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N°90/91
SUPERPHENIX: LA FUITE EN AVANT

NOUVELLES EN PROVENANCE DE LA COMMISSION SPECIALE ET PERMANENTE D'INFORMATION PRES L'ETABLISSEMENT DE LA HAGUE
 

     Signalons, en fait, que la commission ne s'est pas réunie depuis mars. En effet, en juin la réunion a été remise parce que le président (Mr Darinot) souhaitait rencontrer le ministre de l'industrie. En septembre, la réunion a également été remise à cause de la proximité des cantonales (!)
     Et maintenant on peut supposer que les municipales vont aussi empêcher une réunion. Il est bien sûr évident que ces commissions sont indépendantes.
     Enfin, profitez des dernières informations que la commission a pu envoyer.

1. BILAN DES REJETS EN MER
DES RESIDUS RADIOACTIFS 
DE L'ETABLISSEMENT DE LA HAGUE
1966-1987

Présentation
     Dans ce bilan, on a montré sous forme graphique l'évolution des rejets en mer (en gigabecquerels) des principaux radioéléments composant les effluents liquides de l'usine de la Hague.
     L'évolution des volumes rejetés a été ajoutée sur certains graphiques à double ordonnée (Tritium, Strontium 90 + Césium 137), afin de mieux percevoir les tendances par rapport à l'activité de l'usine. Lorsque cela a paru utile, nous avons construit la courbe représentative de la tendance évolutive des rejets (droite des moindres carrés) sur la période 1966-1987.
     Pour les catégories soumises à réglementation, nous avons fait figurer l'échelle permettant de voir quelle proportion de l'autorisation représentent les activités rejetées depuis 1981.
     A partir de 1981, la réglementation fixe les autorisations annuelles à ne pas dépasser pour les radioéléments suivants:
     - Tritium: 3,70.107 GBq
    - Strontium 90 + Césium 137: 2,22.105 GBq
     - total b-g: 1,665.106 GBq
     - total a: 1,67.103 GBq
     Avant 1981, les autorisations étaient délivrées a posteriori par le Préfet après contrôle mensuel.
     On peut donc se représenter les pourcentages d'activité rejetée annuellement par rapport aux autorisations mais uniquement pour les années 1981 à 1987. C'est pour cette raison que l'échelle permettant de savoir à quel pourcentage de l'autorisation correspond l'activité rejetée est placée avant l'année 1981 sur les graphiques.

suite:
     Pour les radioéléments ayant fait l'objet d'études de radioécologie, nous avons résumé leurs caractéristiques essentielles sur le plan de la dispersion en mer.
     Enfin, on a représenté, pour les années 1970, 1980, 1987, les proportions prises parmi l'ensemble de l'activité b-g rejetée par les cinq radionucléides les plus importants en terme d'activité rejetée.

Volumes rejetés en mer 
     En 22 ans d'activité, le volume et la nature des rejets en mer de l'usine de la Hague se sont profondément modifiés:
     - les volumes rejetés ont été multipliés par quatre entre le début de l'exploitation (30.000 m3/an) et la période actuelle (130.000 m3/an); cela est dû à une augmentation des tonnages retraités: de 400 T/an en 1967 à 800 T/an actuellement et 1.600 T /an prévus en 1995;
     - la nature des rejets a évolué en fonction de la proportion des différents combustibles retraités:
· combustibles de la filière Uranium-Naturel-Graphite-Gaz de 1966 à janvier 1987, date de la dernière campagne UNGG (usine UP2);
· combustibles de la filière Eau Légère à partir de 1976 (usine UP2 complétée par l'atelier Haute Activité Oxydes);
· combustibles de la filière à neutrons rapides à partir de 1979.
     Avant d'être rejetés en mer, les effluents de l'usine sont épurés dans la Station de Traitement des Effluents (STE) par des techniques qui s'améliorent au fil des ans (coprécipitation, échange d'ions sur résine, filtration...). Les résidus radioactifs rejetés en mer sont soumis à une réglementation annuelle et à un contrôle mensuel.

