SUPERPHENIX: une affaire de spécialistes ou notre affaire?
On n'en parle plus trop en ce moment (pour raisons électorales?) mais Superphénix est toujours là, même s'il ne produit toujours pas d'électricité: au contraire il en consomme toujours (voir plus loin)... Cependant, "dans les hautes sphères", selon la formule consacrée, se "mijote" la préparation d'une enquête d'utilité publique (dans quel rayon?) pour sa transformation en incinérateur de plutonium. Au risque d'être traité d'empêcheur de polluer en rond, il n'est peut-être pas inutile de rappeler quelques chiffres car ce problème nous touche tout de même de près: que sont 70km comparés aux 1500km qui nous séparaient de Tchernobyl, le 26 avril 1986... mais aurait-on déjà oublié? Voici donc:

- EdF dépense en publicité 280MF (millions) par an soit 4 fois le budget consacré au développement des énergies renouvelables...

- Il est également bon de garder la facture du programme surgénérateur en mémoire: "R & D" depuis 1960 = 68 MF (2MF par an); surcoût du retraitement de 1985 à 2000 = 47,5 MF (10000F /kg au lieu de 700!); prototype Phénix = 8,2 MF; La Hague et la part française de SPP = 35 MF, soit un TOTAL de 160MF auxquels il faut ajouter le retraitement du combustible qui sortira de toutes façons de Superphénix (SPP), sans parler des accidents et du démantellement de la centrale.

- On ne peut s'empêcher de mettre ce chiffre en balance avec ceux de la dette d'EdF: 226 milliards de F (accessoirement l'équivalent de la dette extérieure de la Pologne...), dont 214 de dette fiscale annoncés mais qui se monte en fait à 331 en 1991 si l'on y ajoute les dettes fiscale et fournisseurs. A comparer égelement au chiffre d'affaire d'EdF de 171 milliards, dont on devrait enlever la dotation française de 36 milliards...

- Tout çà pour produire 2 milliards de kWh = 10 fois plus cher que le photovoltaïque et 50 fois plus que l'éolien: avec cette somme, il aurait été possible d'équiper 5 millions de maisons avec un chauffage solaire (de type plancher solaire direct) ET de chauffer 5 autres millions de maisons par 500 réseaux de chaleur au bois (*) et déchets collectifs = l'ensemble du parc immobilier français !

*: contrairement à une croyance généralement répandue, je rappelle que la "filière" bois ne produit globalement pas de CO2 SI on replante.

- En 6 ans,ce réacteur n'a été couplé au réseau que 308 jours et a fourni environ 174 jours d'équivalent pleine puissance, ce qui fait qu'il a réussi l'exploit de consommer plus d'énergie qu'il n'en a produite: en partie parce que pendant chaque arrêt il a fallu garder liquide les 5000 tonnes de sodium, soit une consommation de 10% de sa puissance nominale. A un moment donné cette énergie a été fournie par le seul réacteur encore en état de la centrale du Bugey, les autres étant en panne ou arrêtés pour révision!

- Et les déchets? ah, les déchets... En ce qui concerne uniquement ceux de SPP, et même en laissant le plutonium "tranquillement" dans le coeur d'un SPP arrêté, il en resterait encore 2,5 tonnes dans 240.000 ans et encore de quoi faire une bombe atomique dans 1 million d'années... Le tout en priant qu'il n'y ait pas d' accident sur cette durée, et ça!... car tout leur développement ne tient la route que si SPP et la Terre tiennent aussi !!! Mais pour l'instant la politique est de stocker: nos enfants trouveront "bien" une solution; car n'oublions pas, il n'en existe encore aucune dédiée au plutonium de Superphénix.

Mais quand certains argumentent donc que justement "on" pense utiliser SPP comme réducteur de plutonium et même d'incinérateur de déchets nucléaires; quels sont les principaux problèmes ?: 1) ce n'est pas parce qu'on a pu le faire à Marcoule sur le prototype qu'on saura le faire en grand, d'autant plus que, depuis y sont apparues certaines "bulles" toujours inexpliquées 2) SPP vieillit: 18ans pour les parties les plus anciennes et comme tout outil, plus il vieillitra, plus il tombera en panne... ce qui vu le nombre de pannes actuelles n'augure rien de bon 3) on ne sait pas arrêter un incendie de 5000 tonnes de sodium qui, quand il est liquide, a la fâcheuse propriété de s'enflammer au contact de l'air 4) en admettant que cela marche, chaque fois que l'on manipule de la radioactivité, on la disperse en multipliant le volume des déchets 5) une telle utilisation entraînerait une profonde modification de son coeur ainsi qu'une augmentation du danger d'explosion en cas de perte de refroidissement. 6) je laisse sous silence les rcherches militaires possibles sur les nouveaux dérivés... 7) qu'on veuille le redémarrer même à faible puissance, ne le rendra pas moins polluant et surtout plus à l'abri des "incidents" (et autres "excursions nucléaires" puisque c'est le terme officiel) et c'est donc finalement ce qui NOUS importe.

On peut aussi être étonné que de telles solutions "proprement" (?) miraculeuses n'aient pas été présentées plus tôt. Ne s'agirait-il pas simplement de gagner du temps ?... Pardonnez tous ces détails mais, outre que cela me semblait nécessaire, qui a dit que "le nucléaire est une chose suffisamment sérieuse pour que ce ne soit pas seulement l'affaire des spécialistes !" ?! Alors, au lieu du "poème" publicitaire à la gloire du nucléaire diffusé à grands renforts de publicité, EdF et chacun de nous devrions méditer cette pensée d'Einstein (excusez du peu...):

"La puissance déchaînée de l'atome a tout changé sauf nos modes de pensée et nous glissons ainsi vers une catastrophe sans précédent".

Yves Renaud