à autant de variables d'imaginer qu'une réalisation taille 1 va améliorer la compréhension. Il vaut mieux tester chaque paramètre et seulement ceux-ci fixés passer à une réalisation industrielle
     L'ANDRA peut et même doit mener des études conjointement avec l'IPSN ou seule mais le programme qu'elle a présenté au CSSIN est prématuré. Il est loin d'être certain que l'on doive stocker en profondeur, l'apport d'un laboratoire à ce sujet ne paraît pas décisif. Par contre l'étude en petits sites est mieux adaptée pour définir les paramètres, pour fixer des variables.
     Les LEMI peuvent servir à la compréhension des phénomènes c'est donc une voie à explorer et finaliser. Par contre la mise en route d'un énorme laboratoire est une aberration en l'état des connaissances.

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CSSIN - Séance de juin 1994

Point sur la gestion des déchets radioactifs

     Une gestion sûre, rigoureuse et claire des déchets radioactifs, à la fois maintenant et sur le long terme, est nécessaire, à la fois pour la sécurité et la santé des individus et pour la crédibilité de l'industrie nucléaire.

I - Une classification des déchets radioactifs
     La DSIN assure, dans le cadre du décret du 11 déçembre 1963, le contrôle de la sûreté des installations de traitement, de conditionnement, d'entreposage et de stockage des déchets radioactifs et le contrôle des filières d'évacuation des déchets radioactifs produits dans les installations nucléaires de base.
     Les déchets radioactifs sont très divers en activité, en durée de vie, en volume etc... Chaque type de déchets nécessite un traitement et une solution d'élimination définitive adaptés afin de rendre négligeable l'impact sanitaire des déchets, aujourd'hui et sur le long terme.
     La classification actuelle des déchets radioactifs (A, B, C) en recouvre très incomplètement le spectre: elle exclut notamment les déchets faiblement actifs à vie longue et les déchets très faiblement actifs.
     La DSIN propose donc de passer à une classification plus opérationnelle des déchets radioactifs basée sur les caractéristiques physiques que sont la durée de vie et l'activité.
     Le tableau suivant montre la classification proposée, et traduit l'état actuel des solutions de gestion retenues pour chaque catégorie des déchets radioactifs.

                                                          Durée
Activité de vie:                Courte période   Longue période
Très faiblement actif:        entreposages          d'attente
Faiblement actif:        stockage de surface  entreposage d'attente
Moyennement actif:    stockage de surface   Loi du 30/12/91*
Hautement actif:           Loi du 30/12/91*    Loi du 30/12/91*

     * Le champ d'application de la loi 1991 ne recouvre à proprement parler que les déchets à longue période mais les déchets hautement actifs à courte période ont toujours été traités de la même façon que les déchets visés par la loi de 1991, les uns et les autres étant inacceptables dans les stockages de surface de l'ANDRA.

suite:
     Il est important de noter que ce sont les déchets dont l'impact sanitaire est très faible, voire nul, qui affaiblissent la crédibilité de l'ensemble de la gestion des déchets radioactifs, ainsi que l'ont montré les affaires des déposantes de Saint-Aubin et du Bouchet, de la société Radiocontrôle, et des réveils Bayard.

II - Les centres de stockage de surface de l'ANDRA
     Les déchets de durée de vie courte (inférieure à 30 ans) et faiblement ou moyennement actifs sont stockés dans les centres de surface de l'ANDRA.
     Le principe de ces centres consiste à confiner les déchets à l'abri des agressions et notamment de toute circulation d'eau, jusqu'à ce que leur radioactivité ait suffisamment décru pour être totalement négligeable: à la phase d'exploitation du stockage succède ainsi une phase de surveillance de l'ordre de 300 ans, au bout de laquelle le site pourra être rendu sans restriction à une utilisation banale. L'ANDRA exploite actuellement deux centres de cette nature: celui de la Manche, d'une capacité de 500.000 m3, dont la phase d'exploitation vient de se terminer, et celui de l'Aube, d'une capacité de 1000.000 m3, dont l'exploitation a démarré en 1992.
     Les actions de la DSIN dans ce domaine sont multiples:
     - instruction des procédures de changement d'exploitant au Centre de Stockage de la Manche (CSM) et au centre de Stockage de l'Aube (CSA),
     - instruction de la procédure de passage en phase de surveillance au CSM, comportant une enquête publique,
     - suivi technique des dispositions adoptées pour le passage en phase de surveillance du CSM, notamment la pose de la couverture, l'inventaire chimique et radiologique du site, un point radiologique de l'environnement, les dispositions de contrôle de l'environnement et de la couverture durant la phase de surveillance;
     - suivi technique de la qualité du conditionnement des colis de déchets, à la fois chez les producteurs de déchets (EDF, Cogema, CEA,...) et chez l'ANDRA (contrôle de l'organisation qualité);
     - suivi de l'exploitation du CSA;
     - suivi de l'exploitation du CSM, notamment le désentreposage et la réception des demiers colis.

