La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°52
LA GESTION DES COMBUSTIBLES IRRADIES
II - LES PROJETS DE L'ANDRA*

     L'ANDRA, est-il besoin de le préciser, est l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs - du moins c'est la traduction que nous en donnons, tant en France nous utilisons des sigles en se figurant que tout le monde en connaît la signification (Si ce n'est pas la traduction exacte, nous nous ferons un plaisir de corriger...).

NOTA - Que personne ne se trompe: l'ANDRA, c'est le CEA. Les textes officiels ont tous la double appellation. C'est comme pour l'IPSN (Institut de Protection et Sûreté Nucléaire) qui à l'origine devait être un organisme indépendant; s'il semble bien que dans les textes ce soit le cas, dans les faits c'est une excroissance du CEA sans aucune indépendance de pensée!

      Cette agence s'est hâtée de préparer un dossier avec son programme à long, moyen et court terme, de gestion des déchets. Ce programme, soumis pour avis au Conseil Supérieur de Sûreté Nucléaire, sera l'objet de la séance du 19 avril 1983. Lors de sa précédente séance, le Conseil a demandé au groupe Castaing d'étudier le programme de l'ANDRA dans l'optique des recornmandations de son rapport. La séance du 19 avril fut particulièrement mouvementtée et au lieu d'examiner le programme de gestion des déchets proposé par le CEA à la lumière du rapport du groupe Castaing, ce sont la forme et le fond de ce rapport que les nucléocrates ont attaqué avec une virulence et un manque de retenue difficilement admissible. Disant cela nous ne trahissons aucun secret de séance puisque le mercredi 20 avril J.F .A. écrivait dans le Monde (daté du 21 avril). « La sévérité du propos a bien évidemment succité les passions et donné lieu à trois heures et demie de débats qualifié par les témoins, d'orageux.». Le conseil supérieur de Sureté nucléaire ayant décidé que le programme de gestion du CEA et le rapport du groupe Castaing seraient rendus public et diffusé à la presse dès le 21 avril (diffusion effectuée malgré une tentative de blocage de dernière minute qui obligea les journalistes à faire le siège de tous les niveaux de décision du ministre de l'industrie et de la recherche) nous vous présentons le rapport de travail du groupe Castaing à l'exclusion des annexes (pour raison de place comme vous le comprendrez bien).

     Mais dès à présent nous voulons attirer votre attention sur le problème de l'immersion en mer des déchets.
     En 1972 avait été créée la Convention de Londres pour la Prévention de la pollution marine.
     Cette année, à l'initiative de l'Espagne, la Convention a examiné une résolution tendant à interdire l'immersion des déchets radioactifs. Souvenez-vous de la campagne menée par Greenpeace et les marins-pêcheurs espagnols pendant l'été 1982, pour essayer d'empêcher que des ftits de déchets soient immergés au large des côtes espagnoles. L'action, à défaut d'aboutir sur le terrain, obligea le gouvernement espagnol à protester officiellement, puis à déposer cette recommandation.
     Cette recommandation d'interdiction fut transformée en une suspension et ne fut pas votée avec une majorité suffisante pour ne pas être autre chose qu'une recommandation morale.
     La France s'est abstenue, pour la raison officielle qu'elle ne procède plus à des immersions depuis 1969, mais vraisemblablement pour une raison plus simple, c'est qu'en étudiant les dossiers de l'ANDRA, on y trouve que:
     «La France ne doit pas exclure de se joindre aux opérations d'immersion à partir de 1983 ou 1984. Les quantités à immerger, de l'ordre de quelques centaines de mètres cubes par an les premières années, seraient susceptibles d'une augmentation ultérieure, à la suite de l'examen des conditions dans lesquelles se seraient déroulées les premières campagnes.».

     Nous vous donnerons d'abord des extraits des rapports de l'ANDRA, puis le document de Greenpeace faisant le point de la situation.

suite:
Extrait (pages 43-44) du
«Programme général de gestion des déchets radioactifs»
ANDRA, octobre 1982

IV.4 IMMERSION

IV.4.1. Objectifs de l'ANDRA
     La Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers par les immersions de déchets, convention que la France a signée et ratifïée, prévoit les conditions dans lesquelles peuvent être immergés des déchets radioactifs. C'est l'Agence Nationale de l'Energie Atomique qui, dans le cadre de cette convention, fixe les limites et établit des normes et des directives.
     Les opérations d'immersion effectuées actuellement se font dans le cadre d'un mécanisme multilatéral de consultation et de surveillance mis au point par l'Agence pour l'Energie Nucléaire (AEN) de l'OCDE.
     Dans le cadre de ce mécanisme, différents pays (Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Suisse) procèdent régulièrement, sous leur propre responsabilité et sous le contrôle de l'AEN, à l'immersion de leurs déchets de faible activité.
     Le Conseil Scientifique et Technique de l'ANDRA considère que l'immersion de certaines catégories de déchets de faible et moyenne activité doit être considérée comme l'un des moyens qui, associé aux stockages terrestres, permet d'élargir la gamme des solutions destinées à optimiser la gestion à long terme des déchets.
     En effet, il apparaît que pour certains d'entre eux, en particulier ceux contenant du tritium, l'immersion présente un avantage certain par rapport au stockage à long terme à terre, en tenant compte des aspects de sûreté et de l'économie de gestion.
     La France ne doit pas exclure de se joindre aux opérations d'immersion à partir de 1983 ou 1984. Les quantités à immerger, de l'ordre de quelques centaines de mètres cubes par an les premières années, seraient susceptibles d'une augmentation ultérieure, à la suite de l'examen des conditions dans lesquelles se seraient déroulées les premières campagnes.
IV .4.2. Etudes
     Le concept d'une telle opération est basé sur l'analyse des conditions de retour éventuel de la radioactivité contenue dans les déchets. Sans tenir compte du confinement apporté par le conditionnement (qui cependant, comme l'ont montré les observations américaines[1] faites au début des années 1970 sur les déchets immergés depuis plus de vingt ans, peut certainement être garanti pour plusieurs décennies), les transferts de radioactivité ne se font que lentement, en particulier à cause de l'existence de couches stables d'eau froide entre lesquelles les échanges ne se font que par diffusion. Ces transferts ont été modélisés en tenant compte des possibilités de reconcentration dans les chaines biologiques que les études de radio-écologie marine menées depuis plus de vingt ans ont permis de bien connaître. A partir des résultats obtenus et en prenant des facteurs de sécurité élevés, il a été calculé quelles étaient les quantités de radioactivité qu'il était possible d'immerger annuellement n'entraînant que des niveaux très faibles d'irradiation potentielle des groupes de population les plus exposés.

p.18
* ARCHIVES:
a) En écho déjà très ancien: en novembre 1959, l'Agence Internationale de l'Energie Nucléaire (AIEA) tient un symposium sur l'élimination des déchets atomiques à l'Institut Océanographique de Monaco. Parmi les 450 délégués de 32 nations, un des plus célèbres représentants des Etats Unis, non seulement déclare, mais fait adopter la résolution suivante: «la mer est un réceptacle naturel des déchets radioactifs(...) même si nous devions pour cela fermer tous les océans à toute activité humaine»
2) «Un bilan "officiel" de la pollution  radioactive  des océans a été dressé par les experts d'une trentaine de pays. L'inventaire des sources est impressionnant missiles, bombes et satellites tombés accidentellement en mer, réacteurs de sous-marins soviétiques enfouis à faible profondeur dans la mer de Kara, déchets nucléaires immergés en profondeur, retombées de la catastrophe de Tchernobyl, rejets des usines de retraitement  des  déchets nucléaires de La Hague et de Sellafield. Et, surtout, retombées des 423 essais atomiques  atmosphériques réalisés dans le monde entre 1945 et 1980:  ils constituent à eux seuls plus de la moitié de la radioactivité d'origine humaine. Celle-ci ne représente pourtant que quelques centièmes de la radioactivité naturelle des océans» S&V, No 951, décembre 1996
c) «Plutonium fugueur: Les autorités nucléaires britanniques font leur mea culpa. Une étude publiée par le gouvernement admet pour la première fois que plus du tiers du plutonium rejeté dans la mer d'Irlande par la centrale nucléaire de Sellafield, entre 1952 et 1995, a échappé à toute surveillance. Les autorités estimaient jusqu'à présent que le plutonium (182 kg au total) était resté sur place, piégé dans les sédiments. Or, 36% manquait à l'appel lors des derniers relevés. Le plutonium manquant pourrait être caché en profondeur sous le sable ou, plus inquiétant, avoir été emporté hors de la mer d'Irlande par les courants» (New Scientist, vol.162, n°2183, p.17)
1. La concentration sur un même site apparaît comme un facteur aggravant (voir l'appréciation du Pt. W. Jakson Davis dans le dossier de Greenpeace) car les immersions tablaient en fait sur une dilution.

     Les modèles établis entre 1966 et 1972 prenaient en compte les données existant alors. Cependant, les connaissances sont en train de progresser rapidement en matière océanographique, en particulier en matière de biologie des grands fonds, de courantométrie profonde, de transfert entre eaux-sédiments-chaines biologiques. Un programme international de recherches destinées à obtenir dans ces domaines les données intervenant dans les études de sûreté, a été lancé par l'Agence Nucléaire de OCDE. Ces études comprennent des actions dans les domaines de l'océanographie physique, de la géochimie, de la biologie. La France participe à ce programme avec des travaux menés par le CEA, le CNEXO, le Muséum d'Histoire Naturelle. Il devrait permettre de disposer de modèles plus complets et de valider les recommandations actuelles de l'AIEA.
     S'il n'est pas exclu qu'à la suite de ces études certaines valeurs prises en compte dans les modèles soient révisées, il est très peu probable que cela puisse remettre en cause les valeurs limites recommandées par l'AIEA, par suite de l'importance des marges de sûreté retenues dans l'établissement de ces valeurs[2].
     De plus, les quantités déjà immergées et celles qu'il est envisagé d'immerger, sont très inférieures aux limites maximales fixées par les normes.

Extrait (page 16) du
«Programme de Recherche et Développement dans la gestion des déchets»
ANDRA, juin 1982

5.2. Immersion
     La recherche et développement liée aux immersions est, pour l'aspect de sûreté concernant le comportement des radioéléments dans le milieu marin, confondue avec les études conduites en vue de l'enfouissement des déchets dans les fonds sous-marins. Toutefois, les déchets destinés à l'immersion étant de faible activité spécifique, les problèmes sont quantitativement différents.
     Deux cas apparaissent comme particulièrement bien adaptés à l'immersion, ce sont les déchets contenant du tritium et ceux contenant de l'iode radioactif.
     En effet, ces deux éléments radioactifs trouvent dans l'eau de mer leurs homologues stables, l'hydrogène et l'iode en quantités considérables, ce qui assure un effet de dilution isotopique énorme apportant une protection importante.
     Les conditionnements des déchets destinés à l'immersion doivent répondre aux critères de sûreté des colis destinés au stockage de surface avec la contrainte supplémentaire de ne pas inclure de poches d'air pour éviter la destruction du colis à grande profondeur.
     Pour les deux éléments tritium et iode, un conditionnement apparaît potentiellement très intéressant: les résines thermodurcissables. En effet, cette matrice composée de matière organique polymérisée, est elle-même riche en hydrogène et assure déjà une dilution isotopique primaire pour le tritium, et a une affinité chimique très grande pour l'iode.

Commentaire

     Le moins qu'on puisse en dire c'est qu'en l'état des connaissances les conclusions du rapport Castaing (p. 77):

«En tout état de cause, tout stockage expérimental devra être réversible, les déchets stockés devant pouvoir être repris pour un nouveau conditionnement si cela apparaissait nécessaire», 
     ne sont pas compatibles avec l'immersion en mer.
     Les déchets radioactifs ou chimiques sont une gêne pour notre monde moderne, mais cela n'autorise pas à les déverser n'importe où, n'importe comment. L'affaire des déchets de dioxine de Seveso (voir Science et Vie d'avril 83) en est un exemple frappant. Comment les gouvernements peuvent-ils en être réduits à mener des enquêtes. Qui a donné les autorisations? Comment peut-on «perdre» 41 fûts remplis de déchets? Qui vérifie? Et que vérifie-on? Le contenu, ou seulement une fiche remplie et par qui?
suite:
     Il y a là des lacunes qui sont dommageables non seulement pour l'environnement mais pour les populations.
     Il existe des règlements mais ils ne sont pas suivis et si on s'en aperçoit après, que peut-on faire?
     Une fois de plus on s'aperçoit qu'un contrôle rigoureux n'est pas une fiche ou un cahier de charge. Un contrôle suppose que l'on regarde effectivement la pièce incriminée ou le contenu du fût; on ne peut pas contrôler dans un bureau.
 
