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N°131/132

PHEBUS:
La fuite non concertée mais la fusion obtenue?


     Il y a eu tant de battage autour de cette expérience qu'on peut faire un point. Tout d'abord ce fameux programme unique au monde c'est quoi? Un essai de fusion de coeur pour vérifier quelques hypothèses. Notre secrétaire qui a fait la bibliographie du sujet s'est posée et a posé des questions sur l'originalité de ce gadget coûteux. Résultat "des bafouillis", dès "le programme LOFT, c'est pas pareil", etc... En fait il s'agit d'essais du même type auxquels la France n'a pas participé. S'apercevant de son erreur elle s'offre une installation pour refaire des études. Bon on a un énorme programme de réacteurs, il vaut mieux être prudent. A quoi une telle série de tests peut-elle servir? A vrai dire compte tenu des différences d'échelle c'est bien cher comme étude parce que les extrapolations seront difficiles. Et puis il y a mieux à faire que des expériences de fusion de coeur, mettons le poids sur les aciers, les fissures et l'analyse des incidents. Tout ceci participe mieux à la sûreté qu'un essai de fusion qui est une manip' pour chercheur. On peut cependant se dire que si on reprend des séries d'essais c'est que ceux qui ont été fait n'ont pas été concluants ou bien les accidents réels on montré que des paramètres n'avaient pas été pris en compte. Requestion: Phébus PF sert-il vraiment la sûreté? Peut-être si cela entretient une vigilance dans les équipes mais si cela leur fait croire que tout va bien puis qu'on fait des calculs alors c'est une mauvaise voie.
     Tout ceci c'était avant de savoir ce qui s'est passé. Une installation pilote conçue pour l'étude du résultat de la fusion d'un coeur et dont RIEN ne devait sortir sans contrôle et 3 mois après pour que les effluents soient d'un niveau acceptable. Cette fameuse installation a laissé sortir de l'iode. Prodigieux! Non seulement c'est une expérience pour chercheur sans grand intérêt mais en plus ils sont nuls. Comment peut-on f aire confiance à des équipes qui sont chargées de la surveillance, de l'établissement des règles et qui ne s'appliquent pas à eux-même les principes de base?
     La CRII-RAD a posé une question sur l'origine du rejet. Comment a-t-on pu fonctionner de cette façon? Il semble qu'il y avait des problèmes avec le système et on a fait l'impasse pensant qu'il ne se passerait rien. Et pourtant le retour d'expérience des divers incidents montre que le contrôle de l'installation et la vérification de son bon fonctionnement sont essentiels. Chaque fois qu'on a négligé ces 2 aspects on a eu un problème. Cette fois c'est pareil: l'installation présentait encore des faiblesses pour la surveillance des rejets, pour le branchement des filtres et le résultat ne s'est pas fait attendre: rejet d'iode.
     Il faut relire les communiqués annonçant l'essai. C'est assez révélateur:
     1. A la poursuite du boulon perdu en octobre. L'installation est fin prête et patatras un infâme "petit boulon" s'est égaré.
     2. Ça y est. Les autorisations vont être données, le petit boulon a été oublié et l'essai-qu'on-pourra-suivre-par-télé va se f aire. Evidemment c'est un peu anticipé sur les autorisations mais c'est juste une petite pression.
     3. Cocorico de l'IPSN en novembre. On va faire l'essai.
     4. Anomalie sans conséquence. C'est bête. Il y a eu disfonctionnement et de l'iode a osé sortir.
     Et voila la chronique d'un incident programmé.
     Greenpeace avait montré que le site était une passoire. Il y a des barbelés, et tout le cinéma habituel mais de véritables surveillances c'est moins sûr.
     Marc Faivet, conseiller régional Vert est également intervenu pour souligner que le manque de Commission Locale d'Information pour ce site ne facilite pas l'intervention des citoyens mais, en plus aide à une politique de secret. Il semble de surcroît que le site a subi une fonte de ses effectifs, fonte qui est à l'origine des différents dysfonctionnements dont ce rejet d'iode est la dernière manifestation. En attendant un peu de self-contrôle, plus de vigilance et la sûreté gagnera.
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Cadarache: à la poursuite du boulon perdu