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     La diminution du volume des déchets produits, résultat d'une diminution à la source de la production des déchets, conduit à un allongement de la durée de vie prévisible du centre de Stockage de l'Aube, qui de 30 ans initialement prévus voit sa prévision de durée d'exploitation portée à 45 ans.
     L'ensemble de ces actions a été complété par 22 visites de surveillance de l'ANDRA en 1993.

III - Les suites de la loi du 30 décembre 1991 (pour mémoire: ce point fait l'objet principal du Comité à l'Énergie Atomique du 8 décembre 1994).
     On sait que la loi no 91-1381 du 30 décembre 1991 a fixé les grandes orientations relatives aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs:
     - la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à période longue doit être assurée dans le respect de la protection de la nature, de l'environnement et de la santé, en prenant en considération les droits des générations futures;
     - des travaux seront menés sur:
     ï la recherche de solutions permettant la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans ces déchets;
     ï l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains;
     ï l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface de ces déchets;
     - l'installation et l'exploitation d'un laboratoire souterrain sont subordonnées à une autorisation accordée par décret en Conseil d'État, après enquête publique et consultation des collectivités territoriales intéressées
     Sa mise en application est précisée par plusieurs décrets; l'un d'entre eux fixe les modalités d'action du médiateur chargé d'organiser la consultation des élus, des associations et des populations au niveau local, et un autre précise les conditions dans lesquelles le laboratoire souterrain pourra être créé. Le processus de concertation, mené par le médiateur Christian Bataille, et appuyé sur des critères géologiques favorables, a abouti, en janvier 1994, au choix, par le Gouvernement, de quatre zones géologiques situées dans les départements du Gard, de la Vienne, de la Haute-Marne et de la Meuse, précédant le choix ultérieur de sites d'implantation des laboratoires.
     La DSIN s'est volontairement tenue en retrait pendant toute la partie publique de la mission de médiation, de façon à laisser libre champ à la concertation.
     Elle a ensuite insisté sur la nécessité de retenir un nombre de sites suffisant pour permettre une véritable sélection à la suite des travaux de reconnaissance actuellement menés par l'ANDRA.
     Elle a rappelé à l'ANDRA un certain nombre d'exigences pour atteindre les objectifs fixés par la Règle Fondamentale de Sûreté (RFS) émise par la DSIN enjuin 1991.
     Il s'agit notamment:
     - de présenter l'ensemble des éléments techniques utilisés lors du processus de concertation;
     - de préciser certaines caractéristiques, notamment géologiques, des quatre sites afin de pouvoir juger de leur caractère favorable pour accepter un laboratoire;
     - d'initier la définition des concepts de stockage en fonction des contraintes (inventaire radiologique, réversibilité, combustibles irradiés en l'état ou déchets issus du retraitement);
     - de justifier les premiers éléments du programme de recherche et d'expertise à mener dans les laboratoires au regard des objectifs de la RFS.
     Une séance du groupe permanent «déchets» s'est tenu sur la base des documents de l'ANDRA, qui ont apporté des réponses aux points mentionnés ci-dessus.

suite:
     Par ailleurs, la DSIN va clarifier avec les institutions et dé-
partements ministériels concernés la répartition des responsabilités pour l'évaluation du programme de recherche dans les laboratoires.
     La DSIN veille, dans ce processus:
     - à la priorité qui doit être donnée aux préoccupations de sûreté;
     - à la nécessité d'éviter les dérives de planning et de respecter les échéances de la loi du 30décembre 1991;
     - à ce que la recherche développée dans la phase laboratoire ait un objectif opérationnel et ne soit pas de la recherche académique.
     La DSIN est informée de l'évolution des recherches et prospections de surface, et de l'activité des commissions ad hoc préalables aux commissions prévues par la loi du 30 décembre 1991. Enfin, la DSIN et l'ANDRA préparent la procédure administrative de création des laboratoires.