VOLUMES REJETES EN MER 1966-1987

REJETS DE TRITIUM EN MER 1966-1987

p.8

Le Tritium
     Période = 12,3 ans.
     Radionucléide naturel, sa réserve planétaire a subi une très grande augmentation du fait de l'utilisation de l'énergie nucléaire à un stade industriel (réf. (1) page 138).
     La plus grande partie du Tritium artificiel est d'origine militaire (explosions nucléaires atmosphériques avant 1970). Compte tenu de sa période (12,3 ans), plus de la moitié de ce Tritium a disparu à l'heure actuelle.
     Dans les combustibles nucléaires, le Tritium apparaît par fission ternaire et par réactions d'activation avec divers éléments (lithium, bore).
     Il est libéré au cours des opérations de retraitement et, comme il est un composant obligatoire de l'eau des solutions, il se retrouve en quasi-totalité dans les effluents liquides sous forme d'eau tritiée (en 1987, 15 000 GBq de Tritium gazeux ont été relâchés contre 3 000 000 GBq d'eau tritiée). En l'état actuel de la technologie, la part de Tritium rejetée dans l'environnement représente 30 à 50 % du Tritium présent dans le combustible (réf. (3) page 183).
     Le rejet de Tritium dans les effluents liquides n'a été mesuré qu'à partir de l'année 1970. On voit que l'activité rejetée a été multipliée par six depuis les années 1970 mais qu'elle ne représente actuellement que 8 %  de l'autorisation annuelle.

Ruthénium-Rhodium 103 et 106

     Périodes physiques: 103 Ru-Rh = 40 jours
                                    106 Ru-Rh = 1 an
     Les isotopes radioactifs du Ruthénium sont des produits de fission représentant, après un an, 2 à 3% des produits de fission du combustible.

REJETS DE RUTHENIUM + RHODIUM 103 ET 106 EN MER
1966-1987

suite:
COMPARAISON DES VOLUMES ET DES ACTIVITES
REJETES EN MER 1966-1987

     Dans les conditions actuelles du retraitement des combustibles, le Ruthénium 106 constitue avec le Tritium et le Krypton 85 l'un des rejets majeurs. Ainsi, la part principale de l'activité b-g rejetée en mer provient du Ruthénium 106 aussi bien en 1970 (65%) qu'en 1980 (85%) et en 1987 (77%) (page 23). 
     Des propriétés physico-chimiques (spécifiques pour chaque site) donnent au Ruthénium 106 des caractéristiques différentes de dispersion en mer. Ces propriétés permettent de distinguer le Ruthénium 106 en provenance de Sellafield (prédominance de composés nitrato) de celui de la Hague (prédominance des composés nitro). Ces caractéristiques expliquent, d'autre part, que le Ruthénium 106 se fixe 100 fois moins sur les sédiments de la Hague que sur ceux de Sellafield (comparativement au Cérium 144 dont le comportement physico-chimique est constant):

 
Rapport 106 Ru / 144 Ce
 
dans les rejets
dans les sédiments
Sellafield 1978
7,8
8 à 12
La Hague 1976
95
0,8
(Fermanville)
(Réf. (2) page 125)

     De même, certaines algues côtières, autrefois utilisées pour le bétail, près de Sellafield, sont connues pour concentrer le Ruthénium (réf. (1) page 113).
     Le Ruthénium 106 a servi à dresser le bilan de l'évolution spatiale de la radioactivité artificielle g des sédiments de la Manche (ref. (2) page 125). On constate que les courbes de dispersion en mer à partir de l'émissaire de rejet ont une allure dissymétrique en raison d'une reconcentration dans le golfe normano-breton par rapport à la baie de Seine, avec des valeurs maximales à l'Ouest. Ces courbes s'opposent à celles de l'Antimoine 125, du Zirconium 95 et du Césium 137 qui ne mettent pas en évidence de secteurs de reconcentration (les échantillons de l'Ouest ont des rapports 106 Ru/137 Cs compris entre 9 et 16, nettement supérieurs à ceux de l'Est variant entre 2,5 et 5).
     En ce qui concerne le Ruthénium 103, il est lié au retraitement des combustibles de la filière Graphite-Gaz et disparaît avec la fin de cette activité à la Hague (moins de 50 GBq/an de 1982 à 1987).
     Le Ruthénium contribue également à la radioactivité des effluents liquides des centrales mais pour une part beaucoup moindre.

