La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°107/108

COMMISSION LA HAGUE
COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 18 SEPTEMBRE 1990
(un rapport parmi d'autres...)


    La matinée était consacrée à la visite du Centre de Stockage des Déchets de la Manche (voir en annexe les documents présentés).

     M. Cauvin: Exceptionnellement, notre réunion se déroule aujourd'hui en présence de la presse en raison du thème de l'exposé présenté par M. J. Y. Le Déaut. Des représentants de l'ANDRA sont présents également pour participer aux débats.
     Par ailleurs, je voudrais vous informer que le Ministère de l'Environnement et le Ministère de l'Industrie, avant de donner l'autorisation d'ouvrir UP3, ont tenu à connaître les travaux et les conclusions émises par la Commission à ce sujet. L'autorisation d'UP3 a été rendue effective, par décret, jusque fin 1994 avec deux réserves qui ont été apportées par la Commission de la Hague:
     1. pas de stockage intermédiaire et d'entreposage, notamment de boues, au niveau de STE3;
     2. résoudre rapidement le problème de la gestion et du conditionnement des déchets.
     Un exposé va maintenant être présenté par M. Le Déaut, Député, que je remercie de sa présence.
     M. Le Déaut: Je suis député et Président de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (biochimiste de formation). Une délégation de l'Office, notamment les rapporteurs, sont déjà venus à l'invitation de l'ANDRA et de la COGEMA présenter un exposé sur le stockage des déchets. Je vais vous expliquer ce qu'est l'Office que je préside et quelles sont ses missions. Cet Office peut et doit avoir un rôle important, notamment en matière de contrôle de la politique gouvernementale.

Historique et présentation de l'Office
     A la fin des années 60, les membres du Congrès des Etats-Unis ont estimé que les parlementaires devaient être en mesure d'évaluer par eux-mêmes les conséquences politiques, économiques et sociales de l'évolution des sciences et techniques et ils ont créé le premier Office qui avait pour rôle d'informer les parlementaires sur les conséquences de l'évolution des sciences et techniques. A la même époque, en France, des voix se sont élevées pour que les parlementaires français puissent eux aussi disposer de capacités d'expertise autonomes.
     Certains parlementaires et sénateurs pensaient qu'il ne pouvait y avoir de contrôle de l'activité gouvernementale que si les parlementaires pouvaient procéder, de leur propre initiative, à l'évaluation des dossiers sur lesquels on leur demandait de prendre des décisions, particulièrement pour des dossiers scientifiques et techniques (énergie, nucléaire, environnement, choix industriel).
     La rapidité du progrès scientifique dans notre société, son omniprésence, ses effets sur notre mode de vie, sur l'emploi, sur l'évolution de nos valeurs sont tels que le besoin d'une meilleure connaissance de ses effets et une plus grande maîtrise de son processus est ressenti de plus en plus largement. Il a fallu définir le rôle du Parlement dans ce domaine.