IV - Vers une gestion rigoureuse des déchets de faible et très faible activité
     Les déchets radioactifs de faible activité et à longue période, ou de très faible activité, sont de natures très diverses. Il s'agit, par exemple, de résidus miniers très faiblement actifs, homogènes dans leur composition mais importants en volume, des déchets issus du traitement de l'usine Rhône-Poulenc à la Rochelle et entreposés à Cadarache, ou encore de déchets de démantèlement ou résultant de la remise en état de points noirs.
     Les résidus miniers de très grand volume ne peuvent que rester en place, dans des conditions de protection et de surveillance à définir. Les autres déchets font actuellement l'objet de filières de traitement ou de stockage parfois imparfaitement maîtrisées.
     La DSIN a initié avec les producteurs de déchets radioactifs, l'ANDRA et les départements ministériels concernés, une réflexion visant à aboutir à une gestion rigoureuse des déchets de faible ou très faible activité.
     La DSIN considère que l'instauration de seuils universels de décontrôle par les pouvoirs publics n'est pas à l'ordre du jour et ce pour toute une série de raisons:
     - l'opinion publique n'est pas préparée à l'officialisation par le pouvoir politique de tels seuils;
     - la décision serait perçue comme opportuniste, et destinée à permettre aux producteurs de déchets de s'en débarrasser;
     - ces seuils pourraient être une incitation à la dilution;
     - les exploitants de décharges et les riverains de ces décharges s'opposeront à la réception de tels déchets;
     - des contrôles fiables, menés de façon industrielle sur des quantités importantes de déchets à l'entrée d'une décharge, sont impossibles aujourd'hui.
     La DSIN propose, au contraire, l'instauration de filières d'évacuation contrôlées avec traçabilité totale des déchets. Cette démarche passe par:
     - l'élaboration d'études déchets, à l'instar de ce qui se fait dans l'industrie non nucléaire;
     - la définition de zonages dans les installations pour identifier les parties dont les déchets pourraient être radioactifs;
     - la défmition, approuvée par les pouvoirs publics, de filières adaptées pour chaque type de déchets radioactifs, s'appuyant sur des études d'impact et faisant l'objet d'une information ou d'une consultation du public (enquête publique);
     - la création de stockages dédiés pour ces types de déchets;
     - un contrôle réglementaire plus précis, notamment par une meilleure rédaction des décrets d'autorisation de création d'installation.

p.11

V - Les déchets anciens
     Dans le cadre de leurs activités industrielles ou de recherche, le CEA et la Cogema ont entreposé sur leurs sites (La Hague, Cadarache, Saclay, Marcoule. ..) des déchets radioactifs.
     L'absence ou l'ancienneté du conditionnement de ces déchets, associées à l'accroissement des exigences de sûreté depuis lors, rendent nécessaires la reprise de ces déchets afin de les conditionner de façon pérenne, même si aujourd'hui ils sont entreposés et gérés de manière sûre et sous surveillance.
     Les actions à mener sont de plusieurs ordres:
     - reprise des déchets, par la mise en place d'équipements ou d'installations de traitement spécifique (installation de reprise des boues à la Hague, station alpha et installation STAR à Cadarache);
     - mise en oeuvre d'installations de traitement et de conditionnement afin de satisfaire aux critères actuels de sûreté des installations et des conditionnements. Il peut d'agir d'installations neuves, ou d'installations remises à niveau comme les stations de traitement des effluents du CEA;
     - mise en oeuvre d'installations d'entreposage adaptées pour une durée compatible avec les résultats des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité, ou à moyenne activité et à vie longue.
     La DSIN est particulièrement attentive à ce que:
     - ces programmes de grande ampleur ne dérivent pas dans le temps. Leur durée prévue est de l'ordre de la dizaine d'années;
     - la sûreté des opérations de reprise soit du niveau de celle des opérations d'exploitation usuelles;
     - l'objectif de minimisation du volume et de l'activité de déchets produits soit recherché en appliquant les principes de tri à la source systématique, de décontarnination, de réduction de volume.
     L'ampleur du problème et le risque de multiplication d'entreposages provisoires rendent nécessaire la disponibilité de moyens humains, techniques et financiers importants dans les années à venir.

VI- Le démantèlement
     Le démantèlement des réacteurs et des usines va générer de grandes quantités de déchets de très faible activité.
     La DSIN suit les démantèlements au niveau 2 (c'est-à-dire retrait des matières fissiles, enlèvement des parties facilement démontables, réduction au minimum de la zone confinée et aménagement de la barrière externe) d'un certain nombre de réacteurs.

suite:
Toutefois, la DSIN souhaiterait que les exploitants, notamment EDF, justifient de manière plus précise l'option de
démantèlement actuellement retenue, qui est celle d'un démantèlement total, dit de niveau 3, à terme de 50 ans seulement.
     Cette justification doit intégrer et optimiser les contraintes radiologiques, financières, de surveillance et de maintenance àlong terme d'installations arrêtées, et de gestion de déchets radioactifs, notamment de très faible activité.
     Un démantèlement de niveau 3 sur un réacteur particulier convenablement choisi pourrait appuyer cette justification et prouver la maîtrise complète de ce type d'opération.

