La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°127/128
Les déchets nucléaires
Le problème de l'acceptabilité du risque
Roger Belbéoch


     Les déchets nucléaires ont récemment fait irruption dans le dossier de l'énergie nucléaire d'ou ils avaient été soigneusement exclus. Le recyclage des déchets dans le domaine public soulève le problème des normes d'acceptabilité. On trouve le même problème tout au long du cycle de l'énergie nucléaire:
normes de radioprotection des travailleurs et du public, normes de rejet des effluents radioactifs des centrales, limites d'intervention (évacuation, confinement) et de contamination radioactive des aliments en cas d'accident grave, contamination des sols acceptable pour l'agriculture et l'habitat dans les gestions post-accidentelles...
     Dans tous les cas le problème fondamental est le même: il s'agit d'établir des normes d'acceptabilité c'est-à-dire de fixer des limites en-dessous desquelles les situations sont déclarées acceptables. S'il faut limiter les niveaux de radioactivité c'est parce que le rayonnement n'est pas inoffensif. Dans tous les cas que nous avons envisagés précédemment il s'agit de niveaux de rayonnement relativement bas mais qui vont affecter un très grand nombre de personnes d'une façon chronique durant toute leur vie. Quant aux générations futures elles pourront être marquées par la radioactivité «acceptée» bien avant leur venue au monde. Les effets biologiques de ces faibles doses de rayonnement sont essentiellement des effets différés: effets cancérigènes, effets genétiques. Le rayonnement peut aussi perturber le développement des foetus et conduire à des retards moteurs et mentaux chez les enfants qui naîtront.
     Nous traiterons surtout ici des effets cancérigènes du rayonnement non pas parce que les effets génétiques sont négligeables mais parce qu'en ce domaine les données sont mal connues. Il est bien évident que ce pourrait être la composante majeure du détriment causé par le rayonnement, celui-ci affectant le patrimoine génétique des générations à venir.

La notion de seuil et la démocratie
     Dès que furent constatés les effets néfastes sur la santé causés par le rayonnement, la notion de seuil fut adoptée. Les fortes doses étaient dangereuses mais on a supposé qu'il existait un seuil de dose en-dessous duquel il n'y avait aucun danger.
     - si l'on admet l'existence d'un seuil, il suffit, pour assurer la sécurité des gens (travailleurs et population). de prendre les mesures adéquates pour que personne n'atteigne ce seuil. Il s'agit là d'un problème purement technique qui relève de la compétence des experts. Le débat démocratique sur l'énergie nucléaire n'a pas de raison d'être puisque le risque est inexistant.
     - Par contre, s'il n'y a pas de seuil, toute dose de rayonnement aussi faible soit-elle comporte un danger, un risque supplémentaire pour l'individu. Comment fixer des normes, des limites acceptables alors qu'il n'existe pas de limite de dose en-dessous de laquelle le risque est nul? C'est le corps social dans son ensemble qui devrait fixer les limites qu'il juge acceptables : le débat démocratique devrait être nécessaire pour établir si le nombre de morts par cancer correspondant à la limite de dose choisie est acceptable. Les effets génétiques sur les générations futures compliquent le problème. Qui parlera en leur nom pour déterminer le nombre de maladies génétiques qu'elles devront subir? A-t-on le droit de prendre des décisions qui engagent les générations à venir?

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     Le problème du seuil est donc le question clé de tout le dossier nucléaire