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     Le Parlement doit tenir compte de la prise de conscience par des catégories sociales de plus en plus nombreuses qu'il existe des risques technologiques majeurs et que leur prévention n'a pas toujours fait l'objet d'études approfondies. Le Parlement doit aussi être informé suffisamment tôt des conséquences de l'introduction d'une technologie nouvelle afin d'éviter que son développement incontrôlé ne risque d'entraîner soit des atteintes aux libertés, soit des modifications non désirées de notre mode de vie.
     Celle information objective et pluraliste doit donc être fournie très en amont du processus de prises de décision pour que le Parlement soit à même de connaître les éventuelles solutions alternatives à celles qui lui sont proposées par le Gouvernement qui tente très souvent d'imposer sa propre conception. En ayant recours à des scientifiques et à des experts de diverses origines et de différentes nationalités, le Parlement peut avoir connaissance des variantes qui l'aideront à clarifier les choix possibles.
     L'Office a été créé par une loi du 8 juillet 1983. C'est une délégation constituée de 16 députés et 16 sénateurs (8 titulaires et 8 suppléants). Les députés sont désignés au début de chaque législature et les sénateurs après chaque renouvellement du Sénat. C'est un organisme exclusivement parlementaire, totalement indépendant du Gouvernement et de l'administration.
     Il peut être saisi par le bureau de l'une ou l'autre de ces assemblées, ou à la demande de 60 députés ou 40 sénateurs. Il peut également être saisi par une Commission spéciale. Il fonctionne avec un Rapporteur qui doit s'entourer d'un panel d'experts. Il est assisté d'un Conseil Scientifique composé d'une quinzaine de personnalités de haut niveau scientifique en raison de leurs compétences.
     Le pouvoir des Rapporteurs est important: il peut procéder, dans tous les organismes dépendant de l'Etat, à des contrôles sur pièces et sur place, il peut se faire communiquer tous les documents de service, à l'exception de ceux qui concernent la défense nationale et la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat. Toutefois, si un Rapporteur rencontre des difficultés dans l'exercice de sa mission, l'Office peut demander à l'Assemblée d'où émane la saisine de lui conférer les prérogatives attribuées aux Commissions d'Enquête Parlementaires devant lesquelles toute personne dont l'audition a été jugée utile est tenue de se présenter sous peine de poursuites pénales. Nous pouvons procéder à des auditions ouvertes: chaque citoyen peut venir s'exprimer devant le Parlement.
     Ses travaux sont publiés par des rapports parlementaires (collection Economica) en français et parfois en anglais. Les études déjà réalisées sont: les pollutions atmosphériques à longue distance, les conséquences de l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl et les sûretés des installations nucléaires, les projets de télévision haute définition, l'évolution de l'industrie des semi-conducteurs, les effets de chloro-fluro-carbones (CFC) sur l'environnement et les moyens de supprimer ou de limiter leurs émissions, les problèmes posés par le développement des activités liées à l'extraction des ressources minérales de l'Antarctique.
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     Les études en cours sont: l'utilisation des biotechnologies dans l'agriculture, l'orientation du programme spatial européen, la préservation de la qualité de l'eau, traitement des déchets ménagers, traitement des déchets industriels, gestion des déchets radioactifs à vie longue, contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires (nous allons proposer une modification de loi pour dire que nous nous occuperons, de manière permanente, de ce sujet), les sciences de la vie et les droits de l'homme, le problème des pétroliers à double coque.
     L'Office devient un lieu d'expertise de plus en plus reconnu. Chaque étude revient de 600 à 700.000 F. Nous établissons un rapport à partir du travail du Rapporteur en collaboration avec le panel, à partir du travail du Conseil Scientifique et des rapports d'experts indépendants.

Etude sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires
     En confiant conjointement à l'Office une mission sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, le Bureau de l'Assemblée Nationale et le Bureau du Sénat ont répondu au vœu de très nombreux parlementaires qui souhaitent que le Parlement renforce ses pouvoirs dans ce domaine.

Avis de l'Office et du Conseil Scientifique
     Qu'on le veuille ou non, la production d'énergie nucléaire n'est pas une industrie comme les autres. Pendant très longtemps, ses responsables ont tenté de la banaliser et de faire que l'étude de ses risques rentre dans l'ensemble du suivi des risques technologiques majeurs. La catastrophe de Tchernobyl est malheureusement venue rappeler qu'il n'en était rien et que l'industrie nucléaire, par ailleurs une des industries les plus sûres dans son fonctionnement quotidien, pouvait, en cas d'accident hors dimensionnement, entraîner des conséquences infiniment plus graves que celles qui résultent des incidents industriels classiques.
     L'énergie nucléaire a des spécificités et doit donc faire l'objet d'une attention toute particulière de la part du Parlement. Comme le faisait remarquer le dernier rapport du SCSIN, la sûreté ne saurait se limiter à un dialogue exclusif entre l'autorité de sûreté et l'exploitant. Les questions techniques ne doivent pas seulement être examinées dans le cercle fermé de leurs experts, la réflexion doit être à la fois ouverte aux rapports de divers partenaires et en sens inverse être renvoyée vers ceux-ci. Cette nécessité d'instaurer un dialogue entre les spécialistes du nucléaire et la population, en particulier, par l'intermédiaire des parlementaires a été réaffirmée dans le dernier débat sur l'énergie (12 décembre 1989).
     A cette occasion, de nombreux parlementaires, mais aussi le Ministre de l'Industrie et le Secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement, avaient exprimé le souhait que le Parlement puisse exercer pleinement ses pouvoirs de contrôle dans le domaine de la sûreté nucléaire, notamment en confiant à l'Office une mission permanente à ce sujet. C'est d'ailleurs la position que le Président de la République a explicité clairement lors d'un colloque "Ecologie et pouvoir" à la Fondation Cousteau en décembre 1989. En réponse à ses demandes, le Bureau de l'Assemblée Nationale a déposé une saisine le 4 avril 1990 et a transmis à l'Office la saisine suivante.

