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N°73/74

APPROCHE FRANÇAISE EN MATIERE D'ACCIDENTS


     La Gazette vous offre cette publication qui vaut son pesant de cacahuettes. Cela a été, bien sûr, publié avant Tchernobyl mais ne croyez pas que tout a changé à cause des Russes. Malheureusement, les différents commentaires officiels, la difficulté pour obtenir la documentation, tout cela existe toujours.
     Il est bien évident que s'en tenir à la notion d'événement «concevable» ou «plausible» au sens de l'ingénieur est d'une philosophie très intéressante. Cependant, au sens de l'ingénieur, on peut imaginer que Tchernobyl ne pouvait pas se produire. Qui aurait pu imaginer que l'on court-circuite toutes les préventions automatiques?
     Comme en France, on pense que le dôme de confinement ne peut pas faire défaut, on pourra toujours se poser des questions si cela s'avère faux. Actuellement aux USA (voir Science vol. 233, p. 1376), les études faites sur la tenue du dôme ont abouti à ce jugement à l'emporte pièce «Berman a conclu que la probabilité pour qu'une explosion vapeur soit à l'origine d'une brèche dans une enceinte de confinement d'un réacteur nucléaire américain se situe entre l'impossible et l'inévitable». D'où probablement la fameuse procédure U5. Espérons que comme entre chaque accident il semble s'écouler 7 ans, enfin la statistique est faible, donc la conclusion un peu hâtive: TMI 1979, Tchernobyl 1986, en 1993 - un réacteur français? Et lequel, on peut toujours continuer les prédictions: Tricastin puisque les 2 premiers commencent par un T.
     Quant à juger que l'accident pourrait se produire en France, cette fois sans rire: les USA sont la première puissance, l'URSS la 2e en nombre de réacteur, la 3e en puissance, la France par contre la 3e en nombre et la 2e en puissance (et par tête d'habitant la première). Ce n'est donc qu'une éventualité, bien sûr tempérée, par le fait qu'il est assez évident que personne ne souhaite l'accident, ni les ingénieurs, ni les techniciens, ni la Gazette.
     Enfin, il n'est pas sûr qu'avec des idées pareilles sur la sûreté, on soit sur la bonne voie, à vous de juger.
     Cependant rappelez-vous que ce type de papier a un défaut de mode commun: on ne peut jamais juger ce qui est fait, ce qui reste à faire et ce qui de toute façon est en cours d'analyse.
     Le fait d'avoir défini 5 procédures H ne signifie nullement leur application sur les REP, pour l'excellente raison que tout changement sur réacteur n'est pas si simple à réaliser.
     Le fait de prévoir des plans d'évacuation ne le reste pas du tout. Sandoz a montré que le moins qu'on puisse dire c'est qu'on n'a pas encore amélioré sensiblement la mise en place d'une information de populations. Quant à envisager une évacuation, là on passe dans l'irréel.
     Maintenant passons aux procédures U. Par chance U1 est sur tous les sites: heureusement car cela fait partie de la sureté même du réacteur. Quant aux autres, on va voir avec les années (de toute façon elles ne seront applicables que pour les tranches qui seront construites vers les années 90 !).
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     Enfin, bonnes gens, soyez tout de même sans émoi. C'est vrai qu'il y a du travail de fait sur la sûreté. Reste qu'il vaut mieux prévoir que guérir. Pour le moment on essaie tout juste de recoller des morceaux quand on s'aperçoit qu'on a été trop optimiste dans les estimations.
     Allez, bonne lecture...

Approche française en matière d'accidents graves
et de problématique du terme source
J. Bussac - F. Cogné - J. Pelcé (International Topical Meeting on thermal reactor Safety)
San Diego, February 2-6 1986

     Depuis le rapport RASMUSSEN WASH-1400 et l'accident de TMI 2, de nombreuses études et des recherches variées ont été menées pour permettre d'avoir une meilleure connaissance des risques et des conséquences d'accidents graves survenant sur les réacteurs à eau. Au cours des deux dernières années, de nombreuses synthèses et évaluations ont été publiées aux Etats-Unis ou élaborées sous l'égide de l'OCDE/CSNI [1]. Des discussions ont notamment porté sur le niveau des rejets radioactifs - le terme source - hors de l'enceinte de confinement intervenant dans de tels accidents, niveau qui détermine les risques encourus par les populations environnantes et les mesures de sauvegarde à prendre, notamment par les pouvoirs publics, vis-à-vis de ces populations.
     Si la compréhension d'un certain nombre de phénomènes intervenant dans les séquences d'accidents graves a notablement progressé ces dernières années et bien qu'il subsiste encore un large domaine pour des recherches, certaines des discussions actuelles se concentrent sur les répercussions possibles des estimations récentes du terme source dans le domaine réglementaire.
     En France nous estimons que les accidents graves ne doivent pas être pris en compte au niveau du dimensionnement des centrales.
     Par contre, l'analyse de ces accidents graves est discutée au cours de la procédure réglementaire, non seulement pour vérifier les bases sur lesquelles sont établis les plans de secours, mais aussi pour s'assurer que les procédures d'exploitation permettent la mise en oeuvre d'une gestion efficace des accidents sévères; la propriété reste donnée à la prévention, c'est-à-dire aux dispositions capables de faire obstacle à la dégradation du refroidissement du coeur; 


1. - BMI2104
- APS : Radionuclide release from severe accidents, Feb. 1985
- The IDCOR program, presented to the CEC workshop, Sept. 18-19, 1985
- NUREG 0956 Reassessment of the technical bases for estimating source terms, draft report August 1985
- Draft report of Senior Group of Experts on Severe Accidents, October 1985
p.3

on envisage le cas d'un échec de ces dispositions, avec la mise en oeuvre de mesures propres à réduire les conséquences d'une fusion de coeur.
     C'est cette approche des problèmes qui est développée ci-après.

I. Approche en matière de doctrine de sûreté - Objectifs en matière de sûreté dans le domaine de la prévention - Procédures H
     La sûreté des installations nucléaires repose d'abord et avant tout sur la prévention des accidents, ce qui justifie tout le soin à apporter à une bonne conception, à une réalisation correcte et à de bonnes règles d'exploitation. C'est aussi le rôle dévolu aux dispositifs de sauvegarde, prévus avec la redondance nécessaire, dans le cadre des règles de dimensionnement.
     Toutefois, on ne peut exclure comme ayant une probabilité négligeable, la défaillance simultanée d'un certain nombre de dispositifs importants pour la sûreté et/ou des manoeuvres inadaptées conduisant à des situations défavorables non retenues dans le cadre du dimensionnement : Si ces situations, quoique très improbables, ne sont pas inconcevables, elles doivent être examinées et peuvent conduire à prendre des dispositions particulières pour diminuer soit leur probabilité, soit leurs conséquences, ces dispositions étant prises hors du cadre du dimensionnement proprement dit.
     En ce qui concerne le dimensionnement des installations, les autorités de sûreté françaises ont indiqué en 1977 l'objectif de sûreté suivant [2,3]: «Comme objectif général, le dimensionnement d'un REP devrait être tel que la probabilité globale pour qu'il puisse être à l'origine de conséquences inacceptables, ne soit pas supérieure à 10-6 par an».
     De cet objectif général par réacteur, se déduit l'objectif dérivé ainsi énoncé: «Lorsqu'une approche probabiliste est utilisée pour apprécier si une famille d'événements doit être prise en compte dans le dimensionnement, cette famille devra être retenue si la probabilité qu'elle puisse conduire à des conséquences inacceptables est supérieure à 10-7 par an».
     Pour être à même de respecter ces objectifs, un examen a été fait des probabilités et des conséquences de la perte totale de systèmes redondants et importants pour la sûreté. Les études ont montré la nécessité de mesures venant en complément des systèmes automatiques normalement prévus. Ce peut être une redondance ou une diversification accrues des systèmes concernés; mais aussi des dispositions permettant des actions correctrices.
     C'est ainsi qu'ont été élaborées et définies par accord commun entre l'exploitant (EdF) et les autorités de sûreté, des procédures spéciales d'exploitation dites procédures H (H pour «hors dimensionnement» ; il serait plus correct de dire «à la limite du dimensionnement»). Ces procédures H constituent une intervention de l'exploitant qui, au besoin avec des moyens externes, permet de faire face à la perte des systèmes essentiels redondants, soit par suite de défaillance de mode commun soit par défaillances successives. Dans l'analyse probabiliste, il a été admis cependant de limiter l'incidence de ces actions correctrices, lesquelles ne sont pas définies avec la même rigueur que celles intervenant dans le dimensionnement et sont sujettes aux aléas du facteur humain. 