     C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner si la controverse qui a lieu parmi les experts depuis une quinzaine d'années se ramène finalement à ce problème de seuil d'une façon explicite ou détournée. On voit bien que dans cette polémique l'enjeu est tel que le débat ne peut avoir la courtoisie d'une discussion académique.
     Pour de fortes irradiations on observe divers signes cliniques (brûlures, problèmes sanguins etc.). Pour ces effets, que les experts nomment effets déterministes ou non stochastiques, il existe bien des seuils d'apparition qui dépendent peu des individus. Par contre, aux faibles doses, aucun signe clinique particulier n'est observé chez la personne irradiée. De là il n'y avait qu'un pas à franchir pour conclure à l'absence totale d'effet sur la santé en particulier cancérigène et génétique. En fait, pour les faibles doses, les effets sont dits non déterministes ou stochastiques car ils n'apparaissent pas d'une façon systématique chez les individus irradiés mais au hasard, plus justement aléatoirement. Dans un groupe de personnes irradiées à des doses faibles, certaines développeront plus tard un cancer, d'autres pas. L'approche des effets cancérigènes du rayonnement ne pouvait se faire suivant la pratique médicale courante. Elle nécessitait des études épidémiologiques effectuées sur un nombre important de personnes suivies pendant des temps longs.
     De nombreux responsables du corps médical ont tendance à considérer les seuils d'apparition des effets aigüs des fortes doses comme des seuils en-dessous desquels il n'y a strictement aucune action du rayonnement sur la santé.
     Depuis longtemps on pouvait cependant trouver dans les publications scientifiques les résultats d'études épidémiologiques manifestement en désaccord avec l'existence d'un seuil dans le domaine des faibles doses de rayonnement (par exemple l'étude dite d'Oxford mettant en évidence irradiation in utero et cancer des enfants) mais les experts en radioprotection n'en tinrent aucun compte. Pourtant aucun modèle théorique n'étayait l'hypothèse de l'existence d'un seuil.

Quelle est la situation réelle?:
l'hypothèse du seuil est rejetée
     En février 1990, pour la première fois dans un texte officiel de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) il est affirmé de façon explicite l'absence d'un seuil. Cela n'empêche pas les experts de continuer à utiliser la notion de seuil tant dans leurs relations médiatiques avec la population que dans leur pratique. Ils considèrent qu'en-dessous de certains niveaux de rayonnement le danger est suffisamment faible, négligeable, pour qu'on puisse le considérer comme naturellement acceptable par tous. Il leur faut à tout prix éviter de tomber dans la logique de la nécessité d'un débat démocratique dans l'ensemble du corps social pour déterminer les niveaux de risque acceptables.

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     Voici quelques extraits des dernières recommandations adoptées en novembre 1990 par la CIPR (publication CIPR 60):
     «On doit supposer que même de petites doses de rayonnement peuvent produire des effets nocifs sur la santé. Puisqu'il y a des seuils pour les effets déterministes il est possible de les éviter en limitant les doses reçues par les individus. Par contre les effets stochastiques cancers et effets génétiques ne peuvent être complètement évités car pour eux on ne peut invoquer l'existence d'un seuil» (article 100)
     «Les mécanismes de défense ne sont probablement pas totalement efficaces même aux faibles doses, aussi, il est improbable qu'ils engendrent un seuil dans la relation dose/réponse» (article 62)

L'établissement des normes
     La CIPR a renoncé dans ses dernières recommandations à définir les normes de radioprotection uniquement à partir de critères scientifiques objectifs.
     «Le but premier de la protection radiologique est de fournir un modèle approprié de protection des hommes sans limiter indûment les pratiques bénéfiques qui peuvent conduire à des irradiations. Ce but ne peut être atteint sur la base des seuls concepts scientifiques» (article 15)
     «Les fondements de la radioprotection doivent obligatoirement inclure des jugements sociaux» (article 100)
     «Dans la pratique, plusieurs idées fausses sont apparues dans la définition et la fonction des limites de dose. En premier lieu, la limite de dose est largement mais d'une façon erronée, considérée comme la ligne de démarcation entre 1'inoffensifet le dangereux» (article 124)
     Enfin la Commission évoque l'effet du rayonnement naturel:
     «La composante de l'irradiation du public due aux sources naturelles est de loin la plus élevée (NdT: en dehors des irradiations en cas d'accidents graves), mais cela ne fournit aucune justification pour réduire l'attention que l'on doit porter aux irradiations plus faibles mais plus facilement maîtrisables, dues aux sources artificielles» (article 1 40)
     Ainsi on peut résumer ces conceptions de la CIPR:
     1)Il n'y a pas de seuil pour les effets cancérigènes et les effets génétiques: toute dose de rayonnement aussi faible soit-elle comporte un risque.
     2) L'établissement de normes implique obligatoirement des critères sociaux (économiques).
     3) Le maintien des irradiations au-dessous des limites «acceptables» n'implique pas que les individus soient complètement protégés.
     On peut logiquement en déduire:
     1) Puisque ce sont des critères sociaux qui sont à la base de tout système de protection radiologique, c'est à la société de décider les niveaux d'acceptabilité
     2) La fixation de limites de dose déclarées «acceptables», quelque soit le domaine d'application, implique de considérer comme «acceptable» un certain nombre de morts dans le groupe d'individus concerné par ces limites.
     3) En démocratie on ne voit pas qui, en dehors de ceux qui sont susceptibles de subir les risques, pourrait se déclarer investi du droit de fixer ce nombre de morts. Une question est souvent posée dans des situations particulières: «Est-ce que c'est dangereux? ». On attend une réponse, oui ou non. S'il y a un seuil la réponse est simple: en-dessous du seuil c'est non, au-dessus c'est oui. Répondre à une telle question par un non, ce que font généralement les autorités «responsables» implique logiquement l'existence d'un seuil. S'il n'y a pas de seuil, il n'est pas possible de repondre simplement. Il faut d'abord préciser à partir de combien de morts considère-ton une situation comme dangereuse. Cette précision ne peut venir bien évidemment que des individus concernés.