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     Dans le prolongement du débat sur la politique énergétique de la France de décembre dernier, le Bureau de l'Assemblée Nationale demande à l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques de mettre en œuvre un programme d'étude et de procéder à des évaluations afin de présenter, si possible, avant la fin de la première mission ordinaire de 90-91 (février 1991), un rapport informant le Parlement, notamment sur les modalités de fonctionnement du contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires de base et, le cas échéant, sur l'organisation de ce contrôle dans les autres pays qui utilisent l'énergie nucléaire, les suites qui sont données aux avis, aux observations et aux recommandations formulés par les organismes de contrôle français et internationaux, la surveillance de la radioactivité dans l'environnement et le suivi médical des personnes exposées aux rayonnements ionisants, la fiabilité des dispositifs prévus à l'intérieur et à l'extérieur des installations nucléaires pour les périodes de crise, les conditions dans lesquelles l'information sur l'énergie nucléaire est diffusée et perçue dans la population française ainsi que dans les pays riverains concernés par les installations nucléaires françaises.
     A l'heure actuelle, la survie de l'industrie (nucléaire) dans le monde est menacée. D'ores et déjà, plusieurs pays ont pris, par la voie législative ou référendaire, la décision d'y renoncer définitivement. Ces décisions ne sont peut-être en fait que temporaires. L'accroissement des besoins d'énergie, les crises géopolitiques que l'on connaît mais aussi les conséquences néfastes sur le climat de la planète par l'utilisation de combustibles fossiles amènent parfois les opposants les plus irréductibles à se poser des questions sur les avantages et les inconvénients du nucléaire.
     Quoi qu'il en soit, l'acceptabilité par les populations de cette forme d'énergie dépendra très étroitement de l'effort de transparence qui a été entrepris depuis quelques années mais qui doit impérativement se poursuivre. En particulier, le contrôle de ce secteur ne doit pas faire l'objet de soupçons ou simplement de réticences. Toutes les personnes concernées par une installation nucléaire doivent être persuadées que les autorités chargées du contrôle ne cacheront rien des insuffisances et des erreurs qu'elles pourraient constater et que leurs recommandations et leurs injonctions sont immédiatement suivies d'effets.
     Une rapide lecture de la presse de ces derniers mois suffit à montrer qu'il n'en est rien et que beaucoup de français sont persuadés qu'on leur cache quelque chose dans le domaine du nucléaire. Plusieurs sondages ont montré que la confiance des français dans la sûreté de l'industrie nucléaire diminue régulièrement. Que les choses soient bien claires dès le début de notre étude; si nous n'avons aucune raison de suspecter a priori le sérieux et la sincérité des contrôles effectués, il nous appartiendra cependant de vérifier le bon fonctionnement de l'ensemble du dispositif éventuellement après vérification et comparaison avec des organisations étrangères, de proposer des recommandations qui pourraient contribuer à améliorer la sûreté.
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     Nous n'entendons pas, bien sûr, nous substituer aux Organismes de contrôle, nous n'en avons ni les moyens, ni le désir. Le partage des responsabilités doit être précis. Les responsabilités techniques de la sûreté appartiennent à l'exploitant. Les pouvoirs publics s'assurent que cette responsabilité est pleinement assurée dans le respect des prescriptions réglementaires. Nous reprendrons donc le schéma de l'articulation de l'organisation du secteur nucléaire tel qu'il a été présenté dans le rapport du SCSIN mais en le complétant.
     Pour nous, les pouvoirs publics définissent les objectifs généraux de sûreté, l'exploitant propose des modalités techniques pour les atteindre, les pouvoirs publics s'assurent de l'adéquation de ces modèles par une analyse de sûreté qui conditionne les autorisations réglementaires, l'exploitant met en œuvre les modalités ainsi approuvées. Après quoi, les pouvoirs publics vérifient et contrôlent que la mise en œuvre a été correcte et en tirent, éventuellement, les conséquences réglementaires. Enfin, le Parlement s'assure que le contrôle par les pouvoirs publics s'exerce bien dans les conditions prévues et que les conclusions de ces contrôles sont bien suivies d'effets; il demande au Gouvernement de s'expliquer sur les défaillances éventuelles, en tire les conséquences et les conclusions politiques et propose des modifications législatives nécessaires.
     C'est en quelque sorte un contrôle du contrôle que nous souhaitons indépendant de l'administration et du Gouvernement.
     La mission de surveillance de l'Office devra s'étendre à l'ensemble du dispositif français du contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire. La sûreté représente la prévention de l'ensemble des accidents et la limitation de leurs effets et la sécurité vise à assurer la protection des personnes et des biens contre l'ensemble des dangers et des nuisances.
     Les organismes chargés du contrôle de la sûreté doivent intervenir de 3 façons différentes: par l'élaboration de règles techniques, en donnant des autorisations d'ouverture individuelles des I.N.B., en surveillant et en contrôlant l'application des règles générales et individuelles. Mais une grande partie de la sûreté nucléaire dépend en fait du contrôle exercé par les exploitants des installations nucléaires. Les Rapporteurs de l'Office doivent donc pouvoir prendre en contact avec les responsables de la sûreté dans les différents organismes concernés par le cycle du combustible nucléaire, EDF, CEA, COGEMA ou ANDRA. Il faut d'ailleurs noter que les premières rencontres avec ces organismes montrent qu'il n'y a aucune réticence devant les demandes d'information du Parlement et que certains responsables, dans un souci louable de la recherche de transparence, sont au contraire tout à fait désireux de faire reconnaître à l'opinion publique, par l'intermédiaire de l'Office, les efforts qu'ils déploient pour assurer la sûreté de leurs installations.