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Aussi, si les procédures H réduisent la probabilité de «conséquences inacceptables», le facteur de réduction ne pourra en aucun cas être pris supérieur à 102.
     Cinq procédures H correspondent à 5 catégories d'événements clairement identifiés ont été définies:
     H1 perte de la source froide externe à l'installation
     H2 perte totale de l'alimentation en eau des générateurs de vapeur, normal et auxiliaire
     H3 perte totale des sources électriques (externes et internes)
     H4 secours réciproque des systèmes d'aspersion enceinte et d'injection de secours basse pression, pendant la phase de recirculation
     H5 : protection des sites en bord de rivière contre une crue 
dépassant la crue de référence (millénale).
     Signalons que la définition et la mise au point en France de ces procédures a été facilitée par le haut degré de standardisation qui a été retenu dans notre parc de réacteurs à eau sous pression. Il s'agit encore d'actions qui, bien que non incluses dans le cadre du dimensionnement, sont destinées à prévenir le développement d'accidents bien identifiés, avant que ne survienne une dégradation importante du coeur.
     Pour les réacteurs du palier 900 MWe, ces procédures ont été ajoutées au dimensionnement mais avec des critères moins sévères; elles sont mises en place progressivement; par contre elles sont incorporées désormais dans les règles de conception et de construction des nouveaux réacteurs.

II. Les plans particuliers d'intervention, termes sources et procédures U
     Malgré toutes les précautions décrites précédemment pour éviter la dégradation du coeur, on ne peut exclure absolument l'éventualité d'accidents graves comportant la fusion du coeur et la perte partielle ou notable et plus ou moins tardive de la fonction de confinement des matières radioactives dans l'enceinte. Ceci peut résulter de défaillances en chaîne de systèmes de sauvegarde, couplées ou non à des mesures inadéquates des opérateurs. Par rapport à un scénario donné, on peut presque toujours en imaginer un autre qui soit pire en supposant une défaillance supplémentaire, mais il est bien évident qu'au fur et à mesure que l'on considère des scénarios de plus en plus graves, la probabilité qu'ils surviennent tend vers zéro. Où doit-on s'arrêter ? Faut-il, pour la protection des populations et les mesures à prendre dans ce but, fixer un nouveau seuil de probabilité et déterminer les rejets radioactifs maximum correspondant à ce seuil ? C'est souvent dans cet esprit que l'on parle de «terme source» mais parfois sans préciser ni l'ensemble des scénarios considérés ni le seuil de probabilité que l'on souhaite approcher.



2. P. Tanguy French safety philosophy, Nuclear Safety 24, no 5, 1984
3. A. L'Homme, J. Pelcé : French requirements concerning severe accidents, International meeting on LWR severe accident evaluation, Cambridge, 1984
p.4

     Remarquons que le nombre de scénarios graves possibles est considérable, et si un grand nombre de familles de scénarios ont été analysés dans le rapport WASH-1400, certains retenus dans ce rapport sont aujourd'hui considérés comme fort peu vraisemblables, alors que des phénomènes significatifs supplémentaires doivent au contraire être pris en compte (risque de remise en suspension d'aérosols par exemple) [4]. Mais plus fondamentalement deux critiques peuvent être faites à ce mode de raisonnement:
     1) Plus les événements sont improbables, plus grande est l'incertitude sur le calcul de leur probabilité, de sorte que ce calcul lui-même n'a plus grande signification
     2) Mais surtout le calcul de termes sources dans de tels accidents laisse de côté le problème majeur que constitue la recherche de la maîtrise du déroulement de ces accidents par une série d'actions appropriées, ce qui est au contraire le souci principal des responsables français.
     En France nous n'accordons guère de crédit aux calculs probabilistes pour classer les accidents graves, car nous estimons que l'estimation de ces valeurs très faibles ne repose pas sur une assise scientifique suffisante. Nous préférons nous en tenir à la notion d'événement «concevable» ou «plausible» au sens du jugement de l'ingénieur.
     Quant à l'expression «terme source» nous ne l'utilisons qu'avec beaucoup de prudence, car elle nous paraît ambiguë pour les raisons développées ci-dessus. Ne faut-il pas associer à la notion de «terme source» celle des objectifs visés: ainsi l'adéquation des plans d'urgence vis-à-vis des populations?
     Précisons donc dans notre vocabulaire l'expression «terme source» sera utilisée dans un sens restrictif : «un terme source est un rejet typique, caractéristique d'une famille de réacteurs et représentatif d'une classe d'accidents; il est considéré pour définir les actions correctrices à prévoir vis-à-vis de cette classe d'accidents en vue de la protection ultime des populations». Ainsi la notion de terme source est-elle associée à une classe de rejets et en l'absence d'actions correctrices, dans le cadre de la préparation des plans d'urgence (Plan d'Urgence Interne de la centrale et Plan Particulier d'Intervention à l'extérieur du site - PPI).
     A la suite des études menées sur les REP de conception française, trois termes sources de référence ont été identifiés, correspondant à trois grandes catégories d'accidents comportant toutes la fusion complète du coeur. Dans l'ordre de gravité décroissante:
     - le terme source S1 pour des accidents entraînant la rupture précoce de l'enceinte de confinement (quelques heures après le début de l'accident); un exemple type de ces accidents est le «mode a» selon la terminologie du rapport WASH-1400
     - le terme source S2 pour des accidents conduisant à des rejets hors enceinte directs à l'atmosphère à la suite d'une perte d'étanchéité différée, après un délai d'un ou de plusieurs jours (exemple: mode d)
     - le terme source S3 pour des accidents conduisant à des rejets indirects, du fait de l'existence de voies de transfert avec rétention entre l'enceinte et l'atmosphère extérieure (exemple mode e).
     Les niveaux de rejets correspondants ont été évalués sur la base des connaissances utilisées dans le rapport WASH1400. Ils sont respectivement, pour ces trois termes sources, de quelques dizaines de pour cent, de quelques pour cent et de quelques pour mille du contenu du coeur en produits de fission pour les produits volatifs, hormis les gaz rares relâchés dans leur quasi totalité dans les trois cas:
4. APS: cf. supra
suite:
Termes - Sources S et
fraction de l'activité du coeur rejetée
     Après examen, les accidents correspondant au terme source Sl n'ont pas été jugés mériter plus ample considération pour les réacteurs français à grande enceinte de confinement, soit pour des raisons physiques (impossibilité de décrire un enchaînement de phénomènes sur des bases réalistes), soit parce que trop improbables cas notamment des modes a et g de rupture de l'enceinte consécutifs à une explosion de vapeur ou à une explosion d'hydrogène*. Par contre, il n'en est pas de même pour des accidents entrant dans les deux autres catégories, si on s'en tient à la notion d'événement «concevable» au sens de l'ingénieur. Pour ces derniers se posent le problème des moyens à pourvoir dans l'installation pour limiter les conséquences ainsi que de l'adéquation des plans de secours.
     Quelles mesures prévoir pour l'évacuation des populations? Il est illusoire d'imaginer pouvoir évacuer sans risques graves, une population nombreuse même avec un plan préétabli. Les PPI ont été élaborés en France après un examen des possibilités raisonnables d'évacuation. C'est ainsi qu'ont été fixées pour notre pays les mesures suivantes pour les sites occupés par les réacteurs: déplacement possible de la population jusqu'à 5 km et confinement des autres personnes jusqu'à 10 km dans un délai de 12 à 24 heures après le début de l'accident mais avant tout rejet radioactif important.
     La comparaison de l'ampleur de ces mesures avec le niveau supposé des rejets radioactifs montre qu'elles sont compatibles si ceux-ci ne dépassent pas les caractéristiques du terme S3 ci-dessus. Le terme source S3 retenu est conventionnellement celui obtenu après calcul des transferts lors d'une séquence accidentelle bien définie sur un réacteur de 1.300 MWe type PALUEL: séquence résultant à la fois d'une brèche au circuit primaire et de la perte totale des sources électriques. En particulier, les caractéristiques du terme source S3 constituent une enveloppe des conséquences de tout accident dont le rejet principal à l'atmosphère proviendrait de la traversée du radier par le coeur en fusion, supposée survenir au bout d'un jour.
     Mais on ne peut ignorer des accidents pouvant conduire à des rejets par la partie hors sol de l'enceinte, en des temps de l'ordre de, ou supérieur à la journée: c'est notamment le cas d'une montée en pression de l'enceinte supérieure à la pression de dimensionnement (mode d), ou à des fuites importantes de celle-ci (mode b). Il faut alors donner à l'exploitant des moyens techniques lui permettant de gérer l'accident ou, faute de mieux, de limiter les conséquences à un niveau compatible avec les plans particuliers d'intervention, c'est-à-dire de limiter les rejets au niveau du terme source S3.
     D'une manière plus générale il a donc été décidé, dès 1981, d'étudier et de mettre à la disposition des opérateurs des procédures ULTIMES, appelées U, leur permettant, par des moyens simples, de limiter les conséquences des accidents. La centrale ayant fait l'objet des méthodes habituelles de conception, il s'agit pour ce faire d'utiliser aussi simplement que possible les dispositions existantes.
p.5
* Dans le cas des réacteurs français, il est improbable qu'une explosion d'hydrogène (mode g) puisse mettre en danger l'enceinte de confinement.
     Les procédures U visent à couvrir la totalité des situations et ceci, contrairement aux procédures R, indépendamment de leurs causes. Ces procédures en effet sont fondées, non sur des séquences identifiées a priori, mais sur la caractérisation et la reconnaissance des états possibles de refroidissement du coeur et sur les modes d'intervention permettant de restaurer la fonction de sûreté défaillante pour amener l'installation dans un état sûr.
     Les procédures U actuellement définies sont les suivantes:
     - U1 Secours par tout moyen encore disponible pour éviter la dégradation du coeur ou, en cas de dégradation, maintenir le coeur confiné dans la cuve
     - U2 Conduite à tenir en cas de défaut d'isolement de l'enceinte de confinement
     - U3 Mise en oeuvre de moyens mobiles extérieurs pour suppléer à la défaillance éventuelle à moyen terme de l'ensemble des systèmes d'injection de secours et d'aspersion de l'enceinte; autres types de secours également envisagés
     - U4 : Dans le cas des réacteurs de 1300 MWe en cours de construction (paliers P4 et P'4), possibilité d'éviter tout relâchement direct via le dispositif de drainage au sein du béton du radier sous les puits de cuve
     - U5: Possibilité de rejets contrôlés et filtrés au moyen d'un système de filtration spécial (gain sur les rejets de l'ordre d'un facteur 10, à l'exception des gaz rares).

