La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°48/49
LA FACE CACHEE DE L'INFORMATION
ANNEXE 1

RUPTURE DE BROCHES DE TUBES GUIDES DE BARRES DE CONTROLE
1. CIRCONSTANCES DES INCIDENTS
     Le premier incident a eu lieu au Japon, sur la tranche de MIHAMA 3, en septembre 1978: la partie supérieure rompue d'une broche (fig. 2 de l'annexe) était trouvée dans la boîte à eau d'un générateur de vapeur. Les investigations sur cette tranche montrèrent que d'autres broches étaient fissurées en partie supérieure.
     Depuis, des fissures ont été détectées sur des broches de quatre autres tranches japonaises, en partie supérieure ou inférieure.
     En France, le premier incident a eu lieu le 12 janvier 1982 sur GRAVELINES 1: au cours d'essais périodiques sur le circuit d'injection de sécurité, à la fin de l'arrêt pour rechargement en combustible, un clapet aval d'un accumulateur de ce circuit s'est révélé inétanche. Le démontage du clapet a montré qu'un morceau d'une broche empêchait sa fermeture.
     Le second incident français eut lieu sur FEISSENHEIM 1, à mi-mars 1982: un bruit anormal persistant dans la boîte à eau du GV n°3 conduit à l'arrêt de la tranche. La pièce errante était un écrou de broche. Une broche est probablement rompue, tandis que la boîte à eau du GV est sérieusement endommagée.
     En juillet, on apprenait la première rupture de broche sur une tranche américaine NORTH ANNA.
     Enfin, deux autres tranches françaises se montraient touchées durant l'été. Sur BUGEY 2, en juillet, durant le redémarrage après l'arrêt pour rechargement en combustible, une rupture du même type qu'à FESSENHEIM a eu lieu. La tige filetée et l'écrou ont été retrouvés. Sur BUGEY 4, en septembre, l'examen télévisuel signalait une rupture du même type. La partie rompue était proche de son emplacement normal.
     Ces broches fendues doivent pouvoir glisser dans la plaque supérieure du coeur afin de permettre un déplacement vertical dû à la dilatation des tubes guides de grappe.
     Ces petites piècs de 11 cm de long sont soumises à des vibrations intenses dues au flux de réfrigérant primaire qui passe à travers les tubes guides.
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2. CONSÉQUENCES POTENTIELLES SUR LA SURETÉ
     Conséquence possible de la migration de la pièce rompue: 
· La partie supérieure de la broche, ou son écrou seul, de taille et de masse suffisantes, peuvent endonunager le revêtement interne de la boîte à eau GV, ainsi que ses soudures, d'où risque de corrosion à moyen terme.
· Une lame rompue de la pince de broche, ou encore la barrette ou le chapeau d'arrêt de l'écrou, de plus petites tailles, peuvent empêcher le bon fonctionnement d'un organe (robinetterie primaire) ou la chute d'une barre de contrôle. 
 Conséquences du mauvais maintien du tube-guide : 
 Si la rupture de la partie supérieure ne semble pas gêner à moyen terme le bon guidage du tube-guide, celle de la partie inférieure peut détériorer la plaque supérieure de cœur et bloquer le mouvement de la grappe de contrôle dans un délai inconnu qui peut être très court. 
Le risque est donc, à court terme, celui de l'amorce ou de l'aggravation d'une séquence accidentelle difficile à maitriser et plus probable qu'il n'est admis par les règles de conception.

3. ACTIONS PRÉVENTIVES

3.1 Point des actions préventives au Japon et aux USA
3.1.1. Actions immédiates:
 Au JAPON, dès le premier incident, un contrôle aux ultra-sons de toutes les broches a été opéré dans les cinq mois sur la tranche concernée.

suite:
Depuis, toutes les broches de chaque tranche sont contrôlées aux ultra-sons lors de chaque arrêt pour rechargement. Toutes les broches ont été remplacées par des broches améliorées sur les tranches japonaises où les contrôles ont signalé des anomalies multiples. Enfin, les Japonais n'ont jamais exploité une tranche comportant une broche rompue. 
     Début 1980, WESTINGHOUSE demandait aux exploitants des tranches les plus concernées l'autorisation d'examiner leurs broches aux ultra-sons lors du prochain arrêt. L'appareil de contrôle est depuis lors disponible pour des prestations de service en France.

