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Gazette N°219/220

AVEN
mercredi 29 septembre 2004
Ouverture d'une information judiciaire sur les essais nucléaires français


     PARIS (AP) - Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour "homicides involontaires" et "atteinte à l'intégrité physique" suite au dépôt d'une plainte en novembre 2003 des victimes des essais nucléaires français effectués entre 1960 et 1996 dans le Sahara et en Polynésie, a-t-on appris mercredi de sources judiciaires.
     L'enquête, ouverte le 20 septembre dernier, a été confiée à deux juges du Pôle de Santé du tribunal de grande instance de Paris, Anne Auclair-Rabinovitch et Anne-Marie Bellot.
     L'information judiciaire ne vise que les faits les plus récents, les essais nucléaires du Sahara, notamment, étant trop anciens pour faire l'objet de poursuites, a-t-on précisé de sources judiciaires. Le nombre de victimes concernées par l'enquête est donc inférieur au nombre de personnes ayant porté plainte.
     Fin novembre 2003, deux associations et onze victimes des essais nucléaires français avaient déposé une plainte à Paris. Les plaignants, civils et militaires ayant été exposés aux essais nucléaires atmosphériques ou souterrains menés dans les années 60 dans le Sahara algérien, puis en Polynésie, souffrent tous de pathologies graves liées à cette irradiation massive.

     Les familles de deux personnes décédées se sont jointes à leur action, ainsi que l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) et l'Association Moruroa e Tatou* qui comptent plus de 5.000 adhérents. Une association algérienne est en cours de constitution. Ses membres n'ont pas obtenu de visas pour venir en France.
     "Les autorités militaires et civiles françaises en charge des expériences nucléaires n'ignoraient pas les risques auxquels elles exposaient les personnels civils et militaires chargés de procéder à ces expériences, les populations vivant à proximité des lieux de ces expériences", notait la plainte.
     On estime à 150.000 le nombre de personnes qui ont assisté aux 210 essais nucléaires français. Une première étude médicale réalisée par les associations sur 720 vétérans montre que 30% d'entre eux sont atteints de cancers, contre 17% de la population nationale du même âge. Médecins du Monde a lancé une nouvelle étude en Polynésie.
COMMENTAIRE:
     Les premières auditions ont eu lieu: les vétérans ont la fâcheuse impression d'être coupables plutôt que victimes. L'avocate apprécie que leurs déclarations soient dans le dossier mais porter plainte quelques trente ans après ne facilitent pas les dépositions.
*
Sites internet: site 1, site 2 et archives sur le Centre d'Expérimentation Nucléaires du Pacifique: Point-Zero-Canopus
p.9

AVEN
Jean-Louis Valatx
extrait de la ora na, bonjour
Journal de l'AVEN (association des vétérans) n°2004-4

Éditorial 

Il est temps que la vérité éclate et que justice soit rendue 

     Les deux juges d'instruction, Mmes Anne-Marie Bellot et Anne Auclair-Rabinovitch, ont délivré le 22 octobre 2004 une ordonnance concernant la recevabilité de la plainte contre X. 
     Les plaintes de tous les vétérans ont été déclarées recevables, seules les associations, ayant moins de cinq ans d'existence, ont été récusées pour leur constitution en partie civile. 
     Les chefs d'accusation de cette plainte, homicide involontaire, administration de substances nuisibles, atteintes à l'intégrité physique, ont été acceptes, sauf l'abstention délictueuse, et la non assistance à personne en danger qui ont été jugés prescrits car les essais nucléaires se sont termines il y a plus de trois ans.
Cette désignation des juges d'instruction a suscité la mobilisation de tous les médias et l'Aven, du siège social aux correspondants dans les départements, a été assaillie de demandes de renseignements et d'interviews, puis d'une avalanche d'adhésions. 
     L'émission de FR3 Pièces à conviction du 2 décembre, malgré l'heure tardive, a retenu l'attention de 1 million de téléspectateurs selon l'audimat qui ne prend pas en compte tous ceux qui ont enregistré l'émission. 
     La campagne Vérité et Justice auprès des parlementaires marche fort grâce à toutes les associations partenaires et à tous les vétérans qui ont à coeur de faire signer non seulement leur entourage mais aussi le public. Nous devons continuer pour que les députés et le gouvernement se rendent compte que la mobilisation en faveur des vétérans est forte. Nous avançons grâce à votre confiance et votre soutien et au travail rigoureux et argumenté que nous fournissons. 
     La nouvelle année est proche. Tous mes voeux les meilleurs pour vous et votre famille. Que 2005 soit l'année où ensemble, nous atteindrons nos objectifs.