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     4) L'usage que les décideurs font des normes (qu'ils soient scientifiques, politiques ou autres) et qu'ils décrètent sans explication, est parfaitement erroné. Les normes qu'ils déclarent acceptables sont plus destinées à protéger certaines pratiques économiques et industrielles, voire médicales, qu'à protéger la santé des populations.
     5) Enfm le rayonnement naturel ne peut etre utilisé comme référence d'inocuité pour les niveaux de rayonnement que l'on veut imposer aux populations.

L'importance des effets cancérigènes du rayonnement
     Là aussi la polémique a été vive parmi les spécialistes depuis de nombreuses années. On peut noter que les responsables de la radioprotection ont été obligés, au cours des ans, de réviser à la hausse leur estimation de l'importance du risque cancérigène et cela malgré leur répugnance à le faire. A titre d'indication signalons que la CIPR a, en 1990, multiplié par 4 son estimation du risque cancérigène du rayonnement établi antérieurement (en 1977). Si la CIPR n'a pu éviter cette réévaluation à la hausse c'est que les études épidémiologiques, même celles reconnues comme officiellement valables pour estimer le risque, montrent d'une façon de plus en plus évidente que l'effet cancérigène est beaucoup plus important que ce qui était admis par les autorités.
     Les experts de la CIPR ont tenté de limiter le préjudice que subirait l'industrie nucléaire s'il était reconnu que le rayonnement a des effets cancérigènes très importants. Pour cela ils ont abaissé les facteurs de risque cancérigène déduits des études épidémiologiques en les affectant de coefficients de réduction qui relèvent d'hypothèses non fondées sur des observations épidémiologiques. Pourtant, malgré ces manipulations ils n'ont pu éviter ce réajustement à la hausse de l'effet cancérigène du rayonnement.
     L'évolution des limites recommandées comme «acceptables» par la CIPR donne une indication sur la façon dont ses experts considéraient les dangers du rayonnement. On peut prévoir que de nouvelles révisions à la baisse seront faites pour ces limites mais cela ne se fera que très lentement car les conséquences économiques en seraient particulièrement graves pour les industries nucléaires.

En conclusion
     L'établissement des limites pour la radioprotection des travailleurs et de la population n'est pas uniquement du domaine de la science, il est un problème de société. C'est aux populations et aux travailleurs qui devront subir les détriments de la radioactivité de dire ce qu'ils sont prêts à accepter comme risque pour eux et leurs descendants.
 

     «On estime que le volume des déchets issus du déclassement d'un réacteur sera du même ordre de grandeur que celui des déchets d'exploitation qu'il produira pendant sa vie utile»

     Extrait de: «Déclassement des installations Nucléaires ». Rapport établi par un groupe d'experts. OCDE Agence peur 1'Energie Nucléaire, Paris(1986), page 19.

     Les déchets nucléaires posent d'importants problèmes de gestion alors que le parc des réacteurs français est assez jeune.
Le volume des déchets produits depuis une dizaine d'années par les réacteurs français est faible par rapport à ce qui sera produit dans l'avenir. Les problèmes ne pourront aller qu'en s'aggravant.