VII-Les implications internationales
     Au-delà des multiples échanges bilatéraux sur la gestion des déchets radioactifs avec les autorités de sûreté d'une quinzaine d'autres pays, la DSIN est fortement impliquée:
     - dans le programme RADWASS de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA);
     - dans l'élaboration d'une stratégie française dans le cadre de l'Union Européenne.
     Le programme RADWASS de l'AIEA a pour objectif d'élaborer une série de documents définissant les principes et les modalités d'une gestion sûre des déchets radioactifs. Ces documents devraient servir de base technique à une future convention internationale de sûreté dans la gestion radioactifs.
     La DSIN poursuit plusieurs objectifs:
     - la qualité technique des documents proposés;
     - la cohérence interne des différents documents du programme RADWASS;
     - la cohérence externe avec les autres programmes de l'Agence (par exemple les programmes relatifs à la sûreté des réacteurs et aux normes de base en matière de radioprotection);
     - un processus d'approbation prenant en compte les avis des États membres et intégrant les préoccupations de qualité.
     Par ailleurs, la DSIN participe des États membres et des producteurs de déchets au sein de ces états;
     Il s'agit, notamment:
     - d'affirmer la responsabilité des États membres et des producteurs de déchets au sein de ces états;
     - de refuser le principe d'équivalence pour la gestion internationale des déchets radioactifs;
     - de ne pas se faire imposer des seuils de décontrôle au travers de la réglementation européenne.

 p.12


Institut de Protection et Sûreté Nucléaire - 1994

Sûreté des déchets radioactifs


Contexte et objectifs généraux
     La démonstration de sûreté de la gestion et du stockage des déchets est importante pour l'acceptation de l'énergie nucléaire. Ceci a été réaffirmé récemment par l'Office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Rapport Bataille) et par le Collège de la Prévention des Risques Technologiques (Rapport Gardent).
     Une fraction très importante des déchets radioactifs est constituée de déchets de faible ou de moyenne activité et de période radioactive relativement courte dont la radiotoxicité aura disparu en quelques centaines d'années. Les solutions retenues pour leur stockage en surface sont appliquée depuis de nornbreuses années (*) et, bien que toujours perfectibles, l'expérience accumulée a permis d'en confirmer le bien fondé.
     Aucun pays n'a actuellement construit d'installations de stockage terrestre profond de déchets de haute activité. Techniquement cette option est vraisemblable parce que réaliste dans le contexte économique et scientifique actuel. Le concept de sûreté est celui des barrières successives: le colis de déchets, les barrières ouvragées, et la barrière géologique.
     Enfin, des solutions spéciales restent à trouver pour des déchets d'activité très faible (déchets miniers d'activité faible à très faible et de très longue période, déchets issus du démantèlement des installations nucléaires de très faible activité et à vie courte en général).
     Pour le cas d'un accident grave éventuel susceptible d'entraîner la contamination de surfaces importantes, il faut aussi proposer une solution aux problèmes de la gestion de grandes quantités de déchets, notamment agricoles.

Programmes 1995
Stockages profonds
     ï études des transferts en milieu argileux
     Il faut comprendre en laboratoire les mécanismes de circulation de l'eau dans ce milieu très imperméable. L'approche passe par l'étude d'autres modes de transport que ceux liés à la perméabilité (diffusion et vérification que des modes de transfert, a priori mineurs (l'osmose ou tout autre flux à des gradients divers), ne jouent pas un rôle significatif).
     ï modélisation de l'influence des phénomènes géochi-miques sur la circulation des radionucléides dans le milieu profond.
     Il faudra approfondir la compréhension du couplage des phénomènes chimiques aux phénomènes hydrologiques et thermiques (amélioration du code MELODIE, études de sensibilité du code couplé STELE qui est l'étape suivante de MELODIE, vérification partielle des codes à l'aide d'analogues naturels).
     ï modélisation des transferts dans la biosphère.
     L'effort doit porter sur l'intégration des connaissances radioécologiques, utiles dans le cas de l'impact des stockages de déchets, avec en particulier deux aspects: assimilation des radionucléides par les végétaux et les animaux, définition des biosphères de référence à une échelle de temps inhabituelle (long terme, prévision des doses à des êtres humains hypothétiques, quel environnement et quelles pratiques).
     ï étude des transferts en milieu fissuré.
     Le granite est le meilleur exemple pour ce type de milieu. On sait actuellement décrire des fractures, mais on ne connaît pas leur comportement sous sollicitation thermomécanique (programme TMM) (genèse de la fracture, colmatage, réactivation par les mouvements tectoniques ou sismiques etc...).

suite:
     ï modélisation de la probabilité d'extension de la calotte glacière et modélisation de l'érosion.
     L'effort doit porter sur l'élaboration d'un modèle d'érosion, phénomène qui pourrait découvrir les couches de couverture de stockage. La poursuite des travaux de couplage du modèle climatique global 2D de l'Université de Louvain à un modèle océanique et à un modèle du cycle du CO2 (impact des pratiques humaines sur le climat) devrait permettre de disposer d'un modèle d'extension de la calotte glacière.
     ï évaluations préliminaires des dossiers de l'ANDRA
     Les évaluations porteront sur le suivi des dossiers de l'ANDRA concernant ses investigations en surface sur les sites pressentis pour des laboratoires (1995-fin 1996).