3.1.2. Amélioration des broches:
     Au JAPON et chez WESTINGHOUSE, les traitements thermiques des broches à la fabrication ont été modifiés pour améliorer leur résistance à la corrosion sous tension.  Le JAPON  y ajoute un traitement mécanique de la surface de l'arrondi de raccordement de la partie supérieure.
     La géométrie de la partie supérieure, comme des bornes flexibles a été modifiée sur les broches japonaises.
     Le serrage de l'écrou et la déformation de la «pince» avant montage ont été réduits.


1. Le contrôle par en-dessous permet de détecter une rupture de la partie supérieure.
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3.1.3. Surveillance et réparation:
· Les Japonais affirment que leurs détecteurs acoustiques devraient permettre de détecter des corps migrants de 25 grammes.
· Au JAPON, chaque site dispose d'un outillage et de procédures permettant le remplacement des broches.

     3.2. Point des actionshn préventives en France
3.2.1. Actions immédiates:
     A GRAVELINES l, les autorités de sûreté se sont contentées d'un examen télévisuel par en-dessous puis par en-dessus de chacune des broches: elles ont autorisé, début juin, le redémarrage sans contrôle aux ultra-sons, ni même remplacement de la broche rompue!
     A FESSENHEIM l, l'exploitant recharchait encore dernièrement dans le circuit primaire la tige filetée rompue. Il n'envisage pas de remplacer le GV endommagé avant redémarrage. Deux tubes-guides devraient être remplacés après examen télévisuel: la rupture de la deuxième broche, apparemment intacte, lors de l'extraction du second tube-guide a fait exiger par l'autorité de sûreté le remplacement de l'ensemble des tubes-guides de la tranche par ceux d'une tranche de CHINON.
     A BUGEY 2 et BUGEY 4, l'ensemble des tubes-guides seront remplacés par des tubes-guides destinés à CHINON et CRUAS. L'objectif est le redémarrage des tranches avant le 15 décembre... Un appareillage permettant notamment de réduire l'irradiation du personnel, a été qualifié à cet effet sur une tranche non irradiée du Blayais.
     Sur FESSENHEIM et BUGEY, le remplacement des tubes-guides avec leurs broches est rendu nécessaire en l'absence d'appareillage permettant le remplacement des broches seules.
3.2.2. Surveillance et réparation:
      FRAMATOME a engagé, début 1980, la réalisation d'un appareil de contrôle aux ultra-sons. L'interprétation des signaux est difficile et le CONTROLE EST IMPOSSIBLE QUAND LE GRAIN DU METAL EST GROS.
     FRAMATOME met au point un outillage de remplacement des broches. Il serait opérationnel début 83.

     EDF a proposé aux autorités de sûreté un programme de surveillance de l'ensemble des tranches en fonctionnement:
· Il est procédé à des essais périodiques de manœuvrabilité des grappes et, lors du prochain arrêt pour rechargement de chacune, à un examen télévisuel de l'ensemble des broches. 
· Un filtre provisoire doit être installé à l'amont de la pompe du circuit de refroidissement du réac.teur à l'arrêt sur 14 tranches (TRICASTIN, FESSENHEIM et BUGEY 3, 4, 5 en étaient exclues avant la rupture sur BUGEY 4...). 
· Un dispositif de détection de vibrations anormales et transitoires (DE-VIAN) complète, sur les quatre tranches «concernées», le dispositif de détection acoustique de corps migrants. 
· EDF et le CEA entreprennent la mise au point d'une méthode acoustique pour contrôler l'existence éventuelle de fissures à l'occasion des arrêts de tranches pour rechargement. 
· Enfin, des dossiers justificatifs sont demandés à EDF par les Autorités de sûreté, notamment sur les risques encourus en cas de rupture de broche sur une tranche en fonctionnement.