26 mai1992
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EFFETS CANCÉRIGÈNES A LONG TERME

     Si 1 million de personnes reçoivent 1 rem (10 millisievert), quel sera le nombre de cancers mortels radioinduits? La réponse dépend de l'institution qui effectue l'estimation!

CIPR-26 (1977)              125
UNSCEAR (1977)  75 à 175
BEIR 111(1980)    158 à 501 
MSK (1980)                 6000
RERF (1987)                1740
BEIR V (1990)               800
CIPR-60 (1990)             500
NRPB(1992)                1000

ÉVOLUTION DES NORMES
DE RADIOPROTECTION DE LA CIPR

Pour les travailleurs

De 1934 à 1950 46 rem/an
1950 15 rem/an
1956 5 rem/an
1990 2 rem/an (20 mSv/an)

Pour la population

1959 0,5 rem/an (5 mSv/an)
1985 0,1 rem/an (1 mSv/an)

Nota : En France la règlementation fixe les limites annuelles à 5 rem (50 mSv) pour les travailleurs et à 0,5 rem 15 mSv) pour la population. La règlementation française ne respecte pas les recommandations de la CIPR.


CIPR: Commission Internationale de Protection Radiologique
UNSCEAR : Comité scientifique des Nations Unies pour les effets des rayonnements atomiques
BEIR: Comité de l'Académie des Sciences des Etats-Unis pour l'étude des effets biologiques du rayonnement ionisant
RERF : Fondation américano-japonaise pour l'étude du suivi des survivants japonais des bombes atomiques. (La valeur indiquée correspond aux résultats bruts, avant l'utilisation des coefficients de réduction)
MSK : Mancuso, Stewart et Kneale. Equipe de chercheurs ayant étudié la mortalité par cancers parmi les travailleurs de l'usine nucléaire américaine de Hanford. (La valeur indiquée a été calculée à partir de la dose de doublement MSK, Gazette no 90/91). NRPB : National Radiological Protection Board (Agence Nationale de Protection Radiologique du Royaume Uni). D'après le suivi de mortalité effectué sur les travailleurs de l'industrie nucléaire du Royaume Uni (Gazette no 117/118).
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GREENPEACE
Le transport des déchets nucléaires

     La France est le pays le plus nucléarisé au monde avec 56 centrales nucléaires en fonctionnement, situées sur 20 sites. 80% de notre électricité est d'origine nucléaire.
     La production d'énergie dans ces centrales "use" le combustible et le transforme. Au bout de 3 ans, le combustible doit être remplacé. Par analogie avec un feu de bois, il faut retirer la "cendre" pour mettre de nouvelles baches. Ce combustible usé est un déchet radioactif dont il faut se débarrasser et qui présente d'énormes dangers pour la santé et l'environnement.
     La toxicité de chacun de ces composants est grande. Le temps nécessaire pour que leurs effets meurtriers diminuent de moitié se compte en milliers et en millions d'années. Chaque réacteur contient environ 30 tonnes de combustible.

     Selon les pays, les "solutions" au problème des déchets nucléaires sont différentes:
     - soit on stocke le combustible, au fond d'une piscine, sur les lieux de production. L'eau de la piscine sert à la fois de protection et de refroidissement de ces éléments encore actifs.
     - soit on "retraite" ce combustible pour en séparer les composants : le plutonium, l'uranium et les produits de fission. Ce retraitement engendre de nouveaux déchets très dangereux et ne se justifie pas. De plus, cette solution impose le transport du combustible usé depuis la centrale nucléaire jusqu'à l'usine de retraitement.
     Dans le monde, il n'existe actuellement que deux centres de retraitement industriel des déchets nucléaires : La Hague, en France, et Sellafield, en Grande-Bretagne. Les pays d'Europe et le Japon ont choisi cette solution du retraitement qui entraîne une ronde incessante de déchets nucléaires à travers le monde entier, par bateau, train et camion.