     Dans la délimitation du champ d'investigation ouvert à l'Office par les saisines des Bureaux des deux Assemblées, il reste un certain nombre de questions qui doivent être impérativement tranchées dès le départ. C'est par exemple le problème du contrôle des mécanismes de surveillance de la radioactivité dans l'atmosphère, la biosphère et chez les êtres humains. Pour savoir si la sûreté des installations nucléaires est bien assurée, le moyen indiscutable est de mesurer en continu l'évolution de la radioactivité dans l'environnement.
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     La radioprotection concerne la santé de l'homme et ressort, par conséquent, de la seule responsabilité des médecins; c'est pourquoi celle fonction a été confiée en France au Ministre de la Santé et on a créé, en 1956, le SCPRI chargé de surveiller toutes les causes possibles d'irradiation de la population et des travailleurs. La confiance du public dans ces mesures est une condition essentielle de l'acceptabilité de l'énergie nucléaire. Des polémiques ont jeté une suspiscion sur les travaux du SCPRI, en particulier lors de l'accident de Tchernobyl, et un certain nombre d'attaques ont eu lieu contre le SCPRI dans les dernières années. Pour certains français, cet organisme paraît peu ou pas crédible. C'est peut-être injustifié mais c'est un fait. Il conviendra donc de rechercher comment cet organisme de contrôle, dont le rôle est absolument essentiel, pourrait à l'avenir redevenir un arbitre incontesté dans la surveillance de la radioactivité. Cela est d'autant plus indispensable que la Commission Internationale de la Protection contre les Rayonnements lonisants a entamé une réflexion sur l'abaissement des normes des protections existantes.
     Depuis plus de 40 ans, les militaires développent en France des installations nucléaires destinées à la production d'armes atomiques et thermonucléaires. Sans aucun doute, ces installations posent aussi des problèmes de sûreté. Dans certains pays comme les États-Unis le débat sur le nucléaire se focalise depuis quelques temps sur les risques que présentent les installations militaires destinées à la défense. En l'absence de mention spécifique dans les saisines qui nous ont été transmises, nous n'incluerons pas, pour l'instant, le domaine militaire dans notre champ d'investigation. Il ne s'agit pas d'un refus définitif ni d'un oubli délibéré de traiter ces questions et le Secrétariat Général de la Défense Nationale a déjà pris contact avec l'Office et pense qu'il aurait intérêt à ce que nous traitions ces questions car un souci de transparence trop important dans d'autres domaines accroîtrait le problème militaire et la suspiscion dans ce domaine.
     Nous allons également analyser l'organisation du pays en cas d'accident nucléaire. La coopération internationale en matière de sûreté nucléaire sera étudiée. Un Rapporteur (Député de Savoie) a été désigné, qui est plus spécialement chargé du contrôle de la sûreté des installations nucléaires et des dispositifs prévus en cas de crise. Un autre Rapporteur (Sénateur du Rhône) s'intéressera plus particulièrement au contrôle de la radioactivité, au problème de sécurité civile et à l'information du public sur le nucléaire. Vous pouvez d'ailleurs prendre contact avec ces Rapporteurs sur les sujets qui vous intéressent.
     Le premier rapport va être rendu à la fin de cette année dans lequel nous allons surtout nous attacher à faire une présentation, critique si nécessaire, de l'organisation française de la sûreté et de la sécurité et plus particulièrement du mécanisme des prises de décision dans le domaine du nucléaire et de la répartition des responsabilités entre les différentes parties concernées. Au besoin, pour rendre plus accessibles ces procédures, on s'appuiera sur des exemples précis et concrets. Le problème de l'usine Melox destinée à fabriquer le nouveau combustible MOX pourra être un exemple. Un certain nombre de questions pourront être posées:
     - comment ont été réalisées les études de sûreté préparatoires?
     - quels ont été les avis des différents organismes de contrôle sur celle nouvelle technique?
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     - par qui et comment a été prise la décision de construire l'usine?
     - comment sera assuré le suivi de cette expérience sur le plan de la sûreté, aussi bien chez l'exploitant, que dans la suite du cycle du combustible?
     - les propriétés et le comportement du combustible conduiront-ils à modifier les règles de sûreté et de protection des personnes?
     - comment a été assurée l'information sur cette opération? Toutes ces questions montrent que beaucoup de réponses restent à apporter aux parlementaires. Nous avons le souci de répondre à toutes ces interrogations. Or si nous arrivons à faire des analyses indépendantes qui ne remettent pas en cause nos choix industriels (souligné par nous...) mais essaient d'informer la population et d'expliquer les orientations qui ont été prises, je crois que nous jouerons notre rôle de parlementaire.
     L'Office est constitué de tous les groupes politiques et pour l'instant, les discussions menées n'ont montré aucune divergence majeure; la quasi totalité des décisions a été prise à l'unanimité, ce qui montre qu'on arrive à étudier des problèmes difficiles avec suffisamment de sérénité. Et nous sommes arrivés à la conclusion que les responsables politiques n'étaient pas assez informés des choix qui étaient faits.

