La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°46/47, premier semestre 1982
ELEMENTS POUR UN VRAI DEBAT SUR L'ENERGIE
Editorial / Sommaire
 


     Revoici la Gazette...
     Elle n'était pas morte, mais seulement malade... malade de la victoire de la gauche aux élections.
     Pour beaucoup d'entre nous, ce fut un moment d'euphorie, de délire fou. Nous voyions arriver au pouvoir un parti dont le programme électoral contenait certaines de nos options, dont les promesses électorales nous avaient donné grand espoir (soutien de la lutte contre les nouvelles constructions à Chooz, par exemple), dont le comportement de ses dirigeants pendant la pétition nationale sur l'énergie était encourageant - vous trouverez en encart le rappel du texte de cette pétition signée par près d'un million de citoyens, dont le citoyen François Mitterrand...
     Et puis ce fut la douche écossaise: l'abandon de l'extension du camp de Larzac, mais aussi le maintien du décret signé par l'ancien gouvernement le 12 mai 1981, en exécution des affaires courantes, décret autorisant la construction de l'usine UP3 à La Hague. A cette occasion, les officiels nous ont sorti des quantités d'arguments vaseux, sur le respect par le gouvernement de contrats privés dont ces braves gens semblaient ne pas avoir de copies et dont ils ignoraient la clause de possibilité de rupture des contrats... pour raison d'État!
     L'annonce du gel des sites avec toutes ses ambiguïtés était balancée par la préparation du débat sur l'énergie prévu pour l'automne 1981.
     Pour la première fois, la mission préparant le dossier pour le ministre, mission Hugon, ne se contentait pas uniquement de l'avis des officiels, mais consultait aussi les opposants.

     Nous avons passé un été fébrile à préparer des dossiers... Et le débat parlementaire eut lieu. Pas de débat au niveau de la population. Non: un débat au niveau des notables - une mascarade, une chose inadmissible dans ce qu'on croyait être le renouveau de la démocratie - un débat où le seul homme d'honneur du PS fut Gisèle Halimi, menacée d'exclusion du groupe parlementaire PS pour avoir osé poser une question - un débat qui scella la victoire des technocrates, tout étonnés d'avoir gagné si facilement.
     Nous avons compris que le changement du 10 mai 1981 était, comme l'a dit un humoriste, le remplacement du «FERMEZ-LA» musclé giscardien par un «CAUSE TOUJOURS».
     Certains, parmi l'équipe rédactionnelle, écoeurés, sont retournés à leurs chères études, façon classique de pratiquer la politique de l'autruche.
     D'autres se sont engloutis dans des commissions officielles, avec l'espoir de pouvoir infléchir le cours des choses, de faire éclore la vérité; on pouvait craindre que tout cela soit stérile.
     Nous venons de recevoir la «lettre d'information de l'industrie» (lettre 101 du 1er juin 1982 n°171). La feuille concernant les premières conclusions de la commission scientifique sur le retraitement nous confirme nos craintes. Tout le travail fait par la commission, tous les témoignages apportés se sont transformés en un acte de foi où la mystique remplace la réalité scientifique. Nous vous ferons une analyse détaillée dans une prochaine Gazette
p.1