     Un boulon en acier inoxydable composé d'une vis et d'un écrou a été égaré, au début de ce mois, en sortie d'assemblage combustible du réacteur expérimental Phébus, sur le site nucléaire de Cadarache.
     Des recherches dans la partie supérieure du coeur du réacteur se poursuivent depuis le 2 ctobre afin de retrouver la pièce métallique. Les techniciens estiment que le boulon n'a pu pénétrer dans l'assemblage combustible mais pourrait avoir été retenu par le filtre du circuit de refroidissement.
     Le réacteur Phébus qui doit permettre l'étude d'un accident nucléaire majeur (fusion du coeur), venait d'achever une campagne d'essai impliquant l'utilisation d'instruments de mesure de température dont le boulon faisait partie.
     L'incident qui n'a eu aucune conséquence sur le personnel ni sur l'environnement, a été classé au niveau 1 de l'échelle de gravité.

Ph. G. - Le Provençal, 5/10/1993
Le premier essai du réacteur PHEBUS aura lieu
entre le 30 novembre et le 2 décembre

     Paris, 19 novembre (AFP). Le premier essai du programme «Produits de fission» dans le réacteur PHEBUS, qui simulera un accident dans une centrale nucléaire, sera réalisé entre le 30 novembre et le 2 décembre, a annoncé vendredi l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN).
     L'autorisation de mener cet essai au Centre d'études de Cadarache (Bouches-du-Rhône) vient d'être donnée par la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN).
     La date exacte du premier essai sera fixée mardi prochain, précise l'IPSN, qui engage la phase d'irradiation de l'échantillon de combustible nucléaire destiné à cette expérience. Cet essai consistera à étudier à échelle réduite le comportement des produits radioactifs, qui seraient libérés lors d'une fusion du coeur.
     Même si l'expérience, qui durera plusieurs heures, n'est pas spectaculaire, les journalistes pourront assister à une télétransmission en direct, soit à Cadarache, soit au siège de l'Institut, à Fontenay-aux-Roses, souligne-t-on à l'IPSN.
     Le premier essai PHEBUS a été retardé en raison d'un «incident d'exploitation», survenu en octobre dernier sur la partie supérieure du coeur du réacteur expérimental. Cet incident - la perte d'un boulon équipant un dispositif de mesures de température - a été classé, par la direction de la centrale, au niveau 1 de l'échelle de gravité.
     «L'ensemble des conditions de sûreté nécessaires à la réalisation du premier essai est désormais réuni. Chacun des essais ultérieurs du programme sera soumis à une autorisation spécifique», précise la DSIN.
     Le programme «Produits de fission» est mené conjointement par l'Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, le Japon et la Corée du Sud. Il se déroulera sur dix ans, avec un budget de 900 millions de francs. Les six essais prévus dans son cadre à Cadarache seront menés au rythme d'une expérience par an.

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Communiqué de presse
Calendrier de l'essai PHEBUS PF

     Après vérifications sur l'installation et après l'examen des procédures expérimentales retenues, le Directeur de la Sûreté des Installations Nucléaires a autorisé le 18 novembre l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire à réaliser le premier essai du programme PHEBUS - Produits de Fissions. Ce programme de recherches consiste à étudier à échelle réduite le comportement des produits radioactifs qui seraient libérés dans un accident sur une centrale nucléaire. Les six essais prévus à Cadarache (Bouchesdu-Rhône) seront menés au rythme d'une expérience par an. PHEBUS PF associe de nombreux partenaires de la Communauté Européenne et de plusieurs pays (Etats-Unis, Canada, Japon, Corée du Sud).
     L'IPSN engage la phase d'irradiation de l'échantillon de combustible nucléaire. Compte tenu de la durée de cette phase, ce premier essai devrait avoir lieu entre le 30 novembre et le 2 décembre. Dès mardi 23 novembre, I'IPSN sera en mesure d'en annoncer la date précise.
     L'expérimentation qui durera plusieurs heures, n'est pas spectaculaire. Il est néanmoins possible d'assister à une télétransmission en direct, d'une part à Cadarache, d'autre part à Fontenay-aux-Roses, au siège de l'IPSN.