Programme d'étude sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité.
     Les suspensions des travaux de recherche de l'ANDRA sur le stockage des déchets nucléaires sous la pression de la population de certains départements a montré la nécessité de procéder à un réexamen du dispositif prévu et le Premier Ministre a demandé un moratoire d'un an (jusqu'au 8 février 1991) et interrogé le Collège de Prévention des Risques Technologiques Majeurs sur ce point. Il a par ailleurs suggéré, par l'intermédiaire d'un communiqué de presse, que l'Office Parlementaire se saisisse également de cette question; ce qui a été fait.
     Christian Bataille, Rapporteur, est venu sur tous les sites français qui avaient été retenus pour les recherches. Nous allons essayer d'informer le Parlement sur les différentes méthodes de stockage définitif des déchets radioactifs, sur les solutions envisagées pour le stockage des déchets radioactifs dans les autres pays utilisant l'énergie nucléaire, sur les risques que pourrait éventuellement présenter le stockage souterrain des déchets à vie longue dans les différentes formations géologiques potentiellement favorables, sur les éventuels inconvénients et avantages qui pourraient résulter de ces stockages pour les populations des sites qui seraient choisis et les mesures d'accompagnement qui pourraient être prises en faveur de ces populations, sur les modalités d'information du public et prise en compte des arguments présentés par les personnes et les groupements favorables ou opposés au stockage.
     Celle saisine nous contraint à traiter ce problème à chaud. A une exception près, toutes les I.N.B. ont pu être construites. Les oppositions qui ont existé et qu'il ne faudrait pas négliger n'ont jamais revêtu l'ampleur et la dureté de celles qui ont été enregistrées dans certains pays voisins de la France et cette "acceptabilité" du nucléaire par la population française a peut-être conduit à sous-estimer les problèmes des déchets. Si les français ont accepté les centrales, il n'y a aucune raison pour qu'ils n'acceptent pas les dépôts de déchets qui en sont la conséquence inéluctable. Or, à la grande surprise de certains responsables, des manifestations de refus de plus en plus vives ont accompagné les premiers travaux de recherche et ont conduit à la paralysie de trois des quatre sites retenus. Le Premier Ministre a donc suspendu les travaux et a informé les élus locaux de sa décision.

