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N°151/152 
Notes sur les rejets de Carbone 14 et d'Iode 129
par l'usine Cogema de la Hague
Rédaction André Guillemette - 2/06/96


1) Le carbone 14 des combustibles irradiés
1.1) Caractéristiques radiotoxicologiques:
- groupe de radiotoxicité 3
- émetteur béta -, énergie moyenne 49,4 keV, énergie maximale 185 keV
- période 5730 ans
- LAI public, ingestion 9 MBq (Limite Dérivée de Concentration dans l'Eau - LDCEau = 9000Bq/1), inhalation 9 MBq (LDCA 910Bq/m3)

1.2) Carbone 14 cumulé à l'échelle de la planète:
     Naturel + explosions nucléaires, d'après Toxiques nucléaires, (P. Galle, ed Masson,, 1982)
     - réserve totale, atmosphère + biosphère + océans + sédiments 11,1 milliards de GBq (300 MCi)
     - dont 140 millions de GBq (3,8 MCi) dans l'atmosphère
     - production d'origine naturelle:1 million de GBq/an

1.3) Production artificielle de carbone 14 dans les réacteurs nucléaires:
     Source : Tritium, carbone 14, krypton 85, iode 129 produits au cours du cycle du combustible [AEN-OCDE, 1980]
     «Le carbone 14 est produit dans les réacteurs de puissance par des réactions (n, alpha) avec de I' oxygène 17 présent dans les combustibles oxyde, dans les modérateurs et dans les fiuides caloporteurs; par des réactions (n, alpha) avec l'azote 14 présent à l'état d'impuretés dans les combustibles, les modérateurs et les fluides caloporteurs. Le carbone 14 est également un produit de fission ternaire, mais la quantité produite par ce mécanisme est négligeable.
     Les quantités de carbone 14 produites par ces diverses réactions varient considérablement d' une filière à l'autre, en fonction du degré d'enrichissement du combustible, de la température et de la masse relative des combustibles, modérateurs et caloporteurs ainsi que la concentration des impuretés d'azote qu'ils contiennent. »
     La création de carbone 14 à l'intérieur des combustibles REP varie, selon les références bibliographiques, de 0,148 (1) à 0,592 TBq/GWé/an (2)  (tableau 2 du document [AEN 80]).
     En prenant comme base les données CEA EDF du mémento sur l'énergie de 1995, 25t de combustible REP ayant eu un taux de combustion de 33000 MWé. j/t, sont consumées pour une énergie électrique potentielle de 925 MWé/a.
     L'énergie produite réellement peut être calculée avec un facteur de charge tenant compte du temps de fonctionnement moyen annuel des réacteurs égal à 0,6 [O.M.S.; 1987]
     soit: 925 MWé/a x 0,6=555 MWé/a
     Évaluation de l'activité du carbone 14 «R» présent dans les combustibles retraités annuellement à l'usine Cogéma Hague à partir d'un tonnage retraité «x»:

suite:
(l) R1 =(0,148 x 0,555)/25 .x
(2) R2 = (0,592 x 0,555)/25. x
Activité du carbone 14 présent dans le combustible traité annuellement par l'établissement de La Hague de 1980 à 1995:
 nota: pour une facilité de calcul, pour les années 1980 à 1987, les combustibles UNGG retraités à UP2/400 ont été convertis en équivalent REP

1.4) Données sur les rejets de carbone 14 par l'établissement de La Hague effectués dans les années 90
     Source: [Cogéma 1995]
     Rejets atmosphériques
     Les données sur ces rejets (en TBq) communiqués en mars 1995 à la CSPI ne commencent qu'en 1991:
1991 0,364
1992 2,04
1993 2,71
1994 5,90
1995 3,66 pour les 3 premiers trimestres
     Une méthode de reconstitution des rejets antérieurs peut être appliquée à partir de «fourchettes» données par le SPR Cogéma à la CSPI:
     - rapport des activités 14C/85Kr équivalent à 10-5
     - rapport (rejet gazeux 14C/rejet total 14C) voisin de 0,5 rejet total 14C
     Les informations Cogéma disponibles conduisent aux valeurs suivantes:

     Le facteur de conversion des rejets atmosphériques de 85Kr en rejets atmosphériques 14C serait voisin de 2.10-5 et non de 5.10-6.

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1.5) Rejets gazeux de carbone 14, comparaison des données Cogéma et des évaluations d'après [AEN 80] (en GBq):
     Les valeurs AEN sont déduites des évaluations de rejet global de 14C dans la phase retraitement, le rejet gazeux étant considéré comme la moitié du rejet global [Cogéma ; mars 1995].
     Remarques: pour les années 1992 à 1994, le rejet gazeux déclaré par Cogéma est 2 à 3 fois supérieur au calcul «R1» d'après AEN, le calcul «R2» AEN donne des valeurs de rejet 1,5 à 2 fois plus importantes, le calcul «R2» semble le plus réaliste, [AEN 80] donne 3 références proches de cette valeur pour 1 référence de «R1».

