05/07/2016 •

AVIS IRSN 2017_00127
ETUDE DE SÛRETE relative au projet de ligne de métro (ligne 18)

Objet : CEA/Paris-Saclay
Site de Saclay
Étude de sûreté relative au projet de ligne de métro n°18
Réf. Lettre ASN CODEP-OLS-2016-027105 du 5 juillet 2016

Par lettre citée en référence, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) demande l’avis et les observations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur l’étude de sûreté, transmise par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en mars 2016, relative à la compatibilité de l’implantation de la future ligne de métro n°18 avec les installations nucléaires de base (INB) présentes sur le site de Saclay du centre CEA/Paris-Saclay (dénommé ensuite site CEA de Saclay).

De l’évaluation de l’étude de sûreté transmise par le CEA et des informations complémentaires recueillies au cours de l’instruction, l’IRSN retient les principaux points développés ci-après.

1 - Contexte et périmètre de l’instruction

Dans le cadre du développement des activités économiques et de l’urbanisation du plateau de Saclay, la Société du Grand Paris (SGP) s’apprête à construire une ligne de métro (n°18) qui longera le site CEA de Saclay qui comprend notamment huit INB et de nombreuses installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Le projet de la SGP prévoit que la ligne de métro soit aérienne au voisinage du site CEA de Saclay (construction d’un viaduc sur piles), les installations du CEA les plus proches étant alors les INB n°50 (Laboratoire d’étude des combustibles irradiés), n°40 (réacteur Osiris) et n°101 (réacteur Orphée), ainsi que le poste de détente de gaz et la chaufferie du centre (cf. tracé présenté en annexe 1 au présent avis). Une station de métro, dénommée « gare CEA – St Aubin », est également envisagée aux environs du lieu-dit « Le Christ-de-Saclay » situé, au plus près, à environ 500 m de la clôture du site CEA de Saclay.

Dans ce contexte, l’ASN a demandé au CEA d’établir une étude de sûreté visant à analyser, en situations normales de fonctionnement et pour les situations accidentelles, l’impact de la ligne de métro n°18 sur la sûreté des INB du site CEA de Saclay ainsi que celui des INB sur le métro.

Cette analyse s’inscrit dans l’appréciation de la compatibilité entre l’activité d’un centre nucléaire et l’implantation d’un moyen de transport public dans son proche voisinage. Il convient de souligner que l’étude de sûreté présentée par le CEA se limite à la prise en compte de la circulation des rames de métro sans faire explicitement état du possible lieu d’implantation de la gare susmentionnée.

Dans le cadre de l’instruction de cette étude, l’ASN souhaite, en particulier, recueillir l’avis de l’IRSN concernant :
- « l’absence d’impact de l’exploitation du métro sur les INB, y compris en situation accidentelle [...] ;
- la pertinence des scénarios d’accident retenus pour les différentes INB, dans l’étude de sûreté transmise par [le CEA], au regard des situations accidentelles présentées dans les référentiels de sûreté de ces INB ;
- l’évaluation des conséquences radiologiques en cas d’accident survenant dans les INB, en particulier l’absence d’atteinte des niveaux d’intervention (1) en dehors du centre de Saclay, [en indiquant] les hypothèses retenues par le CEA qui influent notablement sur les résultats de l’évaluation des conséquences radiologiques. »

2 - Impact de la ligne de métro sur les installations du site CEA de Saclay

Conformément à la demande de l’ASN, le CEA a analysé, dans l’étude de sûreté, l’impact de la ligne de métro n°18 sur la sûreté des INB du site CEA de Saclay, en situations normales de fonctionnement du métro et pour les situations accidentelles envisageables.

Pour ce qui concerne le fonctionnement normal de la ligne de métro, le CEA présente notamment une analyse des interférences électromagnétiques et des vibrations provoquées par la circulation des rames de métro. Il en conclut que ces perturbations n’engendreraient pas de conséquence pour la sûreté des INB du site CEA de Saclay. L’IRSN partage les conclusions de l’analyse présentée par le CEA et estime que les perturbations liées à la circulation des rames de métro telle que prévue par la SGP peuvent effectivement être considérées comme négligeables pour les matériels et dispositifs électriques ou électroniques intervenant dans la maîtrise de la sûreté des INB ou dans la mise en œuvre des moyens de gestion de crise du site CEA de Saclay.

