La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°86/87 mars 1988
numérisation assurée par A. Vérignon (GSIEN)

POT POURRI SUR LE NUCLEAIRE
Editorial / SOMMAIRE
     Troisième et dernière Gazette de la série. Nous y avons rassemblé de petites informations qui pourront vous aider à poser des questions. Puisque nous entrons en période électorale (en sortirons-nous jamais?), c'est bien utile d'essayer d'obtenir quelques engagements politiques.
     La Gazette n'a pas d'illusions. Avant 81, de nombreuses promesses et propositions ont été faites. Mais il n'y eut pas de suivi. Quelques réalisations avaient pris corps entre 81 et 86: la Commission Castaing, l'AFME (Agence Française pour la Maîtrise de l'Energie), le CESTA (Centre d'Etudes Spécialisées des Techniques Avancées), la loi «Pêche», la mise en forme des plans particuliers d'Intervention, la mise en place de la Résolution Seveso. Mais depuis 86 l'AFME, le CESTA sont morts. Quant aux autres réalisations, il a fallu pour les maintenir quelques bonnes catastrophes (Sandoz, Nantes...).
     Cependant, même sans illusion, il faut maintenir la pression. Comme les hommes politiques vont nous bassiner pendant trois mois, autant en faire autant et exiger, de leur part, des réponses écrites ou à défaut des réponses télévisés.
     Superphénix: Va-t-on oui ou non enfin analyser ce réacteur sans a priori. Une des façons serait la création de la commission indépendante type Castaing. Serait-ce parce que la décision de continuer la filière surgénérateur est toujours pendante que l'on ne crée pas cette commission? Il est vrai que, pour une fois, elle aurait un rôle à jouer. L'ensemble des travaux pourrait peut-être être pris en considération parce que, sans vouloir faire de peine à personne, force est de constater que jusqu'à maintenant, commission ou pas, indépendante ou pas, les rapports sont certes cités mais ne servent pas à grand chose (à faire plaisir à certains et à se défouler pour d'autres). Car toute la politique à mener a déjà été mise en oeuvre et ce type de rapport n'y change malheureusement rien.
suite:
     Nucléaire civil: Va-t-on analyser les besoins de la nation et déterminer enfin un programme de ressources énergétiques essayant de développer de nouvelles filières et va-t-on du même coup être capable d'analyser le cycle du combustible nucléaire et comparer chaque source potentielle à l'aune de l'ensemble des nuisances qu'elle engendre?
     Dans le bilan économique et social 1987 (dossiers du Monde), il est indiqué:
Le nucléaire en l'an 2000
page 150 (Véronique Maurus)

     Les experts seraient-ils enfin devenus sages? Le plus frappant dans l'étude sur les Perspectives énergétiques de la France à l'horizon 2000, réalisée par la direction gênérale de l'énergie pour remettre à jour les estimations du Plan (en 1983), est l'extrême prudence des auteurs. Il est rare, en effet, qu'un rapport de prospective conclue pour l'essentiel sur l'incertitude de l'avenir! Tel est pourtant le cas.
     Il est vrai que, dans l'énergie, l'expérience des treize dernières années pousse à la modestie. Le rapport rappelle en prologue que, sans même parler des mouvements de prix du pétrole, qui ont totalement pris à revers les prévisions, les experts français avaient prévu en 1980 une consommation d'électricité pour 1990 supérieure de 25% aux estimations actuelles, tandis qu'en 1972 d'autres tablaient sur une consommation mondiale d'énergie en 1985 supérieure de 60% à la réalité!