1.6) Équivalent de dose du au rejet de carbone 14 gazeux pour les individus les plus exposés, d'après [AEN 80]
     E = 10-6Sv/an par TBq/an
     (tableau 2, valeurs dosimétriques de référence pour le carbone 14)
     calcul de l'équivalent de dose pour l'année 1995 d'après «R2»
     E2 ~ 10,2.10-6 = 1,02.10-5 Sv ou 1,02 mrem/an
     nota: aucune donnée sur l'impact sanitaire des rejets liquides en carbone 14 n'est publiée, seul le facteur de reconcentration dans les poissons est donné, activité chair de poisson sur activité dans l'eau ~ 5000.

2) L'Iode 129 des combustibles irradiés
2.1) Plusieurs publications récentes décrivent l'iode 129, ses caractéristiques, les rejets de l'usine Cogéma Hague, les relevés effectués dans l'environnement proche du site et l'impact sur les individus les plus exposés:
     - dossier iode 129 du 9 juin 1995 transmis à M. Birraux, député, par l'US CFDT de Cherbourg le 10 juillet 1995
     - dossier iode 129 établi par la CSPI le 19 juin 1995 et données complémentaires du 2 octobre 1995
     - dossier CRIIRAD du 2 février 1996, faisant état de reconcentrations dans le bryum argentéum 5 à 10 fois plus importantes en des points situés sous les vents dominants, par rapport à la reconcentration dans la même mousse terrestre en des points situés hors du panache dominant
     - dossier Cogéma, exposé sur l'iode 129 en CHSCT le 7 mars 1996
     Les données récentes sont relativement abondantes, même si les études d'impact radioécologique font défaut sur le sujet. Nous renvoyons le lecteur à ces textes complémentaires. L'évaluation rejets et impact sanitaire de l'iode 129 ci-après procède de la même démarche que celle adoptée pour le carbone 14, en partant de l'étude [AEN 80]. La création d'iode 129 à l'intérieur du combustible REP est donnée pour 0,05 TBq/GWé par an, et le rejet gazeux est évalué à 1% de l'iode total

R = (0,05 x 0,555/25). x
2.2) Activité de l'iode 129 rejetée sous forme gazeuse, due au combustible traité par l'Établissement de La Hague de 1980 à 1995 (en GBq)
suite:

2.3) Équivalent de dose dû aux rejets atmosphériques d'iode 129, en 1995, pour les individus les plus exposés, d'après [AEN 80] et rejets déclarés par Cogéma
     (tableau 9, valeurs dosimétriques de référence pour l'iode 129)
     Équivalent de dose à la thyroïde : E = 1,1.10-2 Sv/an TBq/an
     Équivalent de dose effectif : E =3,3.104 Sv/an TBq/an
     - E thyroïde 1,1.10-2.0,0333 = 3,663.10-4Sv ou

36,6 mrem/an thyroïde
     - E effectif ~3,3.10- 4.0,0333 = 1,13210-5Sv ou
1,13 mrem/an corps entier

3) Rappels sur études d'impact et rejets gazeux 1995
     Rejets atmosphériques en GBq, tableau de comparaison des valeurs retenues dans les études de rejets maximaux envisagés, des valeurs évaluées d'après [AEN 80] et des valeurs déclarées par Cogéma en 1995:

4) Discussion

     Pour évaluer en 1995 l'impact sanitaire dû aux rejets atmosphériques de carbone 14 et d'iode 129 dans l'environnement proche de l'usine de retraitement des combustibles irradiés de La Hague, n'est encore aujourd'hui accessible qu'une évaluation d'impact sanitaire basée sur des données théoriques et sur l'observation des vents dominants dans les années 1960 et datant de... 1972. Cette évaluation a servi de référentiel aux études d'impact de l'usine UP2/400 puis des usines UP3 et UP2/800.
     Une autre approche sanitaire peut être effectuée à partir des déclarations de rejets Cogéma et des données d'impact sur l'environnement de l'étude AEN-OCDE de 1980. Là encore, le modèle est théorique, et comme le notent les auteurs, les résultats peuvent être affectés d'un facteur 4 majorateur. Pour l'iode 129, les évaluations peuvent être affectées d'un facteur 5 en plus ou en moins.
     Les seules analyses récentes donnant des valeurs mesurées en 1995 dans l'environnement du site de La Hague ont été paradoxalement effectuées par un laboratoire non contractant de l'exploitant, non mandaté par l'OPRI. 