Communiqué de presse
Anomalie technique sans conséquence
dans l'installation PHEBUS

     L'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire indique qu'une anomalie technique, sans conséquence a été constatée mercredi 8 décembre à l'intérieur de l'installation expérimentale PHEBUS, située à Cadarache (Bouches-du-Rhône). Celle-ci s'est produite lors du transfert, dans le local de stockage de l'installation, de 130 litres d'eau contenant des produits radioactifs engendrés par l'expérience réalisée le 2décembre 1993.
     Le dysfonctionnement d'un clapet du système de vidange a entraîné le rejet de gaz radioactifs dans ce local. Une fraction a été entraînée vers l'extérieur par le système de ventilation du local. Ces gaz contenaient des gaz rares qui, par nature, n'ont pratiquement pas d'effet sur l'homme et l'environnement, ainsi que de l'iode.
     Dès la détection de l'anomalie, l'activation des pièges à iode a permis de réduire d'un facteur 100.000 le débit émis vers l'atmosphère. Pendant les 35 minutes concernées, le rejet a été d'environ 5 millicuries d'iode, à comparer aux 500 millicuries que le centre d'études nucléaires de Cadarache est autorisé à rejeter annuellement et aux 100 millicuries annuels prévus dan le projet PHEBUS-PF.
     Des contrôles ont été effectués très rapidement dans l'atmosphère et dans l'environnement, au voisinage de l'installation. Aucune radioactivité n'a été enregistrée.
     Cette anomalie a été classée en-dessous de l'échelle de gravité des incidents nucléaires qui compte six niveaux.
Nota: l curie = 37.109 Bq


Communiqué CRII-RAD
Rejet radioactif
au Centre d'Etudes Nucléaires de Cadarache

     L'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) a diffusé un communiqué de presse* indiquant qu'un incident s'est produit à l'installation Phébus, ce mercredi 8 décembre: 5 mCi d'iode et une quantité non précisée de gaz rares ont été rejetés dans l'environnement.

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     Suite à cette information, la CRII-RAD souhaite préciser les points suivants:
     A. L'IPSN déclare que les 5 mCi d'iode qui ont été rejetés doivent être comparés aux 100 millicuries annuels prévus dans le projet PHEBUS PF.
     Si l'on se reporte au dossier technique** transmis par l'IPSN aux autorités de sûreté pour obtenir les autorisations nécessaires à son programme, on constate que les rejets prévus pour les halogènes, dont fait partie l'iode 131, n'est pas de 100 mCi, mais de 3mCi.
     Les 5 mCi rejetés mercredi représentent donc - si l'on s'en tient aux chiffres communiqués par l'IPSN - plus de 160% de ce que l'IPSN prévoyait de rejeter EN UN AN, dans le cadre de rejets CONTROLÉS.
     B. Le rejet a été effectué dans des conditions contraires à ce que stipulait le rapport technique:
     1. Les autorisations*** ne concernent que des rejets contrôlés. Les rejets atmosphériques liés à l'expérience Phébus PF devaient être rejetés de façon contrôlée et après un délai de trois mois permettant la décroissance de la radioactivité.
     2. "Dans le but de réduire et même de supprimer les conséquences dommageables du projet sur l'environnement" (...), "les circuits de ventilation sont équipés avec des filtres aérosols ou des pièges à halogènes à Très Haute Efficacité".
     Or, il a fallu attendre 35 mn pour que des filtres et des dispositifs de piégeage soient mis en place sur la cheminée de rejet. Pendant tout ce temps, les produits radioactifs se sont échappés librement vers l'extérieur.
     Ces indications, obtenues auprès de deux hauts responsables de l'IPSN, sont en contradiction avec les informations contenues dans le communiqué de presse de cet organisme: "dès la détection de l'anomalie, l'activation des pièges à iode a permis de réduire d'unfacteur 100.000 le débit émis vers l'atmosphère".
     Il est surprenant de constater que les dispositifs de filtration ne sont pas installés en permanence sur les cheminées de rejet et qu'en situation d'urgence, il faut environ une demi-heure pour les mettre en place. Des rejets accidentels étant par définition imprévus, il est indispensable que les filtres destinés à réduire les émissions à l'extérieur soient opérationnels en permanence.
     C. C'est le dysfonctionnement d'un simple clapet de vidange qui se trouve à l'origine de ce rejet radioactif incontrôlé dans l'environnement.
     Chaque année des dizaines d'anomalies similaires sont enregistrées sur les installations nucléaires****: un clapet qui ne fonctionne pas, une alarme qui ne se déclenche pas, une canalisation mal branchée, etc. Or, on connaît l'importance de ces facteurs secondaires dans le développement des séquences accidentelles. Tant que ces anomalies ne concernent pas directement les circuits de sûreté, leur incidence reste limitée, mais personne ne peut assurer que ces dysfonctionnements n'interviendront jamais dans le déclenchement d'un accident majeur.
     Compte tenu de la dangerosité du programme Phébus PF, le défaut de maîtrise révélé par cet incident est très préoccupant.
     * Communiqué IPSN du 8/12/93: anomalie technique sans conséquence dans l'installation Phébus.
     ** Rapport technique réf. 047 AD 0320 SG 10175 IND. 0 - Réacteur expérimental Phébus / IPSN.
     *** les autorisations de rejet correspondent à un risque maximal tolérable. Il s'agit d'un compromis entre les besoins des installations nucléaires (qui ne peuvent fonctionner sans rejeter des produits radioactifs dans l'air et dans l'eau) et la santé des populations qui se trouveront exposées du fait de ces rejets.
     Il est à noter que ces anomalies surviennent dans un contexte déjà très défavorable: vieillissement des installations, et notamment le parc électronucléaire (Cf. les défauts génériques sur les cuves de réacteur et les générateurs de vapeur) et actes de malveillance (cf. les falsifications des vérifications de soudures à Dampierre).
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Le programme PHEBUS PF
 