Pour ce qui concerne les situations accidentelles susceptibles d’affecter la ligne de métro, le CEA présente, sur la base de considérations de balistique, une analyse des conséquences du déraillement d’une rame de métro ou de la rupture d’une pile du viaduc entraînant le déraillement d’une rame. Compte tenu du tracé de la ligne de métro au voisinage du site CEA de Saclay (cf. annexe 1 au présent avis), le CEA conclut que, même dans le cas le plus pénalisant (déraillement d’une rame dans le virage situé près de l’angle nord-ouest du site), aucun bâtiment du site CEA de Saclay ne pourrait être impacté en cas de rupture d’une pile du viaduc suivie d’un déraillement de rame. La démarche d’analyse retenue par le CEA et les conclusions qui en découlent n’appellent pas de remarque de la part de l’IRSN.

Concernant le scénario d’un incendie d’une rame de métro faisant suite à la rupture d’une pile du viaduc entraînant un déraillement, le CEA a précisé, au cours de l’instruction, que l’analyse des sinistres constatés ou mesurés sur le métro parisien montre que la puissance calorifique dégagée en cas d’incendie serait faible, de l’ordre de 150 kW. De l’analyse de la littérature scientifique, l’IRSN retient que les incendies de véhicules ferroviaires similaires à ceux prévus pour la ligne de métro n°18 sont généralement d’ampleur importante et génèrent des puissances calorifiques bien plus élevées que celle annoncée par le CEA.

Aussi, compte tenu de la proximité du poste de détente de gaz et de l’INB n°50 avec le tracé de la future ligne de métro, l’IRSN recommande que le CEA s’assure que l’incendie généralisé d’une rame de métro (notamment en cas de déraillement de celle-ci) ne serait pas de nature à mettre en cause la sûreté des INB du site CEA de Saclay ou la disponibilité des moyens de gestion de crise, y compris en cas d’effet indirect provenant de l’agression d’installations de support telles que le poste de détente de gaz du site. Ceci fait l'objet de la recommandation formulée en annexe 2 au présent avis.

S’agissant des risques d’explosion liés au fonctionnement des rames de métro, le CEA considère que les conséquences de l’explosion des batteries électriques qui équipent les rames, consécutive à une accumulation de gaz dans les caissons qui les abritent, seraient négligeables. Le CEA n’est en revanche pas en mesure, à ce stade du projet de la future ligne de métro, de pouvoir justifier la capacité de résistance des caissons. L’IRSN estime que l’analyse des conséquences d’une explosion des batteries équipant les rames du métro devrait être complétée.

Ceci fait l'objet de l’observation n°1 formulée en annexe 3 au présent avis.

L’analyse des dispositions de sûreté présentées par le CEA à l’égard des autres risques (séisme, inondation externe) n’appelle pas de remarque de la part de l’IRSN.

3 - Impact des INB sur la ligne de métro

Conformément à la demande de l’ASN, le CEA a analysé, dans l’étude de sûreté, l’impact des INB du site CEA de Saclay sur la ligne de métro n°18, en situations normales de fonctionnement et pour les situations accidentelles les concernant.

Pour ce qui concerne le fonctionnement normal des INB, le CEA indique que les conclusions de l’étude d’impact du fonctionnement normal des INB du site CEA de Saclay ne sont pas de nature à créer des contraintes ou des risques particuliers pour l’exploitation de la ligne de métro n°18. Ceci n’appelle pas de remarque de la part de l’IRSN.

Pour ce qui concerne l’évaluation des conséquences radiologiques des situations accidentelles susceptibles de survenir dans les INB, le CEA retient, dans l’étude de sûreté, les huit scénarios d’accident suivants, issus du plan d’urgence interne (PUI) du site CEA de Saclay en vigueur (indice D) :

  • quatre scénarios de chute d’avion suivie d’un incendie, respectivement pour l’installation dénommée «zone de gestion des effluents radioactifs liquides» (INB n°35), le laboratoire d’étude des combustibles irradiés (INB n°50 pour laquelle deux scénarios de chute d’avion sont étudiés) et l’installation dénommée «zone de gestion des déchets radioactifs solides» (INB n°72) ;
  • deux scénarios d’incendie, respectivement pour les INB n°35 et n°72 ;
  • deux scénarios (accident de type Borax (2) et fusion à l’air d’un élément combustible) pour le réacteur ORPHEE (INB n°101).

Dans l’étude de sûreté transmise, le CEA ne présente pas d’évaluation des conséquences radiologiques des situations accidentelles relatives aux INB n°18 (réacteur Ulysse en démantèlement), n°49 (laboratoires de haute activité en démantèlement) et n°77 (irradiateur Poséidon) dans la mesure où aucun scénario accidentel concernant ces installations n’est présenté dans le PUI du site CEA de Saclay actuellement en vigueur.