Stockages de surface
     Certains thèmes de recherche sont communs aux programmes de sûreté sur les déchets: dès lors que les éléments radiotoxiques rejoignent la biosphère, il importe peu de savoir s'ils sont issus d'un stockage profond ou de surface. De même l'hydrologie des couches superficielles, ainsi que les phénomènes d"'effet retard" par intéractions chimiques, sont communs. Les spécificités du dossier des stockages de surface portent davantage sur les points suivants:
     ï au plan des recherches de base
     - études sur l'évolution de la couverture avec des expériences sur la perméabilité à l'eau et au radon et ou à ses descendants;
     - études de la lixiviation et de l'évolution physico-chimique des tas. L'approche est commune avec STOKPRO et fait l'objet d'exercices internationaux (CHEMVAL). Les études pour la gestion post-accidentelle de déchets contaminés en sont au stade de l'évaluation pour se faire une première idée des problèmes spécifiques de lixiviation et établir un programme ultérieur plus conséquent;
     - études "papier" pour l'aide à la définition de critères pour le périmètre de servitude et les caractéristiques de la couverture (risques permanents et risques accidentels)
     - études sur le tritium (comportement et radiotoxicité en fonction de ses formes physicochimiques et notamment organiques dans le cas des déchets tritiés);
     - évaluation comparative du risque pour les travailleurs (manipulation, transformation) et les populations (intrusion, transfert par voie eau ou par la couverture, utilisation ultérieure du site) en présence de niveaux "élevés" de rayonnement naturel (en particulier risque radon);
     ï au plan des études d'impact
     - caractérisation du terme source;
     - comportement dans la biosphère;
     - impact des pratiques agricoles, industrielles et domestiques.
     ï au plan de la validation des modèles
     - études du niveau de contamination de l'environnement des dépôts de résidus miniers existant;
     - études sur d'anciens sites miniers;
     - comparaison avec des gisements non exploités.
     ï au plan de l'évaluation de sûreté
     Les échéances sont liées à la fermeture du Centre de Stockage de la Manche (CSM) le ler janvier 1996:
     - dossier préliminaire de passage en phase de surveillance (ler janvier 1995),
     - rapport provisoire de fermeture (décembre 1995).



* centre de stockage de la Manche (CSM) et Centre de stockage de l'Aube (CSA)
p.13


ANNEXE 14 du Rapport Castaing
(09/1982)

L'incinération neutronique du neptunium 237


     On peut imaginer plusieurs voies de gestion des transuraniens séparés, compte tenu de leur faible quantité (800 kg par an pour un parc de 50 GWe).
     Peuvent être envisagés entre autres:
     ï leur destruction par transmutation neutronique,
     ï leur incorporation dans des matrices mieux adaptées pour le stockage à très long terme que les verres ou l'oxyde d'uranium irradié,
     ï leur évacuation spatiale.
     Nous nous sommes particulièrement intéressés à la destruction de ces éléments transuraniens par transmutation neutronique dans les réacteurs à fission thermique ou à neutrons rapides. Cette possibilité est analysée dans les rapports du CEA placés en pièces jointes, qui après analyse et discussion ont conduit le groupe à demander une approche complémentaire que nous joignons ci-après.
     Il est en effet apparu:
     a) que la proportion de neptunium potentiel présent sous forme d'américium était faible pour les réacteurs EP (5% et 12% respectivement 1 an et 3 ans après sortie de réacteur), et que la séparation du neptunium seul était beaucoup plus facilement envisageable que celle de l'américium.
     En conséquence, il serait intéressant d'examiner un scénario utilisant le seul cycle de réacteurs EP pour la destruction d'une proportion élevée du neptunium. L'étude de ce cas montre que l'on peut en effet détruire, dans des conditions qui apparaissent envisageables, environ 80% du neptunium potentiel
     b) que, par contre, l'utilisation des réacteurs à neutrons rapides pour la destruction des transuraniens imposait de séparer également l'américium, formé en beaucoup plus grande proportion dans cette filière, mais que par contre, il n'était pas nécessaire de détruire tous les isotopes mais seulement ceux qui pouvaient former du neptunium 237 par filiation.
     L'étude a été faite dans l'hypothèse d'une gestion simplifiée (irradiation unique de cibles non retraitées) et montre que dans ce cas des facteurs 10 à 20 sont accessibles sans pénalité neutronique pour des irradiations de 6 à 10 ans dans les réacteurs à neutrons rapides et des facteurs 20 à 45 dans les mêmes conditions en réacteurs à eau mais avec une pénalité neutronique. La limite théorique est de 90 par suite des pertes en Pu 241 dans les déchets lors du retraitement initial.
     Pour la bonne compréhension de cette étude nous indiquons ci-après le bilan de réirradiation du neptunium 237 pendant 3 ans dans un réacteur rapide (type Superphénix).