3.2.3. Amélioration des broches
     Les nouvelles spécifications WESTINGHOUSE sont appliquées aux broches montées à partir de la 19ème tranche du contrat 900 MWe. EDF examinera ces spécifications pour tenir compte d'essais en cours chez FRAMATOME et EDF sur les traitements thermiques, ainsi que de certaines améliorations japonaises.
     L'examen des conditions d'approvisionnement, de fabrication et de montage des broches des tranches en fonctionnement a permis à EDF de les classer en huit familles différentes vis-à-vis du risque de rupture en service: sur trois tranches, dont FESSENHEIM l, le risque de rupture est le plus élevé, tandis que sur douze tranches le grain du métal des broches rend tout contrôle US impossible.
     Les broches ont été changées avant premières divergences sur CHINON B l et 2 et BLAYAIS 2.

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ANNEXE 2
 
 
LES BONNES PAGES ... DU PASSÉ

     Nous avons retrouvé un petit ouvrage intitulé: "Pour une autre politique nucléaire: Rapport du Comité Nucléaire, Environnement et Société du Parti Socialiste" (Flammarion, 1978).
     Cet ouvrage contient le rapport d'un groupe de travail créé à l'initiative du premier secrétaire du parti socialiste et constitué de personnalités scientifiques indépendantes du PS, qui se réunirent d'avril à décembre 1977.
     Une version préliminaire de ce rapport avait été remise officiellement au Parti socialiste le 10 novembre 1977.
     La préface, signée d'un certain irresponsable (à l'époque), nommé François Mitterrand, contient un passage fort intéressant:
     «Les analyses figurant dans les pages qui suivent sont au nombre de celles qui ont amené le Parti socialiste, en novembre dernier, à prendre position en faveur : 
· d'une interruption des commandes de centrales nucléaires pendant une période d'un an à dix-huit mois;
· d'un arrêt de tous les travaux d'implantation de réacteurs du type surégénérateur ; 
· de l'organisation d'un vaste débat national sur l'utilisation de l'énergie nucléaire». 
     C'est beau comme l'antique! 
· L'interruption des commandes s'est transformée en un gel de six mois qui n'a guère empêché les travaux de se poursuivre comme à Golfech, sous la protection de la police. 
· L'arrêt des surgénérateurs... en dehors de Rapsodie dont la cuve fissurée coûtait trop cher à réparer... la construction de Superphénix continue bon train. 
· Le vaste débat national s'est muté en une fiction où seule l'intox officielle eut droit de cité. Quant au débat politique, il fut totalement escamoté.
     Et pour conclure, nous dirons en parodiant Fernand Reynaud dans un sketch célèbre: «Dis, François, pourquoi qu'tu tousses?».

DERNIERE MINUTE
Extraits du bulletin de la sureté des installations nucléaires
numéro 29 - Oct. 82
1. PRODUCTION D'ELECTRICITE DES CENTRALES NUCLEAIRES
 
septembre
octobre
(en GWh)
1981
1982
1981
1982
Production nucléaire
7.976
 6.767
7.656 
6.186 
Production totale
19.126
 18.292
 22.079
 21.206
Part du nucléaire
41,7
 37,0
 34,7
 29,2
PRODUCTION CUMULEE DEPUIS LE DEBUT DE L'ANNEE
et EQUIVALENT PETROLE
 
1981
1982
Production nucléaire (GWh)
80.396
82.938
Equivalent pétrole (Mtep)
17,9
18,4
Mtep = million de tonnes équivalent pétrole

2. FONCTIONNEMENT

a) Fonctionnement de Chooz
     Le redémarrage de la centrale après son arrêt programmé pour travaux de maintenance et rechargement d'éléments combustibles a été autorisé le 14 septembre 1982. Cette autorisation s'est notamment appuyée sur l'avis formulé par la section permanente nucléaire de la commission centrale des appareils à pression après examen détaillé des études liées aux caractéristiques de la cuve après irradiation.
     Par ailleurs, par lettre en date du 25 août 1982, le chef du service central du sureté des installations nucléaires a fait part de son accord sur les dispositions complémentaires proposées en matière d'équipement du site de la centrale en installations météorologiques.
b) Etude de Chooz
     La section permanente nucléaire de la commission centrale des appareils à pression s'est réunie le 14 septembre 82, afin d'examiner les éléments complémentaires aux informations qui lui avaient été fournies à la précédente séance du 23 juin 1982 (cf. SN n°27) en ce qui concerne les contrôles effectués à la centrale nucléaire des Ardennes (Chooz) pendant l'arrêt sur les plaques tubulaires de générateur de vapeur et la tenue de la cuve de cette centrale sous irradiation. L'ordre du jour de cette réunion a également porté sur les conséquences de la détérioration d'un générateur de vapeur de la tranche 1 de la centrale nucléaire de Fessenheim par un corp migrant (partie d'un écrou de fixation d'une broche de centrage de tubes guides de grappe de contrôle).
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LA CENTRALE NUCLEAIRE DES ARDENNES (Chooz)

