La G@zette Nucléaire sur le Net! 
G@zette N°251
N° dédié à Jean-Louis Valatx, Henri Pézerat et Françoise Praderie

RAYONNEMENTS ET SANTE (RAPPELS)
Une présentation en transparents datant de 1998 et réactualisée
Monique Sené

     - Quels sont les dangers du nucléaire?
     Cette question pose le problème de l'acceptabilité d'une technique.
     - Danger nul ou faible
     Pas de problème d'acceptabilité. Les aspects économiques sont essentiels
     - Danger affectant des populations
     Danger d'accident, pollution des terres, atteinte biologique.
     Le problème d'acceptabilité est essentiel. Les coûts sanitaires doivent être envisagés avant les coûts économiques.
     Par exemple le coût économique du réacteur détruit à Tchernobyl était acceptable pour l'URSS. Par contre évacuer les populations s'est avérée impossible financièrement et psychologiquement. Et la prise en charge de la perte de 20% des terres agricoles n‘a pas pu être assumée par la Biélorussie;

     Qu'appelle-t-on radioactivité?
     C'est une propriété intrinsèque des noyaux des atomes.
     Il existe 3 types de rayonnements:
     - alpha: émission de 2 protons et 2 neutrons ( un noyau d'hélium). Les alpha ont une trajectoire d'autant plus courte que le milieu traversé est dense, la peau les arrête. Un alpha de 4 MeV parcourt 2,4 cm dans l'air.
     - béta: émission d'un électron négatif ou positif. Les bétas sont plus pénétrants que les alphas, un béta de 1 MeV parcourt environ 340 cm dans l'air et 0,4 cm dans les tissus.
     - gamma: rayonnement électromagnétique, de même nature que les rayons X, la lumière. Ils sont plus pénétrants. Dans l'air au bout de 150 m ou 15.000 cm la moitié des gammas a été absorbée. 
     Ce qui compte en définitive: ce n'est pas la nature des rayonnements mais leurs effets sur la matière. L'effet principal est la modification des atomes de la matière touchée d'où les dommages aux cellules. 

     IRRADIATION
     L'irradiation est le fait de recevoir le rayonnement émis par une source. On peut se protéger:
     1) en plaçant un écran entre la source et l'extérieur, écran que l'on calcule pour que la dose délivrée soit la plus faible possible.
     2) en augmentant la distance entre la source et ce qu'on veut protéger.

     EFFETS DES IRRADIATIONS
     Elle touche souvent le corps entier. A forte dose les conséquences sont connues. A faible dose les effets sont toujours en discussion.
     - Il est communément admis que tout rayonnement a un effet sur la matière vivante, mais certains pensent qu'il existe des mécanismes de réparation et que les faibles doses ne lésent pas  les cellules et d'autres qu'après des temps de latence plus ou moins longs, il existe une probabilité de maladie ou de mauvaise réparation d'où cancer.
     - Un autre mécanisme est apparu: le "bystander effect" (pdf Annales de l'Association belge de Radioprotection, 2009) ou effet de voisinnage; les cellules apparemment saines ont "la mémoire" de l'irradiation. Un tel mécanisme explique les récidives ou des maladies.
     Cependant le manque d'études de morbidité autour des sites ou pour les travailleurs laissent toujours sans conclusion définitive.
     De toute façon, il est raisonnable de penser que la radioactivité comme les produits chimiques a un effet sur la matière vivante et que, dans ces conditions il convient de minimiser les rejets.

suite:
     CONTAMINATION
     On parle de contamination quand le produit est en contact avec la matière.
     - Contamination externe: si elle est sur la peau, les vêtements.
     - Contamination interne: si elle a pénétré par une plaie, si on ingéré ou inhalé le produit.
     Les alphas sont les plus dangereux car ils altèrent les tissus mais s'arrêtent à la peau. 
     Les bétas ionisent sur leur passage mais plus légers causent des dégâts moins importants.
     Les gammas ionisent encore moins et peuvent sortir du corps. A Goiâna (Brésil-1987) les contaminés étaient dangereux pour leurs proches.

     Peut-on DECONTAMINER?
     Externe: on peut laver, on peut coller les particules, mais il faudra évacuer le déchet: eau ou dans un fût.
     Interne: on peut essayer des produits chimiques. Mais les résultats sont d'autant plus limités que l'intervention est tardive et de toute façon dangereuse: on ne l'utilise que pour une contamination massive. Et il faudrait aussi évacuer les résidus

     FIXATION des corps radioactifs
     L'incorporation dépend de la nature chimique (soluble ou non) et du corps considéré:
     - l'iode radioactif ou non se fixe dans la thyroïde,
     - le césium sera confondu avec le potassium et comme tel diffusé dans toutes les cellules et surtout concentré dans les muscles,
     - le strontium sera confondu avec le calcium et fixé sur les os.
Période biologique
     Temps au bout duquel la moitié de la substance qui a pénétré dans l'organisme est rejetée à l'extérieur dans les urines, les selles, la sueur.