p.9

Césium 137 et 134
     Période radioactive:
     134 Cs = 2,2 ans
     137 Cs = 30 ans
     En raison de la disparition du Césium 134 (T = 2 ans) avant celle du Césium 137 (T = 30 ans), le rapport 137 Cs/134 Cs augmente avec le temps et permet de dater la contamination de l'échantillon concerné: récente, s'il est égal à 2, supérieure à 3 ou 4 ans, s'il est égal à 5 ou plus.
     Si les courbes d'activités rejetées sont parallèles pour ces deux isotopes radioactifs, le Césium 137 est largement prédominant (5 fois plus).
     Le Césium 137 est un élément marqueur spécifique des rejets de Sellafield, que cette usine rejette en plus grande quantité.
     Après un pic à 243.000 GBq en 1971, les rejets de Césium 137 sont restés pratiquement toujours inférieurs à 50.000 GBq et ont tendance à diminuer.
     En ce qui concerne la diffusion du Césium 137 dans les sédiments vaseux, on constate une certaine opposition, localement entre le comportement de ce dernier radioélément et celui du Ruthénium 106 ou du Cérium 144: c'est dans les sites où le 106 Ru et le 144 Ce se concentrent (ports de Fermanville, de Goury et du Becquet) que l'on relève les teneurs les plus faibles en 137 Cs (de l'ordre de 11 Bq/kg). Inversement, c'est dans la région de Saint-Vaast, caractérisée par des valeurs relativement faibles en 106 Ru et 144 Ce, que le 137 Cs se concentre (41 Bq/kg) (réf. (2) page 126). Ces résultats ne permettent pas de confirmer la décroissance du Césium 137 dans les eaux de la Manche en fonction de l'éloignement du Cap de la Hague.
     Outre leur intérêt pour la santé publique, ces phénomènes apportent des éléments d'information sur l'hydrologie, la sédimentologie et la géochimie des côtes de la Manche.

REJETS DE CESIUM 137 ET 134 EN MER
1966-1987

suite:
Strontium 90 et Césium 137 
     Au total, les tendances inverses des rejets de Strontium 90 et de Césium 137 en mer aboutissent à une tendance légèrement croissante de ces deux radioéléments ensemble.
     Il faut noter que la pente de cette droite est nettement plus faible que celle des volumes rejetés, ce qui est la preuve d'une amélioration des procédés de retraitement.
     De même, on peut remarquer que, si l'analyse de la tendance était faite de 1982 à I987, la pente des activité, rejetées serait décroissante.
     Cette amélioration récente est à souligner car ces radioéléments ont des périodes relativement longues (30 ans).
     Les pourcentages rejeté, par rapport au rejet maximum autorisé sont passés de 74% en 1983 à 30% en I987.

REJETS de STRONTIUM 90 + CESIUM 137 EN MER
1966-1987

Strontium-Yttrium 90 

     Période radioactive = 28 ans
     Les isotopes 89 et 90 du Strontium sont des produits de fission de l'uranium. Ils constituent l'une des principales sources de la radioactivité des retombées consécutives à un essai nucléaire et entrent dans la composition des rejets des centrales nucléaires et des usines de traitement du combustible usé.
     On observe une évolution croissante inverse de celle du Césium 137 qu'on a placé pour mémoire sur le même graphique.
     Ainsi, la part d'activité du Strontium-Yttrium 90 rejeté a augmenté durant ces 22 ans: 1% en 1970, 6% en 1980 et 8% en 1987, contrairement à celle du Césium 137 (29% en 1970, 3% en 1980 et 1% en 1987) (voir page 23).
p.10

Praséodyme 144 + Césium 144
     Périodes radioactives:
     Praséodyme 144 = 17 mn
     Césium 144 = 285 jours
     Appartenant au groupe des Terres Rares radioactives, l'essentiel de ses rejets industriels se trouve au voisinage des usines de retraitement (pour une centrale PWR, le niveau de rejet du Césium 144 dans les effluents liquides est de 0,003 GBq par Mégawatt électrique - MWe - et par an).
     Du point de vue de la radioprotection, c'est le Césium 144 qui est de loin l'élément le plus important parmi l'ensemble des Terres Rares. En effet, dans le milieu marin, il est absorbé sur des particules en suspension (pour cette raison, il sert de marqueur des mouvements de la matière en suspension dans l'eau - par ailleurs, il est un marqueur spécifique de l'usine de Sellafield) et se voit donc concentré par les plantes et les animaux aquatiques, mais inégalement dans l'espace marin:
     Les sédiments vaseux du golfe normano-breton sont caractérisés par des rapports 144 Ce/137 Cs de 5 à 10, nettement plus élevés que ceux de l'Est qui restent compris entre 0,8 et 1,9 (réf. (2) page 127).
     Son site quasi-définitif de rétention est le squelette (réf. (1) page 130).