Effets de la radioactivité sur la santé 

     Les dangers d'une exposition aux rayonnements ionisants apparurent très vite après la découverte des rayons X par Röntgen en 1895 et celle de la radioactivité par Becquerel en 1896. Dans les mois qui suivirent, plusieurs accidents cutanés étaient signalés et le premier cas de cancer cutané radio-induit était rapporté en 1902. 
     Le suivi médical des survivants d'Hiroshima et Nagasaki mit en évidence les terribles effets de la radioactivité sur la santé. 
     Des experts internationaux de la radioactivité réunis au sein de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) classèrent les effets sur la santé et proposèrent des règles et des normes à respecter pour que les effets soient « raisonnablement » supportables pour la société, c'est-à-dire risque faible de maladies avec une certaine protection. En réalité, c'est le coût de la protection qui doit être économiquement supportable. La dernière révision date de 1995 (CIPR-60). En 1996, EURATOM édicta des obligations pour les États découlant des propositions de la CIPR-60. 
     Les effets de la radioactivité sont classés selon la dose reçue et absorbée par l'organisme. 
     Les fortes doses entraînent des effets obligatoires dits déterministes au delà d'un certain seuil. Ces effets surviennent dans les jours ou les semaines suivant l'exposition. Le syndrome de radio-exposition aiguë peut comporter des atteintes de la peau, la cataracte, les dommages vasculaires et digestifs, les insuffisances respiratoires, la nécrose des tissus et bien sûr la mort. 
     Les effets des faibles doses sont aléatoires (stochastiques, en termes statistiques probabilistes), sans seuil de dose et pouvant survenir plusieurs (voire dizaines) années après l'exposition. Ces effets s'observent après une irradiation externe unique ou répétée et/ou après une contamination interne par des poussières radioactives pénétrant dans l'organisme par une plaie, par inhalation et/ou ingestion. La durée de la contamination ou de l'irradiation est plus importante que le débit de dose.
     Les effets sur le déclenchement de cancers de tous les organes et, en particulier, ceux du sang (leucémies, lymphome, myélome) ont été mis en avant car ce sont les plus spectaculaires. Cependant, les rayonnements ionisants peuvent déclencher des maladies non cancéreuses qui se développent aussi progressivement que les cancers.
suite:
     Les mécanismes d'action de la radioactivité commencent à être connus. Les rayonnements ionisants provoquent, en particulier, la cassure de l'ADN des chromosomes. Si les systèmes de réparation de l'ADN ne sont pas atteints et si les lésions ne sont pas trop importantes, la molécule d'ADN peut être reconstituée. La réparation est soit exacte (absence d'effets), soit erronée pouvant conduire à une maladie, ce qui peut expliquer les effets aléatoires.
     Lors de la contamination interne, les radio-isotopes, formés lors d'une explosion atomique, peuvent se fixer selon leur affinité sur les muscles ou le muscle cardiaque (césium), les os (strontium), etc., et ainsi avoir une action répétitive sur les cellules qui les entourent. 
     Tout récemment, la recherche a montré que les anomalies des chromosomes sont toujours visibles trente à quarante ans après l'exposition ou la contamination radioactive. Les résultats de six tests ADN chez un groupe de cinquante vétérans et cinquante témoins néo-zélandais sont attendus pour le printemps 2005. De plus, une cellule irradiée peut transmettre à sa descendance ou à des cellules voisines non irradiées une information à l'origine d'une mutation, d'une maladie. 
     L'irradiation reçue par le corps entier ou les organes est calculée à partir de la mesure externe (badge, compteurs) de la radioactivité, affectée d'un coefficient selon le type supposé des radiations (alpha, béta, gamma, ou neutron) et selon la radiosensibilité des organes cibles. 
     La contamination interne peut être estimée par la mesure de la radioactivité qui émane du corps, si les radio-isotopes sont émetteurs de rayons gamma (gamma-spectrométrie). la radioactivité des émetteurs alpha (plutonium) ou bêta (strontium) fixés dans l'organisme n'est pas décelable par un examen extérieur, car leurs radiations ne parcourent qu'un trajet limité («1mm). Seuls, des prélèvements biologiques (urines, biopsie) peuvent permettre de les déceler. 

Enquête santé 
     Devant l'absence d'enquêtes médicales sur la santé des personnels, effectuées après les essais nucléaires et publiées, l'Aven réalise une enquête de santé auprès de ses adhérents afin d'estimer leurs pathologies et l'incidence sur leur descendance.

     A ce jour, plus de mille réponses au questionnaire santé ont été reçues. Seulement 12% des vétérans estiment qu'ils sont en bonne santé et ne signalent aucune maladie. 
     Pour les pathologie cancéreuses, 31% signalent un à trois cancers différents, ce qui représente le double de la population française. Le schéma indique les cancers les plus fréquents. VAS = cancers des voies aériennes supérieures (bouche, nez, larynx). Pour leur grande majorité, ces cancers surviennent avant 60 ans.
     Pour les pathologies non cancéreuses, les vétérans signalent jusqu'à six maladies différentes. Les plus fréquentes sont les maladies cardio-vasculaires, digestives ou cutanées. De nombreux vétérans signalent une chute de cheveux après leur retour en France, ainsi que des problèmes dentaires importants. 
Pour la descendance, 20% disent qu'ils n'ont pas d'enfants, la cause principale est la stérilité. 20% signalent que leur femme a subi une ou plusieurs fausses couches. La mortalité infantile est de 30/1000 alors qu'en France elle est de 7/1000. Chez les enfants, les malformations congénitales de toutes sortes sont assez fréquentes. Les maladies du système immunitaire (allergies,  asthme, eczéma) sont les premières des maladies. 
     Les pourcentages des maladies des vétérans sont du même ordre que ceux observés chez les vétérans anglais ou américains, indiquant que les essais français ont été aussi "propres" que les essais anglo-américains. Vous trouverez l'ensemble des résultats sur le site internet de l'Aven (www.aven.org).
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