Le transport des déchets nucléaires à travers la France
     On peut distinguer différents types de transport en France:
     - les transports "nationaux", concernant les combustibles des centrales nucléaires françaises apportés à l'usine de retraitement de La Hague.
     - les transports "internationaux" venant de l'étranger pour rejoindre La Hague.
     - les transports "en transit" provenant de l'étranger en direction de l'usine de retraitement de Sellafield.
     Sur le continent, les transports s'effectuent par train et camion, puis ils traversent la Manche par ferry pour les déchets en transit.
     Les combustibles nucléaires usés sont emballés dans un conteneur d'acier baptisé "château", d'une longueur de 6 mètres, et de 2,50 m de diamètre.
     C'est la COGEMA (Compagnie Générale des Matières Atomiques) qui effectue les transports nationaux et internationaux, avec ses filiales: Transnucléaire et NTL (Nuclear Transport Limited).
 

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          Les transports de déchets irradiés en France provenant d'Allemagne ou de Suisse traversent des villes comme Mulhouse, Strasbourg, Metz, Charleville-Mézière, Aulnoye, Lille, et enfin Dunkerque avant de rejoindre l'Angleterre. Ce type de transport est extrêmement dangereux pour la population et l'environnement.

Le transport des déchets radioactifs par le ferry Nord Pas de Calais à Dunkerque
     A Dunkerque, ce sont les déchets transitant par la France, en provenance de Suisse et d'Allemagne, qui embarquent sur le ferry Nord Pas de Calais. Mis en service en avril 1988, ce ferry est le plus gros jamais construit pour assurer le service de la traversée de la Manche. La Société Nouvelle d'Armement Transmanche (SNAT), filiale de la SNCF et de la Compagnie Générale Maritime et Financière (CGM) est la gestionnaire du Nord Pas de Calais. Elle est plus connue sous le nom de "Sealink".
     Ce transport est dangereux pour les raisons suivantes:
     ï Le "Nord Pas de Calais" n'est pas un bateau conçu pour transporter des châteaux de combustible irradié: c'est un ferry de fret et de passagers (Roll on/Roll off, dit ro-ro: les véhicules entrent et sortent en roulant). Ce ferry comporte un double pont : un pont inférieur capable de contenir 30 à 45 wagons et un pont supérieur pour les camions. Les ponts n'offrent pas le même degré de protection, en cas de submersion ou d'incendie, que des cales confinées.
     ï Le transport des déchets nucléaires s'effectue avec des passagers(jusqu'à 80 personnes), des produits alimentaires et des produits toxiques divers.
     ï Le personnel réalisant l'embarquement ainsi que les marins qui sont à bord ne reçoivent aucune formation spécifique et travaillent sans protection particulière.
     ï Enfin, Dunkerque est un port qui ne dispose pas des équipements capables de traiter des sinistres impliquant des matériaux radioactifs.
     Le nombre de traversées du Nord Pas de Calais avec du combustible irradié s'accroît spectaculairement:
     - 1988 : 2 transports
     - 1989: 16 transports
     - 1990: 37 transports
     - Prévision 1995: plus de 50 transports.
     Différents types d'accidents peuvent se produire sur un bateau et affecter directement sa cargaison:
     1. L'accident le plus fréquent sur un bateau est le feu. Les conditions les plus dangereuses pour un château de produits radioactifs sont celles d'un incendie majeur. Quelle est la résistance des conteneurs des déchets nucléaires au feu?
     Selon les normes imposées par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) un château doit pouvoir résister sans dommage à une température de 800 degrés pendant 30 minutes.
     Mais la réalité n'entre pas toujours dans ce cadre là. Prenons l'exemple récent (4 août 1990) de l'incendie du St Clair, dans le port de Marseille qui a duré plusieurs jours avec une "température supérieure à 800 degrés dans les cales" (Ouest France, 7/08/1990). On note en moyenne qu'en mer les incendies durent 20 heures, et 23 heures à quai avec une température supérieure à 800 degrés. Ce qu'accrédite une étude du laboratoire américain Batelle, commanditée par l'AIEA, en 1976.
     De plus, statistiquement, la proportion de bateaux perdus suite à un incendie ou une explosion est actuellement de 47%, et dans plus de la moitié des cas le sinistre se produit quand le bateau est à quai.
     Lors d'un incendie, le château va réagir comme un énorme autocuiseur posé sur le feu. La pression interne augmente jusqu'au rejet de particules de combustible radioactif dans l'environnement, ce qui est susceptible de se produire au bout de deux heures. Dès qu'une brèche est faite dans l'enveloppe de protection, plus rien ne peut empêcher une pollution radioactive.