COMMUNIQUE DE GREENPEACE DU 9 FEVRIER 1983
Une conférence internationale va se prononcer sur l'interdiction de l'immersion des déchets nucléaires.

     La réunion annuelle des parties contractantes à la Convention de Londres (1972) pour la Prévention de la Pollution Marine résultant d'immersions, qui aura lieu à Londres du 14 au 18 février prochain, donnera  lieu à un débat sans précédent sur les immersions de déchets nucléaires.
     Une résolution demandant l'interdiction de toute opération de déversement de déchets nucléaires dans la mer sera introduite par deux nations insulaires du Pacifique, Kiribati et Nauru, spécialement préoccupées par les projets du Japon qui souhaite déverser dans le Pacifique des déchets nucléaires de basse et moyenne activité.
     De nombreux gouvernements, dont ceux d'Espagne, du Portugal, de Suède et du Danemark, ont annoncé qu'ils soutiendraient l'initiative de Kiribati et de Nauru, tandis que d'autres pays, le Royaume-Uni en particulier, sont fermement opposés à l'interdiction des déversements. Pour qu'elle soit adoptée, la proposition doit recueillir une majorité des deux tiers des pays présents à la réunion, qui s'annonce animée et tendue.
     Depuis 1967, les déversements de déchets nucléaires ont eu lieu dans l'Atlantique, sur un site à 400 milles du nord-ouest de l'Espagne. Au départ, huit pays européens y participaient mais l'Italie, la Suède, la RFA et la France ont cessé depuis, laissant le Royaume-Uni, la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas déverser seuls leurs déchets nucléaires dans la mer. Grâce à l'opposition croissante du public, le gouvernement néerlandais a récemment annoncé qu'il cesserait, tandis que le parlement belge débat actuellement pour savoir si cet exemple devrait être suivi. Le Parlement Européen, élu par 111 millions de personnes, a adopté en septembre dernier une résolution demandant aux quatre nations responsables de faire cesser leurs opérations de déversement. Aux Etats-Unis, par sécurité vis-à-vis de l'intérêt à recommencer à immerger les déchets nucléaires manifesté par plusieurs agences gouvernementales US, le Congrès a récemment adopté une législation introduisant un moratoire de deux ans durant lequel les demandes de permis d'immersion seront gelées.
      Au Royaume-Uni, malgré la croissance des préoccupations dans les milieux scientifiques et politiques, et dans l'opinion publique, le gouvernement a l'intention de déverser des quantités de plus en plus importantes de déchets de basse et moyenne activité, et en coopération avec plusieurs nations industrialisées telles que les Etats-Unis, le Canada, la France et le Japon, il étudie activement la possibilité de "stocker" les déchets de haute activité dans les sédiments des fonds marins, Plusieurs sites dans l'Atlantique et le Pacifique sont considérés actuellement pour ce projet intitulé "placement des déchets nucléaires de haute activité dans les fonds sous-marins".
     Greenpeace a obtenu en octobre 1981 un statut d'observateur à la Convention de Londres et sera la seule organisation écologique représentée à la réunion de la semaine prochaine qui aura lieu au siège de l'Organisation Maritime Intergouvernementale (IMO) à Londres. En coopération avec d'autres organisations, Greenpeace organisera des manifestations et donnera une conférence de presse à l'ouverture de la réunion.
     Au cours de cette réunion, les pays membres de la Convention de Londres auront l'occasion et la responsabilité historiques de répondre aux préoccupations manifestées ces dernières années et ces derniers mois vis-à-vis du danger que les déversements constituent pour l'équilibre de la mer, et Greenpeace demande instamment à toutes les délégations d'assumer leur devoir en tant que responsables de la protection des océans, en approuvant l'interdiction des déversements des déchets nucléaires dans la mer.

p.19
2. Dommage que les études soient menées avec l'a priori que les valeurs limites ne changent pas: si on commence les recherches en posant les conclusions, on a peu de chance de trouver autre chose que les conclusions désirées! Cela paraît une contradiction totale avec l'éthique des scientifiques, mais existe-t-il une éthique dans ce domaine? A moins que ce ne soit plus des scientifiques mais des industriels du calibre de ceux de Seveso...
DOCUMENT DE SÉANCE DU PARLEMENT EUROPÉEN
Séance du 13 septembre 1982
Proposition de résolution

     déposée par les députés WEBER, GLINNE, PATISON, TREACY, CLUSKEY, VIEHOFF, MUNTINGH, SALISCH, GRIFFITHS, ROGERS, FICH, SCHIELER, HERKLOTZ, VAYSSADE, VAN HEMELDONCK, VAN MINNEN, SEIBEL-EMMERLING, VERNIMMEN, WIECZOREK-ZEUL, SABY, FUILLET, DURY, VAN DEN HEUVEL, THEOBALD-PAOLI, JAQUET, HORGAN et ALBERS 

     avec demande de débat d'actualité et d'urgence conformément à l'article 48 du Règlement sur le stockage de déchets nucléaires dans l'océan Atlantique par les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni.

Session de Septembre débat et vote 16.9.82

PE 80.420 Or. En.
     Le Parlement Européen,
     A. vu le deuxième programme quinquenal de stockage et de traitement des déchets radioactifs, 
     B. vu les programmes de la Communauté Européenne concernant l'environnement, 
     C. vivement préoccupé par le stockage des déchets nucléaires dans l'océan Atlantique au large des côtes européennes par les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni et la Suisse, 
     D. conscient de l'inquiétude que suscite cette activité dans de larges couches de la population dans la communauté, inquiétude qui s'est manifestée concrètement par les tentatives de certaines organisations d'empêcher les navires de faire ces déversements, 
     E. conscient que les générations futures hériteront du problème des dépotoirs marins et qu'un "cimetière nucléaire marin" représente un acte irresponsable contre l'environnement, vu l'impossibilité de régénérer une mer polluée par des matériaux radioactifs, 
     F. convaincu que l'exportation des déchets radioactifs produits dans la Communauté en dehors de celle-ci n'est en aucun cas défendable, 
     1. attend des Pays-Bas, de la Belgique et du Royaume-Uni qu'ils mettent fin immédiatement au stockage de leurs déchets radioactifs dans la région concernée; 
     2. invite la Commission à élaborer une directive visant à empêcher dans l'avenir que la mer soit polluée par des déchets radioactifs originaires de la Communauté, quel que soit l'endroit où ils sont déversés; 
     3, en attendant que cette directive soit adoptée, invite la Commission à utiliser tous les moyens dont elle dispose, tant dans le cadre communautaire que par des accords internationaux, pour qu'il soit mis fin à ces déversements de déchets nucléaires; 
     4. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux Etats membres. 
PE 80.420
suite:
CONVENTION SUR LA PRÉVENTION DE LA POLLUTION DES MERS
RÉSULTANT DE L'IMMERSION DE DÉCHETS
Londres, 29 décembre 1972

Extraits

     Les parties contractantes à la présente Convention,
     Reconnaissant que le milieu marin et les organismes vivants qu'il nourrit sont d'une importance capitale pour l'humanité et que l'humanité toute entière a intérêt à veiller à ce que ce milieu soit géré en sorte que ses qualités et ses ressources ne soient pas altérées;
     Reconnaissant que la capacité de la mer d'assimiler les déchets et de les rendre inoffensifs et ses possibilités de régénérer les ressources naturelles ne sont pas illimitées;
     Reconnaissant que les Etats ont, en vertu de la Charte des Nations-Unies et des principes du droit international, le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique de l'environnement et qu'ils ont le devoir de s'assurer que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle, ne causent pas de dommages à l'environnement d'autres Etats ou de zones situées en dehors des limites de leur juridiction nationale;
...


ANNEXE 1

     1 - Les composés organohalogénés
     2 - Le mercure et ses composés
     3 - Le cadmium et ses composés
     4 - Les plastiques non destructibles et autres matières synthétiques non destructibles, par exemple les filets et les cordages, susceptibles de flotter ou de rester en suspension dans la mer de telle façon qu'ils constituent une gêne matérielle à la pêche, la navigation ou autres utilisations légitimes de la mer. 
     5 - Le pétrole brut, le fuel, le carburant diesel lourd et les huiles de graissage, les fluides hydrauliques ainsi que les mélanges contenant ces produits chargés à bord pour être immergés. 
     6 - Les déchets fortement radioactifs et autres matières fortement radioactives définies par l'organisme international compétent en la matière, actuellement l'Agence internationale de l'énergie atomique, comme impropres à l'immersion en raison de leurs effets sur la santé humaine, la biologie ou dans d'autres domaines.
     7 - Les matières produites pour la guerre biologique et chimique sous quelque forme que ce soit (solide, liquide, semi-liquide, gazeuse ou vivante).

 p.20

ANNEXE II

     Les substances et matières dont l'immersion nécessite des précautions spéciales sont énumérées ci-après aux fins de l'article 6, paragraphe 1, alinéa a.
     A - Les déchets contenant des quantités notables de matières ci-après:
     arsenic
     plomb et leurs composés
     cuivre
     zinc
     composés organosilliciés
     cyanures
     fluorures
     pesticides et sous-produits de pesticides non visés à l'annexe 1
     B - Pour la délivrance de permis en vue de l'immersion de grandes quantités d'acides et de bases, il sera tenu compte de la présence éventuelle dans ces déchets des substances énumérées au paragraphe A et des autres substances ci-après:
     béryillum
     chrome  et leurs composés
     nickel  etc...
     C - Les conteneurs, les déchets métalliques et autres déchets volumineux susceptibles d'être déposés au fond de la mer et de constituer un sérieux obstacle à la pêche ou à la navigation.
     D - Les déchets radioactifs ou autres matières radioactives non comprises à l'annexe 1. Pour la délivrance des permis d'immersion de ces matières, les parties contractantes tiennent dûment compte des recommandations de l'organisme international compétent en la matière, actuellement l'Agence internationale de l'énergie atomique.

ANNEXE III 

     Les dispositions qui doivent être prises en considération pour établir les critères régissant la délivrance des autorisations d'immersion de matières, suivant les dispositions de l'article 4, paragraphe 2, sont notamment les suivantes:
...
     Considérations et circonstances générales
     1. Effets éventuels sur les zones d'agrément (tels que présence de matériaux flottants ou échoués, turbidité, odeurs désagréables, décoloration, écume).
     2. Effets éventuels sur la faune et la flore marines, la pisciculture et la conchyliculture, les réserves poissonnières et les pêcheries, la récolte et la culture d'algues.
     3. Effets éventuels sur les autres utilisations de la mer (tels que altération de la qualité de l'eau pour les usages industriels, corrosions sous-marines des ouvrages en mer, perturbations du fonctionnement des navires par les matières flottantes, entraves à la pêche et à la navigation dues au dépôt de déchets ou d'objets solides sur le fond de la mer et protection de zones d'une importance particulière du point de vue scientifique ou de la conservation).
     4. Possibilités pratiques de recourir sur la terre ferme à d'autres méthodes de traitement, de rejet ou d'élimination, ou à des traitements réduisant la nocivité des matières avant leur immersion en mer.

suite:
L'IMMERSION DES DECHETS RADIOACTIFS ET LA CONVENTION DE LONDRES

     Les pays membres de la Convention de Londres (1972), qui se réuniront du 14 au 28 février courant, devront voter pour la première fois sur une proposition pour l'interdiction de tout déversement de déchets radioactifs en milieu marin, soumise par deux pays du Pacifique, Kiribati et Nauru. Cette proposition a déjà reçu l'appui d'un certain nombre de pays, mais seule la conclusion de la réunion nous dira si elle a accueilli la majorité des deux tiers des votes nécessaires pour qu'elle soit adoptée.

La Convention de Londres

     La Convention sur la Prévention de la Pollution des Mers résultant de l'Immersion des déchets et d'autres matières, dite « Convention de Londres» fut signée le 29 décembre 1972. Elle a été ratifiée par 47 pays, dont la France.