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     Sur le plan purement technique, le traitement de cette saisine va se heurter à un double écueil: multiplication des études sur le stockage des déchets nucléaires dans les formations géologiques et imprécision des conclusions sur les conséquences, à long terme, de ces stockages. Outre les études conduites par l'ANDRA et par les services spécialisés du CEA, plusieurs séries d'évaluation ont été faites par des organismes indépendants et incontestés: Commission des Communautés Européennes, Comité de Gestion des Déchets Radioactifs de l'Agence de l'O.C.D.E., des organismes des Etats-Unis, du Canada, de Belgique, de Grande-Bretagne, de Finlande, du Japon, de la R.F.A., de la Suède... La multiplicité des sources d'information nécessitera un effort de synthèse tout particulier.
     Les aspects techniques étant connus, nous n'avons pas souhaité faire une étude supplémentaire; nous voulons engager une discussion sérieuse sur cette question à partir des informations collectées, la principale interrogation étant "comment vont se comporter ces déchets dans les dizaines de siècles qui vont venir et qu'en sera-t-il dans plusieurs millions d'années?" On ne peut pas donner une réponse satisfaisante sur des phénomènes qui vont se dérouler sur une durée qui se mesure à l'échelle des temps géologiques.
     Nous avons essayé de distinguer les catégories de déchets: les déchets nucléaires à vie courte et de faible activité (déchets de catégorie A) comportant des radioéléments d'une période inférieure à 30 ans constituent environ 95% des déchets nucléaires mais leur activité ne représente environ que 1% de l'activité totale des déchets. Ces déchets ne dégageant pratiquement pas de chaleur et leur durée de surveillance étant limitée, ils peuvent être stockés en surface. Des questions peuvent être posées sur l'exploitation des centres et sur l'évolution des technologies entre La Hague et Soulaines.
     Les interrogations sur le stockage des déchets à vie longue sont plus nombreuses: les déchets radioactifs sont-ils inévitables? L'enfouissement définitif en couche géologique profonde apparaît à beaucoup comme un non-sens, comme une négation de progrès technique: ne peut-on pas envisager des procédés qui permettraient de faire disparaître la radioactivité ou du moins de transmuter les combustibles irradiés en éléments à faible activité à vie plus courte?  C'est la question de la réversibilité.
     Est-il nécessaire d'envisager dès maintenant le stockage souterrain des déchets à haute activité? Certains disent que dans l'attente de solutions techniques plus satisfaisantes comme le retraitement poussé, les déchets à haute activité peuvent rester encore très longtemps stockés sur des sites de production ou de retraitement. Ce stockage provisoire pourrait-il durer encore longtemps sans entraîner des problèmes de sûreté et de sécurité? Le stockage souterrain doit-il être définitif ou réversible? Le retraitement a-t-il une innuence sur le volume et le niveau d'activité des déchets?
     Au bout de 3 ou 4 ans, les éléments combustibles appauvris en matière fissile mais chargés en produits de fission doivent être extraits des réacteurs et remplacés par du combustible neuf; le combustible inactivé peut alors faire l'objet de diverses options:
     - le conserver dans sa gaine et après refroissement en piscine le stocker tel quel définitivement;
     - séparer les différents composants et récupérer ainsi l'uranium et le plutonium; 
- entreposer le combustible irradié pour des périodes plus ou moins longues en attendant de choisir soit le retraitement, soit l'enfouissement différé par opposition au retraitement immédiat.
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     Nous allons faire une analyse de ce qui se fait ailleurs: la Suède a décidé, pour l'instant, de stocker en l'état, les Etats-Unis ne retraitent pour le moment que les combustibles militaires, les combustibles civils restant stockés provisoirement dans l'attente d'une décision ultérieure.
     Une autre question se pose: quelles garanties seraient données aux populations des régions concernées par le stockage des déchets radioactifs à vie longue?
     - garanties sur les modalités de sélection du site;
     - garanties sur la gestion du dépôt pendant la période d'exploitation;
     - garanties sur les structures, les moyens et la pérennité de l'organisme chargé de la gestion des centres de stockage souterrain des déchets à vie longue, avec tous les moyens financiers que cela implique.
     - Quelles compensations offrir aux populations de la région où sera implanté un centre de stockage?
     Toutes ces interrogations montrent que les choix qui seront pris seront des choix politiques et économiques qui aborderont globalement les questions du nucléaire, de l'énergie et de l'environnement.
     Lors d'un colloque sur l'environnement auquel je participais, j'ai pu noter qu'un clivage se fait de plus en plus entre les pays du Nord et les pays du Sud. A l'heure actuelle, les sources énergétiques utilisées dans des quantités de plus en plus importantes polluent de plus en plus notre environnement. On ne peut pas dissocier les questions énergétiques des questions d'augmentation de quantités de certains gaz polluants dans l'atmosphère. Or il a été démontré un parallélisme très étroit entre les climats et le taux de gaz carbonique. La rupture entre ce parallélisme a eu lieu il ya 10 ou 20 ans. Ce déséquilibre est renforcé par le fait que les pays développés utilisent de plus en plus d'énergie et que les pays sous-développés, devant l'évolution démographique, sont contraints de déboiser pour faire face aux besoins énergétiques dans leur pays. Ceci pour montrer que le débat énergétique est un débat très important dans nos sociétés.

