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N°131/132

Le centre de stockage de la Manche (CSM)
Dossier ACRO
Centre de stockage en surface
de déchets radioactifs de faible activité
Eléments pour un bilan de la phase I = phase active

Chapitre I

I. Origine et statut du CSM
     Le Centre de Stockage de la Manche est entré en fonctionnement en 1969. Il s'agit d'un centre de stockage en surface de déchets radioactifs de faible activité (dits "catégorie A").
     Le CSM constitue l'I.N.B. (Installation Nucléaire de Base) n°66, créé le 19 juin 1969 (date du décret d'autorisation de création) à la suite d'une demande d'autorisation déposée par le CEA pour INFRATOME. Rappelons qu'à cette époque l'usine de retraitement de la Hague était sous le contrôle du CEA (la COGEMA en prendra la direction en 1976). C'est donc initialement pour les besoins de cette usine de retraitement que fut créé, à son extrémité Est, le CSM.
     Du fait qu'aucun rejet à l'extérieur n'était autorisé ni prévu, il n'y a pas eu d'étude d'impact ni d'enquête publique... (souligné par le webmaistre)
     La reprise de l'exploitation par l'ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) s'est opérée le 1er novembre 1979 sans modification de l'autorisation délivrée en 1969.
     Dernier trimestre 1992, Monsieur le Ministre de l'Industrie (en réponse à une demande de Monsieur Cauvin, Député de la Manche) déclarait avoir notifié à l'ANDRA (le 9.10.92) de présenter les dossiers "permettant d'engager une nouvelle procédure d'autorisation, comportant une enquête publique". Un an plus tard, jour pour jour, aucune enquête n'est annoncée.

II. Chronologie des événements
     L'histoire de ce site, passée et prévisible, peut se résumer par les dates suivantes:
     - 1966 achat des terrains
     - 1968 permis de construire
     - 1969 décret d'autorisation de création début d'exploitation
     - 1994 réception des derniers colis
     - 1991-95 mise en place de la couverture
     - 1995 début de la phase de surveillance
     - 2295 banalisation du site (souligné par le waibmasitre)

     Classiquement, on distingue 3 phases dans l'évolution d'un centre de stockage de surface des déchets radioactifs:
     · Phase I: phase active (entreposage des déchets)
     · Phase II: phase de surveillance (d'une durée de 3 siècles) (souligné par le webmaistre)
     · Phase III: phase de banalisation (le terrain est rendu au domaine publique)
     Le CSM termine donc actuellement sa phase I.

III. Capacités de stockage du CSM
     Ce site était prévu pour accueillir un volume de 400.000 m3 (chiffre encore avancé il y quelques années dans les documents publicitaires de l'ANDRA). Il aurait donc dû être fermé bien avant la fin des années 80. Par ailleurs, une décision du Comité de Gestion de l'ANDRA, en novembre 90, entraîne la prolongation du stockage jusqu'en 94.

suite:
     Les volumes de déchets radioactifs stockés au C.S.M. de 1969 à 1992 apparaissent dans le tableau I-1 ci-dessous:
Tableau I-1
VOLUMES (en m3) DE DECHETS STOCKES
DE 1969 A 1992 AU CSM

     A ces chiffres, il faut ajouter les colis attendus en 1993 (17.000 m3) et 1994 (6.000 m3) ce qui conduira à un volume total de déchets stockés au CSM de 525.000 m3.
     La mise en service du Centre de Stockage de l'Aube (Soulaines) s'est effectuée parallèlement à la réduction dans la réception des colis au CSM. Sur ce plan, il est intéressant de comparer les densités relatives de stockage des 2 centres (tableau 1-2):

Tableau I-2
DENSITE DE STOCKAGE AU CSM ET AU CSA

     Le CSM présente une densité de stockage près de 5 fois plus grande que le Centre de l'Aube. Il est vrai que la réglementation a défini des limites en terme de "capacité a", et non pas en terme de densité, néanmoins, il est possible de s'interroger sur une telle disproportion entre ces deux sites (aux fonctions identiques).

IV. Capacité alpha du CSM
     La Règle Fondamentale de Sûreté du 19 juin 1984 applicable aux centres de stockage en surface définit les limites en activité a à ne pas dépasser sur ce type de site. L'explication tient d'une part de la forte radiotoxicité de ces émetteurs (pour lesquels on attribue un Facteur de Qualité voisin de 20) et, d'autre part, de leurs périodes généralement très élevées (Plutonium 239 = 24.110 ans; Neptunium 237 = 2.140.000 ans; Américium 243 = 7.370 ans; Américium 241 = 433 ans...) incompatibles avec un stockage limité à 300 ans.
     L'objectif de sûreté est résumé avec les trois valeurs suivantes:
     · L'activité massique moyenne en émetteurs a de l'ensemble des colis de déchets ne devra pas dépasser 370 MBq alpha/tonne (1 MBq = 1.000.000 Bq), soit 0,01 Ci a/t.
     · Respectant cette limite de capacité, des colis peuvent être acceptés jusqu'à des teneurs de 3.700 MBq a/t, soit 0,1 Ci a/t.