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Les substances radioactives se dispersent selon les conditions atmosphériques. L'incendie peut entraîner la formation d'un panache radioactif dans l'atmosphère contaminant tout l'environnement, sol, végétation, constructions,... comme à Tchernobyl.
     2. Toujours selon les normes de l'AIEA, le château doit résister à une pression hydrostatique de 200 mètres pendant une heure. Rien ne précise comment le combustible est récupéré à une telle profondeur en si peu de temps.
     Les essais définis par l'AIEA ne simulent pas des accidents particuliers. Selon le rapport du cabinet d'expertise indépendant - Large et associés - ces essais exigent simplement que le château satisfasse à une série de conditions physiques dont l'AIEA pense qu'elles sont représentatives des conditions les plus sévères qui pourraient se présenter en cas d'accident réel.
     Quelles que soient les spécificités techniques des châteaux, l'histoire des accidents démontre toujours la présence d'une erreur humaine.
     Il est par ailleurs impossible de construire un bateau supprimant tout risque potentiel, ou un conteneur parfait. Aucune technique n'est exemplaire et le risque est toujours présent.
     Par exemple, la NASA avait évalué à une chance sur un million le risque d'un échec au départ d'une navette spatiale; en 1986, l'échec malheureux de Challenger, démontra que ce risque était de 1 sur 27! Les accidents découlent d'un enchaînement imprévisible de plusieurs événements dont chacun, isolément, est insuffisant pour provoquer l'accident.
     Il y a le risque de collision. Le ferry Nord Pas de Calais circule dans une zone au trafic très dense : 420.000 bateaux passent chaque année en mer du Nord, incluant la Manche. Ainsi, le 25 octobre 1984, le Mont Louis entre en collision avec un ferry et coule avec 30 fûts d'hexafluorure d'uranium à bord.
     Les accidents de ferry, avec ou sans collision, n'ont aucun caractère exceptionnel. Rappelons par exemple celui de deux ferries dans le port de Harwich et dans le port de Calais en 1982, celui du "Norland" en 1985, du Olau Brittania en 1987, la tragédie du Herald of Free Enterprise en 1987, ou du Reine Mathilde qui prit feu le 11 avril 1990.
     Il y a aussi le risque lié aux tempêtes: le 8 février 1990, le Nord Pas de Calais traverse la Manche en pleine tempête avec 4,5 tonnes de combustibles nucléaires irradiés provenant de la centrale nucléaire de Goesgen en Suisse. Arrivé à Douvres, il doit attendre plusieurs heures avant d'accoster, à cause du mauvais temps.
     Une résolution votée par le Parlement Européen le 25 Octobre 1990 demande que le combustible irradié à bord de navires comme les ferries soit interdit. A cause des risques sous-estimés et inutiles du transport de combustible nucléaire irradié par des bateaux non adaptés, tous les ports européens, les uns après les autres, refusent ce type de transport. Sauf le port de Dunkerque.
 
 

Ce que demande Greenpeace:

     Le 14 juin 1990 un bateau de Greenpeace a retardé pendant 12 heures le départ du ferry Nord Pas de Calais. Les revendications de Greenpeace sont les suivantes.
     - l'arrêt du transport des déchets nucléaires, en particulier entre Dunkerque et Douvres sur le Nord Pas de Calais;
- le stockage sur les lieut de production de ces déchets nucléaires;
     - l'arrêt du retraitement de ces déchets;
     - la recherche de solutions pour éliminer les déchets nucléaires sans risque pour l'environnement.