     L'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) a pour mission de réaliser des recherches et des expertises dans toutes les disciplines nécessaires à la maîtrise des risques: technologie de sûreté, protection de l'homme et de l'environnement, gestion des situations de crise, sécurité des transports. Son expérience reconnue de scénariste, d'organisateur et d'animateur d'exercices de crise déborde aujourd'hui du seul domaine nucléaire, secteur traditionnel de l'IPSN.

Etudes et recherches
     L'IPSN mène des études et des recherches afin de développer les connaissances et les outils nécessaires à l'évaluation tant de la sûreté des installations nucléaires que de leur impact sur la santé de l'homme et sur l'environnement.
     Trois priorités:
     1 - le programme PHEBUS PF, étude lors d'un accident grave des transferts de produits radioactifs dans un réacteur à eau sous pression (en collaboration avec la Communauté Européenne, les USA, le Canada, le Japon et la Corée);
     2 - le programme RESSAC sur la réhabilitation des sols agricoles en cas de contamination radioactive;
     3 - la recherche expérimentale en radiobiologie pour aider l'intervention médicale en cas d'exposition accidentelle.

Expertises
     L'IPSN réalise des expertises essentiellement pour le compte des pouvoirs publics. Il formule des avis sur les dossiers présentés par les exploitants d'installations nucléaires aux différents stades des autorisations réglementaires. L'IPSN effectue notamment des analyses de sûreté qui aident la Direction de la Sureté des Installations Nucléaires à préparer ses décisions. Par ailleurs, l'IPSN prépare les exercices destinés à entrainer les équipes techniques, les centres de décision et les cellules d'expertise qui interviendraient en cas d'accident.
     Tant pour les évaluations de sûreté que pour les exercices de crise, l'Institut utilise les outils les plus perfectionnés comme le simulateur d'études SIPA 2.
     L'IPSN regroupe 1.200 personnes, dont 55% d'ingénieurs, chercheurs, médecins, agronomes et vétérinaires. Son budget annuel est de 1,3 Milliard de Francs.

Les recherches sur les accidents graves
     Les accidents nucléaires comme ceux de Three Mile Island (USA) en 1979 et Tchernobyl en 1986 ont mis en évidence l'importance d'étudier expérimentalement le parcours des éléments radioactifs qui seraient libérés en cas d'accident grave dans une centrale nucléaire. Améliorer les connaissances actuelles doit permettre de limiter les conséquences d'un accident entraînant la dégradation du coeur du réacteur.