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     · Enfin, de caractère exceptionnel et devant faire l'objet d'un agrément spécifique de la part de l'exploitant, des colis peuvent être acceptés au-delà de 3.700 MBq a/f (0,1 Ci a/t) sans pouvoir en aucun cas dépasser 18.500 MBq a/t (0,5 Ci a/t)
     Ce sont les travaux de la Commission Castaing qui ont abouti à édicter ces règles réduisant d'un facteur 10 les propositions du CEA. Dans son rapport, publié en mars 1983, la Commission "exprime ses préoccupations en ce qui concerne la conformité du C.S.M. au regard des règles fondamentales de sûreté édictées en 1982".
     Le groupe formule à cet égard un certain nombre de recommandations qui lui paraissent urgentes:
     · "que l'on examine très sérieusement la situation actuelle du C.S.M. où des déchets a jusqu'a 10 Ci/m3 (370.000 MBq/m3) ont été stockés jusqu'en 1979, et s'il convient de reprendre ces déchets".
     · "que ne soient stockés au CSM que des déchets de catégorie A qui satisfassent à la nouvelle norme en teneur a. Ces déchets devraient être stockés géographiquement à des endroits bien distincts des déchets à teneur élevée déjà stockés, afin de laisser ouverte une option de réprise éventuelle des déchets déjà stockés".
     · "que ne soient plus construits de stockages enterrés à des niveaux tels qu'en cas de hautes eaux les déchets ou la structure en béton soient au-dessous du niveau phréatique".
     Une partie des déchets a a été reprise et reconditionnée, puis transférée vers le Centre d'Etudes Nucléaires de Cadarache. L'autorisation du Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN) a été donnée à deux reprises (lettres du 12.09.90 et du 06.04.92) pour les déchets de sulfates de plomb radifères (contenant du Radium) originaires de l'usine CEA au Bouchet. En 90-91, les responsables de l'ANDRA admettaient que la capacité a au CSM était le double de la limite réglementaire actuelle. Les travaux actuels de reprise pourraient réduire ce dépassement à 50% voir 20% selon des pronostics plus récents, mais aucun bilan détaillé n'a été publié. Notre dernière information (source SCSIN) fait état, à ce jour, d'une activité a sur le CSM de 393 TBq (1 TBq = 1.000 milliards de Bq), soit près de 10.620 Ci.
V. La dosimétrie de zone en périphérie du site
     En juin 87, à l'extérieur du site, à proximité des bâtiments TB, Centrales et des tumulus P21 et P24, des débits de dose particulièrement anormaux sont mesurés. Cette situation, même si l'on note une légère tendance à la baisse depuis la fin 89, demeure encore actuellement (figure I-1):
suite:
     Ces débits de dose, enregistrés en juin 87 en périphérie du site (à l'endroit mentionné auparavant), sont 20 à 30 fois la valeur du bruit de fond naturel mesuré dans la région. Ils chutent très rapidement mais restent jusqu'à la fin 89 dans des valeurs comprises entre 7 à 15 fois le niveau ambiant (symbolisé par la flèche). En 89, l'ANDRA a pris des mesures (mise en place de coques de béton, déplacement de caissons fortement irradiant...) visant à réduire ces débits de dose. Depuis 90, la dosimétrie de zone indique des valeurs se stabilisant aux environs de 3 à 5 fois le bruit de fond naturel (tableau 1-3). Jusqu'en 91, cette situation est clairement contraire à la réglementation actuelle (3ème colonne tableau 1-3) et pire encore si l'on se réfère aux dernières recommandations de la CIPR (1 mSv / an).

Tableau 1-3
DÉBIT DE DOSE MOYEN (en nGy/h)
EN PÉRIPHÉRIE DU SITE ET DANS LA RÉGION

VI. La contamination des sédiments de la Ste Hélène
     Ce point sera également développé dans le chapitre II relatant l'étude de l'IPSN de 1988.
     Le ruisseau Ste Hélène, tout particulièrement ses sédiments, sont sous la surveillance de plusieurs laboratoires. D'abord le SPR/COGEMA (de longue date), puis le Laboratoire Départemental d'Analyse (depuis le début 87) et enfin l'ACRO (fin 87) qui s'est équipée d'une chaîne de mesure en spectrométrie g.
     Les valeurs observées varient fortement selon les laboratoires en raison de protocoles techniques différents et surtout du lieu de prélèvement. Les mesures effectuées par l'ACRO révèlent la présence de plusieurs radioémetteurs g: le Césium 137, le Césium 134, le Cobalt 60, et le Ruthénium/Rhodium 106 (tableau 1-4).

Tableau I-4
ACTIVITÉ DES SÉDIMENTS DE LA STE HÉLENE
(en Bq/kg)
(Point de prélèvement n°4)

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     Ces résultats d'analyses traduisent une contamination significative en divers radionucléides caractéristiques, issus du retraitement. La pollution en Césium 137 est particulièrement forte. L'activité en Césium 134 apparaît grossièrement corrélée avec celle du Césium 137, mais ce n'est pas le cas pour le Rhodium 106 et le Cobalt 60: en effet la contamination des sédiments en 106Rh n'est observée que durant l'année 1990 (avec parallèlement des valeurs plus élevées en 60Co) alors que les activités en Césiums de ces mêmes sédiments sont les plus "faibles". Cette discordance entre les Césiums, d'un côté, et le 106Rh et le 60Co, de l'autre, pourrait indiquer que le point source de cette pollution a varié au cours du temps.
     L'étude du rapport isotopique 137Cs / 134Cs de nos résultats (tableau I-4) montre une parfaite cohérence avec celui présenté par les auteurs de l'étude IPSN (chap. II,§ A2) et conduit à la même conclusion quant à la "datation" de ces Césiums. De l'ordre de 70-80 en 1987, ce ratio augmente rapidement (fonction du rapport des périodes respectives) pour être de l'ordre de 500 en 93.