     D'ailleurs, comment pouvait-il en être autrement quand on lit le credo du ministre délégué, chargé de l'Énergie, Hervé, publié dans le Nouveeu Journal du 28.5.1982:
     · Edmond Hervé (ministre délégué auprès du ministère de l'industrie,
chargé de l'Énergie):
     «Par sa qualité et son exemplarité, l'industrie nucléaire française est devenue un joyau du patrimoine national consacrant ainsi des décennies de travail et de génie»
     «Nous avançons sur le chemin de l'indépendance énergétique. Le pari nucléaire constitue une des conditions de sa réussite. Pour gagner le pari de la maîtrise de l'énergie, la démarche nucléaire s'est imposée».
     Et pendant ce temps-là, on matraque allègrement à Chooz, de plus en plus durement, en bafouant les promesses écrites, en ridiculisant tous les principes des libertés individuelles: fouilles de maisons par la gendarmerie, brimades multiples aux travailleurs de la région qui doivent, en rentrant de leur poste de nuit, montrer patte blanche à tous les barrages de police, la moindre prétestation devenant uné rébellion, interpellation des automobilistes dont les véhicules sont décorés d'autocollants contestataires avec possibilité d'être bloqué plusieurs heures si on figure sur une liste de «dangereux agitateurs» (ohé M. Badinter!!), et ceci n'importe quand, pas seulement s'il y a une manifestation! Le site du Pellerin est abandonné, donc on prospecte (violemment) au Carnet, à quelques kilomètres de là. Plogoff est abandonné, mais on cherche un autre site breton, moins stupide comme localisation - 5.200 MW en bout de ligne du réseau.
     Finalement, compte tenu de la situation, compte tenu de la chappe de plomb qui coiffe l'information, nous ne pouvons pas arrêter. Notre tache de recherche et de diffusion de l'information n'est pas terminée. C'est à nous, c'est à vous d'imposer le changement pour lequel nous avons voté.
     Un dernier mot: la Gazette est écrite par un groupe de bénévoles (surchargés). Si elle vous aide et si vous désirez sa survie, envoyez-nous vos informations cela nous permettra de faire le bilan du programme. Mais vous pouvez mieux encore: vous pouvez venir nous aider à la rédaction!
suite:
     Bonne lecture à tous avec ce numéro qui est, pour l'essentiel, constitué d'une étude présentée à la faculté des Sciences de Poitiers par le groupe Poitevin du GSIEN.
     C'est une étude économique sur les coûts et la compétitivité de l'énergie nucléaire. Cette analyse avait débouché sur un plan de politique énergétique en Poitou-Charente.
     Comme beaucoup, ils avaient cru que le changement consécutif au 10 mai 1981 permettrait de collaborer efficacement avec les instances officielles. En ce sens ils acceptèrent de participer à la commission locale d'information sur le site de Civaux. Mais en mars 1982 toute une série d'associations et de syndicats démissionnaient de cette commission devant l'impossibilité de lui faire jouer son rôle «informer complètement la population».
     Ils constataient que si le «comment» de Civaux était discuté, le «pourquoi» de Civaux, «a-t-on besoin» de Civaux, «pourquoi à» Civaux? était escamoté.
     De même pour le problème de l'eau, crucial sur ce site, au point que les spécialistes des laboratoires d'hydrologie de la faculté avaient forcé EDF à prévoir des unités de réfrigération supplémentaires pour refroidir l'eau rejetée à la rivière à la sortie des tours de refroidissement (sic).
     Il n'était pas admissible dans ces conditions, qu'EDF participe, en l'orientant, à la rédaction du rapport de présynthèse sur l'eau.
     Depuis, cette commission continue, comme sous l'ancien régime, sans opposants.
     Rappelons que la région Poitou-Charente avait été choisie comme région pilote pour les énergies renouvelables. Les associations avaient participé à l'élaboration d'un plan édité par la DDE. Ce plan fut mis au pilon avant distribution lorsque Monory décida qu'il voulait une centrale chez lui.

     A l'attention de nos lecteurs, un rappel historique:
     Article 35 de la Constitution française de 1793: «Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des devoirs».

p.2

ENCART
Pour une autre politique de l'énergie
Pour un débat démocratique sur l'énergie
(pétition signée par près d'un million de citoyens, dont le citoyen François Mitterrand...)

· Je m'oppose au choix du «tout nucléaire» fait par le gouvernement.
· J'exige la levée du secret qui entoure toutes les décisions concernant l'énergie, la mise en place de moyens d'information décentralisés et indépendants et le renforcement des mesures de sécurité pour les travailleurs et la population.
· J'affirme que pour faire face à la crise il faut un nouveau type de développement fondé sur les besoins des travailleurs et des populations et sur des réalités régionales. Il s'agit d'imposer une politique qui économise les ressources non  renouvelables, utilise toutes les ressources non exploitées en France et s'appuie sur un vaste plan de développement des énergies nouvelles. Cette politique alternative est susceptible de créer, à terme, des centaines de milliers d'emplois nouveaux.
· Je demande l'organisation d'un large débat public et contradictoire sur la politique énergétique de notre pays, ce qui implique:
     - des consultations et des décisions démocratiques sur les grands choix énergétiques aux niveaux régional et national
     - la suspension du programme électro-nucléaire actuel tant que le débat démocratique n'aura pas été conduit à son terme.

SOMMAIRE
EDITO
Coûts et compétitivité de l'énergie nucléaire: les incertitudes ralatives à l'évaluation des coûts directes de production d'énérgie nucléo-électrique; l'électronucléaire face au potentiel d'économies d'énergie
La partie immergée de l'iceberg; Bibliographie
Pour vos vacances, nous vous recommandons la lecture de l'ouvrage suivant:

Librairie François Maspero, 1 pl. Paul-Painlevé, 75005, Paris


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