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Gérer le suréquipement

     Plus encore que le Plan il y a quatre ans, le rapport de la DGEMP montre à quel point le problème posé aux décideurs français consiste, pour les quelques années à venir, à gérer le trop-plein là où on avait prévu jadis la pénurie. Quoi qu'on veuille, le paysage énergétique restera écrasé par le poids du programme nucléaire. Compte tenu des équipements existants et des commandes déjà engagées, EDF ne pourra pas éviter, malgré l'allongement des délais de construction et la hausse de la consommation, que son parc de centrales nucléaires ne soit en 1990 nettement surdimensionné. «Il subsisterait en 1990 un suréquipement économique de 3 à 7 tranches de 1.300 mégawatts», estime le rapport, ce qui ne signifie pas que ces réacteurs seront inutilisés, mais qu'ils ne le seront pas suffisamment pour demeurer rentables face aux centrales à charbon.
     Deux conséquences: d'une part, un ralentissement «très marqué» des commandes nucléaires. Selon le rapport, aucun engagement nouveau ne sera nécessaire dans les sept années qui viennent, dans l'hypothèse basse. Même dans le scénario haut, le programme optimal ne dépasserait pas une tranche tous les deux ans. Au-delà de 1994, une reprise progressive des investissements serait probablement nécessaire pour remplacer, après l'an 2000, les centrales obsolètes. Concrètement, compte tenu des engagements pris vis-à-vis des communes, trois tranches nouvelles seulement pourraient, selon les services du ministère, être commandées d'ici à 1992.
     D'autre part, il sera nécessaire, pour rentabiliser le parc français, d'exporter un maximum de courant vers les pays voisins. Le rapport prévoit que le solde net du commerce extérieur électrique pourrait passer de 5,6 millions de tonnes d'équivalent pétrole en 1986 à un montant de 8,9 à 11,1 millions d'ici à l'an 2000, soit une augmentation de 58 à 98%, condition nécessaire pour résorber le suréquipement! Paradoxe: si la France a, en moyenne annuelle, trop de courant, elle risque pourtant d'en manquer quelques jours par an, lors des pointes extrêmes de l'hiver. Le fort développement du chauffage électrique gonfle en effet les pointes et déséquilibre la demande. Le rapport suggère, pour remédier à ce problème, d'une part, l'installation de turbines à gaz, moyen le plus économique pour des durées d'utilisation très courtes, d'autre part, un développement des ventes dans l'industrie pour rééquilibrer la demande.
     En conclusion, l'étude souligne les risques de tensions découlant de l'inadéquation prévisible de la demande et de l'offre. Les consommateurs incertains de l'avenir et instruits par l'expérience auront de plus en plus tendance à faire jouer la concurrence en s'équipant de systèmes souples permettant de passer rapidement d'une énergie à l'autre. Cette concurrence accrue entre les producteurs français d'énergie et les importateurs suppose, soulignent les rapporteurs, des efforts accrus de compétitivité des opérateurs français. «C'est à cette condition que pourra être poursuivie la progression de l'indépendance énergétique, qui reste au coeur des objectifs de la politique énergétique», conclut le document. Des perspectives fort peu souriantes pour lesdits opérateurs...

Commentaire Gazette:
     Ce n'est guère paru dans la grande presse. A part la prise de position du Directeur d'EDF qui n'affichait pas un enthousiasme exagéré pour le surgénérateur. Intéressant d'avoir raison après coup mais ceci ne retire aucun réacteur (malheureusement !) et n'ajoute pas grand chose aux autres énergies victimes du nucléaire.

     Nucléaire militaire: Va-t-on cesser de jouer aux petits soldats?! Rien ne nous a été épargné: le Rainbow Warrior, la vente d'armes à l'Iran ET à l'Irak. Nous avons des agents secrets «gaffeurs», des circuits évitant tous les contrôles. Enfin n'insistons pas car les dindons de la farce, c'est nous et les otages qui paient pour des erreurs monstrueuses de ce genre.
     Quant au reste, nous avions espéré l'arrêt des essais à Moruroa et que la France serait enfin capable de geler son armement nucléaire. Or elle n'a rien fait de tel, bien au contraire: on a mis on chantier un sous-marin, un porte-avion, la bombe à neutrons. Et pourtant dans ce concert stupide, il faut bien qu'un pays fasse le premier pas, sinon la spirale infernale continuera. La France s'honorerait d'être ce pays.
     Ce numéro de la Gazette complète les deux précédents et donne des informations complémentaires sur une série de sujets: le stockage des déchets, les normes et la santé. Nous avons dû couper dans les chapitres déchets du n° 82/83 faute de place.
suite:
     Nous publions donc enfin la règle fondamentale de sûreté. Ne vous illusionnez pas sur sa portée et son importance:
     Un exploitant n'est pas tenu de mettre en oeuvre les dispositions recommendées par une règle fondamentale de sûreté, sous réserve d'apporter la démonstration que les objectifs de sûreté visés par la règle sont atteints grâce à des moyens alternatifs qu'il lui appartient de proposer
(Extrait du rapport destiné au CSSIN, 19/01/98)