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TRIBUNE LIBRE
Déchets nucléaires en Limousin,
comme si nous n'avions pas déjà donné!
     Cette fois c'est le bouquet. La division minière de la Crouzille pourrait finir sa carrière en beauté en accueillant un nouveau type de stockage de déchets radioactifs, comme si 40 ans d'exploitation de l'uranium n'en avait pas laissé assez.
     Remarquez, voici à grandes touches le tableau des sites miniers limousins fin 1992:
     - 24 millions de tonnes de résidus de traitement de l'uranium. On enlève au minerai 90 % de son uranium, on le "traite" chimiquement et il reste des boues rouges inutilisables, contenant les produits chimiques et les descendants de l'uranium, en particulier les très radiotoxiques radium 226 et thorium 230 (ayant perdu la moitié de leur activité respectivement en 1.600 et 80.000 ans). Ces boues, quand elles ne sont pas utilisées pour reboucher d'anciennes mines (un million de tonnes ont été ainsi employées en Limousin. Où ? Mystère), sont stockées dans des grandes fosses plus ou moins étanches. Qui va boire l'eau qui traversera tôt ou tard ces stockages, se chargeant ainsi de radio-éléments ? Où ira se nicher le radon (gaz radioactif généré par le radium)?
     Tout cela représente, tenez-vous bien, environ 20 tonnes de déchets radioactifs par habitant du Limousin. Tout cela représente 27 fois le seuil "d'activité" requis par la loi pour la déclaration en installation nucléaire de base (ce qui n'a évidemment pas été fait).
     - Des déchets illicites venus d'ailleurs. 1 million et quelques de résidus de traitement provenant du Bouchet enfouis dans des stériles, 18.000 fûts de déchets uranifères enrichis en U 235, 176.000 fûts écrasés ayant contenu des matières radioactives... Cela pour la version officielle.
     - Des manipulations de matières radioactives hautement toxiques, avec une désinvolture inouïe vis-à-vis des réglementations en cours. Le plus bel exemple en est l'installation d'un laboratoire à Razès, utilisant des sources non scellées, d'une activité totale d'environ 700 curies (à partir de 100 curies, on doit éclarer une installation nucléaire de base).
     A-t-on prévenu les gens qui travaillaient autour de ces sources qu'ils risquaient d'être des "travailleurs sous rayonnement"?
     La peinture sera plus affinée dans quelques mois, lorsque l'expertise de la CRII-Rad nous donnera une idée des conséquences radiologiques des pollutions commises sur ces sites miniers. Mais, le laboratoire aura-t-il les mains libres pour mener à bien sa tâche et les moyens suffisants pour examiner tous les problèmes posés? L'action difficile des quelques associations qui se battent sur place saura-t-elle résister à toutes les pressions?
     Le tableau pourra-t-il jamais être complet? Quelles seront les conséquences de tout cela? Prix à payer en terme de santé, de désertification de la région, prix à payer tout court par les communes et les limousins? Tout cela dépend de nos exigences. Si nous voulons des critères de sécurité "maximum", le prix des réhabilitations pourrait bien être exhorbitant (et puis nous n'avons pas, comme les américains, de désert où transporter ces résidus radioactifs afin qu'ils ne polluent que du sable). Si par contre nous acceptons des réhabilitations au rabais, qui estimera le risque sanitaire induit et qui pourra prouver que son cancer est la conséquence d'un environnement pollué par la radioactivité? 
suite:
Il se pourrait bien que l'on s'achemine vers la définition d'une "zone de sacrifice national" comme le proposaient si joliment, il y a quelques mois, les militaires américains à propos des sites de stockage de déchets radioactifs.
     Ce n'est donc qu'à grands coups de pinceau que l'on peut peindre la situation, mais même si l'image n'est pas précise, l'atmosphère est là, bien sombre, à qui veut la regarder en face. Par contre, si comme les industriels le font croire aux élus à coups de voyages touristiques à Cadarache, tout cela n'est que maladie hypocondriaque, pourquoi ne pas compléter?
     C'est ainsi que Cogema nous propose, avec la bonhomie de celui qui va créer quelques emplois (à compter sur les doigts d'une main):
     - une installation de traitement aux fins de recyclage de produits issus des essais de mise au point d'un procédé d'enrichissement de l'uranium non proliférant, par voie chimique, effectué par le CEA à Pierrelatte. Ces 35 tonnes de matériaux contiennent du mercure (170 kg) et de l'uranium naturel. La totalité du mercure sera extraite... Une partie de l'uranium (330kg) sera récupérée.