Bilan de réirradiation du 237 Np pendant 3 ans

Nucléides     237Np   238 Pu   239Pu   240Pu   234 U   Total
% en fin
d'irradiation   56,0       26,5       3,0         0,2        0,3        86
 % fissionnés    8           5          1              -            -         14

Département des réacteurs à eau service d'études nucléares, septembre 1982

Compléments sur la gestion du neptunium 237
     La note en référence (1) présente un exemple de stratégie de gestion du Neptunium 237 dans les réacteurs à fission avec pour objectif  la destruction d'une fraction importante des quantités de ce nucléide qui seraient stockées définitivement dans les déchets de haute activité. 

suite:
Cette stratégie est fondée principalement sur le recyclage systématique du neptunium formé dans les combustibles de réacteurs à eau avec le plutonium dans les réacteurs à neutrons rapides. Il est apparu intéressant d'examiner deux autres possibilités:
     - la destruction du neptunium dans les réacteurs à eau
     - la réirradiation de l'ensemble Np + Arn + Cm avec pour seul objectif de faire disparaître le neptunium potentiel dans les déchets.
     Ces deux possibilités sont exposées dans cette note, en s'appuyant sur les données théoriques présentées dans la note en référence (2).

1- Destruction du neptunium 237 dans les réacteurs à eau
     Comme indiqué précédemment (2), la destruction du 237Np dans les réacteurs à eau est faisable, va même plus vite que dans les réacteurs à neutrons rapides mais est plus coûteuse sur le plan neutronique, donc vraisemblablement aussi sur le plan économique.
     Le bilan de réirradiation pendant un cycle de 3 ans est donné dans le tableau I et peut être comparé à celui du tableau III de la note (1).

TABLEAU I
Bilan de réirradiation du 237Np pendant 3 ans
dans un PWR

Nucléides   237Np 238Pu 239Pu 240Pu 241Pu 234U Total
% en fin
d'irradiation  32,1     34,6    7,0      2,9      1,7      0,5    79,9
% fissionnés   1,6       4,0   12,9     0,1      1,5        -      20,1

     Cette comparaison confirme que la disparition du neptunium est plus rapide dans le réacteur à eau (68 % contre 44 % au bout de 3 ans) mais que la fission se produit principalement au niveau du 239Pu donc après deux captures successives de neutrons par le noyau initial.
     Cette disparition rapide entraîne qu'en cas de recyclage du neptunium dans un réacteur à eau l'inventaire de ce nucléide va se stabiliser à un niveau relativement bas. Pour un recyclage quasi homogène ce niveau correspond à une teneur en neptunium du combustible environ 1,5 fois plus élevé que dans le combustible déchargé en l'absence de recyclage, ou, dans une autre expression, à une quantité totale présente dans le réacteur environ 2 fois plus élevée qu'en l'absence de recyclage.
     Cet accroissement d'inventaire n'est nullement rédhibitoire et le réacteur pourrait accepter des quantités de Np plus importante avec cependant une limitation qui tient à l'effet en réactivité. Le 237Np se comporte vis à vis du réacteur à eau comme un poison mais qui est en même temps un élément fertile. Ceci tient d'une part à une section efficace de capture assez élevée et d'autre part au fait que le noyau fissible principal auquel il donne naissance (le 239Pu) n'apparaît qu'à la seconde génération de capture.