Zirconium 95

     Période radioactive = 65 jours
     Lié, comme le Ruthénium 103, au retraitement des combustibles de la filière Graphite-Gaz, le Zirconium 95 voit son activité disparaître avec la fin du recyclage de ces combustibles à La Hague.
     Le pic enregistré en 1974 doit être mis en relation avec un plus fort tonnage retraité cette année-là: 635 T d'Uranium métal, soit trois fois plus qu'en 1972 ou 1973 (réf. (3) page 190).
     Tonnage métal retraité: 1972: 250 - 1973: 213 - 1974: 635 - 1975: 443 - 1976: 218 - 1977: 351.
suite:

Antimoine 125

     Période = 2,7 ans
     Seul radionucléide davantage rejeté à La Hague qu'à Sellafield (4 fois plus), il constitue un marqueur spécifique de l'usine de retraitement française.
     Une autre particularité de ce radioélément est qu'il se trouve presque en totalité sous forme dissoute dans l'eau et qu'il se fixe trois fois moins sur les sédiments que le Ruthénium 106 (4 fois moins que le Césium 137 et 112 fois moins que le 144 Ce).
     Ainsi, de même que ce dernier élément fait un marqueur de mouvements de la matière en suspension, l'Antimoine 125 est un traceur des masses d'eau.
     Quant à sa fixation sur des échantillons biologiques, il se fixe 33 fois moins que le Ruthénium 106 sur l'algue Fucus Serratus, 5 fois moins sur l'algue Ascophyllum Nodosum, 3 fois moins sur l'algue Pelvetia Canaliculata et 20 fois moins sur les mollusques gastéropodes (réf. (4) page 4).
     Les mesures de la dilution en mer de l'Antimoine 125, en fonction de la distance à l'émissaire de rejet, montrent que sa dilution est importante au point de rejet mais, qu'ensuite, elle varie faiblement avec l'éloignement: on observe une décroissance moins rapide pour l'Antimoine 125 que pour le Ruthénium 106 quand on s'éloigne du Cap de La Hague, en passant par la pointe de Barfleur, jusqu'au Havre.
     On voit, sur le graphique ci-contre, que les quantités d'Antimoine 125 rejetées ces dernières années sont deux fois plus importantes que dans les années 1970.
     En proportion de activité b-g totale rejetée, le 125 Sb représentait moins de 1% en 1970, 6% en 1980 et 13% en 1987 (figure page 23).

p.11

Cobalt 60
     Période radioactive = 5,2 ans
     Comme d'autres métaux activés (fer, nickel, manganèse), le Cobalt 60 est un isotope radioactif du Cobalt et résulte de l'activation des produits de corrosion des différents circuits des réacteurs.
     Lié au retraitement du combustible de la filière Eau Légère, son activité a connu une montée en charge de 1979 à 1984.
     Ensuite, on observe une décroissance due aux meilleures performances du traitement de l'eau des piscines. 

Isotopes du Plutonium

     Il s'agit des isotopes 238, 239, 240, 241 et 242.
     Périodes radioactives:
     238 Pu = 90 ans
     239 Pu = 24.400 ans
     240 Pu = 6.600 ans
     241 Pu = 14 ans
     242 Pu = 400.000 ans
     Après un pic en 1974, les activités rejetées sont stabilisées entre 100 et 200 GBq/an.
     Ces quantités correspondent au 0,1% du Plutonium retraité que l'usine ne peut recycler et qui se retrouvent dans le milieu marin.
     Par rapport au bruit de fond mesuré sur les sédiments en Gironde en 1978-80 (0,63 mBq/gramme) et qui est lié aux retombées atmosphériques militaires, on enregistrait à la même période 2,4 mBq/g de Plutonium sur les sédiments en Baie de Seine.
     En ce qui concerne la phase dissoute du Plutonium, l'eau de la Baie de Seine en contient moins de 0,0037 GBq par litre. La pire des hypothèses, qui considérerait stable le système d'accueil, multiplierait ces valeurs par 100, dans l'hypothèse actuelle du programme électro-nucléaire français (réf. (1) page 153).