Prévision actuelle pour U5
(précision apportée par la Gazette)
Procédure U5

     La procédure U1 est opérationnelle sur tous les réacteurs. Pour U2, la règle de conduite est en cours de définition. La procédure U3 est applicable sur les réacteurs de 1.300 MWe, mais pas encore sur les réacteurs de 900 MWe. En ce qui concerne U4, les étude sont en cours sur le choix des solutions techniques. Enfin, les spécifications générales de la procédure U5 sont définies et les caractéristiques du système de filtration à sable sont fixées. La définition précise de la procédure et les dossiers de réalisation sont en cours.

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A l'exception de U1, ces procédures visent non à prévenir l'accident, mais à en atténuer la gravité. A ce titre, un bon exemple est la procédure U5 visant à décomprimer l'enceinte à travers un système de filtration «rustique» en cas de montée en pression dangereuse à l'intérieur du bâtiment du réacteur.
     Parmi les modes de ruine de l'enceinte prévus dans le rapport RASMUSSEN, le mode d, correspondant à une perte du confinement par augmentation de pression, est l'un des moins improbables.
     En cas d'attaque du radier par le coeur en fusion et de perte simultanée des moyens de refroidissement interne de l'enceinte, les études montrent que la pression croîtra régulièrement jusqu'à atteindre, au bout d'un jour à quelques jours, une valeur au-delà de laquelle l'étanchéité de l'enceinte n'est pas garantie. Cette montée en pression est liée à la formation de gaz incondensables (CO et CO2 essentiellement) provenant de la décomposition du béton du radier par le combustible fondu. C'est un processus relativement lent donnant un préavis de 12 à 24 heures ou davantage avant de dépasser une pression incompatible avec un maintien suffisant de l'étanchéité de l'enceinte.
     Face à une telle situation de menace grandissante de rejets radioactifs majeurs par perte de l'étanchéité de l'enceinte, il serait très regrettable de ne disposer d'aucune mesure pour parer ou réduire la menace. Partant de la constatation qu'un gain d'un facteur 10 environ serait suffisant pour ramener le niveau des rejets radioactifs de S2 à S3, c'est-à-dire à un niveau compatible avec les PPI, EDF en agrément avec les autorités de sûreté a conçu et étudié en liaison avec l'I.P.S.N. un système de filtration simple reposant sur la filtration des aérosols à travers un lit de sable [5]. Le dispositif retenu met à profit une traversée existante de l'enceinte de confinement, prévue pour la décompression après l'épreuve de l'enceinte. Cette traversée sera équipée de 2 vannes extérieures, manoeuvrables sous 5 bars et commandées de l'extérieur. Une détente du gaz, ramenée à la pression atmosphérique, est assurée entre l'enceinte et le caisson de filtration qui évacue dans la cheminée prévue pour les effluents gazeux.
     Des essais de la laboratoire effectués à l'IPSN au Centre de Cadarache ont permis de caractériser le type et la granulométrie du sable et ses performances vis-à-vis d'aérosols qui ont été simulés, en fonction de la température, pression et humidité, en régime permanent et transitoire [6]. Le compromis entre efficacité de filtration et perte de charge limitée a conduit à retenir un sable de 0,6 mm de diamètre, traversé de haut en bas sur une épaisseur de 80 cm à une vitesse de 10 cm/s (perte de charge 0,1 bar). La section de filtration est de 40 m2 et le débit 3,5 kg/s.
     Les essais concluants ont conduit EDF à proposer la mise de ce système sur tous les réacteurs à eau sous pression du parc français, le caisson de filtration devant être installé sur le toit du bâtiment des auxiliaires nucléaires des réacteurs déjà construits.

5. G. Beraud, J. Chapuis. J. Delalande : Présentation du systéme de décompression - filtration de l'enceinte de confinement, AIEA-SM281/37, Columbus Symposium, Oct. 1985
6. A. L'Homme, M. Berlin, G. Beraud : Résultat des essais de laboratoire sur la filtration rustique, Luxembourg meeting, October 14-l8th, 1985
p.6

     En cas d'accident grave justifiant l'utilisation de ce moyen, la décision de mise en oeuvre réclamerait l'accord des pouvoirs publics puisqu'elle conduirait à des rejets moindres mais volontaires. Ce serait une décision difficile si elle devait s'accompagner de mesures d'évacuation. Elle dépendrait de l'évolution de la pression dans l'enceinte, de la volonté d'éviter une perte d'étanchéité ou de contrecarrer des fuites incontrôlées préexistantes ou survenant au cours de l'accident. Il s'agit donc d'une souplesse supplémentaire à utiliser si nécessaire et selon les circonstances. On peut ajouter que les procédures U2,U3, U4 et U5 sont étroitement liées entre elles par exemple, on recherchera avec une source d'eau recouvrée, à éviter un enfoncement trop important du coeur en fusion dans le radier et surtout la traversée complète du radier dont les conséquences sur le long terme sont difficiles à évaluer (contamination souterraine).
     La procédure U5 apparaît ainsi comme un dispositif permettant de conserver l'intégrité de la dernière barrière de confinement et autorisant un large spectre d'intervention du personnel de conduite en vue de minimiser les conséquences d'accidents graves sur les REP français.
     Ces procédures U mettent donc à profit à la fois des actions des opérateurs et des matériels supplémentaires. Mais cela signifie aucunement que nous remettions en cause les règles de dimensionnement. Au contraire, pour nous, nous tenons beaucoup à distinguer:
     a) le domaine réglementaire du dimensionnement qui vise à prévenir les accidents et qui comporte un ensemble de règles et de critères parfaitement codifiés, dont le respect doit être démontré, au besoin avec des hypothèses pessimistes: critère de défaillance unique, redondance des systèmes importants pour la sûreté, protection contre les agressions externes etc...; tout cet ensemble nous paraît satisfaisant et n'a pas à être modifié
     b) l'ensemble des dispositions prévues dans les procédures ultimes qui visent à s'opposer à l'accident par une «gestion» appropriée à l'aide de tous les dispositifs en place et, si besoin, de matériels complémentaires il s'agit d'une précaution supplémentaire, mais ces derniers étant traité avec des hypothèses et des méthodes de calcul, non plus pessimistes, mais réalistes.
     Il est donc clair que les accidents graves ne sont donc pas examinés dans le même esprit ni avec la même procédure que ceux qui sont pris en compte dans le cadre du dimensionnement. La distinction que nous faisons nous parait fondamentale et justifie notre refus du mélange des genres qui nous semble être la principale source de confusion sur ce sujet.

