La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°76/77, mai 1987
SITES DE STOCKAGE: UN POINT
Editorial / SOMMAIRE


     1987: l'année des fuites. EDF pourra noter cela dans ses tablettes. Certes, chaque année a son contingent mais 87 c'est pire car ce sont des fuites transparentes.
     Ça fait désordre tout de même de saluer l'anniversaire de Tchernobyl avec un tel festival. Car on aura tout essayé, de la fuite involontaire, à la fuite programmée et en plus sur tous les sites possibles et sous toutes les formes possibles, l'hexafluorure d'uranium dont le danger est chimique, le sodium, le tritium...
     Nos technocrates se sont d'ailleurs montrés à la hauteur de la situation.
     L'hexafluorure, la Comurhex a affirmé que tout était resté sur le site avant même d'avoir vérifié:
     - le sodium, le barillet fuit un peu mais on a la maîtrise du processus et on continue, on pourra s'arrêter si...
     - le tritium, l'autorisation de Bruyères-le-Chatel est d'environ 40.000 Ci, alors qu'est-ce que 10.000 Ci?
     Trêve de plaisanterie: nos technocrates sont vraiment incorrigibles. Ce n'est pas ce qu'ils ont fait qu'on leur demande. On leur demande d'une part d'étudier les incidents et d'en tirer les leçons, d'autre part de donner une relation de l'incident et un commentaire seulement après.
     Nous avions recensé dans un numéro de la Gazette N°48/49 (1982) quelques façons de ne pas dire la vérité (erreur par omission, erreur par commission, erreur par procuration). Avouons qu'ils n'ont pas perdu la main.
     Il a fallu 15 jours pour qu'ils disent que si on s'ennuyait avec une caméra pour vérifier le barillet, c'était parce que la station de lavage était indisponible. Pas triste tout de même! Mais tout ça n'a pas d'importance, Superphénix est si sûr!
     Ils en sont d'ailleurs si convaincus que cela pose problème: la sûreté, la sécurité, c'est l'affaire de mentalité et il faut avoir conscience des dangers pour y faire vraiment attention.
     Quant au lâcher volontaire de tritium, alors là c'est le comble. Comment peut-on avoir une idée pareille?! Tous les sites nucléaires rejettent du tritium, il suffit donc d'y étudier son transfert dans l'environnement, inutile d'en rajouter et surtout inadmissible.
     Il y a déjà bien assez de lâchers accidentels de tas de polluants, si on se met à les programmer, on rentre dans l'expérimentation sur cobaye humain.
     C'et de l'inconscience pure et simple ou bien c'est la preuve qu'à force de plancher en bureau on a affaire à des gens pour qui l'être humain est devenu statistique.
     Pour mieux nous convaincre que tout va bien, un festival de réunions a été organisé par la SFEN (Société Française d'Energie Nucléaire) et la SFRP (Société Française de Radioprotection). Au fait, pourquoi la SFEN fait-elle partie es qualité du Conseil Supérieur de Sûreté et d'information Nucléaire? Et pourquoi pas la SFRP? Si on doit traiter d'informations envers le public, en cas d'accident, pourquoi les médecins sont écartés?
     En même temps ou presque, l'ANDRA a lancé une opération de charme pour obtenir l'accord des populations pour un site de stockage de déchets. Un vrai bide! Un passage à la télévision pour annoncer les sites ne remplace pas des dossiers. Les heureux bénéficiaires du gros lot n'ont pas vraiment apprécié de ne pas avoir été consultés avant. Et comme leurs légitimes questions n'ont pas vraiment reçu de réponses, l'ensemble des sites prévoit de se fédérer pour mieux s'entraider.
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     Gageons qu'on va leur promettre des commissions. L'inconvénient c'est que la façon dont elles fonctionnent ne donne guère l'envie d'en faire partie: les dossiers sont établis par le pétitionnaire et les critiques aussi parce que, comme elles sont démunies d'argent, ces commissions peuvent difficilement faire examiner les dossiers par des contre-experts. Cette race ne relève que du bénévolat. Et puis de toute façon mieux vaut se critiquer soi-même, c'est plus sûr.
     Toujours, à propos du stockage, le CSSIN qui vient d'être renouvelé doit regarder ce problème mais comme on n'a pas fourni aux nouveaux membres le rapport Castaing, ni le rapport du Groupe de travail sur les critères techniques de choix, la discussion risque d'être de pure forme. Par ailleurs, nommer un président de groupe de travail qui est le sous-directeur de l'institut de Protection et Sûreté Nucléaire, relève du gag.
     L'IPSN est donc censée établir sa propre critique!