     Objectif: Ayant comme objectif «le contrôle effectif de toutes sortes de pollutions du milieu marin», les parties contractantes «s'engagent à prendre toutes les mesures possibles pour prévenir la pollution des mers par l'immersion de déchets et d'autres matières susceptibles de mettre en danger la santé de l'homme, de nuire aux ressources biologiques, à la faune et à la flore marines, de porter atteinte aux agréments ou de gêner toutes autres utilisations légitimes de la mer» (article 1 er).
     Liste noire - Liste grise: La Convention est complétée par trois annexes, dont l'annexe I, ou «liste noire », comprenant toute matière, y compris les déchets fortement radioactifs, définis en tant que tels par l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA). dont l'immersion est strictement interdite; et l'annexe II, la «liste grise», qui inclut toute matière dont l'immersion est subordonnée à la délivrance d'un permis spécial. Les déchets radioactifs de faible et moyenne activité, non compris à l'annexe I, sont énumérés dans la liste grise.

     Annexe III: De plus, la Convention, tout en autorisant certaines immersions, requiert que soient considérées les «possibilités pratiques de recourir sur la terre ferme à d'autres méthodes de traitement, de rejet ou d'élimination» (Annexe III). Cette disposition n'a pas été respectée dans la plupart des cas.

L'immersion au fil des ans

     Etats-Unis: Il est presque impossible de déterminer avec précision les quantités totales de déchets radioactifs qui ont été évacuées dans le milieu marin depuis la deuxième guerre mondiale. Les Etats-Unis, à eux seuls, ont immergé environ 112.000 fûts de ces déchets, représentant un total d'environ 120.000 curies, sur une trentaine de sites dans l'Atlantique et le Pacifique. De plus, les Etats-Unis auraient évacué des quantités bien plus importantes de déchets radioactifs dans la mer à partir de navires et d'aéronefs.
     Grande-Bretagne: Entre 1949 et 1966, la Grande-Bretagne rejeta environ 45.000 curies à plusieurs endroits dans l'océan Atlantique, principalement dans la Baie de Biscaye, à 20 milles de l'île anglo-normande de Guernesey.
     France: La France annonça son intention de déverser 6.500 fûts de déchets radioactifs dans la Méditerranée, mais abandonna ce projet à la suite de protestations du Conseil municipal de Nice et du Prince Rainier de Monaco. La France évacua donc ses déchets nucléaires dans l'Atlantique, jusqu'en 1969.

.../...
p.21

.../...
     Rapport Brynielsson: En 1958, lors de la première Conférence des Nations Unies sur le Droit de la Mer, l'AIEA fut chargée d'élaborer des recommandations pour l'immersion des déchets nucléaires. Cette étude, «évaluation des déchets radioactifs en mer» - appelée Rapport Brynielsson - fut publiée deux ans plus tard et définit, entre autres, les spécifications pour l'emballage des déchets et les critères qui devraient gouverner le choix du site. Sa publication eut lieu au moment où plusieurs pays, dont les Pays-Bas et la RFA utilisèrent des paquebots à destination des Etats-Unis pour embarquer et déverser en cours de route des déchets radioactifs en quantités inconnues, à divers endroits à proximité des Açores.
     AEN (OCDE): Au cours des années soixante, les pays membres de l'OCDE se sont entendus sur la nécessité d'une coopération plus étendue et sur le besoin d'un contrôle plus rigoureux des immersions. L'Agence pour l'Energie Nucléaire (AEN), agissant sous l'égide de l'OCDE fut chargée de contrôler les opérations d'immersion. Le site fut choisi en 1967: une faille de 4.000 mètres de profondeur, située à 700 km au nord-ouest de l'Espagne.
     A partir de 1967, huit pays y immergèrent environ 85.000 tonnes de déchets radioactifs, d'une activité totale de plus de 900.000 curies. Au début des années 70, la France, l'Italie, la RFA et la Suède se retirèrent de l'opération. Seuls, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse et la Grande-Bretagne la poursuivirent.
     Pays-Bas: projets de stockage à terre: Tout récemment, en 1982, consécutivement à la mobilisation massive de l'opinion publique, européenne en particulier à l'occasion des opérations de déversement estivales, les Pays-Bas annoncèrent leur intention de créer un site de stockage provisoire à terre, qui leur permettrait d'abandonner les immersions dès 1983.
     Royaume-Uni: Le Royaume-Uni, en revanche, fait la sourde-oreille et récidive. Un nouveau bateau, «l'Atlantic Fisher» devra être prêt pour la campagne d'immersion de 1983. Les dispositifs de déversement - plate-formes, grues - qui se trouvaient sur les navires utilisés dans le passé, comme le «Gem», seront supprimés. La coque de l'Atlantic Fisher s'ouvrira, rejetant ainsi d'un seul coup jusqu'à 3.000 tonnes de déchets nucléaires dans la mer.

Polémique

     Depuis plusieurs années, ces déversements font l'objet de critiques, tant sur le plan scientifique que sur le plan diplomatique, même au sein de l'OCDE: l'Autriche, la Suède, le Danemark, la Norvège et l'Islande sont hostiles aux immersions. Le Canada et la Nouvelle Zélande réprouvent le manque de recherches sur les sites mêmes, requises par la Convention. 
Parlement Européen: «Considérant que les sites de déversement de déchets nucléaires seront hérités par les générations futures, et qu'un «cimetière nucléaire» représente un acte irresponsable et criminel contre la mer, parce qu'il n'y a aucune possibilité de régénération d'une mer polluée par les matières radioactives...».

.../...
suite:
 
.../...
     Tels sont les termes de la résolution adoptée le 16 septembre 1982 par le Parlement Européen, qui prie les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni (la Suisse ne faisant pas partie de la CEE) de mettre «immédiatement» fin à l'immersion de leurs déchets nucléaires; et qui demande à la Commission européenne de préparer une directive pour «assurer que la mer ne sera pas polluée par des déchets radioactifs provenant de la Communauté européenne, quel que soit le site de stockage».
     Etats-Unis: Déjà en octobre 1970, le «Council for Environmental Quality» américain publia un rapport concluant que l'immersion des déchets radioactifs représentait une menace sérieuse et croissante pour l'environnement marin. Il recommanda donc au Congrès américain d'interdire toute immersion de déchets de haute activité, et de n'autoriser qu'à titre exceptionnel le déversement des déchets de faible et moyenne activité.
     Moratoire américain: Le 6 janvier 1983, le Sénat américain a voté une résolution pour un moratoire de deux ans sur tout démarrage éventuel d'un programme d'immersion. En effet, les Etats-Unis envisagent depuis un certain temps de recourir à l'immersion sur une grande échelle de leurs déchets de faible et de moyenne activité, ainsi que d'une centaine de réacteurs de sous-marins nucléaires. De plus, le Département de l'Energie américain a avancé une proposition pour l'évacuation en mer de milliers de mètres cubes de terre et d'autres matières contaminées, provenant des essais nucléaires pour une grande partie.
     Japon: Le Japon, embarrassé par des milliers de tonnes de déchets provenant d'un programme nucléaire ambitieux, cherche depuis deux ans à calmer les inquiétudes de la population japonaise - et notamment des pêcheurs - et de celles des îles du Pacifique, avant de procéder à une immense opération d'immersion sur un site situé dans la Fosse Marianne, à 900 km au sud. Deux millions de fûts devront y être immergés d'ici l'an 2000. Le Japon a même adhéré à la Convention de Londres en 1981, pour donner une forme de légitimité à la pollution anticipée.
     France: Quant à la France, ses intentions restent ambiguës. Pour l'heure, la France stocke ses déchets nucléaires à La Hague. Le gouvernement a renoncé au site de stockage de St-Priest la Prugne. Toutefois, la France aura à gérer un total de 800.000 mètres cubes de déchets de faible et moyenne activité d'ici l'an 2000 - sans parler des déchets de haute activité. La capacité du centre de la Manche n'est pourtant que de 400.000 mètres cubes. Que fera donc la France de ses déchets à l'avenir? Investira-t-elle dans des études approfondies pour pouvoir développer une gestion fiable à terre des déchets, ou recourra-t-elle, elle aussi, à l'immersion?
p.22

.../...
Etudes scientifiques

     Etudes sur un site américain - Entre 1974 et 1978, l'Agence américaine pour la protection de l'environnement effectua plusieurs missions sur les anciens sites d'immersion américains.
     L'un de ces sites se trouve à moins de 100 km de San Francisco. Devant le manque d'informations fournies par l'Agence, les autorités de San Francisco ont chargé le professeur W. Jakson Davis, biologiste marin à l'Université de Californie, d'une étude des rapports qui ont suivi ces enquêtes. L'analyse du professeur Davis mène aux conclusions suivantes:
     «Les déchets radioactifs ne sont pas dispersés, mais restent piégés sur les fonds marins et deviennent une source d'intense contamination radioactive, qui persistera longtemps dans le milieu marin. Des centaines d'espèces animales vivent dans les sédiments. Certaines indications portent à croire que les fûts contenant les déchets créent un habitat artificiel qui attire les espèces vivantes, ce qui pourrait éventuellement accélérer l'accumulation de la radioactivité dans les chaînes alimentaires».
     La portée de ces conclusions ne peut être jugée qu'en tenant compte du fait que le choix d'immerger était basé sur la supposition que la radioactivité serait dispersée et diluée dans la mer. Le professeur Davis a mis en évidence que c'est le contraire qui se produit, remettant ainsi en cause la justification scientifique de l'option immersion.
     Les études américaines fournissent les premières preuves de ce que deviennent les déchets immergés. La contamination radioactive a été détectée chez les animaux prélevés sur les sites, notamment les éponges, concombres de mer, vers, pieuvres, crabes. Les radionucléides artificiels, tels le plutonium, le césium et le strontium se concentrent dans les chaînes alimentaires marines, et ont été détectés même chez les poissons de consommation courante.
     Recherches européennes - En 1981, l'AEN a démarré un programme de recherches sur le site européen actuel. C'est seulement quatorze ans après l'immersion des premiers fûts sur ce site que cet organisme a établi un programme de contrôle et de surveillance du site, qui ne saura toutefois arriver à des conclusions définitives rapides.
     Il n'y a pas de doute qu'en raison des grandes incertitudes qui règnent en matière de radioprotection, dans la connaissance du milieu abyssal et du comportement des radionucléides dans le milieu marin, l'immersion des déchets radioactifs en mer doit cesser.
     Alternatives provisoires - Il existe des alternatives pour le stockage à court terme des déchets radioactifs, et notamment le stockage à terre, qui présente, sans être une solution définitive, l'avantage de ne pas être irréversible. Il n'y a, à l'heure actuelle, aucune méthode sûre pour la gestion de ces déchets, et la réduction des volumes produits reste donc le moyen le plus rationnel pour écarter un besoin quelconque de les immerger.

Escalade

     Enfouissement: Les Pays-Bas, les Etats-Unis, le Canada, la France, la Belgique, le Japon, la Suisse et le Royaume-Uni étudient au sein du groupe de travail sur les fonds marins (Seabed Working Group) de l'OCDE les possibilités d'utilisation de l'océan comme cimetière de déchets nucléaires de haute activité, en vue de larguer en mer des containers en forme de torpilles, qui s'enfouiraient dans les sédiments marins. Déjà au sein de la Convention, les pays en question cherchent à obtenir la reclassification des déchets nucléaires, afin que tous puissent correspondre aux critères - qui n'en seraient que plus arbitraires - permettant leur rejet en milieu marin.
     Au-delà des querelles de mots entraînées par une telle démarche, le débat juridique qui s'ensuit, le but de la Convention, rédigée à une époque où l'enfouissement n'était pas même envisagé, est d'empêcher la pollution des mers par l'évacuation délibérée des déchets.    L'engagement dans un tel programme d'enfouissement serait de toute évidence contraire à l'esprit, sinon à la lettre, de la Convention.