III. Faut-il continuer les recherches ?
     C'est en partant du rapport WASH-1400, des analyses qui y sont faites, puis de calculs spécifiques, qu'a été élaborée progressivement la philosophie présentée ci-dessus. Il y a quatre ans, nous sommes arrivés à la conclusion que le terme source S1 - correspondant à la rupture précoce de l'enceinte - pouvait être écarté, ce qui réduisait d'un facteur 10 environ le niveau maximum des rejets, alors que cette rupture précoce est encore considérée dans d'autres pays. 

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Nos termes sources conventionnels S2 et S3 sont eux-mêmes probablement pessimistes et comportent vraisemblablement de fortes marges, eu égard aux études effectuées ces dernières années, mais il reste encore beaucoup à faire car les résultats sont entachés de grandes incertitudes. Enfin si notre approche fait une large part à la gestion des accidents graves, celle-ci réclame de bien connaître leur physique: qui peut aujourd'hui expliquer clairement comment s'est refroidi le coeur de TMI 2 ? Sans une bonne connaissance des mécanismes de transfert, de dépôt et de relargage des aérosols radioactifs, on ne peut «gérer» convenablement une situation compromise sans risquer de l'aggraver.
     Les calculs théoriques ne peuvent suffire, il faut pouvoir les valider, il faut des bases expérimentales. Alors que certains s'interrogent aujourd'hui sur l'utilité de poursuivre les recherches à un niveau significatif, nous pensons tout au contraire en France qu'il faut maintenir l'effort de R & D, compte tenu de la complexité des phénomènes à analyser et de la difficulté d'obtenir des résultats expérimentaux représentatifs de situations extrêmes. Parmi les problèmes qui nous paraissent mal élucidés, on pourrait citer:
     - degré de refroidissement possible d'un coeur fondu et progression de ce coeur jusqu'à la traversée de la cuve
     - influence, sur les aérosols produits, de la nature du béton du radier en cas d'attaque de celui-ci par le coeur en fusion;
     - relargage des aérosols déposés, en cas d'explosion en principe d'ampleur limitée dans l'enceinte ou en cas de dépressurisation
     - influence du rayonnement sur les équilibres chimiques et la stabilité de molécules telles que CsI ; réaction de l'iode avec les revêtements de surface
     - processus pouvant entraîner une perte d'étanchéité de l'enceinte.
     Cette liste n'est pas exhaustive. Du côté français, et compte tenu des résultats étrangers, notre programme de recherches se développe dans 3 directions:
     1) Poursuite d'un programme d'expériences analytiques et développement d'un système de codes utilisant les modèles développés à partir de ces expériences et validés par elles. Parmi les domaines couverts par ce programme, citons [7]:
     a) comportement du coeur dégradé, qui fait l'objet en 1986 des expériences phase III sur le réacteur d'essais PHEBUS: 21 crayons portés à 1.800o C dans des conditions variables de transitoires de puissance et de renoyage. La phase III sera suivie d'une phase IV à partir de 1987 pour laquelle les températures dans l'assemblage dépasseront 2.000o C et devraient permettre des mouvements de combustible liquéfié et l'étude des conditions de refroidissement subsistant dans un tel état; ces expériences serviront à valider le code VULCAIN;
     b) phénoménologie concernant le comportement de l'enceinte de confinement: stratification de l'hydrogène et effets de déflagration ou de détonation (codes PLEXUS et JERICHO);
     c) caractéristiques des aérosols, produits à l'aide des essais hors pile HEVA portant sur du combustible irradié chauffé à 1.800o C dans un four à induction


7. A. L'Homme et al. Assessment of release of fission products from the contamment of a PWR during senous accidental sequences, SM281/42, Columbus symposium, Oct. 1985
p.7

     d) étude des aérosols dans le circuit primaire et dans l'enceinte, dépôts et relargage de ces aérosols: un effort de qualification des modèles (en France: code AEROSOLS B1) reste nécessaire surtout en atmosphère humide, les expériences existantes paraissant insuffisantes à cet égard. Le programme «PITEAS, physique des aérosols» prévu en 1986 et 87 à Cadarache permettra de préciser des effets tels que: condensation de la vapeur d'eau sur les aérosols solubles, collision des gouttelettes. Par ailleurs, le comportement de l'iode fait l'objet d'expériences poussées à Cadarache, lesquelles ont montré l'importance des effets de radiolyse sur le composé CsI et des réactions avec des peintures des parois [8].
     2) Nécessité d'expériences globales la démarche de qualifier un par un les modèles physiques à partir d'expériences analytiques n'est pas suffisante: elle présente l'inconvénient d'introduire des hypothèses concernant l'additivité des effets, la nature des espèces physico-chimiques etc... et de ne pas permettre de dépister à coup sûr l'oubli de phénomènes essentiels. Le besoin existe donc de valider la réponse d'ensemble d'un système de codes ainsi que les procédures par des expériences plus globales, se rapprochant autant que possible des réponses qui seraient celles d'un réacteur accidenté:
     a) dans le domaine de la prévention et des procédures R et U1, domaine dominé par les phénomènes thermohydrauliques calculés par le code CATHARE, la vérification d'ensemble est attendue de la boucle système BETHSY qui va démarrer à Grenoble en 1986 par accord entre CEA, EdF et FRAMATOME;
     b) dans le domaine du terme source, de même, une modification du réacteur PHEBUS est à l'étude pour permettre de représenter l'ensemble des phénomènes depuis la fusion d'un assemblage combustible jusqu'aux rejets hors d'une enceinte simulée en passant par le transfert hors du circuit primaire et les phénomènes de stratification, de dépôts et de relargage à l'intérieur de l'enceinte à partir de produits de fission réels. Il s'agit d'un programme important, qui nécessiterait l'utilisation de combustibles préirradiés et réirradiés, pour lequel une collaboration internationale peut être envisagée et dont le planning actuel fixe le démarrage des essais en 1990. Quoique s'agissant d'essais de caractère global, l'intérêt de cette installation serait de pouvoir effectuer un programme relativement étendu comportant la variation d'un certain nombre de paramètres, en vue d'approcher autant que possible la validation d'ensemble des systèmes de codes calculant les rejets radioactifs et celle des procédures présentes ou à venir visant à atténuer les conséquences des accidents graves.
suite:
     3) Reste enfin l'examen des mesures à prendre en cas de contamination extérieure à l'enceinte. Après la mesure urgente que constituerait l'évacuation ou le confinement des populations, puis la surveillance des zones contaminées, des décisions à moyen et long terme seraient à prendre pour la réhabilitation des sols contaminés et le retour à la vie normale. C'est le but du programme RESSAC, actuellement lancé en France que d'étudier les différentes mesures à prendre et d'en apprécier l'efficacité.

Conclusions

     1. L'approche française présentée dans ce rapport vise à constituer un ensemble cohérent qui doit permettre, dans le cas des réacteurs français à eau sous pression, de parer à toutes les situations et à tout type d'accident dont l'éventualité ne paraît pas complètement invraisemblable.
     2. La rupture précoce de l'enceinte de confinement n'est plus considéré comme pouvant résulter d'aucun déroulement plausible d'accident et n'est donc plus prise en considération, excepté toutefois dans l'examen et le choix des sites.
     3. Les mesures de prévention et des parades relativement peu onéreuses permettent de réduire notablement la probabilité de fusion du coeur et, s'il y a fusion, la probabilité de perte de confinement et le niveau des rejets éventuels à l'extérieur.
     4. Ceci suppose une attention toute particulière portée à la gestion de l'accident et aux actions des opérateurs, auxquelles il est attaché une grande importance.
     5. Le moment n'est pas venu d'arrêter les recherches, car on manque notablement encore de données expérimentales vis-à-vis de problèmes mal élucidés; un réel besoin existe, non seulement d'expériences analytiques mais aussi d'un programme de vérification globale des systèmes de codes existants ou en développement.