p.14

De cette particularité il résulte deux contraintes:
     - Au chargement du combustible, donc en début de cycle du réacteur, l'effet en réactivité du neptunium est très négatif mais peut être compensé par une réduction de la teneur en bore du modérateur.
     - En fin de cycle, une part importante du neptunium a été convertie en plutonium et l'effet en réactivité global est donc nettement réduit mais cependant encore négatif. Il ne peut être alors compensé que par un sur-enrichissement initial du combustible.
     On trouvera donc deux limites à l'introduction "massive" de neptunium dans un réacteur à eau, liées respectivement à l'enrichissement initial en 235U et à la teneur en bore de l'eau en début du cycle. Il est difficile de chiffrer précisément ces limites sans une études plus détaillée mais on peut raisonnablement penser que leur conséquence sera telle qu'un réacteur pourra difficilement absorber plus que le neptunium produit par 5 ou 10 réacteurs du même type et ceci uniquement du point de vue physique sans préjuger des éventuelles difficultés technologiques.
     Sur le plan pratique, la réirradiation du neptunium dans les réacteurs à eau peut être envisagée dans deux hypothèses, avec le combustible uranium enrichi des cycles actuels ou en accompagnement du plutonium en cas de recyclage de cet élément. Si seule cette demière éventualité était retenue, il en résulterait une concentration du neptunium sur quelque réacteurs puisque le plutonium produit ne peut à lui seul alimenter l'ensemble du parc de réacteurs à eau. Il faudrait alors vérifier que l'on ne dépasserait pas les limites évoquées précédemment, la première ne concemant plus cette fois l'enrichissement en 235U du combustible initial mais sa teneur en plutonium. Par contre cette solution offrirait l'avantage de pouvoir disperser de façon homogène le neptunium dans le combustible au plutonium.
     A l'opposé, si l'on réintroduit le neptunium dans les recharges de combustible uranium il faudra le faire de façon hétérogène pour éviter de "contaminer" toute la fabrication du combustible, mais tous les réacteurs ou au moins une large fraction d'entre eux pourront être concernés par ce processus de recyclage dont les conséquences peuvent être alors facilement évaluées:
     Prenons un exemple de stratégie pratique:
     - Le combustible des réacteurs à eau, déchargé avec un taux de combustion moyen de 33.000 MWj/t après 3 cycles d'un an en réacteur, est retraité au bout de 5 ans.
     - Le neptunium contenu dans ces combustibles est extrait avec un rendement de 90 % et sert à fabriquer des crayons spéciaux pour être réirradié dans les réacteurs à eau.
     - Ces crayons spéciaux sont rechargés dans une majorité des réacteurs à eau, admettons 75 % du parc existant. Ils y sont irradiés pendant six ans soit deux fois plus longtemps que le combustible normal. (Cette hypothèse n'est pas irréaliste, la puissance spécifique des crayons "Np" pouvant être maintenue à un niveau assez bas par dilution dans de l'uranium appauvri ou dans un support neutre et la gaine conçue pour résister à la fluence correspondant à six cycles).
     La quantité de 237Np formée dans le combustible normal est d'environ 500g/T d'uranium initial. Pour assurer le recyclage dans les conditions indiquées ci-dessus il faudra charger 
environ 1kg de Np par T d'uranium initial soit 1/1000 du combustible. La teneur en Np des crayons spéciaux ne devrait pas être trop élevée afin de limiter la perturbation de flux et la puissance spécifique de ces crayons; si on suppose qu'elle est de
20% on aura des crayons spéciaux dans une proportion de
0,5% soit environ un par assemblage rechargé. Pour faire
fonctionner le réacteur dans les mêmes conditions, en particulier de durée de cycle, il faudra légèrement sur-enrichir le combustible (environ 3,30% au lieu de 3,25%) et la teneur en bore
du modérateur sera un peu réduite au début du cycle.
suite:
     A la fin des six années de cycle d'irradiation le bilan d'évolution du neptunium est le suivant:
     Pour 100 noyaux à l'état initial, 52,3 sont fissionnés et le reste se répartit en:

237Np  238Pu  239Pu  240Pu  241Pu  242Pu  Autres
                                                                         noyaux
                                                                           lourds
 10,3      21,8      5,1       2,9       2,2      2,4         3,0

     Si ces crayons spéciaux sont envoyés aux déchets sans retraitement on conserve 13 % des noyaux de neptunium potentiel. Compte tenu du rendement de séparation lors du retraitement initial c'est en définitive 78 % du neptunium qui a été détruit. En supposant que le plutonium extrait lors du retraitement du combustible normal sera réutilisé par ailleurs (hypothèse b de la référence (1)), on arrive pour cette stratégie à un rejet global aux déchets de 12,2g/(Mwe x an) de 237 Np potentiel.
     Si les crayons spéciaux sont retraités avec le combustible normal le rendement de l'opération sera un peu amélioré et la quantité de neptunium potentiel dans les déchets passera à 11,lg/(Mwe x an).
     En conclusion, la réirradiation du 237Np dans les réacteurs à eau peut être envisagée sans obstacle fondamental.
     Elle suppose toutefois:
     - d'être effectuée dans une fraction importante du parc de réacteurs de ce type
     - de mettre au point et de fabriquer des crayons spéciaux qui pourront être irradiés au moins pendant six ans
     - une légère pénalité sur l'enrichissement du combustible normal qui devra être évaluée avec plus de précision, compte tenu en particulier de l'énergie produite dans les crayons spéciaux