     - Un stockage de concentré d'uranium (Yellow-cake) pour une capacité de 10.000 tonnes d'uranium. Ces concentrés sont actuellement répartis sur plusieurs sites (lesquels?). Ils seraient donc rassemblés à Bessines en attente d'utilisation par l'industrie nucléaire.
     - Un stockage d'uranium appauvri : 200.000 tonnes en capacité. Après enrichissement de l'uranium en U 235 à l'usine Eurodif du Tricastin, il reste de l'U 238 (l'U appauvri) conditionné sous forme d'oxyde "stable". Il pourrait être un jour réutilisé par de "nouveaux procédés d'enrichissement par laser".
     La Cogema ne sait pas où stocker les centaines de milliers de tonnes d'uranium appauvri qu'elle possède depuis que la population d'Istres (Bouches-du-Rhône) a refusé l'implantation du stockage chez elle. La Cogema espère donc que la population de la Haute-Vienne sera plus conciliante.
     - Un stockage de concentré de thorium de 2.245 tonnes, sous forme de nitrate de thorium conditionné en fûts de 110 et 220 litres (21700 fûts). Ces fûts sont actuellement entreposés à Cadarache (Bouches-du-Rhône). On étudie la possibilité de stabiliser ce produit afin de pouvoir procéder à un reconditionnement permettant d'améliorer les conditions de stockage (ne seraient-elles pas satisfaisantes?). Si ces études aboutissent, il pourrait être envisagé d'assurer des services de traitement du thorium pour des clients extérieurs à Cogema.
     - Et puis, complètement incidemment, à la télévision du soir, nous apprenons que l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) avait testé des sondes à Pény (commune de Compreignac) courant décembre 1992. Dans quel but, nous n'en saurons rien, mais toutes les inquiétudes sont permises.
     C'est au 17e siècle qu'un noble parisien, se plaignant à un ami de nombreux malheurs, s'entendit consoler ainsi : "Oh monsieur, songez que cela pouvait être pire, vous auriez pu naître limousin!"
     Continuerait-on à prendre les limousins pour des demeurés au 20e siècle?
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     - De l'uranium réutilisable? Quand, où, comment ? En URSS, et au prix de quelle pollution! En France, il n'y a pas l'ombre d'une technologie à portée d'industriel.
     - Des concentrés de thorium réutilisables? Dans quel réacteur, de quel futur?
     - De l'oxyde d'uranium stable? Qu'est-ce que cela veut dire?
     Non, tout cela ne sera réellement qu'une poubelle et ces "essais de mise au point", "attente d'utilisation", "nouveaux procédés", etc., ressemblent fort à l'immonde imposture qui voudrait faire croire que l'on pourrait "incinérer" le plutonium dans Superphénix et ainsi régler le problème des déchets radioactifs à haute activité.
     Un peu plus de technologie, un peu plus de grosses têtes, un peu plus d'argent, faites-nous confiance, l'affaire, si elle n'est pas encore sûre, le sera.
     Un beau paquet cadeau pour cacher l'inconscience et l'inconsistance des technocrates du nucléaire qui continuent effrontément leur fuite en avant dans l'ingérable, dans le risque maximum et le coût maximum, leur carrière en dépend.
     Jusqu'où allons-nous accepter qu'ils nous entraînent avec eux non seulement sans nous demander notre avis, mais en plus, en nous prenant pour des imbéciles?
Martine DEGUILLAUME
     Pour tous renseignements complémentaires, contacter la CLADE, point rencontre C/O CPL, 5 rue des Allois, Limoges.
Tél 55.32.58.76.

Les 28 régions présélectionnées en 1983

Les sept sites "pressentis"actuellement

Cartes publiées par l'Office Parlementaire
donnant la localisation des régions et sites présélectionnés


Pour plus d'informations, pour mieux connaître le sujet, pour avoir de l'aide, abonnez-vous à Info Uranium,
bulletin du réseau uranium.
Abonnement: 80 F/an
7, rue de l'Auvergne - 12.000 Rodez
Les sept sites wpressentisY actuellemen

Commentaire Gazette
     Un article vient de paraître dans "Le Populaire"journal du Limousin. Syrota, PDG de COGEMA n'a pas fait dans la dentelle. Il suffit de lire le titre:
     "Le chantage de nombreuses régions supplient la COGEMA de venir. Si le Limousin n'accepte pas les déchets, ils iront ailleurs et priveront le Limousin de leur présence tant désirée."
     La réponse des associations est la colère. Il ne faut jamais prendre les gens pour des crétins car ils finissent par ne plus rien accepter et il n'est plus possible de discuter.

p.14

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