04/04/2017 •

Traduction du Rapport N°6 (4 avril 2017) de Ray Acheson (RCW)
à la Conférence ONU à New York
Source : NBD1.6.pdf

Courage et collaboration

La semaine dernière a créé une transformation. Et cela non seulement en termes d’interdiction des armes nucléaires, mais plus largement en termes de relations internationales et de fonctionnement des Nations unies.

La majorité des Etats (*) – plus de 130 – se sont réunis aux Nations unies pour démarrer les négociations sur un Traité dont les 5 membres permanents (dit le «P5») – et les autres Etats dotés d’armes nucléaires – ne veulent pas. Déjà cela constitue en soi un changement significatif. Il est extrêmement rare, sinon totalement inédit, que quelque chose puisse être fait aux Nations Unies si le P5 s’y oppose dans sa totalité. On nous avait dit que c’était impossible d’avoir un impact sur quoi que ce soit en opposition à un front uni des « pouvoirs qui comptent ». Or, non seulement nous avons obtenu une pression, mais, encore plus, un dynamisme.

Et tout ceci à travers les « Etats faibles », la société civile, et les organisations internationales, engagées ensemble dans un dialogue interactif, qui a mis en évidence la nature collaborative unique de ces négociations. Les organisations de la société civile, agréées par la conférence, ont été en mesure de faire des interventions sur chacun des sujets discutés par les Etats, et jeudi des experts ont été invités par la Présidente pour engager avec les Etats une discussion informelle sur certains des sujets parmi les plus critiques mis en examen.

Le courage qui a conduit les Etats à négocier ce Traité et l’esprit de collaboration pour s’engager avec des acteurs non-étatiques ont été tous les deux déterminants pour le succès de cette initiative en vue d’interdire les armes nucléaires. Aussi bien le courage que l’esprit de collaboration vont rester des ingrédients essentiels pour finaliser le succès au mois de juillet, ce que la Présidente de la conférence, l’Ambassadrice du Costa Rica, Elayne Whyte Gomez, a affirmé être « un objectif atteignable ».

Sur la base du débat de la semaine dernière, l’Ambassadrice Whyte va préparer un texte « brouillon » pour le Traité, qui sera distribué aux Etats participant à la conférence dans la deuxième moitié du mois de mai, au plus tard début juin. Les négociations vont alors reprendre pendant trois semaines à partir du 15 juin, durant lesquelles les gouvernements vont travailler sur ce texte, dans le but de conclure le Traité pour le 7 juillet.

Il s’agit d’un agenda ambitieux, mais avec la participation de bonne foi des Etats et de la société civile, il est certainement réaliste. Il y a en effet un large consensus sur les interdictions principales et également sur les principes et les finalités du Traité. Les sujets en discussion concernent le fait d’inclure explicitement ou non : l’interdiction de la menace de l’usage ; l'interdiction des essais et du financement ; la meilleure façon de prendre en compte les droits des victimes et des survivants et la réparation de l’environnement ; et encore comment traiter du stockage et des procédures de vérification. Dans les semaines à venir, ce sera important que les gouvernements et les groupes de la société civile travaillent ensemble pour résoudre ces problèmes résiduels.

Entre-temps, l’opposition et la pression des gouvernements qui ont choisi (ou qui ont été sommés) de boycotter ces négociations vont certainement se faire sentir. La stigmatisation des armes nucléaires, qui résulte du processus en cours pour les interdire, est déjà en train d’affecter la perception de la légitimité des positions des Etats concernés. Un Traité final va constituer un obstacle incroyable au maintien continu de ces armes de destruction massive.

Mais les Etats qui s’opposent à ce Traité et au changement que celui-ci représente ne pourront pas bloquer l’adoption de ce Traité ni son entrée en vigueur. Le courage et l’esprit de collaboration seront les clefs pour résister à la pression à venir.

Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, le Traité d’interdiction des armes nucléaires n’est pas une fin en soi. Il sera un catalyseur pour le changement, comme cela a déjà été le cas pour le processus de sa négociation. Il y a beaucoup de travail à faire devant nous, et, une fois que ce Traité sera bien établi, il y aura encore plus de travail pour finaliser son entrée en vigueur, le faire signer et ratifier, et naturellement pour atteindre le but global du désarmement nucléaire et d’un monde libéré des armes nucléaires. Mais ce que nous avons vu jusqu’à présent devrait nous donner le grand espoir que cela est possible, et que le processus conduisant à l’interdiction des armes nucléaires produira un changement encore plus grand pour concevoir comment les choses peuvent être et seront faites dans les relations internationales.

(*) Pour une liste commentée des Etats des Nations Unis avec leur prise de position sur un Traité d’interdiction des armes nucléaires, on peut voir au lien : http://www.icanw.org/why-a-ban/positions/ -132 Etats ont participé à la session 27-31 mars 2017 dont 13 européens.