Période radioactive
Période biologique
iode 131            8 jours
Jusqu'à 120 jours  pour iode fixée.
césium 137        30 ans
de 50 à 150 jours
strontium 90      28 ans
de 8 à 30 ans
tritium               12,35 ans
de 12  à 600 jours
plutonium 239   24000 ans
40 ans pour le foie, 100 ans dans les os
ruthénium 106     1 an
de 20 à 170 jours sur modèles animaux

     CONCENTRATION ORGANIQUE
     Le phénomène fixation-concentration biologique est à la base de la définition des chaînes alimentaires:
     - terre - plantes - vaches - lait - homme
     - mer - plancton - poisson - poisson carnassier - homme.
     A la suite de Tchernobyl les rennes des Lapons ont été contaminés par les lichens. 
     Dans un premier temps on les a abattu mais les carcasses ont du être enterrées et le dépôt a été source de nouvelles contaminations. On a donc utilisé des produits décontaminants (bleu de prusse) mais les prés sont restés contaminés par les déjections. 
      Cette expérience a montré la grande difficulté de décontamination de bétail et du problème de retour à l'homme.
     Le deuxième cas bien connu est l'iode .
     En Biélorussie importance des cas de nodules et cancers thyroïdiens chez les enfants.
     En France des études ont été menées en Corse.

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     CAS DU TRITIUM
     Le tritium est le radioélément le + rejeté avec le krypton 85 et le carbone14
     Etant émetteur béta de 5 (moy) à 18 kev (max) il n'est pas dangereux en irradiation mais en ingestion: parcours 5mm air, 6 microns eau et tissus
     De plus il a un fort pouvoir contaminant:
          - diffusion à travers la peau
          - absorption par les plaies
          - absorption pulmonaire
     Par le tritium on peut reconstituer l'évolution des rejets d'un site
    - Reconstitution des rejets
   - Surveillance "chronique" d'un site
   - Suivi d'un rejet exceptionnel
     Une partie reste fixée "à demeure" dans la lignite et la cellulose. On peut donc analyser les anneaux d'un arbre ou d'un sarment.
     Hague: étude chêne
     Chalk River: suivi a montré corrélation rejet et tritium fixé dans les végétaux.
     La baie de Cardiff: poissons
     Sellafield
     On a utilisé des sarment de vignes => Cruas, Tricastin
     On a aussi en 1986 puis en 1987 fait une étude vraie grandeur à Bruyères le Châtel (91) pour vérifier la contamination des salades: 2 fois 1 g de Tritium soit 2 fois 359 TBq...

     EFFETS DU TRITIUM SUR LA SANTE
     Le tritium ingéré est réparti dans:
     * eau intra et extra-cellulaire => élimination en 4 à 12 jours 
     * incorporation => tritium organiquement lié => jusque 3 ans 
     Les molécules les plus grosses des tissus vivants seront les cibles privilégiées du rayonnement.
     L'ADN, constituant du noyau des cellules pourra être atteint.
     Le tritium peut induire une erreur dans le code génétique ou se fixer dans les autres constituants chimiques de l'organisme
     Les études ont porté:
     - sur les végétaux (Cadarache). Il a été proposé d'utiliser le marquage tritium pour faire un suivi d'environnement
     - sur des animaux (porc, souris, singe). Selon organe % T fixé ± importante et toxicité ± importante
     Il reste que la toxicité dépend:
     - de la nature des molécules (- précurseur protéines,  - précurseur ARN, et thymidine => précurseur ADN)
     - du taux d'incorporation
     - du taux de renouvellement des molécules concernées
     - du sexe
     Or il y a peu de données sur l'humain si ce n'est pas  du tout.
     Il a fallu attendre les résultats des études japonaise, puis anglaises, allemandes et russes: sil en ressort que l'EBR (Efficacité Biologique Relative) devrait être multiplié ou non par 3 ou plus

     Action Biologique des radiations
     EFFETS NON ALEATOIRES
    - Existence d'un seuil
    - Gravité de l'effet biologique croît avec la dose
    - Lésions présentes chez tous les sujets (petite variation individuelle de radiosensibilité)
     ex: syndrome médullaire, intestinal, radiodermite, cataracte...