Tableau I-4
ÉVOLUTION DU RAPPORT ISOTOPIQUE 137Cs/134Cs
DANS LES SÉDIMENTS DE LA STE HÉLENE DEPUIS 1987


date ratio
10/87 77
04/88 86
02/91 148
03/91 170
03/91 194
05/91 230
09/91 262
01/92 192
03/92 3>93
07/92 325
12/92 480

     Parmi ces radioéléments, les teneurs en Césium 137 sont de loin les plus élevées mais en outre présentent d'importantes fluctuations au cours du temps (figure I-2):

Figure I-2
TENEUR EN 137Cs DANS LES SEDIMENTS DE LA STE HELENE

     Les différents laboratoires trouvent en général des valeurs de l'ordre de 100 à 300 Bq/kg à des points de prélèvement différents. C'est également notre cas pour les prélèvements de 1989-1990, mais au printemps 88 et en début d'année 91 et à nouveau fin 92, nous observons des valeurs 10 fois plus fortes au même point de prélèvement. Il est à noter qu'au printemps 87, le L.D.A. indique des valeurs 4 fois plus élevées que pour le reste de cette année-là. Il faut dire que ces résultats nous ont tout d'abord surpris: nous nous attendions en effet, lors de périodes de forte pluviosité, à des valeurs diminuées par phénomène de lessivage et dilution. Cette observation et interrogation apparaît en des termes analogues dans le rapport de l'IPSN (chap. II).

suite:
     Les valeurs obtenues au début 91 (de l'ordre de 3.000 Bq de 137Cs/kg de sédiments secs), nous ont amené à porter le dossier devant la Commission d'Information Hague et, face à certaines critiques, à proposer de vérifier ces données dans le cadre d'un essai inter-laboratoires.
     Cette intercomparaison a eu lieu en mai/juin 91. Les résultats montrent une très grande concordance entre les trois laboratoires (SPR-COGEMA / LDA / ACRO). Les teneurs en 137Cs avancées par l'ACRO, durant février et mars, sont parfaitement confirmées (point n°4). De plus les activités obtenues à cette occasion, au lieu de prélèvement habituel du SPR et du LDA (point n°7), apparaissent 10 fois supérieures aux valeurs habituelles.
     La recherche de l'origine de cette pollution a conduit les participants à explorer des ruissellements sortant du sous-sol sous forme de petites résurgences au point n°5 (Annexe IV). Les prélèvements effectués lors de l'intercomparaison et par la suite par l'ACRO conduisent aux résultats indiqués dans le tableau I-5:

Tableau I-5
ACTIVITÉS EN RADIOÉLÉMENTS ARTIFICIELS
au point n°5 (en Bq/kg)











     Il est à souligner que ce point de prélèvement se situe à un niveau très élevé (2 à 3 m au-dessus du niveau de l'eau) et que par conséquent il n'a pas pu être pollué par la Ste Hélène. Il s'agit là d'un mélange de sable et de terre végétale. On ne devrait donc pas y trouver plus que le maximum que l'on trouve dans la terre surfacique de la région, soit 20 à 30 Bq/kg. Cette contamination semble donc provenir de ces infiltrations souterraines issues des sites COGEMA et/ou ANDRA. Il n'est pas impossible d'ailleurs que ce terme source varie au gré de facteurs non identifiés, ce qui expliquerait la présence de Rhodium 106, en quantité non négligeable, dans les prélèvements de 1990 et son absence par la suite.
     Le 27 janvier 92, devant la Commission d'lnformation de la Hague, COGEMA annonce avoir engagé une recherche d'un éventuel point source de cette pollution en quadrillant, par de nombreux prélèvements, toute la zone Nord-Est du site. Le point source qui a été découvert peut être un des éléments de réponse. Il s'agit d'une ancienne canalisation située au sein de la double clôture du Centre de Retraitement. Cette canalisation, en fibrociment, véhiculait les eaux de ruissellement du Centre de Stockage (ANDRA) vers la Ste Hélène. Après l'abandon des rejets, en 1987, ce tuyau, particulièrement "poreux", est demeuré sur place, mais également la terre fortement contaminée qui l'entoure.
     COGEMA a annoncé qu'elle entreprendra des travaux pour reprendre cette canalisation, ôter et confiner la terre contaminée et enfin rétablir un nouveau réseau de drainage des eaux vers un point qui sera contrôlé.
     Néanmoins il est possible que d'autres points source de contamination existent. Le suivi permanent de la surveillance du CSM permettra de répondre à cette question.

