La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°121/122

C'EST BEAU LA FRANCE!!!

     La Gazette vous offre un morceau d'un article de Jacques ISNARD publié dans Le Monde en mai au moment où le gouvernement BEREGOVOY venait d'annoncer sa décision de supprimer la campagne 1992 d'expérimentation nucléaire en Polynésie. Il n'y a pas eu de publicité excessive sur ce texte. Et pourtant, il est prodigieux, en voici un extrait assez éloquent:
     "...la continuation des expériences nucléaires dans le Pacifique peut apparaître comme une nécessité moins impérieuse. Au-delà des calculs, des mises au point ou des simulations en laboratoire, le besoin d'expérimentation en vraie grandeur s'impose à un pays qui - à la différence d'autres Etats qui participent du mouvement général de la prolifération nucléaire dans le monde - cherche à élaborer les armes les moins rustiques possibles. Un pays dit proliférant se contente de fabriquer des bombes "sales", qu'il peut ne pas tester. En revanche, des essais permettent de miniaturiser davantage la charge, de garantir un contrôle de sa mise à feu en toute sécurité, de la concevoir selon des critères de coût-efficacité, de donner priorité à certains de ses effets sur le terrain plutôt qu'à d'autres, de répartir différemment les ingrédients qui la composent ou de chercher à rendre l'engin "furtif" pour éviter une détection précoce.
     Le prochaine loi de programmation militaire va, en effet, entériner et, peut-être même accentuer les retards des systèmes d'armes à venir et la réduction des commandes, au point qu'on s'attend à quelques 100.000 suppressions d'emplois (sur les 400.000 du secteur) d'ici au milieu des années 90."
     Pas mal! Ce texte explique, sans rigoler, pourquoi nous, la France, devrions continuer les expérimentations nucléaires pour améliorer nos bombes, pour en améliorer le rapport coût-efficacité. Nous ne sommes pas comme ces pays sous développés, "dits proliférants" , qui ne pensent qu'à faire des bombes "sales" (sic), destinées à tuer n'importe qui, n'importe comment, à n'importe quel prix. Pouah!
     La nôtre de bombe, grâce aux simulations, aux calculs de nos ingénieurs, aux expériences, permettra de choisir dans une ville de quelques millions d'habitants (conformément à notre stratégie anti-cité de la dissuasion), les méchants, les affreux, les tuera proprement, cliniquernent (comme les frappes "chirurgicales" de la guerre du Golfe), sans bien entendu faire le moindre mal aux gentils...
     Mais ce n'est pas tout. L'argument décisif c'est le rapport coût-efficacité. Grâce aux gens de la Direction des Applications Militaires du CEA, de la DIRCEN, nous arrivons à un prix de revient du mort le plus bas sur le marché. On devrait appliquer le même principe aux automobiles et ainsi on pourrait devenir compétitifs face aux Japonais. Malheureusernent (?) les Japonais ne sont pas dans la compétition internationale en matière de bombe. En effet ils sont bien les seuls à avoir une estimation précise et personnelle des effets qui n'ont pas fini de se faire sentir dans les chairs, 47 ans après.
suite:
     Que des assassins galonnés pensent ce genre d'horreur c'est de notre faute, nous les payons pour ce faire avec nos impôts. Que les agents de la DAM protestent contre cette suppression, c'est humain, ces campagnes de tir en Polynésie sont, pour de nombreux cadres, une jolie balade dans le Pacifique, avec à la clé de substantiels frais de mission (le beurre et l'argent du beurre).
     Ce qui est grave c'est l'absence de réaction de l'opinion publique, face à un article qui reprend de tels argument.
     Cette opinion est toujours prête à s'indigner devant les massacres en Europe Centrale, d'ailleurs rendus possibles grâce aux armes que nous leur vendons. Mais par contre si on envisage de toucher à un secteur "primordial" de notre industrie nationale, l'industrie d'armement, activité qui contribue avec bonneur à équilibrer notre balance commerciale grâce justement aux exportations, elle considère comme dramatique les risques de suppression d'emplois que provoquerait un arrêt des campagnes d'expérimentations nucléaires (d'accord en cela avec Isnard).
     On ne peut pas dénoncer et exhorter à la paix d'une main et tendre avec l'autre des bombes et des fusils!! Certes il faut reconnaître que, de toute façon, la haine qui dresse des ethnies l'une contre l'autre nous dépasse, qu'ils sont prêt à utiliser des pierres et des massues. Mais avec des pierres même si on se fait très mal, ça touche moins de monde à la fois. Bien sûr ce n'est pas technologique et créateur d'emploi pour des ingénieurs. Cependant il suffit d'avoir dans les yeux les petits mutilés du Cambodge pour ne plus supporter les "progrès techniques". Cette "invention", ce concept d'ingénieur d'armement, la mine antipersonnel, a été étudiée non pas pour tuer mais pour mutiler donc intimider ou en terme militaire "dissuader" au plus bas prix. Une réussite???
     De Gaulle disait "les Français sont des veaux", question sont-ils aussi des salauds?
     Les articles continuent à tomber car le gouvernement envisage de prolonger le moratoire jusqu'en Juillet 1993 mais ils sont plus "neutres". Ils font état mais avec plus de retenue des protestations des milieux impliqués qui assurent être obligés de continuer les essais pour maintenir l'outil au top niveau technologique. Peut-être quand même y-a-t-il eu des protestations dont nous n'avons pas eu connaissance. Il n'empêche, ce type d'articles est quand même un défi à relever pour tous ceux (et ils sont nombreux) qui demandent un désarmement au moins nucléaire. A dire vrai, à mon avis bien sûr, on peut tout démanteler (d'autant plus qu'on est en train de signer des contrats pour aider les Russes à le faire sur leurs stocks à eux. On aura donc une technique bien mise au point!). Il faut bien qu'une nation s'engage résolument sur la voie de la paix et du désarmement sinon on attendra toujours quelqu'un et on ne fera jamais rien. Il est à souhaiter que ce pays soit la France, ce sera son honneur de nation civilisée et démocrate, respectueuse des droits de l'homme. Je dis cela et je suis déjà quasiment sûre que je vais être très déçue. Enfin n'anticipons pas on verra bien.
p.3a

Retour vers la G@zette N°121/122