suite:
Document GREENPEACE
17 février 1983

     Hier soir, après quatre jours de discussion, la Convention de Londres a adopté par une écrasante majorité la proposition de résolution espagnole pour la suspension de toutes les immersions de déchets nucléaires. 19 pays ont voté en faveur de cette proposition: Argentine, Canada, Chili, Danemark, Finlande, Islande, Irlande, Kiribati, Mexique, Maroc, Nauru, Nouvelle Zélande, Nigéria, Norvège, Papouasie-Nouvelle Guinée, Philippines, Portugal, Suède, Espagne. Six pays ont voté contre: Royaume-Uni, Etats-Unis, Japon, Pays-Bas, Afrique du Sud, Suisse; et cinq se sont abstenus: Brésil, France, RFA, Grèce et Union Soviétique.
     L'initiative originale qui a ouvert le long débat de cette semaine provenait de deux nations insulaires du Pacifique, Kiribati et Nauru. Le président de Nauru, M. De Roberts, et le ministre des Affaires étrangères de Kiribati avaient introduit une proposition d'amendement à la Convention pour interdire tous les déversements de déchets nucléaires. La proposition de Kiribati et Nauru était motivée par les craintes que suscitent chez eux les intentions du Japon de déverser dans le Pacifique de grandes quantités de déchets nucléaires et le projet du gouvernement américain de couler pour s'en débarrasser 100 réacteurs usés de sous-marins.
     En introduisant cette proposition, le ministre des Affaires étrangères de Kiribati, M. Baiteki, après avoir rappelé que les 60.000 habitants de l'archipel qu'il représente ne disposent comme seule ressource que du poisson et de la noix de coco, en a solennellement appelé «à la conscience et à l'intellect» des délégués des parties contractantes.
     Eux aussi opposés aux immersions, les pays nordiques - Islande, Norvège, Suède, Danemark, Finlande - ont, dans un esprit de compromis proposé une interdiction progressive applicable seulement en 1990.
     L'Espagne, le pays actuellement le plus affecté par les immersions puisque le site où le Royaume-Uni, la Suisse, les Pays-Bas et la Belgique déversent des déchets nucléaires, est situé à proximité de ses côtes, était quant à elle venu à Londres pour obtenir un moratoire sur les immersions de déchets nucléaires.
     Animé essentiellement par le Royaume-Uni, le bloc pro-immersion a cherché quant à lui convaincre les délégués que la question de déchets nucléaires ne devrait pas être portée aux voix, tant qu'un consensus ne se dessinait pas, et jusqu'à la dernière minute virtuellement les Etats-Unis ont tenté de différer, voire empêcher le vote sous n'importe quel prétexte (procédure, politique, etc.). 
     C'est grâce à la détermination de la délégation espagnole, motivée par une opinion publique farouchement mobilisée contre le déversement de déchets nucléaires, que la Convention de Londres a dû se prononcer ouvertement contre les immersions.
     Pour désamorcer le débat, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont suggéré la création d'un groupe sur la question, mais ne souhaitaient surtout pas qu'un moratoire soit appliqué en attendant les conclusions de ce groupe ad hoc, qui seront présentées dans deux ans.
     L'Espagne et d'autres pays en revanche ont argué du fait que la création même d'un groupe de travail indiquait qu'un doute était présent dans l'esprit de toutes les délégations, justifiant l'adoption d'un moratoire.
     Les tactiques d'obstruction des délégations des Etats-Unis et du Royaume-Uni ont inclu les attaques directes contre Greenpeace, présent dans la Convention comme observateur, avec une délégation de six personnes, et également les arguties pseudo-juridiques en contradiction d'ailleurs avec les positions habituelles défendues par les Etats-Unis à la Conférence du Droit de la Mer. Un délégué de Kiribati a à ce sujet exprimé «l'horreur» que suscitait l'attitude américaine, et a souligné «l'inconsistance» de la délégation américaine.
     Pour Greenpeace, l'écrasante majorité qu'a recueillie la proposition espagnole pour la suspension des immersions reflète les préoccupations croissantes de l'opinion publique et d'un toujours plus grand nombre de gouvernements.
     Bien que, comme toute mesure adoptée dans un forum international, cette résolution ne fasse pas automatiquement force de loi, les pays qui immergent leurs déchets nucléaires dans la mer, et ceux qui envisagent ou ont l'intention de le faire, ont maintenant l'obligation morale d'abandonner cette pratique.

     L'analyse du communiqué de Greenpeace conduit à une conclusion navrante: Qui fera respecter la résolution de suspension des immersions de déchets nucléaires?
     Les pays qui ont voté pour l'ont certes fait avec d'excellentes raisons, mais ceux qui ont voté contre sont ceux qui immergent, et en plus ce sont les pays qui tiennent les clefs financières et alimentaires du monde. Alors...
     Quant à ceux qui détiennent les autres clefs, ils se sont abstenus. Gageons que l'engagement moral ne va pas peser lourd dans la balance.
     D'ailleurs, les fameux pays immergeurs ont tout tenté pour éviter le vote de la résolution. Pourtant, les études faites sur des sites américains ont remis en cause la notion de dilution; en fait, la radioactivité reste concentrée là où elle est déversée et ce sont les espèces animales qui se contaminent, ramenant les substances radioactives dans la chaîne alimentaire.
     Le dossier de Greenpeace est suffisamment éloquent pour que nous vous en fassions bénéficier. Il nous semble qu'alors que la France étudie les problèmes liés à la gestion des déchets, il est important que nous soyons tous informés des débats sur le sujet. Le site de La Hague approche de la saturation. Nous devons être très attentifs aux décisions qui seront prises concernant l'ouverture d'un autre site et aux décisions d'immersion.

p.23

     Passons maintenant au morceau de choix: le Rapport sur le programme général de gestion des déchets radioactifs proposé par le Commissariat à l'Énergie Atomique.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA SURETÉ NUCLÉAIRE
Groupe de travail sur les Recherches et Développements
en matière de Gestion des déchets radioactifs.

le 18 mars 1983
RAPPORT AU CONSEIL SUPERIEUR DE LA SURETE NUCLEAIRE

INTRODUCTION

     Par sa lettre du 28 janvier 1983 adressée à M. Louis Néel, président du Conseil supérieur de la sûreté nucléaire (CSSN), le ministre d'Etat, ministre de la Recherche et de l'Industrie, demandait au groupe de travail présidé par le professeur Castaing d'examiner le programme de gestion des déchets radioactifs présenté par le Commissariat de l'énergie atomique en octobre 1982. Selon les termes de la lettre du ministre, «cet examen devra porter sur la cohérence de l'ensemble des opérations prévues par ce programme, notamment les critères de choix de sites présentés pour le stockage de déchets de faible et moyenne activité en surface, et les expérimentations sur le terrain pour les stockages profonds, et sur l'orientation des recherches proposées».
     Par ailleurs, le cadre dans lequel ce groupe de travail était appelé à fonctionner a été précisé par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de la Recherche et de l'Industrie, chargé de l'énergie, sous forme d'une lettre du 2 février 1983 adressée au professeur Castaing.
     Pour remplir cette tâche, le groupe a été complété et est constitué des personnes suivantes:
- M. Raymond CASTAING, membre de l'Académie des Sciences, président
- M. Claude FREJACQUES, président du CNRS, membre de l'Académie des Sciences, vice-président
- M. Jacques ANCELLlN, président de la Société des Sciences mathématiques et naturelles de Cherbourg
- M. Jacques BENARD, membre de l'Académie des Sciences
- M. Jacques DUPORT, conseiller scientifique à la Société Alsthom-Atlantique
- M. Jean GOGUEL, professeur honoraire à l'Ëcole des Mines de Paris
- M. Robert GUILLAUMONT, professeur à l'Université de Paris-Sud
- M. Claude GUILLEMIN, inspecteur général au Bureau de recherches géologiques et minières
- M. Jacques LAFUMA, chef de service de radiopathologie et de toxicologie expérimentales au CEA
- M. Jean LEFEVRE, directeur des Effluents et déchets radioactifs au CEA

suite:
- M. Ghislain de MARSILY, professeur à l'Ëcole des Mines de Paris
- M. Jean MEGY, directeur de la Division d'études de retraiment et des déchets, et de chimie appliquée au CEA.
- M. Jean-Paul SCHAPIRA, physicien nucléaire au CNRS
- M. Jean-Claure ZERBIB, chef du groupe de radioprotection des accélérateurs du centre d'études nucléaires de Saclay
 - M. Pierre ZETTWOOG, chef du Service de protection technique du CEA (IPSN)

     Le groupe de travail ayant ainsi été élargi et sa mission ayant été redéfinie, il est utile de préciser que dans tout ce qui suit la désignation «le groupe» concernera le groupe de travail actuel, sur les recherches et développements en matière de gestion des déchets radioactifs; le groupe de travail créé en décembre 1981 et qui a remis son rapport au Conseil Supérieur de la sûreté nucléaire en décembre 1982, sera désigné ci-après «le groupe initial».
     Le groupe a tenu 14 réunions d'une demi-journée entre le 8 février et le 18 mars et a auditionné les personnes suivantes:
- MM. Lavie et Barthoux (ANDRA), sur le programme général de gestion des déchets radioactifs présenté par le CEA,
- M. Orlowski (CE), sur le programme des Communauté européennes (CE),
- MM. Berton et Roussel (EDF) sur les déchets issus de réacteurs à eau sous pression,
- M. Pradel et Mme Chapuis (IPSN), sur les limites a pour les stockages de surface,
- MM. Peaudecerf et Masure (BRGM), sur les recherches géologiques en matière de stockage en surface et en profondeur,
- M. Jammet (IPSN), sur les normes de la Commission Internationale de protection radiologique (CIPR),
- M. Courtois (CEA/DEDI. sur la stabilité à long terme des bétons.

     Dans un laps de temps aussi réduit, le groupe n'a pu porter son attention que sur les points suivants:
     1. premier examen du programme général de gestion des déchets radioactifs présenté par le CEA,
     2. premier examen du programme de recherche et développement présenté en annexe à ce programme,
     3. recommandation en matière de stockage de surface,
     4. proposition en matière de recherches géologiques sur les stockages profonds,
     5. observations générales.
     Le groupe a également exprimé ses préoccupations en ce qui concerne la conformité du centre de stockage de la Manche (CM) au regard des règles fondamentales de sûreté édictées en 1982, et souhaite pouvoir examiner ce point précis dans une phase ultérieure. Il formule à cet égard un certain nombre de recommandations qui lui paraissent urgentes (paragr. IIIA).

p.24

I - PREMIER EXAMEN DU PROGRAMME GENERAL DE GESTION DES DECHETS RADIOACTIFS PRESENTE PAR LE CEA

     Les études menées au CEA depuis vingt ans en matière de gestion des déchets ont essentiellement porté sur les technologies du traitement et du conditionnement des déchets produits dans la fin du cycle. Les solutions mises au point industriellement l'ont été en vue d'une optimisation et d'une sûreté à court et moyen terme. C'est le cas par exemple de l'important effort de recherche et développement consenti pour la vitrification qui, bien qu'elle ne puisse être tenue comme assurant à elle seule la sûreté à très long terme, représente une bonne solution pour le confinement des produits de fission. C'est le cas également du procédé de bitumage, et corrélativement de la faiblesse relative de l'effort pour le développement de procédés plus performants a priori pour le traitement des résidus d'effluents liquides. En fait, il semble que par rapport à certains autres pays, la France a, pour diverses raisons (voir chap. IV), relativement peu avancé dans les domaines autres que technologies de la gestion à long terme des déchets (qualification des conditionnements, études théoriques et expérimentales de sites de stockage, évaluation des règles de sûreté correspondantes).
     D'une façon générale, le programme présenté par le CEA ne met pas suffisamment en lumière cette situation de déséquilibre. Le programme de gestion y apparaît comme une série d'opérations bien définies et s'enchaînant naturellement; on n'y distingue pas assez nettement les problèmes considérés comme résolus de ceux qui nécessitent une phase de développement et de ceux qui nécessitent une phase de recherche importante. On n'y voit nullement apparaître l'éventuelle nécessité de remettre en cause, à l'occasion de tel ou tel problème, certaines grandes options.
     Sous la forme où il est présenté, le programme de gestion proposé manque de la rigueur qui eût été nécessaire pour une véritable évaluation scientifique. Tous les problèmes qui se posent ne pouvaient sans doute être détaillés dans un document de cette nature; mais il eût été possible à tout le moins de les mettre clairement en lumière, en discutant leur incidence sur les diverses propositions qui sont présentées, en étayant éventuellement ces propositions par des références bibliographiques.
     Sur le plan enfin de la cohérence de l'ensemble des opérations qu'il prévoit et de leur échelonnement, le programme apparaît dès ce premier examen comme loin d'être irréprochable. Ainsi, alors que les travaux de recherche en matière de géologie ont pris en France, pour des raisons diverses, un lourd retard, c'est pourtant sur la barrière géologique qu'il est proposé de faire porter la sûreté à très long terme du stockage. Bien que le concept de sûreté globale du stockage soit clairement énoncé et en particulier que les conditions de stockage définitif puissent définir les traitements et les conditionnements, l'option d'une reprise des déchets qui sont ou seront déjà conditionnés n'est pas explicitement envisagée (hors le cas de la reprise des bitumes).
     Malgré ces lacunes, le groupe s'est attaché à comparer les propositions contenues dans le programme CEA avec les recommandations adoptées récemment par le CSSN, et à émettre un certain nombre de nouvelles recommandations précisant celles du rapport du groupe initial approuvé par le CSSN le 11 janvier 1983.

suite:
     Le programme général de gestion des déchets radioactifs comprend quatre grandes parties:
     1 - Les déchets radioactifs
     2 - Les objectifs de la gestion des déchets radioactifs
     3 - L'approche technique
     4 - Un programme de gestion.

