RÉSEAU SOL(ID)AIRE DES ÉNERGIES !
Débat problématique énergétique / effet de serre / climat, etc.
NUCLEAIRE
Les enjeux de la déconstruction nucléaire
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ADIT, mai 2007

    Le nucléaire s'impose aujourd'hui comme la seule alternative aux énergies fossiles pour la production massive d'électricité (ndlr: "s'impose"?!). Alors que près de 80% de l'électricité produite en France est d'origine nucléaire, la question du démantèlement des centrales commence à se poser de façon très concrète pour les premières centrales mises en service.
    Au-delà des enjeux liés au traitement des déchets radioactifs[1], il convient de réexaminer les modes de financement de ces projets de grande ampleur dans le contexte de l'ouverture des marchés de l'énergie.
 
Le démantèlement des centrales, un projet long et complexe
     Une centrale nucléaire est une usine de production d'électricité utilisant un combustible radioactif tel l'uranium enrichi ou le MOX. L'exploitation de la centrale conduit à une irradiation plus ou moins importante des composants de la centrale, en particulier du réacteur. Le démantèlement d'une centrale nécessite donc le traitement des composants irradiés, devenus des déchets nucléaires.
     La déconstruction est une activité qui s'échelonne sur de nombreuses années (25 ans selon EDF), et dont la mise en œuvre est souvent différée à plusieurs décennies après l'arrêt définitif du réacteur (de 10 à 20 ans au Japon ou aux Etats-Unis à plus d'un siècle pour le Royaume-Uni), sauf en France où le cadre réglementaire mis en place par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)[2] oblige les exploitants à engager immédiatement les opérations (ce qui nécessite la disponibilité immédiate des fonds).
     En France, le démantèlement des centrales de première génération[3] est en cours, et la première centrale REP[4] à faire l'objet d'un programme de déconstruction est celle de Chooz A (arrêt définitif en 1991).

Responsabilités et financement
     Selon le principe de responsabilité «pollueur-payeur», ce sont les exploitants des centrales nucléaires qui sont en charge de leur démantèlement. Que les opérations soient effectuées par leurs propres personnels ou qu'elles soient confiées à des opérateurs privés, les ressources financières suffisantes doivent être collectées, sécurisées et mises à disposition au moment venu par ces mêmes exploitants.

Coût d'un démantèlement
     Deux approches sont actuellement utilisées pour évaluer les coûts du démantèlement:
    * Le coût du démantèlement représente un pourcentage du montant de l'investissement initial, pourcentage variant de 10 à 20%.
    * Le coût du démantèlement est estimé en fonction des expériences précédentes et des technologies mises en œuvre.
     Le coût est fonction de la stratégie de démantèlement, des technologies, des spécificités du site et du mode de traitement des déchets.
     Selon la méthode d'évaluation et les stratégies de démantèlement adoptées, l'estimation du coût d'un démantèlement diffère:
    * Aux Etats-Unis, qui comptent 104 réacteurs, le NRC (Nuclear Regulatory Commission) évalue le coût unitaire du démantèlement à 300 millions de dollars (soit environ 233 millions €).
    * En France, avec 58 réacteurs sur son territoire, le démantèlement des centrales nucléaires est estimé entre 20 et 40 milliards €, soit une estimation moyenne par centrale de 520 millions €. Le coût pour la centrale de Brennilis, dont le démantèlement s'achèvera en 2016, s'élève à 500 millions d'euros[5].

Mode de financement
     Les politiques et modes de financement du démantèlement sont spécifiques à chaque pays.
     Il existe principalement deux modes de collecte des ressources:
    * Le provisionnement comptable par les exploitants;
    * L'abondement d'un fonds.

Financement démantèlement nucléaire

     EDF a choisi le provisionnement: le coût de la déconstruction du parc électronucléaire est intégré dans le prix du kWh depuis la mise en exploitation des centrales. Actuellement, le montant de la provision correspond à 0,10 centimes € / kWh.

L'impact de la libéralisation des marchés de l'énergie
     L'ouverture du marché de l'électricité a remis en cause l'équilibre financier des énergéticiens historiques, jusqu'à présent en situation de monopole sur leur marché national. Ainsi, l'apparition du risque de marché pour un producteur induit un aléa sur ses ventes d'électricité, sur lesquelles est assise la collecte des ressources nécessaires au démantèlement.
     Par ailleurs, certains craignent que les nombreuses fusions/acquisitions engendrées par la libéralisation ne se fassent en utilisant les sommes provisionnées normalement réservées pour le démantèlement.

Quelles perspectives pour le parc nucléaire français?
     Une grande partie des 58 tranches nucléaires en service aujourd'hui ont été mises en exploitation dans les années 1980. La durée de vie théorique des centrales françaises ayant récemment été portée à 40 ans[6], on peut anticiper une vague massive de démantèlement à partir de 2020 si ces conditions d'exploitation sont maintenues (voir graphique).


Simulation de l'évolution de la capacité de production sur la base du parc nucléaire actuel

     Une solution pour lisser cette vague consisterait à prolonger encore la durée de vie de certaines centrales, comme c'est le cas aux Etats-Unis[7]. Mais il faut également considérer dès aujourd'hui le renouvellement de la capacité de production, en prenant en compte les impacts du nouveau contexte de marché pour choisir le mode de financement des opérations de démantèlement.
Alors que la question de la déconstruction des centrales nucléaires se pose plus largement à l'échelle européenne, cette stratégie sera en partie définie par la Commission Européenne, qui envisage d'étendre les règles communes[8] à d'autres points règlementaires, techniques, voire financiers (dont les modes de financement).

Sia Conseil
Notes:1. Pour en savoir plus sur ce thème: article «Quel devenir pour les déchets nucléaires?»
2. L'ASN, Autorité administrative indépendante créée par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (dite "loi TSN") du 13 juin 2006, est chargée de contrôler les activités nucléaires civiles en France.
3. Filière UNGG (pour Uranium Naturel-Graphite-Gaz), mise en service dans les années 1950 et 1960.
4. Réacteur à Eau Pressurisée, technologie dite de deuxième génération
5. Le coût par MW du démantèlement devrait être inférieur pour les prochaines centrales, dont la technologie est beaucoup plus homogène, ce qui permettra de bénéficier d'un effet d'échelle et d'une optimisation progressive des méthodes de travail.
6. L'ASN a prolongé cette durée de vie de 30 à 40 ans. Le maintien en exploitation des centrales est cependant soumis aux contrôles réguliers de l'ASN, qui valide tous les 10 ans la possibilité effective de prolonger le fonctionnement.
7. A lire sur le même sujet: Interview de Christian Stoffaës
8. Le traité européen EURATOM en vigueur définit un cadre commun en matière de technologie et de standards de sécurité
Sources:
EDF
European website on Decommissioning of Nuclear Installations
European Nuclear Decommissioning Training Facility
Comparison among different decommissioning funds methodologies for nuclear installation - country report France
"Rapport sur l'aval du cycle nucléaire" Par MM. Christian Bataille et Robert Galley – Députés
Rapport de l'agence pour l'énergie nucléaire: "Déclassement et démantèlement d'installations nucléaires"
"Rapport sur l'utilisation des ressources financières destinées au démantèlement des centrales nucléaires de puissance" de la Commission Européenne