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LA TRANSMUTATION ?

· Source ADIT, novembre 2006: Pourra t-on incinérer les déchets nucléaires? Une expérience teste le couplage d'un réacteur nucléaire avec un accélérateur à protons. Ce qui ouvrirait la voie de la transmutation des déchets (http://www.lesechos.fr)

Pourra t-on incinérer les déchets nucléaires?
    Une expérience teste le couplage d'un réacteur nucléaire avec un accélérateur à protons. Ce qui ouvrirait la voie de la transmutation des déchets.
    A la différence des solutions de stockage ou d'enfouissement, ce réacteur promet de réduire la nocivité et la durée de vie des actinides mineurs, déchets les plus problématiques des centrales.
    Les déchets nucléaires sont-ils condamnés à rester sous terre des centaines de milliers d'années? Certaines recherches sont entrées en dissidence contre cette thèse privilégiée par la loi Bataille-Birraux du printemps dernier. Depuis quelques mois, une expérimentation internationale menée en Suisse, Megapie, montre qu'une autre voie de gestion des déchets est envisageable. Au nord de Brugg, le centre Paul Scherrer Institute teste, pour la première fois au monde, l'une des briques technologiques fondamentales des incinérateurs à actinides, techniquement dénommés «réacteurs sous-critiques pilotés par accélérateur».
    A la différence des solutions de stockage ou d'enfouissement, cette voie promet de réduire la nocivité et la durée de vie des actinides mineurs, déchets les plus problématiques des centrales. Comme la technologie des réacteurs de quatrième génération, les réacteurs sous-critiques fonctionnent par transmutation. Dans cette réaction provoquée par un flux de neutrons, les noyaux lourds se désagrégent en noyaux moins actifs. Les physiciens ont même montré que le vilain technicium 99 de 210.000 ans d'activité peut être transformé en ruthénium inerte.
    Mais, contrairement aux réacteurs type génération 4, dans les systèmes combinés, les neutrons ne sont pas uniquement produits par les réactions de fission du combustible mais viennent aussi d'une source extérieure, un accélérateur de particules. Cette stratégie a deux avantages, explique Arnaud Guertin, chercheur au laboratoire Subatech de l'Ecole des mines de Nantes, partenaire du projet Megapie. L'apport extérieur de neutrons permet de transmuter les déchets dans un réacteur sous-critique, c'est-à-dire incapable d'entretenir tout seul des réactions de fission en chaîne, ce qui empêche les emballements comme à Tchernobyl.
    Les chercheurs assurent aussi que cette technologie fonctionne avec des cibles à haute teneur en actinides, jusqu'à 50%. Les réacteurs à neutrons rapides ne supportent pas, eux, des teneurs supérieures à 10%. Ceci, alors que les réacteurs à accélérateurs brûleraient 99% des masses d'actinides contre quelques pour- cent pour le second type. Du coup, les partisans de la filière assurent que seuls quelques accélérateurs en France suffiraient à brûler nos déchets, alors qu'un gros parc de réacteurs critiques n'y parviendrait pas.
    Néanmoins, les promesses de cette approche restent théoriques, ce qui a dissuadé les experts français de leur confier l'avenir du stock national de déchets. La loi Birraux-Bataille a préféré l'approche conservatrice et bien moins coûteuse du stockage souterrain. Depuis, l'Etat français, comme beaucoup d'autres pays, ne finance plus que des recherches de veille sur les systèmes hybrides. C'est pourquoi la communauté des chercheurs de cette filière mise désormais sur des études européennes et internationales pour faire avancer leurs travaux.
    Le programme Eurotrans de la Commission doit préparer avant 2008 la conception d'un démonstrateur à grande échelle. S'il est décidé, ce prototype serait ensuite développé et construit pendant plusieurs années. L'objectif lointain des chercheurs et des entreprises du secteur comme Areva serait de tester un système industriel vers 2040.

Un défi scientifique
    En attendant, la recherche doit lever plusieurs incertitudes de taille, reconnaît Arnaud Guertin. En Suisse, Megapie doit en particulier démontrer la bonne tenue de la cible de spallation, un composant qui transforme les protons énergétiques produits par l'accélérateur en neutrons, les artisans de l'incinération (transmutation). La cible comprend un volume de 82 litres de plomb et de bismuth liquides à 400°C, soit une masse d'une tonne. Ces deux métaux lourds ont été choisis car ils produisent beaucoup de neutrons, fondent à basses températures et entrent difficilement en ébullition.
    Les physiciens ont choisi de rendre la cible liquide, car cet état encaisse plus facilement des fortes puissances d'accélérateur grâce aux effets thermiques de convection. L'expérience servira surtout à vérifier que l'enveloppe de la cible résiste au terrible cocktail des températures, des irradiations, de la corrosion et des efforts mécaniques. En particulier, la fenêtre par laquelle rentre le flux de protons a exigé un nouvel alliage métallique au chrome et molybdène. L'évolution physico-chimique de ces matériaux sera analysée à la fin de l'expérience, début 2007. Les chercheurs affineront ainsi leur évaluation de la résistance de la cible, une performance qui ne devrait pas dépasser un an. A terme, il faudra toutefois qu'elle tienne plusieurs années.
    En attendant ces résultats, Megapie satisfait les chercheurs. Des retards de l'installation suisse ont certes limité la puissance maximale de l'expérience à 700 kW contre le MW prévu. Mais la cible a, jusqu'ici, montré une bonne production de neutrons, jusqu'à deux fois la performance des systèmes classiques, assure Arnaud Guertin. Les systèmes annexes comme les échangeurs de chaleur fonctionnent correctement.
    A l'avenir, le développement des systèmes hybrides devra également résoudre le problème de fiabilité des accélérateurs linéaires. La transmutation ne peut s'accommoder des trop fréquentes pannes que connaissent ces sources de protons. Par ailleurs, les réacteurs sous-critiques sont encore trop peu étudiés, les centrales fonctionnant en régime critique. On ne dispose notamment pas de capteurs pour surveiller le comportement des neutrons. Même si l'expérience grenobloise Muse a montré, il y a quelques années, que le couplage d'un tel réacteur avec une source externe de neutrons est réaliste.
    Enfin, comme dans le cas de génération 4, la transmutation des actinides implique de séparer ces déchets nucléaires des autres produits de fission, puis de les emballer. Ces défis scientifiques et technologiques ont déjà connu des progrès, mais on est loin d'avoir validé ces procédés à grande échelle.

Note: dans la mesure où le stockage géologique sera toujours nécessaire, on peut se demander quelle est l'utilité de ce genre d' "incinérateur" dont le coût est proche de celui d'une centrale et qui peut utiliser des quantités importantes de produits corrosifs et toxiques (plomb fondu, etc)