VII. La contamination de l'eau de la Ste Hélène par le tritium
     L'eau de la Ste Hélène apparaît contaminée par divers radionucléides (voir chap. II-§Al) mais avec des teneurs beaucoup plus faibles que les sédiments. Ces derniers, particulièrement les particules fines de nature argileuse, ont en effet un pouvoir de concentration de nombreux radionucléides tels le Césium ou le Cobalt.

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     Il n'en est pas du tout de même pour le Tritium, essentiellement présent sous forme d'eau tritiée, dont les activités dans la Ste Hélène sont fortement élevées y compris si l'on compare avec d'autres cours d'eau soumis à l'influence d'installations nucléaires.
     Les valeurs des moyennes annuelles de ces 16 dernières années sont rapportées ici (figure I-3). Les valeurs mensuelles varient entre plusieurs centaines et plusieurs dizaines de milliers de Bq/l, avec une pointe record de 52.000 Bq/l en octobre 1982. A titre de référence, il est bon de rappeler que les eaux de surface continentales (en dehors des sites nucléaires) présentent des teneurs en tritium inférieures à 1 Bq/l. L'ANDRA, dans une note rédigée en septembre 1983, estime à partir de ces mesures que l'activité totale annuelle moyenne retrouvée dans le ruisseau de la Ste Hélène est de 1.850 GBq/an (50 Ci/an). En fait, 3 mois plus tard, l'ANDRA communiquera "l'activité rejetée, provenant du CSM, est d'environ 3.700 GBq (100 Ci) de Tritium par an"

Figure I-3
TENEUR MOYENNE ANNUELLE EN TRITIUM DE L'EAU DE LA STE HELENE

     On note une diminution significative des concentration en tritium, d'abord après 82 puis après 87. Pour cette dernière, l'explication est vraisemblablement liée à l'arrêt du rejet des eaux de ruissellement du CSM dans ce ruisseau. Toutefois, des teneurs en tritium comprises entre 300 et 500 Bq/l continuent d'être observées ces 5 dernières années. On peut raisonnablement penser que la Ste Hélène serait également affectée, à partir du CSM, par des eaux d'infiltration impliquant alors des nappes phréatiques.

VIII. La contamination des nappes phréatiques par le tritium
     Le 15 juin 92, la Commission d'Information Hague (CIR) recevait des responsables de l'ANDRA pour faire le point sur l'évolution du site. A cette occasion, notre représentant dans la Commission, Pierre Barbey, présenta un graphique (figure I-4) traduisant la contamination des eaux souterraines au niveau du Piézomètre 702 et demanda des éclaircissements. On y observe en effet une nette augmentation des teneurs en Tritium, pratiquement un doublement de l'activité volumique entre 1982 et 1991-92.
     Un autre piézomètre à proximité du site, le piézomètre 700, présente également une contamination en tritium (environ 4 fois moins élevée) qui augmente régulièrement de 83 à 89 et demeure relativement stable ces 5 dernières années.
     Par opposition, à l'extrémité Ouest des installations de retraitement, les piézomètres 500 ou 908 n'indiquent pas de présence de Tritium dans ces nappes souterraines.

suite:
Figure I-4
CONCENTRATION EN TRITIUM DANS LE PIEZOMETRE 702

     Comme il s'y était engagé le 15 juin, Monsieur Voizard, Directeur du CSM, a adressé à la Commission (24.12.92) un rapport qui mérite ici d'être relaté, car il apporte des informations de grande importance sur l'état du CSM et jusqu'à lors non diffusées publiquement.
     De cette étude, il ressort que si le Tritium est présent partout sur le site, il est principalement (76%) concentré dans 7 ouvrages sur les 71 réalisés. L'essentiel de ce tritium a été stocké en 1975 et surtout en 1976, puis dans les années 88 à 90.
     Il a fallu exploiter les résultats de la surveillance radiologique du site pour localiser deux zones particulièrement responsables de la contamination des eaux souterraines:
     - la structure P8, au Nord-Ouest, avec écoulement naturel de ces eaux vers le bassin versant de la Ste Hélène
     - la structure TB2, au Nord-Est, avec écoulement vers le bassin versant du Grand Bel.
     La structure P8 a été exploitée entre 1975 et 1981. L'ANDRA estime à 30.000 GBq (1 GBq = 1 milliard de Bq), soit 810 Ci, le Tritium qui y a été stocké. Ce Tritium a diffusé, vers les terrains sous-jacents, à travers le béton des ouvrages et des canalisations de drainage, lesquelles devaient normalement le diriger en totalité vers l'Etablissement COGEMA. Dans ces drains, l'activité volumique, en 1983, dépassé parfois 10 millions de Bq/l et d'environ 1 million de Bq en 1991. L'analyse de la nappe phréatique située à proximité de P8 indiquait, au début 1992, une contamination en Tritiurn del'ordre de 80.000 Bq/l.
     C'est donc ce Tritium qui, encore aujourd'hui, alimente la Ste Hélène.
     Les déchets de la tranchée bétonnée TB2 ont été stockés entre juin et juillet 1971. Provenant du démantèlement de laboratoires chauds de Saclay, l'activité est estimée à 11 millions de GBq (300.900 Ci). Le Tritium diffusant à partir de cette structure, des opérations de reprise et de reconditionnement des déchets ont en lieu entre octobre 77 et mars 78. Pendant la période du chantier, il a été pompé 84 m3 d'eau correspondant à 310.000 GBq, soit 8.400 Ci, de Tritium. Les déchets reconditionnés ont été transférés au centre de Valduc.
     L'ANDRA estime à 1.850.000 GBq (50.000 Ci) l'activité perdue dans le sol à partir de cet "incident".
     Sous le Centre, dans la ligne d'écoulement de ces eaux, la contamination de la nappe a atteint 630.000 Bq/l en janvier 1977 et a progressivement décru pour atteindre 14.800 Bq/l en février 1983. Depuis, ces forages ont été remplacés par des piézomètres correspondants. L'un (PZ 25 T), situé au Nord du site, indiquait 68.000 Bq/l en septembre 1968 et 8.000 Bq/1 actuellement; l'autre (PZ 34 T), situé au Nord-Est du site, indiquait 40.000 Bq/l il y a 6 ans et 18.000 Bq/l en mars 1992.