Les étapes de la recherche
     Depuis plus d'une décennie plusieurs équipes de recherche ont travaillé pour tenter de mieux comprendre les conséquences d'une fusion du coeur d'un réacteur nucléaire. Les premiers programmes de laboratoires avaient pour objet la caractérisation des produits de fission pendant et après la dégradation du combustible. (ONRL, essais H1 et CORE MELT aux Etats-Unis, HEVA à Grenoble, SASCHA en Allemagne).

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     La deuxième grande étape a été marquée par les essais "hors pile" réalisés dans des installations de grande taille. Utilisant principalement des torches à plasma pour simuler les composés chimiques relâchés au cours d'un accident grave, ces études étaient destinées à améliorer les connaissances sur le comportement thermohydrolique et physicochimique des produits de fission (Marviken en Suède, LACE aux Etats-Unis, DEMONA en Allemagne). Le programme français PITEAS est orienté vers une étude détaillée de la physique des aérosols et a un objectif plus analytique que les programmes cités ci-dessus. Il est néanmoins lui aussi déstiné à l'étude du comportement global des aérosols dans les enceintes de confinement.
     Un nouveau pas a ensuite été franchi avec le début des essais "en pile", c'est-à-dire utilisant un réacteur nucléaire de recherche (STEP aux EtatsUnis, AECL et PBF au Canada, PHEBUS CSD en France). Menées pour étudier la dégradation du combustible, ces expériences ont montré la nécessité d'améliorer les connaissances sur le devenir des produits de fission après leur émission du coeur.
     C'est particulièrement sur ces phénomènes que l'apport de PHEBUS PF sera essentiel: simulant à la fois le coeur, le circuit primaire et l'enceinte, il permettra d'améliorer les connaissances sur l'évolution des produits de fission dans le réacteur, en cas d'accident grave, et des risques correspondants pour l'environnement.

Les codes de calcul
     Toutes ces expériences ont permis aux chercheurs d'élaborer des codes de calcul sur le déroulement des accidents graves et de leurs conséquences. Ces codès de calcul servent en particulier à la définition des procédures prévues pour que les responsables des centrales puissent faire face aux différentes situations envisageables.

Le programme PHEBUS PF
     L'intérêt du programme PHEBUS PF est de proposer une expérience intégrale dans des installations offrant des conditions les plus représentatives possibles de celles d'un réacteur à eau sous pression, tant en ce qui conceme la source de produits de fission que les conditions rencontrées par les produits de fission dans leur cheminement.
     Cette expérimentation en pile va aussi simuler le déroulement des phénomènes successifs intervenant pendant un accident grave avec pour but principal la validation globale des codes de calcul.
     PHEBUS PF s'inscrit ainsi dans la démarche générale retenue pour l'analyse de sûreté des réacteurs à eau sous pression. Il constitue l'étape intermédiaire entre les programmes PHEBUS-LOCA et BETSHY d'une part et le programme RESSAC (Réhabilitation des sols et des surfaces après un accident) d'autre part.
     Ce programme expérimental est destiné à la validation des codes de calcul utilisés pour prévoir le relâchement des produits de fission radioactifs par les éléments combustibles du coeur, et de leur comportement dans le circuit primaire et l'enceinte de confinement.

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     Les objectifs du programme PHEBUS PF sont:
     · validation des codes de calculs de manière globale grâce à l'interprétation et la comparaison des calculs avec les résultats expérimentaux,
     · caractérisation de l'évolution des produits de fission radioactifs dans l'enceinte de confinement d'un réacteur à eau sous pression dans une série d'accidents graves représentatifs,
     · identification des marges d'incertitude dans l'évaluation du comportement des produits de fission.
     Le caractère d'expérience intégrale de PHEBUS PF garantit que les différents phénomènes ainsi que leur interactions seront représentés.
     Ce programme se déroulera sur une durée de 10 ans (1988-1999). Son budget total devrait atteindre 900 millions de francs. Pour réaliser ce programme, l'IPSN bénéficie de cofinancements importants qui lui sont apportés par EDF, la Commission des Communautés Européennes et plusieurs partenaires étrangers. En ordre de grandeur, ces participations devraient représenter 25% pour EDF, 30% pour la Communauté Européenne et 15% pour les partenaires étrangers.