     J'espère que vous avez noté le lancement de l'enquête publique du Carnet; comme l'avait apporté Le Monde, on sait qu'il y a trop de réacteurs, que le parc est mal adapté mais on construit tout de même des réacteurs. L'argumentaire étant qu'il faut garantir l'outil de travail. Outre que cela ne garantit rien parce qu'un réacteur par an n'est pas suffisant pour faire vivre Framatome, cela veut dire aussi qu'on n'a pas encore voulu admettre qu'il fallait dominer tout le cycle avant de continuer; c'est vrai que les déchets ne sont pas encore ce jour trop préoccupants mais si on attend de les avoir sur les bras, alors ça sera préoccupant. La chimie a largement loupé son examen de passage, le nucléaire est sur la bonne voie pour en faire autant.
     En relisant les Annales des Mines de 1974, on comprend mieux d'ailleurs pourquoi nous avons des vues aussi éloignées des vues officielles (voir encart).
     Nous avons refait une analyse compiète des bulletins du SCPRI que nous publions. Il est évident que le problème est important. Nous avions déjà souligné que compte tenu de l'importance du programme français il était indispensable de disposer d'un service étoffé, qu'il était aussi indispensable pour pouvoir réagir d'avoir des stations de mesures. Nous avions souligné la nécessité d'un suivi des populations.
suite:
     Il apparaît en épluchant les bulletins que nous ne sommes pas en France capables de gérer une crise comme celle de Tchernobyl. Il n'est d'ailleurs pas évident que nous arrivions à gérer une crise chimique non plus. Mais peut-être que les efforts actuellement entrepris serviront de leçon au nucléaire. Il en a bien besoin, ce nucléaire si propre!
     Ce qui apparaît aussi dans le courrier que nous avons reçu, c'est le mangue flagrant d'information des médecins et ceci nous semble très grave car c'est sur eux que repose une partie non négligeable de la gestion des crises. S'ils ne peuvent disposer des mesures en temps utile, comment pourront-ils réagir?
     La Gazette, la CRIIrad et bien d'autres sont un peu légèrement qualifiés de anti - ANTI bien sûr mais ANTI quoi? Ce que nous exigeons simplement c'est une véritable information et surtout une véritable prise on compte de la sécurité des français.
     Personnellement, nous nous contentons d'analyser et de souligner les carences. Si c'est cela être ANTI, alors nous le sommes.
     Force est de constater que le nucléaire et la technique imposent qu'on y croit. On ne peut être qu'inconditionnel et croyant. Cet état d'esprit fait les bons peuples. L'ennui est qu'il y a eu une évolution depuis l'inquisition et que les citoyens ont appris à poser des questions et à exiger des réponses.
     Il y a maldonne sur le sujet: informer, fournir les explications est toujours possible. On peut également expliquer la raison d'un choix et supporter que les autres ne soient pas de votre avis. C'est de la démocratie élémentaire.
     Nous avons repris tous nos dossiers et c'est pourquoi nous vous proposons deux Gazettes qui rassemblent beaucoup de dossiers. Il nous en reste bien sûr. Nous attendons vos critiques, vos suggestions.
     N'oubliez pas votre abonnement. Vous avez été beaucoup à la faire mais il reste des retardataires. De plus, nous pouvons avoir fait des erreurs, n'hésitez pas à nous les signaler. Ce sont toujours des bénévoles qui font le travail, alors soyez gentils, pardonnez leur.
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Encart
     «... Il est classique d'invoquer, comme cause de cette inquiétude du public, la confusion entre énergie nucléaire et explosifs nucléaires d'une part, et la crainte des effets génétiques d'autre part (pour lesquels il serait d'ailleurs erroné de prétendre qu'ils constituent une exclusivité de la pollution radioactive).
     Pour pouvoir mettre un terme à cette situation paradoxale, il faut d'abord en analyser les causes de manière beaucoup plus approfondie. C'est ce qui avait d'ailleurs été fait, dès 1958, dans le rapport n°151 de l'O.M.S., intitulé «Questions de santé mentale que pose l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques". Ce rapport appelait l'attention sur certains aspects du développement  de  l'énergie nucléaire et notamment sur l'opportunité:
     - de ne pas développer de façon excessive les mesures de sécurité dans les installations nucléaires afin qu'elles ne provoquent pas une anxiété injustifiée,
     - de convaincre les autorités qu'il n'entre pas dans le rôle des savants de prononcer des jugements de caractère psychologique ou moral sur des problèmes scientifiques,
     - d'inciter les savants à mieux saisir la portée exacte et les conséquences de leurs déclarations...»
Extraits des Annales des Mines 1974 (article de P. Pellerin et J.P. Maroni)
     Ainsi en 1974, au moment du lancement du programme d'électronucléarisation massive français, le responsable de la radioprotection française, le Pr Pellerin, exhortait les techniciens de l'énergie nucléaire à ne pas exagérer les mesures de sécurité dans les installations nucléaires!...




SOMMAIRE
EDITO
SITES DE STOCKAGE: Commentaire Gazette; extraits du 3e rapport Castaing; Extraits du 3e plan quinquenal; Extraits ANDRA; Stockage en profondeur des déchets radioactifs; Analyse du site de Soulaines; conclusions
Les bonnes pages
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