La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°78/79, juin 1987
TCHERNOBYL, SUITE...
ET PAS FIN
EDITORIAL / SOMMAIRE


     Voici donc la deuxième de la série de 3. Le ton en est plus sévère et les analyses très critiques. En effet, nous avons repris les éléments en notre possession (les bulletins du SCPRI) et nous avons été très alarmés par le manque de données. Il en existe peut-être mais nous estimons que si elles ne sont pas publiques, nous ne pouvons considérer être informés. Or les suites de Tchernobyl se sont avérées suffisamment importantes pour que chacun soit à même d'estimer ce qu'il convient de faire.
     Nogent-sur-Seine a également été sur la sellette et nous considérons qu'il y a urgence à retarder le démarrage de ce réacteur. Trop d'impasses subsistent: eau, filtre à sable.
     Nous sommes d'autant plus confortés dans nos positions que le Conseil Supérieur de l'information et de Sûreté Nucléaire a accentué notre malaise.
     Les divers incidents sur les réacteurs ne sont peut-être pas, pris isolément, dangereux dans l'immédiat mais d'une part la plupart du temps il s'agit de fissures donc de problèmes de métallurgie (sempiternelle question qui n'a pas de réponse mais la fragilisation sous irradiation n'est pas un mince problème) et d'autre part il y a un décalage entre la découverte de l'incident et l'annonce faite aux autorités de sûreté: les chefs de centrales se bricolent des réparations. C'est mauvais signe. Répétons-le, la sécurité est affaire de mentalité.
     A quoi sert de nous assurer qu'il y a un super ingénieur sur les sites s'il ne peut pas prendre la moindre décision. A quoi sert l'arsenal de services centraux s'ils ne découvrent qu'incidemment qu'on leur a caché quelque chose.
     On a répété que Tchernobyl avait eu lieu par suite de manquement aux règles, alors la leçon n'a donc servi à rien. On a seulement su dire que nos réacteurs étaient sûrs. Ce n'est pas suffisant, l'incantation n'a jamais évité de faire des bêtises.
     A Tricastin, c'est le 20 février qu'on a découvert une fissure et ce n'est que le 12 mars que les Inspecteurs ont constaté le non respect de la spécification technique applicable: mise à l'arrêt du réacteur.
     A Superphénix, les premiers voyants signalant la fuite se sont allumés le 3 mars mais la fuite n'a été signalée qu'un mois plus tard aux autorités de sûreté. C'est un grave manquement à la sûreté.
     De même la fuite dans la piscine de Sibe au C.E.N. de Grenoble n'a pas été signalée tout de suite, il a fallu 1 an et la nappe phréatique est contaminée par du tritium!
     On est loin des problèmes d'information, on se trouve dans une situation pré-Tchernobyl. Je le répète, la sûreté exige un strict comportement, aucun manquement n'est admissible surtout de la part des ingénieurs. 
suite:
     Comment espèrent-ils que les opérateurs seront attentifs si eux-même ne le sont pas. Et encore j'ai plus confiance dans les opérateurs car eux ils connaissent les risques mais ils connaissent aussi les risques lorsqu'ils parlent. Rappelez-vous La Hague et la lutte des personnels. Rappelez-vous les fissures.
     L'affaire de Bruyères-le-Chatel n'a pas fini de faire couler de l'encre mais notre position n'a pas variée: inadmissible de faire des lachers volontaires. Quelles que soient les raisons, elles ne tiennent pas.
     Comme les médecins se sont mobilisés à propos de Tchernobyl, car leurs informations ont été si légères qu'ils n'ont pas pu jouer leur rôle avec tout le sérieux qu'ils voulaient, nous pensons qu'ils réagiront aussi devant de telles méthodes.
     Ce n'est pas MAGNUC (Minitel) qui va arranger le panorama. En effet, la crédibilité ça se gagne et le capital est fortement grignoté. Il faut apprendre a tout dire mais tout ne signifie pas un déjuge sans explication. Il faut, en plus, que les documents, tous les documents soient accessibles. Mais la demande croît car nos officiels doivent comprendre une chose: les populations sont lentes à réagir mais une fois parties, on ne les arrête pas en les méprisant.
     Saluons d'ailleurs les réunions de concertation entre tous les sites de stockage de déchets. Leur démarche qui consiste, non pas à refuser en bloc mais à exiger que tout soit défini avant: règle fondamentale de sûreté et surtout les inconnues d'un stockage profond, est la bonne.
     Que les déchets existent, nul n'en disconvient mais ceci n'oblige pas à faire les choses sans mettre toutes les garanties dans l'analyse.
     Notre analyse des dossiers relevant de la santé publique nous conduit à dire que nous n'avons pas confiance dans les structures actuelles, c'est pourquoi nous réclamons une refonte des services, une meilleure définition des responsabilités. Les médecins doivent pouvoir intervenir, ils sont les premiers consultés. Les points de mesures doivent
être multipliés, la population doit pouvoir être suivie.
     Il y a trop de sources de pollution, la prévention que réclame le ministère de l'environnement doit absolument se mettre en place. La chimie a la partie trop belle, on a encore vu un feu impossible à juguler parce qu'on ne savait pas comment l'attaquer. Le secret industriel est bien facile.
     Le nucléaire ne doit pas en profiter pour glisser sur cette pente.
     Pourtant l'analyse des dossiers montre que c'est plus au niveau du discours qu'il est sûr. Dans les faits, il a de graves lacunes.
     Bonne lecture de la 2e Gazette de l'année 1987. La 3e suit très vite.
p.1

SOMMAIRE
EDITO
Bruyères-le-Chatel, ou la fuite volontaire
TCHERNOBYL, suite... et pas fin

Année 1987
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