CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2007
août
Refonte de la filière nucléaire française: les divers scénarios à l'étude
http://www.lesechos.fr/info/energie/4616827.htm
Source ADIT [ 31/08/07 ]

     L'avenir d'Areva, d'Alstom et d'Eramet est discuté au plus haut niveau de l'Etat. Plusieurs schémas sont à l'étude, avec en toile de fond la volonté de constituer un grand groupe à taille mondiale, impliquant un certain nombre d'industriels français et étrangers. Les noms de Bouygues, de Mitsubishi, de Siemens, d'EDF et de Total sont cités.


     Le dossier du rapprochement Suez-Gaz de France n'est pas encore bouclé que le gouvernement prépare déjà son prochain grand Meccano industriel. Evoquée depuis des mois, la recomposition de la filière nucléaire française est «en chantier», indiquent plusieurs sources. La France «a acquis une maîtrise de l'énergie nucléaire qui est un atout considérable, a souligné hier Nicolas Sarkozy. Elle a une compétence reconnue, des entreprises magnifiques. Il faut leur donner les moyens de se développer».
     Comment? Plusieurs schémas sont à l'étude, avec, en toile de fond, la construction d'un grand groupe à taille mondiale et l'appétit d'industriels désireux d'obtenir une part du gâteau. Dans tous les cas, c'est la maîtrise par l'Etat de ces activités sensibles qui est en jeu. Les réflexions menées au plus haut niveau de l'Etat concernent principalement trois entreprises: Areva, Alstom et Eramet, ainsi que leurs actionnaires.
     Le scénario le plus ancien consiste à rapprocher Areva d'Eramet. La famille Duval, actionnaire du groupe minier à hauteur de 37%, est disposée à céder sa participation à Areva, qui détient lui-même 26% du capital. Cette nouvelle donne pourrait accélérer le calendrier d'ouverture du capital du groupe nucléaire. Car des acheteurs étrangers, eux aussi, auraient déjà manifesté leur intérêt. Pour les prendre de vitesse et préserver le caractère français d'Eramet, acteur essentiel en Nouvelle-Calédonie et au Gabon, l'entreprise publique est prête à acquérir les 37% de la famille Duval estimés à 1,9 milliard €. Mais, compte tenu de ses moyens financiers, une telle transaction, qui nécessiterait sans doute une OPA sur Eramet, ne peut guère se concevoir sans une mise en Bourse d'Areva. Mais d'autres schémas existent. Notamment pour prendre en compte le désir d'Alstom et de son actionnaire de référence, le géant du BTP Bouygues, de se rapprocher d'Areva.

Une note du CEA
     En juillet dernier, une note confidentielle - dont «Les Echos» se sont procurés une copie - a été rédigée par l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Alain Bugat. Intitulée: «Position du CEA au regard d'une ouverture du capital d'Areva», elle dessine trois pistes possibles, en expliquant qu'il faut «donner à Areva la configuration la plus adaptée pour être l'acteur mondial majeur dans la renaissance du nucléaire et valoriser au mieux les intérêts français». Dans ce document de 12 pages, le CEA rappelle que la vente d'une partie des 79% qu'il détient dans Areva doit lui permettre de financer le démantèlement de ses installations civiles et militaires.

     Dans cette optique, le Commissariat à l'énergie atomique résume ainsi les trois schémas «acceptables»: «La poursuite du «stand alone», avec ouverture du capital limitée et des filiales détenues à 100%; la création d'un grand groupe nucléaire international, avec une base capitalistique franco-japonaise, mais avec le maintien d'un contrôle public majoritaire; ou la création d'un grand groupe privé français équipementier du domaine de l'énergie, avec le maintien d'un contrôle public majoritaire [sur les seules] activités stratégiques». Dans tous les cas, la part du public au capital d'Areva serait sensiblement augmentée.
     Concrètement, le premier scénario verrait le CEA se défaire de 29% du capital d'Areva, estimés à 7 milliards €. Les 34% détenus par l'allemand Siemens dans la filiale Areva NP (activités réacteurs) seraient convertis en une participation d'environ 8% au niveau du holding de tête. Ce scénario permettrait à Areva de détenir ses filiales à 100%, remarque Alain Bugat, «mais il ne permet pas de faire rentrer d'autres partenaires industriels tels que Bouygues, sauf à réduire la part proposée au public». Une façon d'anticiper les désirs des pouvoirs publics.
     Dans le deuxième scénario, les structures d'Areva seraient bien plus bouleversées puisqu'il s'agirait de faire entrer Bouygues au sein d'Areva NP à hauteur de 34%. Total et EDF deviendraient des actionnaires clefs d'Areva NC (cycle du combustible) et des acteurs tels que Siemens et le japonais Mitsubishi «remonteraient» au niveau du holding. Pourquoi l'industriel nippon? Parce qu'un «pied fort en Asie apparaît incontournable», lit-on dans le document du CEA, et pour que le groupe n'apparaisse pas «comme trop exclusivement français».

Encore une autre option
     La dernière piste marque un virage à 180 degrés, puisqu'elle suppose la privatisation pure et simple d'Areva. De quoi faire réagir fortement les associations anti-nucléaires et écologistes à l'approche du Grenelle de l'environnement. Elle repose en premier lieu sur une fusion Areva-Alstom qui permettrait à Bouygues d'occuper une place de tout premier plan dans le nouvel ensemble. Dans la foulée, elle suppose aussi la sortie de Siemens, remplacé par Mitsubishi. A l'arrivée, le nouveau groupe serait présent sur tous les maillons de la chaîne nucléaire, de la production d'uranium au recyclage du combustible, sans oublier la construction de réacteurs. Il serait aussi un acteur majeur dans les infrastructures de transport. Une omniprésence qui ne manquerait pas de faire grincer des dents chez ses concurrents, qu'ils soient opérateurs dans l'énergie ou le ferroviaire. Siemens, en particulier, a tout lieu de s'inquiéter d'un tel schéma, qui aurait toutes les chances, après le feuilleton Airbus, d'envenimer à nouveau les relations franco-allemandes.
     Certains envisagent encore une autre option. Cette dernière consisterait à rapprocher au sein d'un même ensemble Areva, Alstom et Eramet. Un tel groupe pèserait au bas mot quelque 50 milliards € en Bourse. En amont de la filière, il donnerait naissance à un nouveau poids lourd du secteur minier, associant l'uranium d'Areva et le nickel d'Eramet. En aval, il donnerait au groupe une plus grande force de frappe dans la construction de centrales, tant nucléaires que conventionnelles.

JULIE CHAUVEAU ET PASCAL POGAM

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