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     A l'extérieur du site, ces eaux souterraines se dirigent vers le ruisseau Le Grand Bel dont la source présente une contamination en Tritium de l'ordre de 600 Bq/l. A mi-chemin entre le CSM et la source du Grand Bel, se situe le piézomètre 702 que nous évoquions au début de ce paragraphe (figure I-4).

IX. Commentaires
     Cette étude, récemment adressée à la CIH par l'ANDRA, apporte des réponses qui éclairent sous un jour nouveau l'état des ruisseaux quant à leur contamination par le Tritium.
     Néanmoins elle soulève également des questions que l'on est en droit de se poser.
     Il n'existe pas sur le CSM de "classement" des radioéléments avec le Tritium d'un côté et tel ou tel isotope de l'autre. D'autres radioéléments ont pu migré à partir de ces sources insuffisamment confinées. Il est vrai que les piézomètres extérieurs (tels le 700 ou le 702) n'indiquent pas la présence de contamination autre que le Tritium. Mais ce dernier a un comportement tout à fait particulier (celui de l'eau) alors qu'en général les autres corps présentent des propriétés physico-chimiques qui conduisent à des temps de migration beaucoup plus longs. Les mesures effectuées sur les drains et dans les forages situés juste sous le CSM permettraient d'apprécier cette question. De ce point de vue elles devraient être toutes publiées.
     Lors de rencontres, notamment avec la CIH, des responsables ne cachaient pas que la qualité des bétons est moindre au nord du site là où le stockage est le plus ancien. A cet égard, nous pouvons citer le directeur du CSM qui, dans une "note intérieure" du 11juillet 1981, écrivait "nous devons préciser que l'état vétuste de la Centrale Richier ne permet pas d'affirmer que la composition théorique des gâchées soit respectée".
     Sachant que le CSM doit assurer un parfait confinement pendant au moins 300 ans, il paraît nécessaire que des reponses soit également apportées à cette question.
     Il est important également que l'ensemble des études radioécologiques concernant l'influence du CSM sur l'environnement soit aussi diffusé. En dehors du Tritium (pour lequel une réponse vient d'être apportée), il faut en effet expliquer la présence dans la Ste Hélène, des radioémetteurs g (tout particulièrement le 137Cs) et des radioémetteurs a.
     Les rejets des eaux de ruissellement, avant 1987, et la présence de la canalisation (véhiculant ces eaux) demeurée en bordure du site n'expliquent peut-être pas, à eux seuls, cette contamination.
     Au sujet des émetteurs a, les auteurs de l'étude IPSN (chapitre II) suggèrent clairement l'existence d'une source de 238Pu mal confinée sur le site. Ces données étant connues depuis 1987, il est possible aujourd'hui que l'exploitant puisse apporter une réponse.
     Au sujet du 137Cs, radionucléide largement dominant parmi l'ensemble des radioélément détectés, un lien peut-il exister avec les déchets (riches en Césium) issus du démantèlement de l'installation ELAN 2B (fabrication de sources de Césium) et stockés au CSM? Un argument pourrait étayer cette hypothèse. Les laboratoires, capables de quantifier le 90Sr, n'indiquent pas d'activités massiques, pour ce radionucléide, du même ordre que celles du 137Cs. A titre d'exemple, les ~uteurs de l'étude IPSN (chap. 11) ont observé le même jour (02.10.86) et au même endroit de la Ste Hélène (Pont-Durand) des activités 5 fois supérieures en 137Cs par rapport au 90Sr. Or, le rapport isotopique 137Cs I 90Sr, dans les produits issus des combustibles irradiés, est de l'ordre de 1/0,8 et celui-ci ne varie pas au cours du temps (les périodes étant sensiblement les mêmes).

suite:
Chapitre II
Introduction
     Le rapport, relaté ici, fait le point sur l'avancement d'une étude pluriannuelle concernant l'impact du Centre de Stockage de la Manche (CSM) sur l'environnement. Il fait suite à un précédent rapport de A. Fraizier et M. Pally - "étude radioécologique du CSM" - diffusé en février 87.
     Dans ce travail, les auteurs (vraisemblablement les mêmes) ont cherché à:
     - identifier et quantifier les radioéléments migrant à partir du CSM,
     - étudier leur devenir tant en milieu continental qu'en milieu marin,
     - développer des protocoles permettant d'analyser les transferts des radioéléments dans des systèmes biologiques.
     Deux domaines ont été explorés:
     - le milieu continental,
     - le milieu marin.
     Les prélèvements d'échantillons ont été effectués sur deux périodes: en octobre 86 et en mai 87. Cependant les auteurs présentent également des tableaux de mesures portant sur de plus longues périodes de suivi.