8. M. Lucas : radiolysis of cesium jodide solutions in conditions related to those prevailing in a PWR after severe core damage, workshop of jodine chimistry, Harwell Sept. 1985
p.8

Rapport 1984 de l'IPSN
(Extraits)

     Quelques pages de ce rapport qui vous expliquent les programmes étrangers. N'en concluez pas que l'IPSN ne fait rien. Ce serait fort hâtif. Cependant, manifestement les budgets respectifs des différents pays sont plus étoffés que celui de l'IPSN.
     Enfin, toujours pareil, lisez et concluez vous-mêmes. Dans la foulée, on est reparti fouiller dans le dossier de 82 et on y a trouvé quelques perles sur Cattenom.
     Quant à Superphénix, le moins qu'on puisse dire est que son démarrage n'est pas sans problèmes. Le point qui nous semble inquiétant ce sont les températures anormales. Est-on si sûr de la neutronique?


Extraits du rapport d'Activité de l'Institut de
Protection et de Sûreté Nucléaire
(page 74 à 79)

 III. Le contexte international
     Il est difficile d'abstraire la R & D française en sûreté nucléaire du contexte international dans lequel elle s'inscrit grâce à un réseau d'échanges et de coopérations qui l'influencent sensiblement et qui l'enrichissent.
     Après deux décennies de recherches développées de manière essentiellement nationale, les années 70 ont été marquées par une très forte internationalisation des problèmes, et avant tout dans le domaine de la sûreté. A cela on peut trouver bien des raisons: le choix très étendu de la filière à eau ordinaire, le développement rapide du nucléaire en face des secousses pétrolières, la contestation qu'il a soulevé dans de nombreux pays, la nécessité de réponses cohérentes des autorités aux questions posées, le niveau élevé du coût des programmes de recherche en matière de sûreté. (souligné par le webmaistre...)
     L'OCDE a montré le chemin en créant un organe d'échange informel des questions de sûreté et des recherches correpondantes. Il fut bientôt imité par d'autres organismes internationaux (Communauté Européenne, Agence Internationale de l'Energie Atomique). En France, les premiers accords en matière de sûreté ont été signés en 1973 avec les Allemands pour le développement d'études de sûreté en neutrons rapides sur le réacteurs CABRI et en 1974 avec l'USNRC (Etats-Unis) pour un cadre général d'échanges.
     La coopération internationale en matière de sûreté peut être envisagée dans trois domaines différents:
     1. L'harmonisation de l'arsenal réglementaire, qui est de la responsabilité nationale
     2. Les échanges concernant l'analyse de sûreté
     3. Les programmes de recherche, domaine privilégié de la coopération internationale, car il est le plus souvent débarrassé des contraintes et des spécificités nationales qu'on peut trouver dans les deux autres domaines.
     Ce dernier aspect est développé ci-après d'abord par un aperçu des programmes et des moyens de principaux pays engagés dans la recherche (§111-1) suivi d'une description des liens et mécanismes qui nous relient à la communauté internationale et qui nous y intègrent (§111-2).

111.1. Programmes des pays engagés dans la R & D de sûreté - Efforts réalisés
     La recherche en sûreté a toujours été liée, bien entendu, au contexte particulier du développement de l'énergie nucléaire dans chaque pays. 

suite:
En France, par exemple, l'essor de l'électronucléaire dans les années 70, fondé sur une technique développée plus particulièrement aux EtatsUnis (souligné par le Wbmstr.), celle des réacteurs à eau de grande puissance, a généré dans un premier temps les études visant à confirmer la validité de dispositions déjà approuvées par l'autorité de sûreté américaine. Il s'est ensuite agi de faire face aux problèmes d'exploitation sûre d'un grand nombre de centrales standardisées. Il n'en est pas allé de même pour les réacteurs surgénérateurs, technique en grande partie nationale, progressivement développée et maîtrisée, confortée par des études et recherches en sûreté beaucoup plus intégrées au développement de la filière.
     L'accident survenu en 1979 à la centrale de Three Mile Island a eu pour effet de faire converger l'opinion sur les objectifs prioritaires de la recherche. Sans aller jusqu'à dire que tous les programmes des différents pays constituent un fonds commun, on doit constater une grande similitude d'objectifs et un renfort marqué de la coopération internationale.

111.1.1. Aperçu des programmes des principaux pays
     Etats-Unis: si l'on examine les plans de recherche de la Commission de Sûreté américaine USNRC, on se convainc aisément que l'action de cet organisme est très vaste et couvre la plupart des domaines de recherche actuellement explorés dans le monde. C'est donc, encore aujourd'hui et pour tous les pays, une référence incontestable. Aux EtatsUnis plus qu'ailleurs, l'accident de TMI a provoqué une réorientation radicale de l'objet même des recherches. Les énormes moyens précédemment consacrés à l'étude de la perte de réfrigérant par grosse brèche, sur les réacteurs d'essais LOFT et PBF entre autres, ont été mis sur les accidents sévères et plus spécialement sur l'évaluation réaliste des rejets correspondants. Parallèlement, et en raison de contraintes budgétaires croissantes, les grands programmes réorientés ont évolué vers la forme d'entreprises multinationales à accès réglementé et à frais partagés. La situation résultante est commentée en 111-2; par ailleurs la NRC a recherché un accès aux grands programmes expérimentaux non américains comme ceux qui sont prévus sur la boucle système ROSA IV-LSTF au Japon ou sur son homologue BETHSY en France, moyennant des apports en nature, en codes de calcul ou en matière grise. Ce type de partage de frais s'est déjà produit pour le programme 3D REFLOOD d'étude des effets tri-dimensionnels en cas d'accident de dépressurisation (USA-Japon-RFA), pour lequel ces deux derniers pays ont dû construire des dispositifs expérimentaux à l'échelle 1, extrêmement coûteux, l'apport américain se limitant à l'instrumentation et à des codes de calcul.
     Un autre organisme très actif dans la recherche en sûreté des réacteurs à eau est l'Electric Power Research Institute (EPRI) qui regroupe les compagnies d'électricité.
     Dans le domaine des surgénérateurs, la recherche et le développement en sûreté, prise en charge par le Ministère de l'Energie (DOE) pour l'essentiel et par l'USNRC pour le reste, demeuraient, jusqu'à ces derniers temps, à un niveau très élevé qui n'était plus très cohérent avec la situation actuelle de cette filière aux USA. L'abandon du projet de Clinch River a porté un coup sévère au programme et l'USNRC, pour sa part, a renoncé à ses activités de recherche.
     R.F.A. Les programmes de la République Fédérale d'Allemagne constituent aussi, dans certains domaines, une solide référence. C'est le cas par exemple du comportement du combustible des réacteurs à eau en situation accidentelle, exploré depuis fort longtemps dans les laboratoires de Karlsruhe. 

