La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°14 
40 questions pour les élections législatives

4. LE CONTEXTE INTERNATIONAL
 · Indépendance énergétique de la France?
     «La France est le plus dépendant des pays industriels comparables. Notre dépendance énergétique est de l'ordre de 75%, celle des États-Unis de 25%... En 1985, l'énergie nucléaire ne participera qu'à hauteur de 20 à 25% à la satisfaction de nos besoins en énergie. A cette époque, nos importations de pétrole devraient être inférieures à leur niveau actuel, et notre taux de dépendance à l'égard de l'étranger serait ainsi ramené en dessous de 65%» (R. Monory, Ministre de l'Industrie, à la chambre des Députés, 15 novembre 1977).
     Comme le dit M. Monory, le plan énergétique français vise à relacher notre dépendance par rapport aux pays exportateurs de pétrole. Mais quels pays produisent l'uranium?
     Les fidèles lecteurs de la Gazette se reporteront au N°3. Rappelons cependant que Australie, Afrique du Sud, États-Unis, Canada se partagent le gros des stocks(6)(7)(8). Bien sûr l'Europe, et la France en particulier, pense à s'approvisionner aussi en Afrique (Gabon-Niger, République(?) Centre-Africaine). Avec les conséquences que cela entraîne pour s'assurer de la fourniture!
     Par ailleurs, le choix pour la France des centrales à eau légère oblige à disposer d'uranium enrichi qui ne peut provenir actuellement que des États-Unis ou d'URSS. On nous annonce cependant que, grâce à l'usine d'Eurodif, nous deviendrons indépendant dans quelques années. Or que lit-on dans ce fameux rapport Schloesing (encart 1):
     «Une telle entreprise est toutefois très onéreuse et le coût des installations est actuellement évalué à 13 milliards de francs, compte non tenu des intérêts intercalaires et du prix des centrales destinées à alimenter l'usine. (...) Pour rassembler de tels capitaux la France a fait appel à des concours extérieurs. (...) faute d'accord avec son partenaire iranien, la France n'est plus en mesure d'imposer ses vues dans Eurodif. La participation consolidée du CEA dans Eurodif n'atteint que 42,8%. On ne peut que s'inquiéter à l'idée que les partenaires pourraient ne pas s'entendre(9)».