La coopération internationale
     En raison de son importance en matière de recherche et de son caractère intégral, le programme PREBUS PF a vite suscité l'intérêt des différents pays qui utilisent l'énergie nucléaire.

La Commission des Communautés Européennes
     La Commission des Communautés Européennes (CCE) représentée par le Centre Commun de Recherches d'ISPRA, a été le premier partenaire à s'engager en juillet 1988 dans le programme PHEBUS aux cotés de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire. Les deux organismes se sont mis d'accord pour fournir des moyens équivalents en personnel pour les travaux de définition et interprétation par le calcul des expériences et ont déjà réalisé en commun les travaux concernant la modification du réacteur expérimental. La participation de la Commission des Communautés Européennes devrait représenter 30 % du coût total du programme.
     La convention de 1988 soulignant la possibilité pour des organismes extérieurs à la Communauté de participer au programme PHEBUS PF, une série d'accords ont été signés avec la Corée, les Etats-Unis, le Canada et le Japon.

Japon
     Le Japon s'est intéressé au projet PHEBUS dès 1990 en signant avec l'IPSN et la CEE un accord relatif à la participation de NUPEC (NUclear Power Engeenering Corporation) aux phases préparatoires du programme. Cette coopération avec le Japon s'est concrétisée en juin dernier avec la signature par Philippe Vesseron, directeur de l'IPSN, et Tsutomou Inoue, président de la NUPEC, d'un accord de parlicipation du Japon pour une durée de six ans.
     Cet accord prévoit:
     · l'accès aux résultats et données issus des essais,
     · l'échange de l'analyse de ces résultats,
     · la participation du Japon au Comité PHEBUS chargé de gérer le programme ainsi qu'aux différents groupes de travail sur le projet,
     · le détachement d'agents de la NUPEC à Cadarache.

Les Etats-Unis
     Par un accord d'octobre 1990, la NRC (Nuclear Regulatory Commission) s'est associée au programme PHEBUS PF.
     Des représentants américains siègent au comité PHEBUS aux cotés de leurs homologues du Commission des Communautés Européennes et de l'IPSN. La US NRC est également présente au sein des groupes de travail.

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La Corée
     Depuis dix ans (février 1982), le Korea Atomic Energy Research Institute (KAERI) et l'IPSN entretiennent des relations de collaboration dans le domaine de la sûreté des réacteurs. En mars 1991, la Corée a décidé de participer au programme PHEBUS PF. Le KAERI assure sa participation en détachant sur place un représentant.

Le Canada
     Un accord de coopération entre l'IPSN et le Candu Owners Group (COG) qui a participé à la préparation du programme PHEBUS, est en cours d'élaboration. Il devrait être signé avant la fin de l'année 92.

L'installation Phebus
     L'installation PHEBUS est la seule en Europe à pouvoir répondre aux objectifs d'un tel programme. Installé à Cadarache (Bouches-du-Rhône) depuis 1978 par l'IPSN, le réacteur expérimental a déjà été utilisé pour mener des recherches sur la sûreté des installations nucléaires. Les expériences réalisées ont notamment porté sur les phénomènes gouvernant la dégradation du combustible non refroidi (programme Coeur Sévèrement Dégradé - CSD -). Ce réacteur expérimental a donc été retenu pour mener l'étude d'ensemble PHEBUS Produits de Fission.
   L'originalité du programme PHEBUS PF réside, entre autres, dans le fait que le combustible utilisé pour les essais aura reçu une irradiation importante dans un autre réacteur. Afin que les caractéritiques physico-chimiques du combustible d'essai soient proches de celles d'un combustible de réacteur en service, le combustible sera réirradié dans le réacteur PHEBUS durant deux à trois semaines. Des transformations importantes ont été effectuées sur l'installation PHEBUS pour permettre un fonctionnement continu du "réacteur nourricier" pendant plusieurs semaines.
     Les protections biologiques ont été renforcées autour des circuits du coeur comme autour des circuits vapeur.
     Au cours de la phase de modification, l'ensemble des données fournies par les partenaires ont été intégrées pour obtenir:
     · la sûreté,
     · la représentativité,
     · la présence d'une instrumentation sophistiquée,
     · les modifications du circuit expérimental entre chaque essai.