     Remarque: pour plus de clarté à l'attention du lecteur non averti, certains tableaux repris ici ont pu être soit simplifiés, soit recomposés. Ainsi, les incertitudes sur les mesures - qui peuvent atteindre 10% voir plus (ce qui est fréquent en spectrométrie g) - ne sont pas reprises.

A. Investigations en milieu continental
     L'eau étant par excellence le vecteur potentiel de migration des radioéléments, les auteurs ont étudié les ruisseaux environnants (Annexe IX). Ceux-ci peuvent être classés en deux groupes:
     - ceux soumis à l'influence du CSM
     - ceux ne recevant aucune eau du CSM et pouvant ainsi servir de point de référence. La rivière du moulin pouvant être considéré comme le meilleur témoin.
Bien que très intéressante sur le plan scientifique, nous n'aborderons pas ici l'analyse des radionucléides naturels.

A.1. Résultats des mesures dans l'eau
A.1.1 - Radionucleides émetteurs gamma
     La distinction entre les deux groupes de ruisseaux est ici très nette tant sur le plan quantitatif que qualitatif.
     Dans les ruisseaux de référence, on note la présence de Césium 137 en concentrations faibles et qui varient peu - en moyenne 3,5 mBq/l -, et de traces de Césium 134. Ces activités peuvent s'expliquer par l'influence des retombées atmosphériques (notamment l'accident de Tchernobyl, récent à cette époque).
     Dans la Ste Hélène, on retrouve les Césium 137 et 134, mais également de nombreux autres radionucléides artificiels tels le Cobalt 60, le Cobalt 58, le Ruthénium/Rhodium 106, l'antimoine 125, l'Europium 155... Les activités en Césium 137 varient ici fortement en fonction du lieu de prélèvement et de la période (au cours de l'année). Elles sont de 10 à 500 fois plus élevées que dans les ruisseaux de référence (tableau II-1):

Tableau II-1
ACTIVITÉ EN CÉSIUM 137 DANS L'EAU BRUTE


p.21

A.1.2 - Activité en Tritium
     Les teneurs en tritium de l'eau confirment les résultats précédents (radioactivité gamma) et mettent clairement en évidence l'influence du CSM sur la radioactivité du ruisseau Ste Hélène. On observe en effet un net gradient d'activité décroissante de l'amont vers l'aval (tableau II-2):
Tableau II-2
TENEUR EN TRITIUM DANS LA STE HÉLENE
(le 8 avril 1987)

     Comparativement aux ruisseaux de référence, les teneurs en Tritium sont de 200 à 2.000 fois plus élevées dans le ruisseau de la Ste Hélène.
     Il est également intéressant de comparer les valeurs ci-dessus, pour la Ste Hélène, avec celles des teneurs en Tritium dans les eaux du Rhône qui, en aval de toutes les installations nucléaires, varient entre 11 et 26 Bq/l.
     Se référant aux mesures régulières du SPR/COGEMA, les auteurs en déduisent (selon une régression linéaire) une nette augmentation dans le temps de la teneur en Tritium dans la Ste Hélène...
     Une situation intermédiaire est observée pour le Grand Bel (affluent de la Ste Hélène) où les teneurs en Tritium sont très élevées par rapport aux ruisseaux de référence (100 à 200 fois plus) mais en étant beaucoup moins influencés que la Ste Hélène par les variations saisonnières. Apparemment, ce ruisseau collecte les eaux d'infiltration du CSM, avec des phénomènes de transfert différents de celui des eaux de ruissellement.

A.2. Résultats des mesures dans les sédiments
     Il est bon de préciser l'intérêt d'analyser les sédiments. Ceux-ci, tout particulièrement les particules fines de nature argileuse, possèdent en effet un pouvoir de capter et concentrer de nombreux radioéléments. De ce fait ils constituent d'excellents indicateurs de la contamination radioactive des eaux.
     Les mesures effectuées indiquent, pour le Césium 137, des valeurs 20 à 100 fois plus élevées dans les sédiments de la Ste Hélène par comparaison aux sédiments des ruisseaux de référence (tableau II-3). Par ailleurs on note là encore un gradient d'activité décroissante de l'amont vers l'aval tant pour les radiocésiums (explicable en partie par la granulométrie) que pour le Cobalt 60.