6. Pays de l'Est et Chine exclus.
7. Ainsi que l'a imagé M. Boiteux, il s'agit de pays industrialisés de race blanche et de religion protestante. Peut-on croire que cela soit la garantie qu'un cartel ne puisse se constituer?
8. Directement ou par ses filiales, la Société transnationale Rio-Tinto-Zinc contrôlerait une grande partie de la production d'uranium dans le monde.
9. Oh qu'en termes galants ces choses là sont dites!
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 · Nucléaire et politique étrangère
     La stratégie de la France en matière de nucléaire civil apparaît comme un élément dans le jeu de plusieurs impérialismes qui se relaient et tantôt par accords dûment signés, tantôt dans une tension durement conflictuelle, se répartissent les assurances d'approvisionnement, l'assistance technique et les zones d'influence dans le monde. La politique de la France s'articule donc à celle de la puissance occidentale doininante, les États-Unis, mais elle entretient aussi des rapports quasi autonomes avec des pays comme l'Afrique du Sud et l'Iran; enfin, la France est de plus en plus ouvertement en compétition, en Europe, avec l'AIlemagne Fédérale. Examinons ces trois horizons de la politique énergétique française.
     1. Aux Etats-Unis, l'élément nouveau récent est constitué par le plan Carter sur l'énergie
     Le plan Carter, présenté par le Président au Congrès le 20 avril 1977, cherche à rééquilibrer la consommation d'énergie aux États-Unis. D'une part, le prix des hydrocarbures sera relevé au niveau international, afin de limiter la consommation, donc les importations. D'autre part, le plan propose d'arrêter le développement des surgénérateurs et le retraitement, et ces propositions sont présentées dans une perspective humanitaire, celle de lutter contre la prolifération de plutonium. La production de charbon sera accrue aux États-Unis et un vaste appel aux économies d'énergie est lancé.
     Cette politique présente à l'évidence des caractéristiques novatrices et intéressantes et suscite d'ailleurs des oppositions résolues de la part d'un certain nombre de lobbies et du Sénat américain. Son interprétation pose cependant des questions: en effet, les États-Unis ont, beaucoup plus que les pays européens, accès à des sources d'énergie diversifiées sur leur propre territoire. La renonciation à une technologic nucléaire avancée, celle précisément à laquelle la France cheville le succès de son propre plan énergétique, laisse penser ou bien qu'il y a des difficultés énormes à maîtriser la technique des surgénérateurs et que la recherche américaine ne les surmonte pas, ou bien que le plan est une voie, provisoire ou définitive, par laquelle les États-Unis entendent conserver la maîtrise de l'armement nucléaire en bloquant autant que faire se peut la dissémination du plutonium.
     2. Ainsi que nous l'avons vu plus haut, la France entretient des relations privilégiées avec l'Afrique du Sud et l'Iran(10)
     Ces relations, que l'on présente comme purement commerciales, impliquent des états où, est-ce étrange, la concentration du pouvoir économique et du pouvoir politique que requiert le développement de l'énergie nucléaire, est non seulement possible, mais bien réalisée.
     Pour ces pays le mot démocratie n'est qu'un terme vide de sens, et ils ont, de plus, des vues hégémoniques sur leurs voisins. De beaux accords garantissent en principe que les centrales seront bâties à des fins purement pacifiques, et que le plutonium issu du retraitement ne retournera pas dans les pays clients. Mais que vaudront ces accords, lorsque les dits pays seront devenus autosuffisants, depuis la production du minerai d'uranium jusqu'au retraitement et à la production du plutonium?
suite:
     L'Afrique du Sud, par exemple, mène systématiquement une politique destinée à la rendre totalement autonome en matière nucléaire: c'est ainsi que la construction d'une usine d'enrichissement d'uranium à Valindova vient d'être décidée, cette usine utilisant un procédé d'enrichissement allemand. Aux mises en garde américaines, le gouvernement sud-africain répond superbement; voici comment s'exprime le sénateur Horwood, ministre des finances de la République sud-africaine: «Nous vous avons donné l'assurance que ce que nous faisons dans le domaine nucléaire est guidé par des intentions pacifiques (...), maisje pense que le moment est venu de dire au Président des États-Unis et à quelques autres personnes que si, à un moment quelconque, nous souhaitons utiliser autrement notre potentiel nucléaire, nous le ferons joliment bien (sic) en notre âme et conscience» (Le Monde, 1.9.77).
     On risque alors d'assister d'une part à la création de foyers de conflits à enjeu nucléaire entre de petits pays, et d'autre part à une dissémination en chaîne, au cas où les pays actuellement clients de la France (ou de l'Allemagne, voir plus loin) se mettraient eux-mêmes à propager des connaissances et des technologies nucléaires.
     Dans la Gazette Nucléaire N°7, qui traite de la proliférahon de l'arme nucléaire, nous indiquons que pour la décennie 1980-1990, on peut dénombrer au moins dix-hui candidats «sérieux» à l'arme atomique (voir encart 2).
     3. Enfin, il convient d'évoquer la situation allemande qui présente un certain nombre d 'analogies avec la nôtre
     L'Allemagne fédérale cherche actuellement à assurer sa suprématie industrielle en Europe, y compris dans le domaine nucléaire. A cette fin, ce pays a passé un accord de coopération nucléaire avec le Brésil (juin 1975) qui ressemble beaucoup aux accords passés entre la France et l'Afrique du Sud. Sans qu'aucun traité officiel existe, l'Allemagne a également des «contacts» avec l'Afrique du Sud, celle-ci lui fournissant 40% de l'uranium naturel dont elle a besoin à des prix qui laissent supposer que des contreparties existent sous forme de services technologiques ou militaires.
     Comme l'Allemagne n'a pas le droit de se doter d'un armement nucléaire sur son territoire, on voit la possibilité que lui offrent, de façon indirecte, les implications militaires (toujours la production de plutonium par retraitement) de son programme de développement nucléaire civil au Brésil, et ses bonnes relations sud-africaines.
     Les politiques de la France et de l'Allemagne apparaissent donc dans les faits, sinon dans les proclamations, en opposition flagrante aux objectifs affichés du plan Carter. Les dangers de leurs politiques respectives dans la dissémination de l'arme nucléaire en Afrique pour la première, en Amérique latine pour la seconde, sont évidents.
10. On pourrait sans doute ajouter maintenant l'Argentine.
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ENCART 2
PROLIFERATlON

     Pays pouvant disposer de l'arme nucléaire entre 1980-1990: Afrique du Sud, Allemagne de l'Ouest, Argentine, Australie, Brésil, Corée du Sud, Cuba, Egypte, Espagne, Iran, Italie, Japon, Mexique, Pakistan, Taiwan, Thaïlande, Yougoslavie, Zaïre.
     A noter également que l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil et le Pakistan n'ont pas signé le traité de non prolifération.
     Il faut bien entendu ajouter les pays disposant déjà de l'arme nucléaire: USA, URSS, Chine, Grande-Bretagne, France, Inde et probablement Israël.

26. Alors qu'on développe le nucléaire à marche forcée depuis 1974, pensez-vous que notre dépendance par rapport aux fournisseurs de minerai d'uranium soit moins forte que par rapport aux fournisseurs de pétrole, de charbon, etc.?
27. Que pensez-vous de notre dépendance technologique par rapport aux Etats-Unis, après que la France ait décidé, par accord avec la firme Westinghouse, de construire des réacteurs PWR?
28. Etes-vous au courant de la teneur du Plan Carter sur l'énergie? Que pensez-vous des motifs qui l'ont inspiré?
29. Que pensez-vous des relations privilégiées établies par la France en matière nucléaire avec l'Iran et l'Afrique du Sud?
30. La possibilité du nucléaire civil en France implique-t-elle ou non la dissémination de l'arme nucléaire dans ces pays?
31. En cas de guerre inter-africaine, quelle sera la position de votre organisation?
32. Comment votre formation prend-elle en considération la stratégie nucléaire de l'Allemagne Fédérale?

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