p.9

     Les Allemands se sont lancés dès 1972 dans l'étude de la fusion du coeur, étude suscitée par des demandes ou requêtes de parlementaires ou d'associations diverses, et liées à des projets d'implantation de réacteurs dans des zones très peuplées. L'influence de ces pressions sur la politique nucléaire et les programmes de recherche, est une des caractéristiques de la situation allemande. Il en est résulté plusieurs expériences démonstratives très coûteuses. (NDLR souligné par nous. En France une telle démarche est strictement impensable compte tenu de la démission du pouvoir politique vis-à-vis des nucléocrates du CEA, de l'EdF et de l'indifférence absolue de ceux-ci vis-à-vis de l'opinion publique et même de la législation. Rappelons que c'est l'absence totale de débat démocratique sur l'énergie nucléaire qui est à l'origine du GSIEN et la motivation de notre activité).
     La RFA dispose aujourd'hui d'importantes installations expérimentales financées par le Ministère de la Recherche (BMFT) dans les domaines de la thermohydraulique (UPTF pour l'accident de perte de réfrigérant, LOBI et PKL comme boucles système), des effets mécaniques des accidents (maquette à l'échelle 1/4 de la centrale de BIBLIS, utilisation du réacteur désaffecté HDR) et des accidents sévères (CORA dans le domaine des coeurs sévèrement dégradés, BETA pour étudier l'interaction d'un coeur en fusion avec le radier et le béton, DEMONA pour l'étude des phénomènes d'enceinte).
     La R & D en sûreté des surgénérateurs est réalisée sous les auspices du gouvernement fédéral, via le PROJET COMBUSTIBLE NEUTRONS RAPIDES qui gère des contrats de recherche dans différents instituts (dont celui de Karlsruhe). Les principaux outils sont l'enceinte de 220 m3 FAUNA pour l'étude des feux de sodium, diverses installations pour les études de thermohydraulique sodium et d'interaction sodium-béton, ainsi que le réacteur d'irradiations et d'essais KNK 2 pour partie.
     Japon : Le JAERI, principal organisme gouvernemental pour la recherche en sûreté des réacteurs à eau, a progressivement assimilé les apports extérieurs et s'est équipé d'installations de grande valeur. Des résultats intéressants ont été obtenus, dans le réacteur expérimental NSRR, sur la réponse du combustible en cas d'accident de réactivité; des essais de fouettement de tuyauteries ont été réalisés à grande échelle, mais l'apport le plus notable des japonais consiste en deux outils de recherche développés dans le cadre de coopérations: l'un est constitué par l'installation SCTF~CCTF*, volet expérimental très important de l'étude en tridimensionnel de l'accident de perte de réfrigérant par grosse brèche, en collaboration avec la RFA et les USA. L'autre est la Boucle Système LSTF** de ROSA IV, pour l'étude des petites brèches et des transitoires anormaux.
     La recherche en sûreté des réacteurs rapides, considérée comme support aux projets, est confiée essentiellement à PNC (Société pour le Développement des réacteurs de puissance et du combustible nucléaire).
     La recherche relative à la sûreté du cycle du combustible est partagée entre le JAERI, PNC et l'industrie privée et financée par la Science and Technology Agency (STA). On doit noter l'intention du JAERI d'obtenir les meilleurs acquis des technologies étrangères (USA, France...) pour réaliser un centre expérimental de criticité.
     Grande-Bretagne : L'UKAEA conduit des études de sûreté sur les réacteurs à eau, les réacteurs à neutrons rapides et les réacteurs à gaz. 
suite:
Ce qui caractérise ces recherches, c'est plus la haute qualité des analyses théoriques et des modèles physiques mis au point, que l'ampleur des expériences.
     Pour les réacteurs à eau, la recherche est fortement motivée par l'analyse de sûreté du projet de centrale de SIZEWELL (boucles REFLEX, THETIS, TITAN pour la thermohydraulique, MERLIN pour le comportement du combustible).
     Pour les réacteurs à neutrons rapides l'UKAEA a accumulé des connaissances notamment sur les conséquences d'une excursion de puissance, grâce à plusieurs expériences dans les installations de Winfrith.
     Un important effort se poursuit dans le réacteur VIPER pour déterminer l'émission de gaz par du combustible soumis à une excursion brutale de puissance. L'installation CMR de Winfrith a également fourni des données pour valider les codes donnant la réponse des cuves en cas d'accident.
     Autre pays: L'Italie, la Suède, le Canada sont engagés dans des recherches de sûreté, mais avec un champ d'action plus limité en général.
     L'ENEA-DISP, organisme de recherche italien, conduit des études de sûreté dans plusieurs domaines des réacteurs à eau et notamment projette de mettre en service une petite boucle système du type BETHSY. Il poursuit l'étude d'un projet «intrinsèquement sûr» de réacteurs à eau. Pour les surgénérateurs, indépendamment de sa participation aux programmes français ESMERALDA et prochainement de SCARABEE, l'Italie prévoit de mettre en service, en 1992, le réacteur PEC susceptible de réaliser des essais de sûreté.
     En Suède, l'horizon de la recherche est limité depuis le referendum de 1981 qui a eu pour résultat d'annuler le programme d'équipement nucléaire au-delà de la douzaine de centrales en service ou déjà engagées. En plus de la contribution à quelques programmes communs aux pays nordiques, notamment sur les problèmes d'interface homme-installation, les suédois ont mené à bien les études et recherches sur deux idées originales. La première concerne un évent-filtration d'enceinte de confinement, à travers une tour remplie de graviers, à mettre en oeuvre en cas d'accident sévère de réacteur à eau et dont le prototype devrait être installé prochainement à Barseback (PROJET FILTRA). La deuxième concerne un type de réacteur «intrinsèquement sûr» qui semble intéresser les américains (PIUS-SECURE).
     Le Canada mène activement des études de sûreté relatives à leur filière nationale de réacteurs à eau lourde, mais il souffre d'un relatif isolement, en raison même de cette spécificité, au sein d'une communauté nucléaire occidentale vouée principalement à la filière eau légère. Tout comme les suédois, les canadiens s'efforcent de mettre sur pied des programmes de recherche multinationaux qui permettraient de rentabiliser des installations désaffectées (réacteur NRU au Canada, réacteur désaffecté de MARVIKEN en Suède, etc...).
     Il faut aussi citer l'Inde, qui dispose de certaines capacités, et les pays de l'Est. On ne dispose malheureusement pour ces derniers que d'informations fragmentaires, mais tout porte à croire que l'approche de sûreté qui était fondamentalement différente de l'approche occidentale au départ, s'en rapproche progressivement et pourrait conduire à une R & D de sûreté assez proche quoique adaptée aux réacteurs de ces pays.

* Slab core test facility, cylindrical core test facility
** Large Systems Test Facility
p.10

111.1.2. Efforts budgétaires
     Il est difficile de cerner de façon homogène et cohérente, pour les pays cités, la part de recherche qui relève de la sûreté et de la distinguer de celle qui s'apparente au développement des technologies nucléaires.
     Afin de permettre néanmoins une certaine appréciation des efforts budgétaires consentis, le parti suivant a été adopté: on se limitera à la comparaison des dépenses globales des organismes officiels des principaux pays, à l'ordre de grandeur des budgets moyens de ces dernières années (les fluctuations n'étant pas toujours très significatives), à la mention de la tendance d'évolution actuellement perçue; enfin on indiquera la répartition déclarée ou estimée entre réacteurs à eau, réacteurs à neutrons rapides et le reste (incluant les autres types de réacteurs, le cycle du combustible, et quelquefois des «études générales»).
     On aboutit ainsi au tableau I ci-après qui est à considérer, compte tenu de ces réserves, avec beaucoup de prudence. En particulier, du fait de la limitation aux organismes désignés, les chiffres ne donnent pas forcément l'image de l'effort réalisé dans l'ensemble de chacun des pays. De plus, la variation importante des taux de change au cours de ces dernières années peut fausser les comparaisons. Enfin des ajustements approximatifs ont dû être effectués dans certains cas quand les budgets sont donnés
hors frais de main d'oeuvre et de support général, les chiffres retenus étant censés englober ces postes.
     Les sources proviennent soit de publications concernant des budgets gouvernementaux récents (généralement globaux mais pas toujours complets sur la ligne «sûreté») ou des sommes dépensées par des centres de recherche, soit sur des chiffres partiels communiqués par l'Agence Internationale de l'Energie. Des interprétations et recoupements ont été faits pour les Etats-Unis, l'Allemagne Fédérale et le Japon, avec l'aide des attachés nucléaires.
suite:
     Les chiffres ainsi obtenus peuvent être comparés à ceux estimés par l'USNRC en 1981 (NUREO/CR 1040) et récemment cités par cet organisme avec un commentaire qui insiste sur l'ampleur des incertitudes dues notamment à l'absence de distinction entre les recherches liées à l'évaluation de sûreté et celles liées au développement des filières de réacteurs:

Evaluation NRC (Sûreté REP uniqnement)
Chiffres en Millions de dollars (fonds publics)

France: 30,  R.F.A.: 102, Japon:139, Italie: 53, GB.: 50, Canada: l1, Suède: l1.

     On constate ci-dessous que les chiffres américains sont probablement surestimés mais ceci donne une mesure de l'incertitude qui s'attache à ce genre de comparaisons. (NDLR : La France consacre moins d'argent à la sûreté que l'Italie!).