(…)

4 - Cas de situations accidentelles affectant des installations de support

La dissémination de matières radioactives n’étant pas l’unique source de danger présente sur le site CEA de Saclay, l’IRSN a évalué les conséquences de situations accidentelles liées aux installations de support du site conduisant des explosions, du fait de la proximité de celles-ci avec la future ligne de métro. Cette évaluation a concerné le poste de détente et la chaufferie, qui sont implantés au nord-ouest du site. Compte tenu des valeurs de surpression susceptibles d’être atteintes au droit de la ligne de métro en cas d’explosion à l’intérieur de la chaufferie ou du poste de détente, l’IRSN estime que les risques pour la ligne de métro n°18 d’une explosion survenant dans ces installations de support devraient faire l’objet d’une analyse. Ceci fait l'objet de l’observation n°2 formulée en annexe 3 au présent avis.

À cet égard, l’IRSN rappelle la présence, à l’extérieur du site CEA de Saclay, d’une canalisation de gaz naturel enterrée, sous la route départementale 36, dont les conséquences sur le viaduc et le métro en cas d’explosion pourraient être encore plus élevées que celles évaluées pour le scénario d’explosion à l’intérieur de la chaufferie ou du poste de détente.

L’IRSN a réalisé une évaluation des conséquences radiologiques des trois situations accidentelles examinées, en retenant ses propres hypothèses de calcul lorsque celles retenues par le CEA n’apparaissaient pas appropriées. En revanche, l’IRSN a retenu :

  • les mêmes spectres radiologiques que ceux retenus par le CEA dans son étude de sûreté, ces derniers étant identiques à ceux des rapports de sûreté des installations concernées ;
  • les mêmes conditions météorologiques pour la dispersion atmosphérique des rejets radioactifs.

L’IRSN précise que d’autres conditions météorologiques plus pénalisantes que celles retenues par le CEA peuvent être observées sur le site CEA de Saclay. À cet égard, l’effet de la variabilité des conditions météorologiques sur les conséquences radiologiques des accidents peut être apprécié via une analyse des données météorologiques réelles du site compilées sur plusieurs années. Il convient toutefois de noter que les conditions d’application d’une telle démarche sont actuellement en cours d’étude par l’IRSN ;

(…)

5 - conclusion

L’IRSN a réalisé une évaluation des conséquences radiologiques des trois situations accidentelles examinées, en retenant ses propres hypothèses de calcul lorsque celles retenues par le CEA n’apparaissaient pas appropriées. En revanche, l’IRSN a retenu :

  • les mêmes spectres radiologiques que ceux retenus par le CEA dans son étude de sûreté, ces derniers étant identiques à ceux des rapports de sûreté des installations concernées ;
  • les mêmes conditions météorologiques pour la dispersion atmosphérique des rejets radioactifs.

L’IRSN précise que d’autres conditions météorologiques plus pénalisantes que celles retenues par le CEA peuvent être observées sur le site CEA de Saclay. À cet égard, l’effet de la variabilité des conditions météorologiques sur les conséquences radiologiques des accidents peut être apprécié via une analyse des données météorologiques réelles du site compilées sur plusieurs années. Il convient toutefois de noter que les conditions d’application d’une telle démarche sont actuellement en cours d’étude par l’IRSN ;

Recommandation

  1. attention au tracé de la ligne 18
  2. L’IRSN recommande que le CEA s’assure que l’incendie généralisé d’une rame de métro (notamment en cas de déraillement de celle-ci) ne serait pas de nature à mettre en cause la sûreté des INB du site CEA de Saclay ou la disponibilité des moyens de gestion de crise (y compris en cas d’effet indirect provenant de l’agression d’installations de support telles que le poste de détente de gaz ou la chaufferie).

Observation

  1. L’IRSN estime que le CEA devrait s’assurer, sur la base des dispositions retenues par la Société du Grand Paris, que l’explosion des batteries qui équipent les rames de métro n’est pas de nature à mettre en cause la sûreté des INB du site CEA de Saclay ou la disponibilité des moyens de gestion de crise (y compris par effet indirect provenant de l’agression d’installations de support).
  2. L’IRSN estime que les risques pour la ligne de métro n°18 d’une explosion survenant dans les installations de support (chaufferie et poste de détente) du site CEA de Saclay devraient faire l’objet d’une analyse. notes
    1. L’ASN fait ici référence aux valeurs de doses mentionnées dans l’arrêté du 20 novembre 2009 relatif aux niveaux d'intervention en situation d'urgence radiologique ;
    2. L’accident de type Borax est un accident de réactivité, à caractère explosif, susceptible de survenir dans les réacteurs de recherche utilisant du combustible à base d’aluminium et d’uranium.

Commentaire

L’analyse de risque ne comporte pas le danger le plus important à savoir CISBIO, mais compte tenu de l’analyse incendie, il est clair que les intéractions entre un accident sur la route et un accident interne à Cisbio devrait avoir des conséquences plus importantes que modélisées.