2-Irradiation limitée du mélange Np + Am + Cm
     Dans l'hypothèse où l'on veut atteindre une réduction du
neptunium potentiel dans les déchets plus importante que les
facteurs 4 ou 5 mentionnés dans (1) ou dans l'exemple du paragraphe précédent, il est nécessaire de procéder à une extraction aussi complète que possible des Np et Am des déchets et à une réirradiation de l'ensemble. Toutefois l'objectif de cette réirradiation peut être limité à la réduction du neptunium potentiel sans chercher à détruire par fission tous les noyaux
lourds qui peuvent résulter de ce processus.
     Afin de chiffrer l'intérêt et les conséquences d'une telle stratégie nous supposons que l'ensemble des noyaux lourds, Np,
Am et Cm, sont extraits lors du retraitement des combustibles de réacteurs à eau avec un rendement de 99 %, puis que cet ensemble est placé en irradiation dans un réacteur à eau ou dans
un réacteur à neutrons rapides sous forme de cibles qui sont,
après irradiation, mises aux déchets sans retraitement.
     Le tableau II indique les facteurs de réduction du neptunium
potentiel dans les déchets en fonction du nombre d'années d'irradiation pour les deux types de réacteurs.

TABLEAU II
Facteurs de réduction du neptunium potentiel pour une
   réirradiation de l'ensemble (Np + Am + Cm)

Nombre d'années     Réacteur à eau          Réacteur
 d'irratiation                                        à neutrons rapides
        1                                4                           3
        3                                9                           5
        6                              20                           9
      10                              45                         17

p.15

     Ces facteurs de réduction sont calculés dans l'hypothèse où le plutonium est également extrait avec un rendement de 99 % et réutilisé ultérieurement. De plus ils sont exprimés par rapport au cas de référence où du combustible irradié des réacteurs à eau serait mis aux déchets sans retraitement.

     Les valeurs du tableau II montrent qu'il est possible d'atteindre des facteurs de réduction élevés par une seule réirradiation du mélange (Np + Am + Cm), la limite théorique étant un facteur voisin de 90 lié à la quantité de 241Pu partant aux déchets dans le retraitement initial du combustible. On peut constater également que le processus est plus rapide dans le réacteur à eau ce qui s'explique par des taux de capture plus élevés et par le fait que l'on ne cherche pas à détruire les noyaux par fission mais uniquement à les faire disparaître.
     Sur le plan pratique, indépendamment des problèmes que peut poser au niveau du retraitement la réextraction à 99 % des Np, Am et Cm, il serait nécessaire de résoudre les problèmes suivants:
     - fabriquer des cibles contenant des quantités importantes de ces trois éléments avec une activité très intense en particulier une émission neutronique liée au 244Cm.
     - mettre au point ces cibles pour qu'elles puissent supporter une irradiation nettement plus longue que le combustible normal, surtout si l'opération est faite dans les réacteurs à neutrons rapides. Il faut noter toutefois qu'une irradiation en deux étapes avec retraitement intermédiaire n'est pas forcément exclue et en tout cas ne pénaliserait pas beaucoup les facteurs de réduction du Np potentiel si les rendements d'extraction demeurent de l'ordre de 99%.
     - compenser l'effet en réactivité négatif de ces cibles par un sur-enrichissement du combustible normal si l'opération est effectuée dans les réacteurs à eau. Cette pénalité n'existe pas si elle est effectuée dans les réacteurs à neutrons rapides.

     En résumé, s'il est possible dans les opérations de retraitement d'extraire 99 % des Np, Am et Cm, une réirradiation globale de ces trois éléments peut permettre de réduire par des facteurs compris entre 10 et 90 la quantité de neptunium potentiel dans les déchets. L'appréciation définitive du type de réacteurs dans lesquels il faudrait effectuer cette irradiation nécessiterait une étude plus approfondie prenant en compte les aspects technologiques de réalisation et de tenue des cibles ainsi que les aspects économiques liés aux pénalités respectives d'effets en réactivité ou de durée d'irradiation.

Conclusion
     Plusieurs voies sont possibles pour réduire la quantité de neptunium 237, réel ou potentiel, qui serait stockée définitivement dans les déchets radioactifs.
     En plus de l'utilisation du plutonium comme combustible des réacteurs, l'extraction du neptunium lors des opérations de retraitement et sa réirradiation permettraient de gagner des facteurs 4 à 5 par rapport à la solution de "non retraitement".
     Des facteurs de réduction plus importants, quelques dizaines, peuvent être obtenus si l'ensemble des actinides est extrait des déchets avec un très bon rendement (~99%) et est réirradié pendant une durée assez longue (~10 ans).
     Dans les deux cas le choix du type de réacteurs le plus favorable résulterait d'un compromis entre l'efficacité, exprimée en vitesse de disparition et en facteurs de réduction, et le coût provenant des pénalités au réacteur et des opérations hors réacteur. Les réacteurs à neutrons rapides sont certainement mieux placés pour des recyclages homogènes dans le combustible? Si on effectue des réirradiations en cibles, donc hétérogènes, les réacteurs à eau présentent des avantages en efficacité, mais on peut aussi s'interroger sur l'intérêt d'une redéfinition d'un réacteur optimal pour ce type d'opérations.

p.16

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