I.1. Les déchets radioactifs
     I.1.1.  La provenance des déchets radioactifs liés à la fin du cycle du combustible nucléaire prend comme référence le retraitement des combustibles irradiés dans la version proposée pour les nouvelles usines de La Hague UP3 et UP2-800 (nature et volumes).
     Référence devrait être faite plus explicitement à la prise en compte de l'objectif proposé par le groupe initial, tel qu'il apparaissait déjà dans la lettre du 28 avril 1982 adressée par son président au ministre de l'Industrie, à savoir l'amélioration des conditionnements, la réduction du volume et de la teneur en émetteurs a des déchets produits dans la version actuelle du retraitement. Ceci concerne les bitumes et la cimentation des déchets de structure.
     I.1.2.  Le programme CEA classe les déchets nucléaires en trois grandes catégories:
· la catégorie A contenant des émetteurs b, g de faible activité, faiblement contaminés en émetteurs a et destinés au stockage en surface.
· la catégorie B contenant des émetteurs b, g de faible et moyenne activité, contaminés en émetteurs a et destinés au stockage en profondeur; on les appelle les déchets a.
· la catégorie C (déchets vitrifiés) de haute et très haute activité, comprenant des émetteurs a, b, g et destinés au stockage en profondeur. Contrairement à ceux des catégories A et B, ces déchets dégagent de la chaleur.
     Le groupe prend acte de l'existence de ces trois catégories. Cependant il lui apparaît que le classement en A et B des déchets ne peut intervenir (destination, caractère b, g) tant que n'aura pas été définie la limite a (Ci/ tonne) en dessous de laquelle un déchet est classé dans la catégorie A. Le groupe a appris que l'hypothèse de travail prise dans le programme et qui a notamment été utilisée pour l'estimation des volumes cumulés des déchets de catégorie A et B a été de 0,1 Ci a/tonne moyen. Il eût été préférable que cette hypothèse fût clairement explicitée dans l'exposé écrit du programme. L'enjeu concerne les déchets contenant des émetteurs a en quantité significative, à savoir:
· les 100.000 mètres cubes environ de déchets technologiques issus du retraitement, prévus d'ici l'an 2000;
· éventuellement les déchets de procédé (et peut-être technologiques) liés au fonctionnement anormal de réacteurs;
· les déchets technologiques provenant des opérations du cycle de réacteurs à neutrons rapides.
· les déchets militaires (à l'occasion de la reprise des charges de Pu pour enlever l'Américium 241).
     Sur ces trois derniers points, le rapport reste muet. Aucune information n'est donnée en particulier sur l'origine des déchets, notamment civile ou militaire.

p.25

I.2. Les objectifs de la gestion des déchets radioactifs
     I.2.1.  Le groupe note qu'il est fait référence dans les deux premiers alinéas du chapitre concernant les objectifs généraux de la gestion des déchets radioactifs non seulement aux limites réglementaires nationales, mais aussi aux recommandations de la CIPR. Par ailleurs, comme nous l'avons noté ci-dessus, il est apparu que le projet de stockage en surface a été établi sur la base d'une limite a de 0,1 Ci moyen par tonne, hypothèse faite en l'absence de limite fixée par les autorités de sûreté.
     Il eût semblé nécessaire, pour faire apparaître la cohérence globale du projet, que fût annexé un document justificatif montrant clairement que l'hypothèse de travail ainsi prise en compte était bien conforme aux deux objectifs affichés.
     Sachant que les bénéfices retirés de l'exploitation de l'énergie nucléaire concernent les populations actuelles, mais qu'en revanche les risques liés à la présence des stockages seront principalement supportés par les générations futures, il eût fallu que soient mentionnés les différents concepts concernant les exigences de sûreté que devrait comporter tout programme de stockage de déchets à long terme. Le groupe initial avait dans son rapport été d'avis d'accorder des importances comparables aux conséquences de ces risques, indépendamment de leur éloignement respectif dans le temps. Le groupe reconnaît que ce point peut être discuté, comme il l'est en son sein, et faire l'objet d'un large débat, notamment au sein du CSSN.
     I.2.2.  En ce qui concerne les contraintes (entretien, surveillance), le souhait que la gestion actuelle des déchets ne constitue pas un assujettissement exagéré pour les générations futures est en principe acceptable. Cependant, dit en termes trop généraux, ce souhait peut apparaître comme ambigu si on n'affirme pas en même temps et très nettement que le recours à toute solution hâtive et irréversible, souvent prise pour des raisons sociopolitiques du moment, est rejeté. Par exemple on ne peut pas écarter a priori la possibilité d'entreposages surveillés de verres ou de combustibles irradiés pour des durées très longues, soit parce qu'on n'a pas su trouver de solution satisfaisante à leur abandon définitif et qu'une reprise ultérieure s'imposera, soit parce que pour des verres débarrassés d'émetteurs a à vie longue (retraitement poussé) ce mode de gestion pourrait apparaître comme meilleur, même s'il impose une contrainte aux générations futures.
     Il paraît donc important que d'autres modes de gestion que celui qui est envisagé dans le programme CEA soient également envisagés et étudiés à plusieurs niveaux (géologie, climatologie, sociologie...).
     I.2.3.  Le concept d'acceptabilité pour les travailleurs et le public pour les risques radiologiques à long terme n'est assorti d'aucune proposition institutionnelle visant à déterminer ce seuil d'acceptabilité. Il semble au groupe que les critères d'acceptabilité sur lesquels se fonde la détermination de ce seuil devraient être présentés par les autorités de sûreté et débattus au sein du CSSN. Ce débat préalable ne saurait se substituer à la procédure d'autorisation actuelle de création et de mise en service d'une installation nucléaire de base prévoyant l'intervention du public à travers l'enquête publique, mais il apparaît indispensable pour l'éclairer. L'absence d'un tel débat s'est révélée notamment comme une insuffisance en 1980 dans le déroulement de l'enquête locale pour la création du centre de stockage de St-Priest-la-Prugne.

I.3. L'approche technique
     I.3.1.  Production, tri, traitement et conditionnement des déchets.
     Il faut s'efforcer de réduire autant que faire se peut, pour une production nucléaire donnée, le volume et la nocivité des déchets produits. Cette nécessité est mentionnée par le programme CEA qui n'indique pas, cependant, les dispositions mises en œuvre pour s'assurer de l'efficacité de cette réduction.

suite:
     Le groupe recommande:
     «que soient précisées les dispositions mises en œuvre pour s'assurer du caractère satisfaisant des efforts faits pour réduire les volumes et les activités des déchets produits pour chaque étape du cycle du combustible nucléaire.
     Les déchets doivent faire l'objet d'un tri à la source, ou à défaut aussi en amont que possible, selon des critères de nocivité potentielle, d'efficacité des traitements qu'ils doivent subir avant conditionnement, notamment ceux de décontamination en émetteurs a, et de mise en œuvre des dispositions d'entreposage ou de conditionnement retenues. Ce tri doit également viser à éviter tout mélange de déchets qui pourrait nuire à la mesure de l'activité du déchet et aux traitements ultérieurs de récupération des émetteurs alpha.
     Le groupe recommande:
     - que soient explicitées les dispositions mises en œuvre pour garantir la bonne efficacité de ce tri,
     - que le traitement des déchets, une fois triés, soit la règle. Ce traitement doit permettre que le déchet se présente, dans la mesure du possible, sous une forme homogène et facilitant le contrôle de l'activité contenue, avec une précision suffisante pour détecter les émetteurs a en-dessous de la limite réglementaire de séparation des catégories A et B.
     Une fois triés en fonction de la limite a réglementaire, les déchets sont classés sans ambiguité dans les catégories A ou B.
     I.3.1.1.  Déchets de type A
     Pour les déchets reconnus de type A, à la suite de l'application des mesures énoncées ci-dessus, le groupe d'une façon générale recommande:
     - qu'une étude d'optimisation soit conduite pour examiner l'opportunité de réduire par traitement les volumes de façon à faciliter le stockage ultérieur.
     Le groupe a constaté par ailleurs qu'en l'absence de seuil en-deçà duquel un déchet pourrait ne pas être considéré comme radioactif, Electricité de France était conduit à confier à l'ANDRA un important volume de déchets très peu ou pas actifs.
     Le groupe recommande:
     - que soit fixé de façon claire le seuil d'activité au-delà duquel un déchet doit être considéré comme radioactif,
     - que soit évitée la présence de complexants organiques dans ces déchets, afin de ne pas augmenter la mobilité des émetteurs a en cas de lixiviation (déchets d'hôpitaux, de laboratoires, de certains ateliers des usines de retraitement, etc.),
     - que soit recherchée et mise en œuvre dans les meilleurs délais une amélioration de la qualité des bétons (béton pouzzolanique, à fumée de silice) utilisés pour le conditionnement de ces déchets, ainsi qu'une amélioration de leurs méthodes de fabrication (bétons vibrés).
     I.3.1.2. Déchets de type B
     Ces déchets ne peuvent pas être stockés en surface en l'état.
     a) Cependant une certaine quantité de déchets technologiques pourraient passer en catégorie A s'ils subissaient un traitement permettant de réduire leur activité a.
     Le groupe recommande à leur égard:
     - que soit pris comme objectif de réduire par traitement l'activité a de ces déchets, 
     - que l'ensemble de ces déchets ne soient plus bétonnés mais entreposés de façon réservible en vue d'un traitement ultérieur de décontamination susceptible de les faire passer en catégorie A,
     - que certains déchets de procédés liquides dont on prévoit le conditionnement par mélange avec du ciment fassent l'objet d'une analyse sous cet angle.
p.26

    b) En ce qui concerne les déchets de la catégorie B dont le passage en catégorie A est difficilement envisageable, le groupe constate que le CEA prend comme référence les bitumes et bétons sans mentionner les incertitudes actuelles concernant leur aptitude au stockage définitif. Il rappelle les recommandations du groupe initial visant à ce que ces déchets soient conditionnés sous une forme apte à l'entreposage et à une reprise éventuelle pour un conditionnement ultérieur a priori mieux adapté au stockage définitif en couches géologiques profondes.
     Il a été indiqué au groupe qu'en ce qui concerne les boues de coprécipitation résultant du traitement des effluents liquides, le bitumage pouvait répondre à ce critère. Le groupe demande que cette possibilité soit explicitée.
     I.3.1.3. Déchets de type C
     Le groupe rappelle les recommandations approuvées par le CSSN pour ces déchets (verres) et visant à ce que:
     «pour le retraitement tel qu'il pourra ultérieurement être pratiqué soit étudiée, avec la volonté de tout mettre en œuvre pour qu'elle puisse être effectivement appliquée avant la fin du siècle, la technique mise au point par le CEA en laboratoire de retraitement poussé avec séparation des actinides mineurs qui permettrait d'extraire des déchets les émetteurs a de très longue période et les éléments susceptibles de les produire par filiation; ces éléments pourraient alors être conditionnés séparément de façon très efficace, incinérés par bombardement neutronique ou, dans un avenir plus lointain, évacués dans l'espace, ce qui n'apparaît pas impossible compte tenu des faibles volumes correspondants. Il apparaît d'ores et déjà très vraisemblable que les déchets restants, dont la période de nuisance potentielle serait alors inférieure à un millénaire, pourraient en toute sûreté être entreposés ou stockés à faible profondeur».
     I.3.2. Entreposage des déchets.
     Celui-ci n'est envisagé que sous l'angle:
     - d'une attente de création d'un stockage définitif,
     - d'une attente de décroissance radioactive.
     Il est apparu à notre groupe que l'entreposage trouvait, dans certains cas, deux autres justifications:
     - attente d'une qualification pour le stockage définitif,
     - attente d'un meilleur type de conditionnement, qualifiable du point de vue de la sûreté pour un stockage définitif. C'est le cas de l'entreposage des boues, conditionnées ou non sous forme de bitume.
     I.3.3. La localisation d'un entreposage est importante.
     Le programme CEA laisse toutes les possibilités d'ouverture:
     - entreposage sur les centres de production,
     - entreposage sur ou à proximité des centres de stockage définitif.
     L'entreposage des déchets d'une certaine catégorie sur un centre de stockage définitif (de la même catégorie ou non) est source d'ambiguités. Il importe par ailleurs d'être très clair vis-à-vis de toutes les parties concernées par un tel projet. Aussi le groupe recommande-t-il à cet égard:
     - que l'on distingue très nettement entre entreposage et stockage qui devront avoir lieu dans des centres distincts et constituer des INB différentes,
     - que l'entreposage ne soit pratiqué que sur ou à proximité des centres de production ou de conditionnement définitif des déchets,
     - que le programme soit complété par la définition d'une politique globale en matière d'entreposage.
suite:
     I.3.4. Dans le domaine du stockage définitif, parmi les critères généraux avancés par le programme CEA, un point est apparu ambigu: «Le choix du mode de stockage et du lieu de stockage doit être fait en fonction des caractéristiques des déchets»; ceci ne doit pas être compris comme indiquant que l'on peut reporter sur la géologie le soin d'assurer une barrière efficace pour les déchets dont il apparaîtrait que le conditionnement n'est pas adéquat; cela pourrait être le cas par exemple de l'idée de placer des bitumes dans des formations salines. Une telle interprétation conduirait à des difficultés en limitant la palette de choix de formations géologiques, déjà réduite par la prise en compte d'autres critères de sûreté et d'acceptabilité.
     Le groupe a bien insisté sur la nécessité d'optimiser chaque étape en vue de la sûreté à long terme, notamment au niveau des inventaires et des conditionnements, d'autant plus que les connaissances en matière géologique sont encore incertaines.
     Par ailleurs, la seule option technique retenue du stockage enterré est trop restrictive. On peut très bien concevoir comme il a été rappelé plus haut, un scénario d'entreposage à long terme pour des déchets vitrifiés débarrassés d'émetteurs aà vie longue.