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Ce laboratoire, la CRII-RAD, vient de montrer que l'iode 129 a un dépôt préférentiel sous le vent dominant, dépôt 5 à 10 fois supérieur aux points de prélèvement moins exposés.
     Cette analyse partielle est en conformité avec la carte théorique de dépôt prévisionnel de radioéléments artificiels établie en juin 1972 par le CEA, département de protection, service de protection sanitaire. Cette étude CEA prévoyait un impact au sol dans des valeurs variant d'un facteur 10 selon la direction du vent dominant dans un rayon de 10 Km autour du point de rejet.
     Le calcul des rejets atmosphériques de carbone 14 et d'iode 129 peut être affiné à partir de la connaissance des taux de combustion réel des combustibles traités par l'Établissement de La Hague - références [CAS 82/ZER 961 - résultats de ces évaluations en annexes 1 et 2.
     Cette dernière évaluation, plus fine que la méthode globale des paragraphes 1 et 2, donnerait des rejets atmosphériques 1995 dus à l'Établissement de La Hague de 14600 GBq et une production d'origine naturelle évaluée à 1 million de GBq/an. Par contre, la même année, l'Établissement a rejeté 1530 GBq d'iode 129 en mer et 33,3 GBq sous forme gazeuse (déclarés par Cogéma en 1996) pour une activité naturelle cumulée de 7 GBq dans les océans et de 400 GBq dispersés à l'échelle de la planète dus aux essais nucléaires atmosphériques (d'après [O.M.S. 87])?
     Ces quelques notes soulignent la nécessité de valider les modèles ayant servi aux études d'impact des usines UP2/400 à UP3.  
suite:
     L'impact sanitaire annuel pour les individus les plus exposés, évalué sur les seuls effluents gazeux de carbone 14 et d'iode 129, peut aller pour le carbone  l4 de l à  l0mrem ou de 4 à 40 mrem (marge d'erreur [AEN 80]) et pour l'iode 1.29 de 1,1 à 11 mrem ou de 4,4 à 44 mrem (marge d'erreur [AEN 80]).
     Rappel: recommandation CIPR 60, exposition artificielle population inférieure à 100 mrem/an.
     Après 30 de fonctionnement, une étude radioécologique sur l'impact des rejets majeurs de l'Établissement Cogéma de La Hague est une nécessité, trop de questions latentes sont sans réponse, les traceurs de carbone 14 et d'iode 129 sont maintenant en présence assez significative pour être mesurés dans l'environnement du site et conduire à une étude d'impact sanitaire validée par des relevés in situ dans les différents compartiments de transfert vers l'homme: air, eau, lait; consommation végétale et animale, avec comptages de contamination en limite des capacités techniques des laboratoires chargés des analyses.

Bibliographie:
- Évaluation de l'exposition de la population liée aux rejets de l'ensemble HAO-UP2 du centre de La Hague [CEA; 1972]
- Études d'impact UP2/400 [Cogéma; 1980]
- Études d'impact UP2/800 et UP3 [Cogéma; 1980]
- Études sur 3H, 14C, 85Kr, 129I produits au cours du cycle du combustible [AEN; 1980]
- Toxiques nucléaires [P. Galle; 1982]
- Critères d'hygiène dans l'environnement des installations nucléaires de La Hague [CRII-RAD; février 1996]
- Données sur le tonnage et le taux de combustion des combustibles traltés à l'établissement de La Hague [CAS. 82/ZER; 96]

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Activités (en GBq) du carbone 14 et de l'iode 129 dans les combustibles UNGG traités annuellement par l'Établissement Cogéma de La Hague de 1966 à 1987 d'après [CAS 82/ZER 96] et [AEN 80]

Nota:
- les taux moyens de combustion sont exprimés en MWj/t, certaines données n'étant pas disponibles, les taux de combustion entre parenthèse sont considérés sensiblement identiques à celui de la dernière année précédente communiquée;
- bases de calcul (en GBq) des potentiels d'iode 129 et de carbone 14 pour les réacteurs UNGG assimilés aux potentiels des réacteurs MGR [AEN 80]; 129I = 5,60.l0-5 x taux de combustion x tonnage retraité;
- 14C = 3,36.10-3 x taux de combustion x tonnage retraité;
- le rejet gazeux d'iode 129 est considéré comme 1% du potentiel [AEN 80] et le rejet gazeux de carbone 14 est considéré comme 50% du potentiel [COG 95]
Activités (en GBq) du carbone 14 et de l'iode 129 dans les combustibles REP traités annuellement par l'établissement Cogéma de La Hague de 1976 à 1995 d'après [CAS 82/ZER 96] et [AEN 82]

Nota:
- les taux moyens de combustion sont exprimés en MWj/t, certaines données n'étant pas disponibles, les taux de combustion entre parenthèse sont considérés sensiblement identiques à celui de la dernière année précédente communiquée;
- bases de calcul (en GBq) des potentiels d'iode 129 et de carbone 14 pour les réacteurs UNGG assimilés aux potentiels des réacteurs MGR [AEN 80]; 129I = 5,60.l0-5 x taux de combustion x tonnage retraité;
- 14C = 6,63.10-3 x taux de combustion x tonnage retraité;
- le rejet gazeux d'iode 129 est considéré comme 1% du potentiel [AEN 80] et le rejet gazeux de carbone 14 est considéré comme 50% du potentiel [COG 95]


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