     Cependant quand elle n'existe pas, cela signifie que les services de sûreté n'ont rien à opposer à leurs interlocuteurs, seulement comme on dit en justice «leur intime conviction», et manifestement c'est un peu court face à EDF ou l'ANDRA!
     Nous vous avons aussi signalé le scandale de MOL. Finalement NUKEM a été suspendu par le gouvernement allemand bien ennuyé de se trouver au centre du cyclone: les verts avalent refusé que l'on accorde une autorisation de transport de déchets à cette firme, ils avaient perdu mais maintenant a posteriori on reconnaît le bien fondé de leurs réserves.
     Bien sûr le Pakistan dément avoir reçu de l'uranium enrichi. C'est un tel trou dans le traité de non prolifération que ce n'est guère étonnant. Après tout, à part les pays qui officiellement ont la bombe, les autres (lsraël, Afrique du Sud par exemple) ont toujours nié. Le Pakistan ne va pas le chanter sur les toits.
     Les déchets nucléaires ou chimiques sont l'objet de scandales. En effet ils sont généralement mis en fûts car intransportables autrement. Ce fût est accompagné d'une fiche descriptive. Comme on ne peut généralement pas vérifier, on doit faire confiance à celui qui a rempli le fût.
     S'il n'est pas sérieux, la fiche ne correspond à rien et, soit à la manipulation, on peut découvrir un niveau de radioactivité plus élevé qu'attendu, soit à l'occasion d'une recherche de quelque chose, on s'aperçoit de la fraude.
     Rappelez-vous Seveso et la dioxine. A la Hague, on a ainsi découvert du cobalt dans la rivière «les Moulinets». Un emballage de combustible irradié stocké sur un parking depuis trois mois, avait été mal décontaminé en partant du site EDF, pas vérifié on arrivant à la Hague. Soumis à la pluie il avait contaminé la rivière par suite d'une mauvaise reprise des eaux de surface. En cascade on avait donc découvert:
     1. non-décontamination du colis
     2. non-vérification du colis
     3. non-reprise des eaux de surface
     Donc trois manquements graves sur un site qui a priori est très surveillé!!
     Quant à la chimie, Seveso n'a pas suffi. Sandoz a montré en 86 puis en 87 sa mauvaise connaissance du contenu des hangars de stockage de produits. Nantes a confirmé qu'on pouvait avoir des produits toxiques stockés sans que personne ne soit au courant. Par chance, dans tous ces cas-là, il n'y a pas eu mort. Mais Goïona est là aussi pour nous montrer que ce peut ne pas être le cas: 10 personnes sont décédées parmi elles des enfants et 200, 300 (on ne sait pas le nombre exact) ont été ou seront contaminés par les résidus de la source. Mais Bhopal a entraîné la mort de 2 à 3.000 personnes et en a blessé plein d'autres (20.000 environ). Et qui plus est, toutes ces personnes blessées ne sont pas prises en charge. Union Carbid vient de faire appel du jugement qui la condamnait. Et encore dans ce cas-là, on sait qui est coupable. A Goïona, c'est personne.
     D'ailleurs, à MOL non plus, on ne sait pas en réalité ce qui s'est passé. Enfin notons que la RFA balance les directeurs. C'est mieux qu'en France où généralement ce sont les lampistes qui trinquent.
     De toute façon, cette affaire n'a pas fini de faire des vagues: Nukem est même actionnaire dans certaines de nos firmes françaises. Belgonucléaire fabrique pour nous et en Belgique des combustibles MOX (c'est-à-dire contenant du Plutonium).
     Il semble que tout se soit passé à MOL et qu'en plus on ne sache pas bien ce qui s'est passé. N'empêche, nous sommes vraiment très naïfs, nous n'aurions jamais imaginé que des gens puissent prendre des risques pareils. Il est vrai que ce sont des risques pour les autres mais tout de même!
     Et pour vous tous, voici en dernière nouvelle le papier distribué au Conseil Supérieur par le Ministère. La Gazette vous redonne une info: c'est à la suite d'un accident sur un camion en octobre 1986 que l'affaire a démarré: le contenu du camion n'était pas conforme aux fiches de transport.

     Bonne lecture à tous et merci pour vos réabonnements.

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ERRATUM
     Dans la Gazette N°82/83, il y a une erreur page 8 ligne 5: il est écrit "Or, au départ cette cuve de sécurité devait être..."; on doit lire: "Or, en l'absence du barillet... situation accidentelle durable actuelle n°1". Sera corrigé sur le site web!
SOMMAIRE
EDITO
Stockage des déchets: A. prescriptions applicables du centre Manche, B. commission spéciale et permanente de la Hague, C. présentation du rapport Goguel au CSSIN, D. calcul de doses E. du côté du parlement européen
La sûreté: A. à propos des surgénérateurs, B. Les réacteurs à eau légère C. l'affaire"Transnuklear"
Comité Stop-Nogent: étude radioécologique du site

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