I.4. Le programme de gestion
     I.4.1. Stockage des déchets à vie courte en surface.
     Ce point fait l'objet du chapitre III du présent rapport.
     I.4.2. Immersion en mer
     Sans porter de jugement sur la sûreté des opérations d'immersion faites sous l'égide de l'Agence de l'Energie Nucléaire de l'OCDE, le groupe considère qu'il ne peut approuver le projet d'immersion en mer à partir de 1984 tel qu'il est présenté dans le programme du CEA.
     Les considérations et recommandations exposées dans le rapport du groupe initial, quant à la sûreté à long terme des déchets, sont entièrement applicables au processus envisagé d'immersion en mer de déchets radioactifs, quelle que soit l'origine de ceux-ci.
     En particulier, le groupe confirme à ce propos la recommandation qu'en tout état de cause tout stockage expérimental susceptible d'être contaminé a devra être réversible.
     Le groupe considère que, pour juger en bonne connaissance de cause de la place potentielle de l'immersion en mer dans la stratégie générale de gestion des déchets radioactifs, il est nécessaire au préalable de procéder à un examen des origines, des quantités et des natures des déchets en fonction des stratégies aujourd'hui appliquées ou envisagées pour leur entreposage ou pour leur stockage définitif.
     S'il s'agit de déchets contaminés exclusivement par du tritium, il n'apparaît pas au groupe de raisons de s'opposer à l'immersion sur le plan de la sûreté, dans l'état actuel de nos connaissances. Cependant, le groupe considère que ce dernier problème doit être examiné plus complètement compte tenu en particulier du peu d'informations disponibles sur les quantités de déchets de ce type existantes ou à venir et sur la comparaison de la nuisance potentielle de tels déchets dans un stockage en surface avec celle des rejets gazeux autorisés ailleurs sur sur le site de La Hague pour le tritium. Le groupe demande donc qu'il soit sursis à des opérations d'immersion de tels déchets dans l'attente des résultats de cette étude.
     I.4.3. Stockage des déchets a
     Le programme CEA envisage la possibilité de mettre en service, à partir de 1991-1992, un stockage en profondeur de déchets a, qui pourrait être le même que le stockage de démonstration pour les verres (mise en service pouvant intervenir à partir de 1993-1994), ou l'extension de l'entreposage de déchets a, peut-être sur un site de stockage en surface.

p.27

     Le groupe rappelle l'une des recommandations émises par le groupe initial:
     «que toute décision de principe prévoyant à terme un tel enfouissement (de déchets susceptibles d'être classés a) serait, en l'état actuel de nos connaissances, prématurée».
     Dans ces conditions, le groupe recommande:
     - que l'on renonce à la décision actuelle de création d'un stockage a en profondeur, tant que les incertitudes sur la sûreté à long terme n'auront pas reçu de réponses satisfaisantes,
     - que l'on examine très sérieusement la situation actuelle du CM où des déchets a jusqu'à 10 Ci/m3 ont été stockés jusqu'en 1979, et s'il convient de reprendre ces déchets.
     Ce point constituera un objectif important des travaux ultérieurs du groupe, dans le cadre de sa mission de recensement de recherches et développements. D'ores et déjà il propose des mesures conservatoires concernant le CM au paragraphe 111.4.
     - que l'on développe des techniques de conditionnement de déchets alpha a priori plus performantes, et que l'on recoure entre-temps à l'entreposage en surface de ces déchets en respectant la sûreté à court et moyen terme. Ceci est particulièrement le cas des résidus d'effluents liquides dont le groupe a demandé que le bitumage éventuel soit fait dans cette optique, en réservant la possibilité d'une reprise ultérieure, dont la faisabilité devrait être explicitée.
     Ce n'est qu'une fois ces étapes franchies que la possibilité d'un stockage en profondeur de déchets a pourra être examinée.
     I.4.4. Stockage des verres
     Le programme CEA propose que l'ANDRA puisse prendre en charge, dès le début des années 1990, les déchets vitrifiés dans de nouvelles structures d'entreposage ou dans un centre de stockage de démonstration ventilé et réversible.
     Au vu des recommandations adoptées par le CSSN, le groupe souhaite que soient clairement distinguées les notions de stockage définitif, de stockage de démonstration, d'entreposage et de laboratoire souterrain.
     Le groupe recommande:
     - que l'on crée une ou des installations d'entreposage de longue durée des verres, en surface ou subsurface et non dans un stockage géologique ventilé,
     - que l'on crée un ou plusieurs laboratoires souterrains pour l'étude des problèmes posés par le stockage des déchets de haute activité,
     - que la réalisation d'un stockage de démonstration, qui apparaît aujourd'hui comme prématurée, ne soit entreprise que lorsque l'exploitation des résultats fournis par les laboratoires souterrains en auront établi la faisabilité.

II- PREMIER EXAMEN DU PROGRAMME DE RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT

     Le programme de recherche et développement présenté par le CEA pour une période de dix ans a été établi en 1982. Il couvre un vaste ensemble de travaux allant de la recherche fondamentale à la mise en œuvre de techniques industrielles, pour la plupart déjà lancés, dont on peut penser qu'ils seront conduits à terme si la volonté de les voir aboutir est maintenue. Il est toutefois clair que toutes les opérations mentionnées dans ce programme ne pourront pas être menées de front. Aussi convient-il d'établir des priorités.

suite:
     A cet égard, le groupe recommande:
     - que soient rapidement achevées les études permettant d'identifier sans ambiguïté les déchets destinés au stockage en surface: cryobroyage, digestion acide des résidus ainsi obtenus et récupération des émetteurs a, décontamination des déchets technologiques lourds,
     - que soit activement poursuivie la caractérisation des conditionnements a actuels et que soient activement étudiés les conditionnements futurs et les modifications de procédés permettant d'éviter de produire certains déchets difficiles à conditionner tels que les boues de coprécipitation.
     - que soit activement conduite la reconnaissance scientifique des sites de stockage de surface.
     Les autres opérations déjà lancées dont l'échéance ne peut être prévue que dans plus de dix ans apparaissent moins prioritaires au regard de la nécessité de trouver des capacités de stockage en surface et de définir les déchets qui y seront stockés. Toutefois, la séparation des émetteurs a des produits de fission qui conduirait, si elle était possible, à des déchets de haute activité différents des déchets actuels doit bénéficier d'une attention particulière.
     A ce sujet, le groupe recommande:
     - que soit rapidement étudiée la faisabilité d'une telle séparation ainsi que celle de la destruction des actinides résultant de cette séparation, et que soit ensuite lancée l'expérimentation nécessaire,
     - que cette opération simplement mentionnée dans le programme devienne une des opérations prioritaires si elle s'avère faisable.
     Le programme de recherche et développement examiné par le groupe ne tient pas compte de toutes les recommandations approuvées par le CSSN. En particulier il est muet sur celles qui portent sur les options autres que le retraitement immédiat tel qu'il est prévu dans les futures usines de La Hague (ces études ne sont pas programmées). Bien que la plupart d'entre elles ne présentent pas un caractère d'urgence, il convient néanmoins de ne pas trop retarder le début des recherches qu'elles appellent.
     A cet égard, le groupe rappelle la recommandation du groupe initial:
     "que des études allant jusqu'à l'acquisition du savoir faire industriel soient engagées sur les options autres que le retraitement immédiat, notamment le stockage définitif des combustibles irradiés".
     Enfin, il n'est pas mentionné dans le programme la possibilité d'intéresser la communauté scientifique à sa programmation et à son exécution, ce qui constituait une recommandation importante du groupe initial. Pour ce qui concerne le développement du programme de recherche et développement consacré aux déchets, quelle que soit la façon dont tous les scientifiques compétents seraient amenés à travailler ensemble, le groupe recommande:
     - que soient mis en place au moins trois groupements de recherche et développement axés sur la "géologie", " l'évolution des matériaux " et les "transuraniens".
     Il apparaît d'ores et déjà possible au groupe que la structure de groupement d'intérêt scientifique (GIS) ou de groupement d'intérêt public (GIP) offrirait des garanties d'indépendance et d'ouverture scientifique suffisantes pour développer des recherches coordonnées dans ces domaines.
     Le groupe a été sensible aux travaux de recherche et développement développés dans le cadre de la Communauté Européenne, il recommande:
     - que dans le troisième plan de recherche et développement qui va être mis en place, le CEA réoriente sa participation à ces travaux dans le sens des recommandations émises par le groupe.
p.28

III - PROPOSITIONS EN MATIERE DE STOCKAGE EN SURFACE

III.1. Urgence
     Le groupe reconnaît, avec le CEA, l'urgence d'ouvrir de nouveaux centres de stockage de déchets de faible et moyenne activité en surface (catégorie A), car la capacité du CM ne saurait en tout état de cause pouvoir être étendue aux besoins exprimés. Le groupe se réserve de plus la possibilité de remettre en question la capacité radiologique totale de ce centre après l'examen plus détaillé de ses conditions de fonctionnement passées et actuelles, en particulier à la lumière de limites réglementaires en émetteurs a qui seraient fixées pour le stockage en surface: le groupe propose quelques mesures d'attente concernant ce centre (paragr.III.4).
     Au vu de cette urgence, le groupe note l'ambiguité du programme général qui, s'agissant de projet de création de nouveaux centres, n'évoque nommément qu'un seul site, fût-ce au titre de simple rappel historique, à savoir celui de St-Priest-la-Prugne pour lequel une demande d'autorisation de création d'un centre de stockage avait été déposée auprès du ministre de l'Industrie le 30 mars 1980 et refusée en avril 1982 par le ministre délégué chargé de l'énergie.
     Le groupe a noté que le document ne fait pas apparaître qu'une étude approfondie de critère de choix de site en surface ait été lancée depuis 1976; il a noté d'autre part qu'aucun inventaire ou reconnaissance de site autre que celui de St-Priest-la-Prugne n'a été conduit, même depuis l'abandon en avril 1982 de ce projet.
     Le groupe considère pour sa part que, tant du point de vue technique que sociologique, il serait souhaitable que plusieurs nouveaux centres de stockage en surface soient prospectés, voire exploités simultanément.
     Par ailleurs, le groupe considère que la sûreté des centres de stockage de surface doit être fondée sur le concept de "défense en profondeur" préconisé par la règle fondamentale de sûreté I.2 édictée par le service central de sûreté des installations nucléaires, et qu'à ce titre les critères de choix des sites revêtent une grande importance.
     Le groupe rappelle à cet égard que la règle 1.2 des RFS (titre IV.1) explicite qu'après la banalisation:
     «la sûreté intrinsèque du stockage reposera alors, d'une part sur la limitation initiale de l'activité en émetteurs à période longue des déchets stockés, d'autre part, sur la capacité de rétention du troisième système de confinement qui limitera l'entraînement des radioéléments résiduels vers la biosphère à un niveau suffisamment faible pour les personnes et l'environnement...
     Le groupe note que les options de sûreté proposées par le programme du CEA sont conformes aux exigences de la règle fondamentale de sûreté (RFS) n. I.2.
     On relève notamment dans le fascicule «options techniques de sûreté d'un centre de stockage de faible et moyenne activité»
     «Au-delà des phases d'exploitation et surveillance du centre, pendant lesquelles ce dernier aura fait l'objet d'un contrôle institutionnel, le risque résiduel devra être négligeable quelle que soit l'utilisation ultérieure du site.
     «la radioactivité résiduelle du stockage sera, dès lors, essentiellement due à des radioéléments à période longue (émetteurs a éventuellement présents dans les déchets) qui auront gardé sensiblement la même radioactivité qu'à l'origine.
     «les quantités maximales admissibles dans les déchets de ces radioéléments à vie longue sont donc limitées de manière à garantir que les risques radiologiques pour la population resteront négligeables en toutes hypothèses (détérioration du confinement, chantier de travaux publics, activités humaines diverses...) lorsque le site aura été banalisé, c'est-à-dire utilisable sans restriction».