Total Bêta-Gamma

     L'évolution de l'activité globale b, g suit grossièrement celle des volumes rejetés à la mer, les différences s'expliquant par les proportions variables des différents radioéléments.
     Cependant, si la tendance est croissante de 1966 à 1980, on note une tendance inverse depuis 1982.
     Ainsi, ces activités rejetées représentent environ 60% de l'autorisation annuelle en 1980-87 contre 70% en 1982.
 p.12

Rejets Alpha totaux
     Ils correspondent à une mesure a globale comprenant essentiellement les isotopes du Plutonium.
     On note une relative stabilité de ces rejets depuis 1975 avec une tendance croissante depuis 1966. Comme pour les rejets b, g, on remarque une diminution récente malgré une augmentation des volumes résiduels rejetés. Ils représentent actuellement entre 20 et 40% de l'autorisation annuelle.

PROPORTION D'ACTIVITE DES PRINCIPAUX EMETTEURS
BETA - GAMMA REJETES EN MER
(hors tritium)

Année 1978

Année 1980

Année 1987

Références
(1) P. GALLE - Toxiques nucléaires - Masson.
(2) D. CALMET, P.M. GUEGUENIAT - Les rejets d'effluents liquides radioactifs du Centre de traitement des combustibles irradiés de la Hague (France) et l'évolution radiologique du domaine marin - IAEA - TECDOC - 329.
(3) Syndicat CFDT de l'énergie atomique - Le dossier électronucléaire - Collection Points-Sciences.
(4) GUEGUENIAT - Les radionucléides - un outil océanographique - Colloque de Cherbourg - juin 1987.
suite:
2. COMPLEMENTS AU BILAN
Cherbourg, le 27 mai 1988
     Monsieur,
     J'ai l 'honneur de vous adresser ci-joint un complément d'information concernant la dispersion des radioéléments artificiels artificiels dans la Manche.
     «La limite des rejets liquides radioactifs de l' établissement de La Hague a été fixée par arrêté interministériel du 22 octobre 1980: cette limite concerne les installations actuelles. Dans le cadre des extensions UP2-800, UP3-A et STE 3, la Cogéma demeurera dans les limites» (extrait de la demande d'autorisation de rejets radioactifs liquides dans l'eau - Cogéma février 1983).
     Cette limite est la suivante - GBq(2):
 
Tritium
b, g
autres que Tritium
dont 90 Sr + 137 Cs
a
total théorique
29,6.106
1,665.106
0,222.106
1,67.103
autorisation annuelle
3,7.1010
1,7.109
2,2.108
1,7.106
rejets 1987
3.109
1,1.109
6,6.107
4,6.105

     Le bilan radioécologique de l'environnement (voir synthèse des mesures en 1987, objet d'un courrier précédent) permet de vérifier l'absence de conséquences sanitaires de ces rejets.
     Les rejets 1987 dépassent le total théorique incluant U P2-800 et U P3-1 qui ne sont pas encore opérationnels. Mais, du fait de l'amélioration des techniques de retraitement et de recyclage, les rejets, à partir de 1989 (UP3), devraient diminuer par rapport à ceux de 1987 et se rapprocher du total théorique.
     Les limites réglementaires n'ont pas changé depuis 1980. Avant 1980, il n'existait pas d'autorisation fixée par décret.
     Pour ne pas surestimer le risque lié aux nombres élevés (eux-mêmes liés aux unités, qui sont petites), il est utile de comparer en France le nombre de morts causées annuellement par différentes activités:
      - tabac  70.000 décès
      - alcool  50.000 décès
     - accidents de la route  14.000 décès
     - accidents loisirs  3.200 décès
     - accidents du travail  2 500 décès
     - grippe  2.500 décès
     - intoxication médicaments  500 décès
     - tétanos  200 décès
     - stupéfiants (overdose, narcotique)  100 décès
     - nucléaire en l'an 2000 (théoriquement)  2 décès
réf.: professeur Tubiana - colloque sur les risques sanitaires - Paris 24-26/01/80. (voir ci-dessous)