Tableau I
Ordre de grandeur des budgets annuels récents (M.O. et autres charges comprises) des principaux organismes pourvoyeurs de fonds, en matière de R & D de sûreté nucléaire (réacteurs,

cycle du combustible), des principaux pays industriels occidentaux
p.11

A propos de Cattenom
Extraits du rapport d'activité 1982 du
Service Central de Sûreté des Installations
Nucléaires (page 35 et 36)

B.2.2. Anomalies d'étude
B.2.2.1. Anomalie sur la masse d'eau primaire contenue dans le coeur
     Une révision des calculs de la pression maximale d'accident dans l'enceinte de confinement des tranches nucléaires à eau pressurisée de 1.300 MWe a fait apparaître une sous-estimation de la masse initiale d'eau primaire vaporisée en cas d'accident. Cette sous-estimation conduisait à une diminution des marges de pression disponibles en cas d'accident de rupture de tuyauterie dans l'enceinte de confinement. Electricité de France a donc décidé de surélever les enceintes des tranches du train «P'4» dont la première tranche est construite à CATTENOM, d'une hauteur de 1,60 m, afin d'augmenter la marge prise dès la conception vis-à-vis de cette pression. Les caractéristiques différentes des tranches du train «P4» (PALUEL, FLAMANVILLE, SAINT-ALBAN) font que la diminution des marges disponibles ne pose pas de problème.
     Cette élévation de hauteur rendait nécessaire la reprise de certains calculs.
     Les structures des enceintes de confinement des tranches nucléaires sont, en effet, conçues pour résister à un accident hypothétique conventionnel consistant en une rupture complète de la plus grosse tuyauterie primaire. Cet accident majorant de toutes les situations accidentelles plausibles sur le circuit primaire, est de plus combiné avec le séisme maximal du site survenant au même instant, ce qui renforce son caractère hypothétique. C'est dans ce cadre que de nouveaux calculs des efforts subis par les structures dans ces situations accidentelles très hypothétiques ont été effectués en raison de la donnée nouvelle que constituait la surélévation des enceintes des tranches du train «P'4».
     Les contraintes ainsi calculées restent néanmoins en deça des critères de conception pour les tranches autres que les tranches 1 et 2 de la centrale de CATTENOM.
     Pour le site de CATTENOM, une réévaluation du séisme maximal à prendre en compte est intervenue en 1979, après le début des travaux sur les tranches 1 et 2 de cette centrale. La surélévation de l'enceinte et cette donnée supplémentaire propre à ces deux tranches ont pour conséquence que les nouveaux calculs effectués montrent que les efforts subis par les structures en cas d'accident hypothétique dépassent légèrement les critères de conception, mais que ce dépassement ne se produit que dans certaines zones localisées en partie basse de l'enceinte.

suite:
     En conséquence, pour les tranches 1 et 2 de la centrale de CATTENOM, il pourrait apparaître, dans le seul cas conventionnel et hautement hypothétique décrit ci-dessus, quelques défauts dans certaines zones très localisées telles que le parement de la galerie de précontrainte. Ces défauts ne remettent en cause ni la fonction d'étanchéité et de confinement de l'enceinte ni, a fortiori, sa tenue générale bien entendu, ils n'apparaissent dans aucune autre situation accidentelle considérée comme plausible.
     Cette anomalie et ses conséquences ont été examinées par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques, en particulier par le groupe permanent chargé des réacteurs, qui ont conclu à son innocuité.

B.2.2.2. Anomalie dans les méthodes de calcul
     Une deuxième anomalie est apparue dans les méthodes de calcul utilisées pour l'étude du comportement du puits de cuve et des structures internes à la cuve des réacteurs nucléaires à eau pressurisée. Cette anomalie a pour conséquence une sous-estimation des efforts subis par ces structures dans le cas du même accident hypothétique décrit à propos de la première anomalie.
     L'anomalie affecte, a priori, l'ensemble des tranches comportant un réacteur à eau sous pression. Néanmoins, il ressort des vérifications de l'exploitant que les calculs faits avec la méthode révisée ne montrent aucune augmentation significative de ces efforts sur les tranches de 900 MWe.
     Electricité de France constitue depuis la découverte de cette deuxième anomalie un dossier visant à justifier le bon comportement du puits de cuve et des structures internes à la cuve pour les tranches de 1.300 MWe. Les éléments déjà reçus sont en cours d'examen par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques.
     Compte tenu des règles de calcul utilisées pour la conception des tranches du train «P4» constitué des centrales nucléaires de PALUEL, FLAMANVILLE et SAINT-ALBAN, le bon comportement des installations a pu être montré avec des hypothèses simplifiées, malgré l'augmentation des efforts constatée. Des vérifications plus précises sont nécessaires pour les tranches du train «P'4». Electricité de France a d'ores et déjà fait renforcer les puits de cuve des tranches de ce train autres que celles des tranches 1 et 2 de la centrale nucléaire de CATTENOM. Il a, en outre, envisagé des mesures correctives pour ces deux dernières tranches dans le cas où il ne pourrait apporter les justifications du bon comportement des installations à l'issue des essais prévus sur une maquette spécialement conçue à cette fin.
     Le traitement de la première anomalie est considérée comme soldé au plan de la sûreté. L'instruction de la seconde n'est pas achevée, compte tenu des essais sur maquette en cours.

 p.12

Dossier présenté au Conseil Supérieur de Sûreté Nucléaire
Démarrage de la centrale nucléaire
de Creys-Malville

I. Autorisations de démarrage
     Le suivi du démarrage de la centrale nucléaire de Creys-Malville a donné lieu à un certain nombre d'autorisations délivrées par le ministère chargé de l'industrie ou par le chef du service central de sûreté des installations nucléaires.
     L'instruction des demandes correspondantes a été effectuée par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques. En particulier, l'examen du rapport provisoire de sûreté de la centrale nucléaire de Creys-Malville, dans le cadre des autorisations de chargement, de divergence et de montée en puissance du réacteur Superphénix, a donné lieu à une vingtaine de réunions du groupe permanent chargé des réacteurs nucléaires. Par ailleurs, depuis le début de la construction de la centrale nucléaire de Creys-Malville, plus de deux cents visites de surveillance, dont une cinquantaine depuis l'arrivée du combustible fissile dans le périmètre de l'installation, ont été effectuées sur le site ou dans les locaux de la société Nersa et de ses prestataires.
     A la suite de ces examens et visites, un grand nombre de demandes d'importance variée ont été adressées par le service central de sûreté des installations nucléaires à la société Nersa, dont cinquante environ devront avoir reçu réponse lors de l'examen par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques du rapport définitif de sûreté de la centrale nucléaire de Creys-Malville. En effet, les réponses correspondantes nécessitent que les essais de démarrage du réacteur soient terminés, ce qui devrait être le cas à la fin du premier semestre 1987. D'autre part, la plus grande partie des demandes précitées ont été liées à une autorisation de démarrage (chargement, palier de puissance...), l'autorisation correspondante n'étant accordée par le ministre chargé de l'industrie ou, dans certains cas, par le chef du service central de sûreté des installations nucléaires, qu'après réception et analyse des réponses de la société Nersa.
     Les autorités délivrées sont les suivantes
     19 mars 1984: Autorisation, par le ministre de l'industrie et de la recherche, de l'arrivée et du stockage à sec sur le site des assemblages de combustible fissile neufs, sur la base de l'analyse de la sûreté des locaux de stockage, notamment vis-à-vis du risque de criticité. Cette autorisation marque le début de la présence de matière fissile sur le site. Parallèlement, la protection physique de ces assemblages a été analysée et contrôlée par le service de protection et de contrôle des matières nucléaires du Haut Fonctionnaire de Défense du ministère de l'industrie et de la recherche.
     23 août 1984: Autorisation, par le chef du service central de sûreté des installations nucléaires, de mise en sodium du bloc réacteur. Cette opération ne concernait pas à proprement parler la sûreté nucléaire, mais était quasiment irréversible et interdisait toute modification ultérieure interne à la cuve du réacteur. C'est pourquoi elle a été retenue et est intervenue après analyse de la conception du bloc réacteur et à la suite d'un grand nombre de visites de surveillance axées sur la qualité de la réalisation des structures.
     7 janvier 1985: Autorisation, par le chef du service central de sûreté des installations nucléaires, de transfert des assemblages de combustible fissile neufs dans le barillet de stockage préalablement mis en sodium. Ceci sur la base de l'examen de la sûreté du barillet de stockage tant vis-à-vis de la criticité que pour ce qui concerne l'évacuation de la puissance résiduelle des futurs assemblages irradiés.