suite:
     Ceci amène le groupe à relever l'ambiguïté de la formulation suivant laquelle "les critères de choix de site sont très peu contraignants" (fascicule « critères techniques de choix des sites de stockage de déchets radioactifs »). Le groupe tient à souligner que ces critères sont importants même si effectivement ils peuvent être satisfaits dans de nombreuses régions du territoire national.
     Une première ébauche de critères de choix de site est proposée en annexe 2.
     Le groupe recommande:
     - qu'un programme de définition de critères et de recherches de sites soit lancé de toute urgence.
     Le groupe évoquera plus loin le cadre dans lequel ce programme pourrait être défini:
     - que les critères qui seront ainsi élaborés soient repris sous forme de règle fondamentale de sûreté concernant les choix de sites de stockage en surface.
     - que dans le cadre des critères ainsi définis la procédure de choix des sites proposée par le programme généraI du CEA (inventaire, présélection et qualification) soit appliquée également aux sites destinés aux stockages en surface et vise à la qualification de plusieurs sites,
     - que cette qualification étant acquise plusieurs centres de stockage en surface fassent l'objet d'une demande d'autorisation de création.

III.2. Limite a des déchets stockés en surface

     Le groupe considère que la fixation précise de la limite a des déchets stockés en surface d'une part, et de la capacité radiologique totale de tout nouveau site d'autre part, est un préalable indispensable à tout nouveau projet.
     L'absence de limite dans la RFS n. 1.2. ne justifie pas que ne soient pas fournies dans le document CEA la (ou les) relation(s) entre la dose annuelle délivrée à une personne du public et la concentration massique des déchets en activité a, calculée(s) pour divers scénarios de retour des radionucléides, alors qu'une limite de 0,1 Ci (a) moyen par tonne est implicitement retenue pour le calcul des volumes respectifs des déchets de catégorie A et B (voir 1.1.2).
     Le groupe a pris acte de ce que l'objectif de sûreté des stockages en surface de déchets de catégorie A, tel qu'il ressort du programme CEA et de la règle fondamentale de sûreté n. 1.2 édictée par le service central de sûreté des installations nucléaires, vise à la banalisation du site après une période de surveillance de 300 ans. Cette banalisation doit permettre aux terrains de retrouver un usage normal sans restriction aucune, la radioactivité ayant décrû à un niveau suffisamment faible pour ne plus présenter de risque significatif pour les personnes et l'environnement et en tous cas supérieur à celui correspondant aux limites de doses pour les personnes du public telles qu'elles résultent de la réglementation.
     Le groupe recommande à cet égard:
     - que les concepts de sûreté à long terme appliqués à la gestion des sites de stockage en surface soient tels qu'après une période d'au plus 300 ans de tels sites puissent cesser d'être placés sous surveillance, c'est-à-dire soient effectivement banalisables au sens défini ci-dessus.
     Le groupe a également pris connaissance des études de sûreté effectuées par l'IPSN[1] sur le projet de St-Priest-la-Prugne, où était proposée une limite a de 0,1 Ci par tonne par lot de 1.000 tonnes et 1 Ci par tonne au plus par colis.
     Le groupe a considéré (voir annexe 3) que ces études devraient être conduites en accord avec la règle n. 1.2. qui stipule que:
     «Ces études devront démontrer que ces retours éventuels conduiraient à des expositions aussi faibles que possible, et en tout cas inférieures à celles acceptées par la réglementation en vigueur, pour les personnes du public» (titre IV.21, et que «l'ensemble de ces études relatives au retour par l'eau ou par l'air devra être conduit avec des hypothèses volontairement pessimistes». (titre IV.2.3.).

p.29
1. Voir P.J. de M. Pradel el Mme Chapuis (IPSN).
     Il a été amené dans ces conditions à reprendre certaines hypothèses des calculs.
     En s'appuyant sur des scénarios (voir annexe 3) qui lui apparaissent raisonnablement envisageables et à partir:
     - des recommandations de la publication CIPR-26 (janv. 77),
     - de la directive du Conseil des communautés européennes du 15 juillet 1980 qui devrait être reprise, ainsi que ses annexes la complétant, par le législateur français avant juin 1984,
     - de la règle fondamentale de sûreté n. 1.2, titres IV.2, IV. 2.2. et IV.2.3.
     Le groupe a estimé que dans le cadre du scénario relatif au risque par inhalation pour «des personnes vivant dans une zone résidentielle bâtie sur le site de stockage en surface et plus particulièrement les enfants», l'activité spécifique a moyenne qui conduirait à une dose annuelle engagée de 100 mrem se situe dans une fourchette de quelque 10-3 à 10-2 Ci a moyen par tonne. Bien que la limite réglementaire soit de 500 mrem/an, cette valeur de 100 mrem correspond à la limite recommandée par la publication CIPR-26 pour des personnes (groupe critique) exposées durant la vie et en l'absence d'étude d'optimisation explicitant l'intérêt de se placer au-delà.
     Le groupe recommande:
     - que soit prise en compte cette valeur de 100 mrem/an tant qu'il n'existe pas d'étude d'optimisation prouvant qu'il est justifié de prendre une limite comprise entre 100 et 500 mrem/an.
     Le groupe note par ailleurs:
· que la pratique réglementaire en ce qui concerne les installations nucléaires de base conduit à des doses engagées de quelques mrem/an, 
· qu'à l'inverse, certaines situations actuelles telles que l'usage de maisons construites avec certains matériaux naturels peuvent conduire à des doses très supérieures à 500 mrem/an, limite actuelle de dose individuelle pour les personnes du public.
     Une limite a maximale par colis de déchets correspondant à une limite moyenne de quelque 10-3 à 10-2  Ci a par tonne conduit à séparer momentanément les catégories de déchets A et B non pas par une teneur a, difficile à mesurer sur l'état actuel des techniques et plus particulièrement sur les déchets déjà bétonnés (voir annexe 1), mais par provenance. Seraient alors acceptables en catégorie A, en particulier, tous les déchets en provenance des réacteurs en fonctionnement normal.
     La majorité des déchets technologiques issus du retraitement ne peuvent en l'état actuel être stockés définitivement en surface.
     Le groupe rappelle à ce sujet les recommandations émises en I.3.1.
     En tout état de cause, le groupe recommande:
     - que la limite de contamination a des déchets de catégorie A soit fixée dans les meilleurs délais par les autorités de sûreté et qu'elle soit présentée au Conseil supérieur de la sûreté nucléaire préalablement à l'engagement de toute prospection de site sur le terrain.

     III.3. Principe de surveillance de la 2ème barrière

     Le CEA propose un système de surveillance, durant les 300 premières années, du retour éventuel de l'eau ayant traversé les déchets vers la biosphère, qui n'est pas complet. Si les drains de récupération sont effectivement prévus au niveau du radier, il n'est pas possible en revanche de détecter une fuite directe de l'eau à travers le radier, qui présentera tôt ou tard des fissurations. Cette eau contaminée d'émetteurs b - g atteindrait alors directement la nappe phréatique.

suite:
     Le groupe considère donc: 
· qu'un dispositif de surveillance d'une telle éventualité devra être inclus dans le projet de génie civil du centre de stockage.

III.4. Examen préliminaire du centre de stockage de la Manche (CM)

     Compte tenu d'une part des critères de choix de site dont le groupe a proposé une première liste (annexe 2) et recommandé une étude plus poussée, et d'autre part de la limite en teneur a des déchets à fixer pour qu'un site de stockage en surface puisse être banalisé après 300 ans, le groupe s'interroge sur le devenir du centre de stockage de la Manche.
     En effet, la limite autorisée pour le site a été de 10 Ci (a)/m3 jusqu'en septembre 1979. De plus, les conditions d'écoulement, de niveaux des eaux, de stabilité géochimique du milieu et de connaissance des exutoires ne sont pas aussi satisfaisantes que ce que l'on pourrait espérer.
     Le groupe reconnaît les efforts actuellement accomplis par l'ANDRA pour améliorer la gestion et demande quel travail a été fait pour améliorer la connaissance du site. Il souhaite examiner avec beaucoup de détails les données obtenues, ainsi que le problème posé par la mise en conformité du site avec les nouvelles règles fondamentales de sûreté.
     D'ores et déjà, le groupe recommande:
     - que ne soient stockés au Centre Manche que des déchets de catégorie A qui satisfassent à la nouvelle norme de teneur a. Ces déchets devraient être stockés géographiquement à des endroits bien distincts des déchets à teneur élevée déjà stockés, afin de laisser ouverte une option de reprise éventuelle des déchets déjà stockés,
     - que ne soient plus construits de stockages enterrés à des niveaux tels qu'en cas de hautes eaux les déchets ou la structure en béton soient au-dessous du niveau phréatique,
     - que soit évitée la présence de complexants organiques dans les déchets stockés (ceci rejoint une des recommandations du paragr. I.3.1).
     Le groupe note que l'ANDRA se propose de réaliser des études poussées sur les matériaux de couverture et leur mode de mise en place pour assurer la fermeture définitive du dépôt. Il souhaite que lui soit communiqué le programme de ces études.

IV - PROPOSITIONS EN MATIERE DE RECHERCHES GËOLOGIQUES SUR LES STOCKAGES PROFONDS

IV .1. Etat actuel des recherches
     Le groupe a constaté que le programme de recherche en matière de géologie profonde, pour l'enfouissement des déchets de catégorie B et C, avait en France accumulé un retard important vis-à-vis de certains pays industriels, ceci étant à mettre en regard de la place de premier plan occupée par la France en matière de programme électronucléaire.
     Le groupe pense que cet état de chose est lié à un ensemble de raisons dont on peut espérer qu'elles relèvent du passé et dont certaines dépassent le cadre du CEA:
· absence de décision de lancement d'un tel programme, ou même d'autorisation de réalisation des travaux de reconnaissance;
· sous-estimation par les instances supérieures de la difficulté des recherches géologiques préalables à accomplir, pour permettre la qualification de la barrière géologique contribuant à assurer la sûreté à long terme. Le problème ne se limite pas en effet au seul choix d'un site et à la construction d'un laboratoire expérimental. Ainsi plusieurs programmes de recherche touchant à ces questions et présentés par les responsables scientifiques du CEA n'ont-ils pas été réalisés, comme par exemple le premier programme français pour la commission des communautés européennes de 1976;

p.30

· difficulté d'articulation, au sein du CEA, entre les responsabilités respectives en matière de recherches géologiques profondes, d'avancement des procédés de conditionnement, d'inventaire et de réalisation de sites de stockage et d'analyse de sûreté des projets. Le groupe note à cet égard que le programme de l'ANDRA en matière d'enfouissement des déchets en formation profonde se borne à décrire une procédure de sélection de sites, partant d'un inventaire dont l'éventail est peu à peu rétréci, par un programme de reconnaissance qui doit fournir les paramètres permettant de caractériser les milieux géologiques en vue de l'analyse de sûreté. Le groupe n'a relevé aucune référence au nécessaire programme de recherche préalable qui vise justement à déterminer quels sont les paramètres conditionnant la sûreté et comment les mesurer;
· insuffisante participation des principaux organismes géologiques nationaux à la définition des critères, à la programmation des travaux de recherche et aux études de sites.
     Dans le cadre de la mission qui lui a été confiée concernant le recensement des recherches et développements, le groupe examinera de façon plus précise les travaux qui ont été réalisés jusqu'ici, pour donner un avis détaillé sur les travaux qu'il serait utile d'entreprendre, et leur agencement avec les travaux portant sur les conditionnements.