     EFFETS ALEATOIRES
    - probabilité augmente avec la dose
    - mais pas leur gravité
    - l'effet apparaît chez certains irradiés mais pas chez tous
    - relation dose-effet mal connue aux faibles doses.
     ex: cancérogénèse, risque génétique

     En guise de Conclusion:
     - Certains corps comme le Krypton 85, le Carbone 14 et le tritium ont été pensé peu nocifs  au prétexte que le K85 est un gaz rare (peu réactif), le C14 et le T des éléments naturels, émetteurs ? pur mais 
     - d'une part des études récentes sur animaux montrent des effets plus importants que prévus
     - d'autre part les quantités croissent avec le nombre de réacteurs et les capacités des usines de retraitement

     ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES autour des sites:
     Canada
     - étude des mineurs, commission d'enquête 1980,
     - étude sur les rejets tritium 
     - étude des leucémies infantiles
     Etats-Unis
     - études des cancers parmi les populations résidant près des sites
     Royaume Uni
     - risques de leucémies auprès des installations
     - Gardner
     - Doll et coll
     - Draper
     - rapports COMARE

suite:
     France
     - Leucémie infantile autour de la Hague
     - Viel
     - Dousset
     - Mineurs - Timarche, Chameaud, etc...
     - Mortalité autour des sites, C. Hill etc...
     - Etude de travailleurs EDF
     L'IRSN a publié en 2008 un rapport suite à des études allemandes : il y a toujours quelque chose, mais non significatif, il faut donc essayer de nouvelles approches. Cependant ce sont des effets difficiles à isoler.

EST-CE SUFFISANT?
     NON car il faut des registres sur de longues périodes, 10 ans au moins et l'enregistrement de toutes les maladies => registre de morbidité. Il faut probablement tester plusieurs approches.
     Sont actuellement en cours des études de «bilan sanitaire» oou épidémiologie descriptive autour du site du Tricastion sous l'égide de CLIGEET et à Soulaines avec la participation d'associations. Le suivi scientifique (cahier des charges, choix des équipes) est assuré par l'InVS, les autorités sanitaires locales, la CLI dans sa diversité et des associations.

     CONSEQUENCES SUR LES POPULATIONS
     - Problèmes des cancers
     1- Cancers radio-induits ou "naturels" ne diffèrent absolument pas et sont donc indiscernables.
     2- Pour une même irradiation l'induction de cancer dépendra fortement de:
     * l'individu,
     * de son système immunitaire,
     * de l'age,
     * du sexe.
     3- Pour un groupe important d'individus irradiés on pourra avoir une corrélation entre la fréquence des cancers et le niveau d'irradiation,
     4- L'apparition de cancers se fait après un temps de latence très long sauf pour les leucémies ( 2 ans) jusqu'à quelques décennies pour les autres cancers.
     - Autres problèmes 
     Ils sont plus difficiles à étudier: retards mentaux, cardiopathies, fatigue,...
     D'où:
     Le bilan de la mortalité ou de la morbidité ne pourra se faire que:
     - en collectant les données au moins sur plusieurs décennies, au mieux jusqu'à la disparition de la cohorte;
     - en évaluant les niveaux d'irradiation et en fondant le bilan sur le facteur de risque établi par des études fiables.

     CHAMP D'APPLICATION DES FAIBLES DOSES
     1- Doses reçues par les travailleurs de l'industrie nucléaire.
     La relation dose/effet, évaluation du préjudice à la santé sert à la fixation des doses maximales admissibles,
     2- Doses reçues par les populations au voisinage des sites. La relation dose/effet devrait régir les autorisations de rejet des effluents radioactifs (gazeux ou liquides),
     3- Critères d'acceptabilité pour un stockage de déchets radioactifs. 
     4- Gestion d'un accident nucléaire. Le long terme est concerné par les faibles doses résiduelles.
     5- Normes légales concernant les niveaux de contamination des aliments,
     6- Le rayonnement médical pour le cas des dépistages, des radios pulmonaires,
     7- Irradiation liée aux produits courants, télévision, matériaux de construction, etc..

     CONCLUSION
     La radioactivité a été découverte il y a environ 110 ans ( en nov 1896). Dès le début on a su que l'exposition aux rayonnements provoquait des brûlures.
     1902: La première norme de tolérance est proposée, 
     1925: cri d'alarme lancé à l'académie de médecine par D'Arsonval, Béclère, Broca et Marie Curie,
     1931: premier code de protection,
     1936: inauguration d'un monument à Hambourg avec 110 noms de pionners utilisateurs, 
     1955: Après les radiologues, les techniciens, les chirurgiens et les médecins voici les dentistes,
     1958: finalement les vétérinaires.
     Et je m'arrête à ce stade.
     - La radioactivité doit être maîtrisée. Les rejets doivent être minimisés, les populations et les travailleurs protégés.
     - Pour cela il faut admettre le danger et savoir le dominer. Si on ne peut pas le faire alors il faut savoir s'arrêter.
     Il appartient aux populations:
     - de demander les informations, 
     - de peser les conséquences du nucléaire soutenu, d'un nucléaire réduit ou d'un arrêt du nucléaire.
     Cette décision n'empêchera pas la nécessité de gérer les rejets et les résidus d'où d'avoir des stockages ou entreposages de déchets mais pourra réduire le problème à long terme.

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