suite:
     19 juillet 1985: Autorisation, par le ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur, de chargement en réacteur des trois premiers lots d'assemblages de combustible fissile neufs (307 assemblages). Cette autorisation a été donnée à la suite de l'examen, par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques, notamment le groupe permanent chargé des réacteurs, du rapport provisoire de sûreté, des règles générales d'exploitation et d'un certain nombre de documents complémentaires.
     4 septembre 1985: Autorisation, par le ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur, de chargement complémentaire du réacteur (51 assemblages de combustible fissile neufs), de divergence et de fonctionnement à puissance réduite (limitée à 3 % de la puissance nominale du réacteur), comprenant la mise en service des générateurs de vapeur. Auparavant avaient été publiés au Journal officiel du 24 août 1985 les arrêtés du 6 août 1985 par lesquels le ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur, le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale et le ministre de l'environnement avaient autorisé les rejets des effluents gazeux et liquides de la centrale nucléaire de Creys-Malville.
     20 décembre 1985: Autorisation, par le ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur, de montée en puissance du réacteur jusqu'à 30% de sa puissance nominale, après analyse des essais neutroniques à puissance réduite et des essais de mise en eau des générateurs de vapeur.
     28 février 1986: Autorisation, par le chef du service central de sûreté des installations nucléaires, de montée en puissance du réacteur jusqu'à 60% de sa puissance nominale. Cette autorisation a été liée à la fourniture, par la société Nersa, d'un certain nombre de dossiers relatifs à l'évacuation de la puissance résiduelle.
     14 octobre 1986: Autorisation, par le chef du service central de sûreté des installations nucléaires, de montée en puissance du réacteur jusqu'à 90% de sa puissance nominale, après analyse dçs essais de montée en température et en puissance jusqu'à 50% de la puissance nominale comprenant notamment, outre le suivi des paramètres physiques, des essais des systèmes de détection et de localisation de rupture de gaine.
     Le dépassement de 90% de la puissance nominale du réacteur (prévu à la fin de l'année 1986) est soumis à autorisation ministérielle, après examen, par le service central de sûreté des installations nucléaires et ses appuis techniques, d'un premier bilan des essais de démarrage de l'installation.
     Par ailleurs, compte tenu de l'état d'avancement des essais de démarrage de la centrale nucléaire de Creys-Malville, la société Nersa n'a pas été en mesure de tirer des essais tous les enseignements possibles et de les présenter dans le rapport définitif de sûreté à la date prévue, soit le 28 juillet 1986 (dix ans moins dix mois à compter de la publication au Journal officiel du décret d'autorisation de création).
     C'est pourquoi, à la demande de la société Nersa, le délai de remise du rapport définitif de sûreté a été prolongé de deux ans, par décret du 25 juillet 1986 du Premier ministre, sur rapport du ministre de l'industrie, des P & T et du tourisme. Ce décret a été signé après avis de la commission interministérielle des installations nucléaires de base du 14 avril 1986 et avis conforme du ministre délégué chargé de la santé et de la famille en date du 24 juin 1986.
     Le chef du service central de sûreté des installations nucléaires a en outre demandé que la société Nersa transmette une version révisée du rapport provisoire de sûreté incluant les modifications réalisées sur l'installation ainsi que les éléments issus des essais de démarrage déjà réalisés. Ce rapport est actuellement en cours d'édition.
p.13

II. Principaux problèmes rencontrés

     Au cours des essais de démarrage de la centrale nucléaire de Creys-Malville, un certain nombre de problèmes techniques intéressant la sûreté de l'installation ont été rencontrés. Il s'agit notamment du comportement vibratoire des structures internes du bloc réacteur, de la chute du module d'inspection des réacteurs à neutrons rapides (MIR) dans l'espace entre cuve principale et cuve de sécurité, de l'échauffement anormal d'un assemblage lors de la montée en puissance et de l'encrassement des échangeurs de chaleur des groupes électrogènes de secours. De plus, un nombre relativement important d'arrêts rapides ou d'urgence ont été initiés par les systèmes de protection. Enfin, des fluctuations de température ont été mesurées dans le sodium à la sortie du coeur.
     1. Des vibrations inattendues ont été observées lors des essais en sodium à 180o C (décembre 1984), avant chargement des assemblages de combustible fissile neufs. Les mouvements observés pouvant être préjudiciables à la tenue des structures internes de la cuve, une analyse du phénomène et des essais supplémentaires, notamment sur maquettes, ont été entrepris. Cette anomalie a été corrigée en modifiant la répartition des débits à l'intérieur du circuit primaire par le remplacement en mai 1985 de dix neuf assemblages réflecteurs en acier et diluant par des assemblages du même type mais présentant une perte de charge moindre en pied. Les essais réalisés après le chargement du réacteur avec les assemblages combustibles du coeur de démarrage ont confirmé le bien-fondé de ces mesures, sous réserve toutefois de la mise en place, prévue avant la fin de l'année 1986, de deux assemblages acier à grosse fuite supplémentaires, en remplacement d'assemblages acier standard, afin que la hauteur de chute au déversoir soit indépendante de la vitesse des pompes primaires.
     2. En mars 1985, à la suite d'une défaillance du treuil de manutention, le module d'inspection du réacteur à neutrons rapides (MIR) a chuté dans l'espace entre cuve principale et cuve de sécurité dans lequel il avait été introduit dans le cadre des mesures complémentaires liées à l'analyse de l'anomalie de comportement vibratoire des structures internes. Il a pu être extrait de cet espace mais, néanmoins, une faible quantité (inférieure à 10cm3) de matériau composite est restée sur la cuve de sécurité. Les études entreprises ont montré que ce matériau, compte tenu de la faible quantité déposée, ne présente pas de danger pour l'acier des cuves.
     3. Lors du début de la montée en puissance du réacteur (janvier 1986), l'exploitant a constaté qu'un assemblage s'échauffait plus que ses voisins. L'enquête menée a conduit à supposer qu'un bouchon de caoutchouc avait été oublié dans le pied de cet assemblage lors de son montage. L'assemblage a été immédiatement retiré du réacteur et a été examiné en juin 1986 dans les locaux d'évacuation des assemblages irradiés. 

suite:
Cet examen a permis de visualiser par endoscopie l'intérieur du pied de l'assemblage et de prélever des échantillons des produits déposés, dont l'analyse chimique a confirmé l'hypothèse de l'oubli d'un bouchon de caoutchouc. L'assemblage a été remis dans le barillet de stockage après que son pied ait été équipé d'une crépine destinée à éviter une éventuelle pollution du sodium par mise en circulation des restes du bouchon.
     4. A deux reprises, en août 1985 et en mai 1986, les essais des groupes électrogènes de secours à puissance nominale sur banc de charge ont conduit à l'arrêt de deux d'entre eux du fait de l'échauffement anormal des circuits d'eau de refroidissement de leur moteur diesel. Les investigations menées ont permis de constater un encrassement des échangeurs de chaleur de ce circuit du côté où circule l'eau filtrée du Rhône. Afin de prévenir un nouvel encrassement qui, s'il se produisait simultanément sur les échangeurs de chaleur des quatre groupes électrogènes de secours, entrainerait la perte des alimentations électriques internes de puissance, un nettoyage de ces échangeurs a lieu dorénavant tous les trois mois. Après analyse plus approfondie des causes de cet encrassement, d'autres mesures visant à le prévenir, voire à le supprimer, devront être prises par l'exploitant.
     5. Les essais de démarrage de la centrale nucléaire de Creys-Malville ont été perturbés, à ce jour, par une trentaine d'arrêts rapides ou d'urgence. Beaucoup d'entre eux peuvent être qualifiés d'intempestifs, c'est-à-dire qu'ils ne correspondent pas au dépassement physique d'un seuil de sécurité. Parmi les causes de ces arrêts, on peut notamment citer des fausses manoeuvres sur les matériels concernés, la sensibilité de certaines chaînes de mesures aux parasites, ainsi que les opérations de mise au point de la régulation des circuits eau-vapeur. Enfin, à trois reprises, en août et septembre 1986, une ou deux barres du système d'arrêt complémentaire ont chuté dans le réacteur, provoquant l'arrêt d'urgence par le poste «réactivité négative». Ces incidents proviennent de défaillances de contacteurs dus à leurs sollicitations trop fréquentes par la séquence de test de l'arrêt d'urgence no2. Ces contacteurs ont été remplacés et la logique du test améliorée.
     6. Au cours des essais de montée en puissance, les fluctuations mesurées de la température de sodium en sortie des assemblages fissiles périphériques et des assemblages fertiles ont atteint des valeurs notablement supérieures à celles attendues. En particulier, un arrêt d'urgence a eu lieu le 6 avril 1986, sur «température élevée du sodium en sortie d'un assemblage fertile». L'origine de ces fluctuations, est attribuée à des phénomènes dus au mélange de jets de sodium en sortie des têtes d'assemblages et à la recirculation du sodium dans le collecteur chaud. Afin de poursuivre la montée en puissance du réacteur jusqu'à 90% de sa puissance nominale en limitant le risque d'arrêt d'urgence intempestif, sans aliéner la protection du réacteur, l'exploitant a modifié provisoirement, après avoir reçu l'accord du service central de sûreté des installations nucléaires, le traitement des mesures de température du sodium en sortie des assemblages.
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