     Dans le cadre de l'étude des conséquences liées à l'existence d'éventuels défauts sous revêtement dus au réchauffagc dans certaines viroles de cuves, prenant notamment en considération la fragilisation sous irradiation de ces viroles et de leurs joints soudés (cf. bulletin SN n°28), un dossier a été établi pour la centrale nucléaire des Ardennes Ce dossier a fait l'objet de la part du service central de sûreté des installations nucléaires et de ses appuis techniques, d'une étude spécifique approfondie rendue nécessaire par l'aspect métallurgique particulier des joints soudés de la cuve et par le taux d'irradiation relativement important à ce jour. Il a été soumis à l'avis de la section permanente nucléaire de la commission centrale des appareils à pression, lors de la séance du 14 septembre 1982.
     L'étude présentée par l'exploitant a montré l'absence de risque pour la tenue de la cuve à moyen terme. Cette étude s'appuyait notamment sur la teneur en cuivre du joint soudé entre viroles, sur la fluence intégrée à ce jour dans cette zone, et sur les résultats des calculs de tenue de la cuve pour les sollicitations les plus pénalisantes.
     Compte tenu de l'avis de ses appuis techniques et des mesures conservatoires qui sont mises en œuvre (réchauffage de l'eau d'injection de sécurité) ou qui sont envisagées (protection du circuit primaire contre les surpressions à basse température par le pressuriseur), le chef du service central de sûreté des installations nucléaires a autorisé le redémarrage de l'installation et demandé, pour le 1er juillet 1983, la présentation des résultats des études menées sur la réévaluation des marges existantes pour la cuve.

3. A PROPOS DES SURGÉNÉRATEURS

LA MISE A L'ARRÊT DÉFINITIF DE RAPSODIE

      Rapsodie, le premier réacteur expérimental français à neutrons rapides refroidi au sodium liquide en service au centre d'études nucléaires de Cadarache depuis 1967, doit être définitivement arrêté. Son fonctionnement était interrompu depuis janvier 1982 en raison d'un défaut apparu sur la double enveloppe entourant la cuve principale contenant le cœur du réacteur (voir Bulletin SN n°25).
     Cette décision du commissariat à l'énergie atomique d'arrêter définitivement Rapsodie a éte prise à la suite d'études détaillées des modalités, délais et coûts de la réparation du défaut précité. Cette réparation est techniquement possible mais s'avère cependant compliquée longue et coûteuse De plus, le réacteur est relativement âgé (plus de 15 ans de fonctionnement) et il a d'ores et déjà rempli les objectifs qui lui étaient assignés.
     Rapsodie, première étape importantc du développement de la filière des réacteurs surgénérateurs en France, dont la puissance thermique initiale de 24 mégawatts sans production d'électricité) a été portée à 40 mégawatts en 1970, a en effet été conçu au début des années 1960 dans les buts suivants:
     - démontrer à une échelle expérimentale significative le concept, la sûreté et la stabilité de fonctionnement d'un réacteur rapide,
     - éprouver les principaux composants en sodium,
     - mettre au point et qualifier les combustibles de la filière.
     Après le démarrage de Phénix, réacteur de démonstration de production d'électriclté de 250 MWe situé à Marcoule, Rapsodie a principalement été utilisé pour l'expérimentation intensive des combustibles tant pour l'exploration des limites de fonctionnement que pour les essais de nouvelles conceptions permettant des taux de combustion élevés.
     Tout sera mis en œuvre pour que les opérations qui précèderont et qui accompagneront le démantèlement du reacteur soient riches d'enseignements, aussi bien pour la sûreté que pour la connaissance du comportement de composants qui ont fonctionné 15 ans dans les conditions d'un réacteur à neutrons rapides.

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