Tableau II-3
TENEURS EN CÉSIUM 137 DANS LES SÉDIMENTS
(mai 1987) (en Bqlkg de sédiments secs)


suite:
     Comme pour l'eau, les auteurs observent une nette augmentation du 137CS dans les sédiments de la Ste Hélène en 1987 par rapport à 1986: 8 fois plus à la même station (Pont Durand).
     A travers cette étude des sédiments, deux arguments permettent d'impliquer le CSM dans cette contamination radioactive du milieu environnant:
     1°) la comparaison des activités massiques avant et après le point de déversement des eaux de ruissellements dans la Ste Hélène (tableau II-4):
Tableau 11-4
RADIOACTIVITÉ GAMMA ARTIFICIELLE
DU SÉDIMENT PRÉLEVÉ À L'AMONT ET À L'AVAL
DU DÉVERSEMENT DES EAUX
DE RUISSELLEMENT DU C.S.M.
DANS LA STE HÉLENE (en Bq/kg sec)

     2°) l'étude du rapport isotopique 137CS / 134CS. En raison de la différence entre leur période respective (137CS, T = 30 ans; 134CS, T =2 ans) ce rapport constitue un bon index permettant d'apprécier l'origine (en fonction du temps) d'une contamination. Le rapport des radiocésiums est 5 à 7 fois plus élevé tout au long de la Ste Hélène que ce même ratio en amont du point de rejet ou encore dans les ruisseaux de référence (tableau II-5). La "datation" des césiums de la Ste Hélène est donc beaucoup plus ancienne.

Tableau II-5
VALEUR DU RAPPORT DES ISOTOPES l37CsIl34Cs
DANS LES SÉDIMENTS DES RUISSEAUX
DE RÉFÉRENCE ET DE LA STE HÉLENE
(en amont et en aval du point de rejet)

     On notera, par ailleurs, que ce rapport isotopique très élevé dans la Ste Hélène apparaît comme une donnée constante dans tous les prélèvements effectués de la mi-86 à la mi-87.
     Pour les auteurs, un élément important de cette seconde étude était de vérifier la présence d'émetteurs a. Ce point est clairement confirmé car, en plus des radioéléments g auparavant cités (tableau 11-4), l'étude des sédiments a montré la présence d'Américium 241 et 243, de Curium 244, de Plutonium 239 et 240 et surtout de Plutonium 238 atteignant des taux de 140 Bq/kg (tableau II-6).

p.22

     Comme l'indique le rapport des valeurs "Aval / Amont", "l'impact du déversement des eaux de ruissellement du CSM dans la Ste Hélène est à nouveau très nettement mis en évidence"...
Tableau II-6
TENEUR EN EMETTEURS ALPHA DU SEDIMENT PRELEVE A L'AMONT ET A L'AVAL DU DEVERSEMENT DES EAUX DE RUISSELLEMENT DU C.S.M. DANS LA STE HÉLENE
(en Bq/kg sec)
     Enfin parmi les émetteurs b purs, du Strontium 90 est enregistré à des concentrations 5 fois supérieures à celles observées dans les sédiments du Rhône en aval de toutes les installations nucléaires.

A.3. Résultats des mesures dans les végétaux
     Les auteurs ont étudié 3 groupes de végétaux:
     - des iris (en distinguant les parties aériennes et souterraines)
     - des algues filamenteuses
     - des bryophytes (mousses et hépatiques)
     Ceux-ci (tout particulièrement les bryophytes) constituent d'excellents bioindicateurs de pollutions radioactives.
     Comme pour l'eau et les sédiments, l'excès de contamination de la Ste Hélène (par rapport aux ruisseaux de référence) apparaît également très clairement dans ces divers milieux biologiques (tableaux II-7 à II-9).

Tableau II-7
ACTIVITÉ GAMMA ARTIFICIELLE DANS LES IRIS
(RÉCOLTES EN MAI 1987)
(en Bq/kg sec)

     Là encore il est observé une augmentation de l'activité en 137Cs dans les iris en 87 par rapport à 86; les valeurs sont 2 et 2,6 fois plus élevées respectivement pour les parties souterraines et aériennes.

Tableau II-8
ACTIVITÉ GAMMA ARTIFICIELLE DANS LES
ALGUES FILAMENTEUSES EN MAI 1987
(en Bq/kg sec)

Tableau II-9
ACTIVITÉ GAMMA ARTIFICIELLE DANS LES
BRYOPHYTES (Platyhypnidium ripanoïdes)
EN MAI 1987 (en Bq/kg sec)

suite:
     Observant les teneurs en Césium 137 dans les bryophytes collectées dans la Ste Hélène depuis janvier 84 à mai 87, les auteurs notent que "la teneur en 137Cs augmente régulière-ment dans le temps et suit même une courbe exponentielle... Cette évolution de la teneur en Césium 137 dansles bryophytes reflète celle de l'eau".
     Concernant le Tritium (émetteur b pur), sa teneur dans les mousses de la Ste Hélène apparaît 50 fois plus élevée que dans celles des ruisseaux de référence. On soulignera qu'il s'agit ici de Tritium incorporé à la matière organique.
     Enfin, concernant les émetteurs a, les radionuléides présents dans les sédiments (tableau II-6) sont retrouvés dans des mousses prélevées dans la Ste Hélène mais pratiquement non détectables dans celles du ruisseau de référence.
     Les auteurs se sont par ailleurs attachés à développer un test biologique, permettant le controle radioécologique des rivières, dont les résultats soulignent tout l'intérêt, non seulement en terme de bioindicateurs, mais également pour l'étude des transferts.
     Des mousses, prélevées dans la Sorgue (ruisseau de référence) et implantées dans la Ste Hélène, atteignent en quelques jours les niveaux de radioactivité artificielle des mousses locales (témoin station). Ainsi, elles reflètent très bien la radioactivité présente dans l'eau pendant leur période d'immersion.