Dispositif d'essai PHEBUS PF
Schéma de principe

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Description de l'installation
     L'installation de Cadarache comporte essentiellement:
     · un réacteur nucléaire dont le coeur est évidé en son centre. Dans cette cavité est logé la partie en pile de la boucle qui reçoit l'assemblage combustible en essai.
Le réacteur utilise comme combustible des crayons d'UO2 faiblement enrichi et peut fonctionner à une puissance de l'ordre de 40 MW en continu durant plusieurs semaines (pour assurer le préconditionnement du combustible d'essai et y accumuler des produits de fission en quantité significative vis-à-vis des réacteurs à eau sous pression).
     · une boucle qui comporte:
     - la partie en pile qui reçoit un assemblage d'essai constitué de 20 ou 21 crayons de 800 mm de longueur,
     - des circuits de refroidissement de l'assemblage d'essai durant la réirradiation de quelques semaines in situ,
     - des circuits où sont implantés:
     · des équipements simulés (pressuriseur, générateur de vapeur...),
     · des réservoirs simulant l'enceinte d'un réacteur à eau sous pression,
     · un réservoir atmosphère pour recevoir la fuite de l'enceinte
     · une installation d'acquisition de données,
     · des équipement permettant la manutention des dispositifs d'essai et des échantillons,
     · un poste de conditionnement et d'examen non destructif de l'assemblage d'essai avant et après l'expérience et son conditionnement avant transfert dans les laboratoires de démantèlement.

Les essais
     Les situations considérées postulent la défaillance totale ou partielle des systèmes de protection et de sauvegarde du réacteur, et conduisent à une fusion du coeur. Elles supposent aussi l'échec total ou partiel des procédures opératoires destinées à prévenir ces accidents ou en limiter les conséquences.
     Chaque essai mettra en jeu une dizaine de kilogrammes de combustible irradié, qui sera porté progressivement à une température de l'ordre de 2.000 à 2.500°C afin de provoquer l'émission de produits de fission sous forme de gaz ou d'aérosols. 

suite:
L'expérience consiste à suivre:
     · le cheminement des produits de fission depuis leur émission du combustible, dans le circuit primaire et au sein de l'enceinte de confinement,
     · l'éventuelle remise en suspension de produits de fission piégés sur les parois du circuit primaire, soit sous l'effet de fortes variations sur le débit vapeur, soit par suite de l'échauffement élevé des parois (vers 1.000°C et plus). Ces éléments radioactifs sont ensuite susceptibles d'être entraînés vers l'enceinte de confinement.
     Après essai, le combustible sera figé et transporté en cellule chaude où seront effectués les prélèvements. Le dispositif sera démonté et soumis à une radiographie X et à des mesures de spectromètrie g. Les lignes et les appareils sont prévus pour être changés à partir du troisième essai. Ce travail de démontage et d'analyse nécessitant beaucoup de temps, six essais sont planifiés à raison d'un essai par an.
     Une grille de programmes a déjà été élaborée par le Comité PHEBUS qui gère le projet mais elle reste modifiable.

Programme prévisionnel PHEBUS PF
     Autorisation de chargement du coeur: mi-décembre 1992; Première divergence: fin décembre 1992; Essais de réception du réacteur puissance nulle: janvier 1993, en puissance: mars 1993; Essais de réception des circuits expérimentaux: décembre 1992 - janvier 1993; Campagne d'essais thermohydrauliques préparant l'essai FPTO: février 1993; Mise en place des instruments définitifs sur le circuit: mars 1993; Campagne d'essai FPTO: avril - mai 1993.

Lexique
Produits de Fission (PF): éléments radioactifs émis lors d'une réaction de fission comprenant les fragments de fission ainsi que leurs descendants.
Terme Source: évaluation des rejets radioactifs potentiels.
Granulométrie: classement d'un produit pulvérulent en pourcentage des grains de différentes grosseurs qui le composent.
PITEAS: Programme d'études de la physique des aérosols dans des conditions accidentelles dans une enceinte de confinement d'un réacteur à eau sous pression.
BETHSY: Boucle système française pour l'étude de la thermohydraulique des réacteurs à eau sous pression en situation accidentelle.

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Schéma de l'installation PHEBUS PF

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