IV.2. Premières propositions

     Si l'enfouissement des déchets des catégories B et C ne présente pas le même caractère d'urgence que le stockage des déchets de la catégorie A, le groupe considère cependant que les programmes de recherche en matière de géologie profonde présentent tout au contraire une très grande urgence dans l'organisation de la gestion des déchets.
     Les propriétés de milieux géologiques profonds vont en effet déterminer la nature des conditionnements ultimes des déchets, en particulier pour la catégorie B, ou des éventuels curconteneurs pour la catégorie C ou les combustibles irradiés. La reprise du conditionnement des déchets de catégorie B nécessite donc que les questions pendantes aient été résolues. Rappelons que le groupe a recommandé l'entreposage de cette catégorie de déchets jusqu'à ce que ces problèmes aient trouvé une solution.
     Le groupe considère d'autre part qu'il faut attacher une importance toute particulière au stockage des déchets de catégorie B. Ils représentent en effet une nuisance à long terme importante et comparable à celle des verres (une fois que les produits de fission à vie courte contenus dans les verres auront décru). Les volumes mis en œuvre sont plus importants, par contre les problèmes du dégagement thermique des déchets a sont moins aigus.
     Le choix du site de stockage des déchets a (et de la formation géologique correspondante) est donc également difficile, et nécessite le même degré de sûreté que celui des déchets de catégorie C.
     Les premières propositions de recherche que le groupe recommande au Conseil supérieur de la sûreté nucléaire d'adopter pourraient être les suivantes:
     IV.2.1. Choix d'un type de formation ou de structure géologique favorable.
     L'essentiel des efforts de recherche français en matière de géologie a porté pour l'instant sur les formations granitiques. Plus récemment, l'ANDRA a engagé des recherches théoriques sur le sel et vient d'entreprendre des recherches et des expérimentations sur des matériaux argileux.
     Le groupe considère que la France, sans exclure d'autres formations qui pourraient s'avérer intéressantes, se doit d'examiner à des niveaux à peu près comparables les trois types de formation ci-dessous:
     a) Les formations granitiques qui ont fait l'objet d'études de surface en Bretagne et de deux forages profonds seulement dans le Limousin. Des études préliminaires hydrauliques, thermiques et de migration sont - ou ont été - réalisées à titre méthodologique dans des massifs granitiques peu profonds déjà exploités en mine, qui ne seront en aucun cas des sites potentiels de stockage.
     Cependant, les connaissances théoriques en matière de circulation dans les milieux faiblement fissurés, et sur les interactions géochimiques eaux profondes-déchets-roches doivent encore être approfondies.
     Il en est de même pour la connaissance des conditions naturelles régnant dans les massifs cristallins profonds (fissuration, perméabilité, composition géochimique, circulation des eaux, stabilité tectonique à long terme).

suite:
     A cela s'ajoute une méconnaissance des effets indirects de l'introduction des déchets dans le sous-sol (effets thermohydromécaniques) qui demandera une expérimentation de longue durée en profondeur.
     Enfin les problèmes pratiques de rebouchage, colmatage et scellement de forage, galeries et cavités, pour ne pas créer dans les massifs des discontinuités pouvant jouer le rôle de court-circuit, doivent être abordés sans retard.
     Compte tenu des travaux déjà réalisés et des incertitudes qui subsistent, le groupe recommande:
     - de poursuivre les études théoriques et expérimentales sur les écoulements, les interactions géochimiques et les migrations en milieu fissuré et sur les effets thermiques et mécaniques,
     - de réaliser des reconnaissances par forages dans plusieurs massifs granitiques potentiellement favorables, dont le choix devrait être fait dans le cadre de l'organisation proposée au chapitre II,
     - de poursuivre, notamment en association avec des pays étrangers, des études sur les matériaux de rebouchage, par exemple dans les galeries de mine existantes, sans attendre la réalisation d'un laboratoire souterrain,
     - de définir le programme précis de recherches à effectuer dans un laboratoire souterrain, dont la décision de le réaliser ne sera prise qu'après l'examen des résultats d'une analyse de risques préliminaire du site éventuellement retenu, effectuée après une comparaison de sites différents et également de formations géologiques différentes.
     b) Les formations argileuses ou schisteuses.
     Le groupe recommande de combler rapidement l'écart qui existe entre la connaissance des milieux granitiques et celle des milieux argileux-schisteux. Il convient notamment:
     - d'affiner l'inventaire des formations françaises adéquates, à partir du catalogue européen établi par le BRGM et des recherches de sites en cours, que le BRGM réalise pour l'ANDRA dans le cadre de la première phase du déroulement décrit dans le programme,
     - de reconnaître en surface quelques-uns de ces massifs,
     - d'y réaliser des forages de reconnaissance profonds (hydrologie, fracturation, géochimie, etc.), et des études mécaniques,
     - de conduire parallèlement dans ces milieux des essais hydrauliques, thermiques et de migration à faible profondeur à caractère méthodologique,
     - enfin d'établir un programme expérimental précis à réaliser en laboratoire souterrain à mettre en parallèle avec le programme équivalent pour les milieux granitiques.
     c) Formations évaporiques.
     Le groupe considère que - alors que ce n'est pas le cas pour les deux précédents types de formation - des connaissances fondamentales sont déjà disponibles sur le sel en profondeur (ou plus généralement sur les évaporites), grâce:
     - aux mines de sel existant en France ou à l'étranger,
     - aux cavités de dissolution dans le sel (exploitées parfois en cavités de stockage) déjà réalisées, domaine dans lequel la France est très active,
     - aux travaux réalisés en Allemagne et aux Etats-Unis pour le stockage de déchets nucléaires dans le sel.
     Il considère cependant que des études sont à entreprendre dans ce domaine, notamment:
     - des études théoriques sur la stabilité thermo-mécanique des structures salifères contenant des déchets,
     - des études expérimentales de même nature dans des mines existantes,
     - des études sur les matériaux de rebouchage,
     - certains travaux de reconnaissance complémentaires de structures favorables, et de prise d'échantillons,
     - la préparation d"un programme expérimental précis des recherches à réaliser dans un laboratoire souterrain.
     Sans vouloir prendre parti à ce stade, le groupe rappelle cependant que les formations salines constituent en elles-mêmes tant de ressources minérales que des sites préférentiels de stockage (hydrocarbures liquides et gazeux en particulier), dans lesquels les risques d'intrusion humaine sont plus élevés que pour les autres formations.
p.31

en cours...
     d) Formations géologiques sous-marines.
     Le groupe n'a pas eu le loisir d'examiner jusqu'ici ces projets.
     IV.2.2. Laboratoire souterrain.
     Le groupe recommande:
     - que la création de laboratoires souterrains ne commence que lorsque les études dans les trois formations ci-dessus seront parvenues à des niveaux suffisants d"avancement, suivant les programmes proposés ci-avant.
     Le groupe souhaite qu'une distinction claire soit établie entre un laboratoire souterrain en profondeur et un stockage de démonstration.
     Le premier vise à effectuer des mesures, expériences et observations approfondies pour permettre de quantifier la sûreté de la barrière géologique dans les analyses de risques. Ces expériences devront comporter des phases thermiques, qui seront alors mieux réalisées par des sources de chaleur entièrement contrôlées par les expérimentateurs.
     Un stockage de démonstration en revanche est une opération de démonstration de la faisabilité technique de la mise en place de déchets dans une formation géologique. Cette phase ne pourra intervenir en tout état de cause qu'après que sa faisabilité ait été établie par les résultats fournis par les laboratoires souterrains. Un tel stockage de démonstration n'est donc pas à envisager avant les années 2000. Sa préparation n'apparaît donc pas urgente.
     Le groupe a déjà recommandé (cf. IA.3.) que l'on renonce à la décision actuelle de création d'un stockage a en profondeur tant que les incertitudes sur la sûreté n'auront pas reçu de réponses satisfaisantes et que la réalisation d'un pilote, qui apparaît comme prématurée, ne soit entreprise que lorsque l'exploitation des résultats fournis par les laboratoires souterrains en auront établi la faisabilité.
     IV.2.2. Option stockage ventilé en profondeur pour les déchets de catégorie C
     L'ANDRA envisage dans son programme une option de stockage des déchets vitrifiés en profondeur dans un avenir assez proche, avec refroidissement du stockage par ventilation, afin d'éviter de devoir construire des installations importantes d'entreposage des déchets en surface pour laisser décroître la puissance thermique des déchets.
     Comme cela a été dit au paragraphe I.4.4., le groupe rappelle qu'il s'oppose à ce concept de stockage géologique ventilé et à son corollaire, la faible durée (5 ans) de l'entreposage en surface pour la décroissance radioactive de ces déchets.
     1V.2 A. Définition de critères de sélection de sites
     Le programme de recherche brièvement décrit ci-dessus doit permettre d'aboutir à la définition de critères de choix de sites pour l'enfouissement de déchets de catégories B et C.
     La procédure de sélection de sites proposée doit intervenir après que soient définis les critères permettant cette sélection. Il n'est pas souhaitable et il est peu crédible pour le public que les critères de sélection de sites soient proposés par le seul exploitant.
     Le groupe recommande:
     - que la structure de recherche à mettre en place (voir chapitre II) ait parmi ses attributions la définition de ces critères, qui serviraient de base pour l'élaboration progressive des options techniques de sûreté correspondantes,
     - que des règles fondamentales de sûreté fixent les objectifs de sûreté à atteindre pour les stockages géologiques,
     - que lors de tous travaux de reconnaissance de site l'objectif exact des recherches soit clairement affiché et rendu public.
suite:
V - OBSERVATIONS GENERALES

     Au terme de ses premiers travaux, le groupe a fait des recommandations dont certaines dépassent le champ purement scientifique ou technique. C'est ainsi qu'il a élaboré des propositions en matière de stockages de surface à partir d'objectifs généraux faisant explicitement référence d'une part aux recommandations de la CIPR 26 et d'autre part à l'avis adopté par le Conseil supérieur de la sûreté nucléaire sur l'importance à accorder aux risques indépendamment de leurs éloignements respectifs dans le temps.

     Le groupe a également insisté dans certaines de ses recommandations sur la nécessité de bien articuler entre elles les différentes étapes conduisant à la demande d'autorisation de création d'un centre de stockage, ce qui implique que soient clairement affichés les relations et le rôle de chacun des organismes concernés. Le groupe a conscience que ce dernier point revêt une grande importance pour assurer la crédibilité auprès du public tant des organismes chargés de la gestion des déchets que des stratégies proposées.

     Le groupe estime qu'une réflexion sur tous ces points devrait être menée, par exemple à l'initiative du Conseil supérieur de la sûreté nucléaire. On pourrait se référer notamment aux structures et aux dispositions financières en vigueur dans d'autres pays, telles que par exemple l'institution d'une taxe parafiscale destinée à financer les diverses opérations de la gestion actuelle et future des déchets.

     Sur tous ces aspects à la frontière du technique et du social, le groupe suggère au Conseil supérieur de la sûreté nucléaire de réfléchir à l'intérêt qu'il pourrait y avoir à constituer, à l'instar des trois groupes scientifiques évoqués au chapitre Il, un quatrième groupe axé sur «les aspects socio-politiques liés à la gestion des déchets radioactifs».

     Par ailleurs, s'agissant de l'information et de la participation des personnes intéressées, le groupe considère comme essentiel et recommande:

     - que chaque étape du processus soit rendue publique à partir de la présélection des sites de stockage et soit effectuée en pleine connaissance du public au niveau national et local,
     - que les critères généraux de sûreté et leur élaboration soient rendus publics, notamment ceux relatifs à la protection radiologique des personnes existantes et des générations futures ainsi que d'éventuels calculs d'optimisation,
     - que les critères particuliers à un site, la provenance, la nature, les quantités de déchets et en général toutes données y compris pendant la période d"exploitation, soient clairement explicitées et rendues publiques.

     Le groupe note pour conclure que c'est en définitive à l'Etat qu'il revient d'assurer la gestion actuelle et future des déchets radioactifs. 

Paris, le 8 mars 1983
p.32

Retour vers la G@zette N°52