p.13

     Comme le montre le travail du Laboratoire de Radioécologie marine de Cherbourg (travail présenté au colloque de Cherbourg - Les radionucléides «un outil océanographique» - juin 1987: article joint), les radioéléments, en servant de traceurs des masses d'eau, permettent de connaître leurs limites de dispersion.
     L'usine de la Hague rejetant davantage d'Antimoine 125 et moins de Césium 137 que l'usine correspondante de Sellafield, le rapport de concentration 125 Sb/137 Cs permet de connaître l'origine de la contamination observée (l'Antimoine 125 est le marqueur spécifique de La Hague, mais le Ruthénium-Rhodium 106 domine quantitativement: 106 gigabecquerels rejetés en 1987, soit 5 fois plus que d'Antimoine 125, lequel est le 2e radioélément rejeté par ordre décroissant d'activité).
     Ce rapport est de 3 à 4 au Nord-Ouest du Cotentin dans la zone des rejets et de 2 1e long des côtes françaises. Il est beaucoup plus bas le long des côtes anglaises.
     Concernant le transfert dans les algues des radioéléments, le Ruthénium-Rhodium 106 domine chez Fucus Serratus prélevé à 5 km de l'émissaire (300 à 1.200 Bq/kg sec en 1979).
     En 1986, le Ruthénium 106 domine toujours (300 à 1.300 Bq/kg sec chez Fucus Serratus) mais le Cobalt 60 est apparu (140 à 260 Bq/kg sec), traduisant une évolution qualitative des rejets.
     Concernant la répartition géographique de ces rejets, les émetteurs g marquent principalement le littoral du Cotentin mais sont décelables dans les algues et les animaux depuis une zone située entre Saint-Brieuc et Roscoff à l'Ouest et jusqu'en mer du Nord à l'Est (voir la carte à la fin de l'article joint).
     En raison des déplacements des masses d'eau, le marquage des espèces est plus limité vers l'Ouest (Bretagne) que vers l'Est (Pas-de-Calais).
     Les concentrations d'activité (en Antimoine 125) vont croissant du Nord au Sud de la Manche atteignant 0,020 à 0,025 Bq/l dans la Baie du Mont-St-Michel et 0,03 à 0,08 Bq/l dans la Baie de Seine (en 1986, fig. 2).
     Rappelons que ces mesures servent à étudier la dispersion des radioéléments en mer et qu'il est donc nécessaire de mesurer des fractions de becquerels.
     Par contre, en ce qui concerne la surveillance sanitaire, les seuils de mesure sont plus élevés si bien que, tout au long de l'année 1987, le laboratoire du Ministère de la Santé (SCPRI) ne trouvait aucune trace d'Antimoine 125 dans les prélèvements d'eau de mer à Jobourg («Aucune Activité Significative», c'est-à-dire largement inférieure au seuil de mesure de 0,2 Bq/l jusqu'en février 1987, puis de 0,4 Bq/l ensuite).
     Espérant avoir répondu à votre attente, je vous prie de croire, Monsieur, à l'assurance de ma considération distinguée.
La Commission
suite:
COMMENTAIRE GAZETTE
     Il est fort intéressant de suivre les rejets de la Hague sur 20 ans. Il manque, bien sûr l'impact sur le milieu. En fait on nous a présenté ces rejets comme permettant de faire un suivi des courrants, des sédiments: le nucléaire est vraiment fort agréable comparé aux autres sciences.
     C'est bien, mais on aimerait un véritable suivi de l'environnement. Quel impact sur l'écosystème, les poissons?
     Difficile à l'aide d'un agenda de rejets de faire un suivi. On peut conclure qu'il y a du plutonium, du ruthénium dans l'environnement mais encore?
     Si pour toute explication on se réfère au professeur Tubiana, on ne risque pas d'avoir la moindre explication sur l'impact du nucléaire sur l'environnement et les êtres humains...
     Quant au tableau du professeur où on compare les effets de l'alcool, du tabac, des accidents de la route, il faut être conscient que ce sont des faux. Tachez de faire reconnaître une maladie professionnelle et vous comprendrez pourquoi le chiffre avaneé n'est sûrement pas juste.
     Nous avons souvent dénoncé cette façon de présenter les choses. Qu'il faille diminuer au maximum les dangers venant de la chimie, de la route, on est bien d'accord, mais en en profitant pour ne jamais exprimer exactement ce qui se passe ailleurs nous paraît une très mauvaise façon de faire de la prévention.
     Dommage que les médecins s'occupant de médecine nucléaire soient presque tous (il y a heureusement de bonnes exceptions) des croisés du nucléaire. Au nom de la foi, on se cache les yeux, et on entre en religion.
     Mais le nucléaire n'est qu'une industrie, alors considérons le comme tel.
p.14

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