B. Investigation en milieu marin
     La rivière Ste Hélène, dont on vient de voir l'influence exercée par le site ANDRA sur ses différents compartiments physiques et biologiques, se jette dans l'anse St Martin.
     Les auteurs ont cherché à déterminer quelle pouvait être la part de cette pollution radioactive d'origine continentale dans la contamination de l'Anse St Martin. Cet impact est en fait difficile à différencier de celui des eaux du large, marquées par les rejets de l'usine de retraitement de la COGEMA, qui pénètrent dans la baie.
     Devant cette difficulté (et le défaut de quelques moyens techniques) plusieurs approches méthodologiques ont dû être exercées. Résumé simplement, l'objectif premier est de trouver le marqueur le plus spécifique des rejets de la Ste Hélène d'une part (ex: le 137Cs), et des rejets de l'usine de retraitement d'autre part (ex: le 106Ru-106Rh). C'est donc le rapport 137Cs / 106Ru-106Rh qui va permettre d'observer des variations significatives.
     Malgré les difficultés d'interprétation, il a été mis en évidence un marquage spécifique de l'Anse St Martin par les apports de la Ste Hélène, et ceci au moins dans deux secteurs principaux où existeraient des conditions favorables à une sédimentation plus grande. Cette contribution (du CSM) est "sans ambiguïté" au moins pour le Tritium et pour le 137Cs qui accroîtrait par un facteur 2 à 3 les apports marins (usine de retraitement) de ce dernier.
     Compte tenu des données acquises, les auteurs présentent un bilan "partiel et provisoire" des transferts radioactifs du ruisseau Ste Hélène à l'Anse St Martin:

1°) transferts radioactifs par milieu aqueux:
     +600 millions Bq par an de radioémetteurs g
     +6000 milliards Bq par an de Tritium
2°) transferts radioactifs par particules en suspension:
     +300 millions Bq par an de radioémetteurs g
     +2 millions Bq par an de radioémetteurs a

Conclusion
     Cette seconde étude radioécologique des ruisseaux du cap de la Hague permet de mieux cerner deux groupes distincts:
     - d'un côté, ceux peu ou pas influencés par les installations nucléaires locales
     - de l'autre, la Ste Hélène et son affluent, le Grand Bel, vecteurs essentiels de transfert de radioéléments depuis le CSM.
 

p.23

     La mise en cause du CSM semble peu discutable. "L'activité en aval du point de déversement des eaux de ruissellement du CSM peut être jusqu'à 500 fois supérieure à celle en amont". L'existence, pour certains radionucléides, de gradients d'activité décroissante (d'amont en aval) constitue un argument supplémentaire.
     Cette pollution radioactive, "qui est gobalement 1.000 fois supérieure à celle des ruisseaux témoins, commence à dépasser la radioactivité naturelle"
     Sur un plan qualitatif, on y trouve un large éventail de radionucléides g (éléments de produits de fission ou d'activation), des radioémetteurs b purs et des radioémetteurs a (éléments transuraniens).
     Parmi les radionucléides g, le 137Cs est largement dominant, tout particulièrement dans les sédiments qui présentent des facteurs de concentration très importants (F.C. > 1.000). Le rapport isotopique 137Cs / 134Cs, très élevé (ici de l'ordre de 70, alors qu'il est voisin de 6 dans les effluents liquides de la COGEMA), "accrédite l'hypothèse selon laquelle leurs sources seraient situées au C. S.M.".
     Le Tritium est présent dans l'eau à des concentrations très élevées. Son association à la matière organique apparaît dans l'analyse des mousses.
     Cette contamination de l'eau conduit les auteurs à s'interroger et à "attirer l'attention sur le fait que l'eau de ce ruisseau sert à abreuver les vaches, arroser les jardins et à différents usages domestiques".
     Un point mérite une attention toute particulière. C'est la présence des transuraniens, notamment les isotopes du Plutonium dont "les teneurs (dans la Ste Hélène) sont nettement plus élevées que dans le Rhône en aval de l'usine de retraitement de Marcoule". L'étude d'un autre rapport isotopique, celui du 238Pu / 239+240Pu, est encore ici une source d'information inquiétante. En général, les mesures faites dans l'environnement - (retombées atmosphériques, rejets des installations nucléaires...) - indiquent un rapport pratiquement toujours inférieur à 1/2. Au niveau de la Ste Hélène, ce ratio est de 8 pour les mousses et de 5 à 13 pour les sédiments selon le lieu de prélèvement. "Ceci confirme, sans le moindre doute à présent, qu'il existe une source de Plutonium 238 qui est relarguée dans l'environnement et que, selon toutes vraisemblances, elle se situe sur le Centre de Stockage de la Manche".
     Enfin, les différentes trajectoires suivies par les radionucléides lors de leur migration sont également de grande importance. Si la Ste Hélène est surtout affectée par les eaux de surface (eaux de ruissellement), la contamination du Grand Bel met en jeu un transfert via les eaux d'infiltration impliquant donc les nappes phréatiques. Ce transfert, par les eaux d'infiltration, pourrait aussi concerner la Ste Hélène, ce qui expliquerait certaines irrégularités sur les gradients d'activité.
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