DÉBAT

     Mme Sené: La construction de l'usine de Melox et la mise en service du MOX sont-ils compatibles avec l'arrêt de la prospection des sites de stockage? En effet, la construction de cette usine suppose implicitement qu'on développe le retraitement pour pouvoir faire du combustible MOX, qui est à base de plutonium. Or, le problème du stockage des déchets amenait une réflexion sur le non-retraitement. Si la décision de construire cette usine (dont la production va servir aux réacteurs nucléaires) a été prise, cela signifie que l'on a déjà décidé de continuer le retraitement. Donc, on interfère fortement sur l'année de réflexion et, ceci, sans discussions.
     De plus, le plan quinquenal du CEA, paru en mars 1990, parle de l'usine Melox alors que le décret n'a été signé qu'en mai. Ce plan montre à l'évidence que le programme MOX pèse sur les possibilités des travaux de l'organisme. Et, de sucroît, on constate qu'il existe toujours des études à faire pour qualifier les verres, les bétons et les ciments.

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     L'arrêt de la prospection sur les sites profonds décidée en février a-t-il permis de mettre en place ou de prévoir la mise en place d'une législation que les populations pourront utiliser pour intervenir dans le débat, de mettre en place une réllexion avec les populations concernées et d'organiser une confrontation scientifique sur les problèmes de stockage? Il faut trouver une structure indépendante composée de scientifiques et d'experts qui puisse étudier ce dossier et que les hommes politiques prennent position sur ce problème.
     On va fermer le site de stockage de la Manche: qui va surveiller la conformité de ce site au moment de la fermeture et qui va avoir la charge de ce site?
     M. Le Déaut: L'ANDRA, sur les conseils de Commissions telle que la vôtre, a essayé d'améliorer ses prestations. Au sujet de l'usine Melox, c'est la première fois que le Parlement se saisit de ces questions. L'office peut donc, de par la loi, pousser très loin ses investigations par l'intermédiaire d'experts. Il y a eu des pressions très fortes pour créer une Haute Autorité Nucléaire, mais cet organisme n'aurait pas eu les pouvoirs que nous avons.
     En ce qui concerne cette usine, je partage votre avis sur le fait que, avant la prise de décision, je ne suis pas persuadé qu'il y ait eu concertation. On va donc s'intéresser aux mécanismes de la prise de décision. Il est vrai que ce ne sont pas des organismes tels que l'ANDRA ou la Cogéma, qui par ailleurs travaillent avec beaucoup de sérieux, qui doivent effectuer le contrôle. On ne peut pas être juge et partie. Il faut des organismes indépendants pour le contrôle, et qu'il y ait un contrôle du contrôle.
     Par exemple, il existe un système d'expertise international qui s'est penché sur les problèmes survenus à Gravelines, et pour la première fois l'Office Parlementaire a été associé à leur visite, y compris dans le secteur du réacteur.
     M. Moirand: Qui va contrôler le contrôle du contrôle?
     M. Le Déaut: L'industrie nucléaire est une industrie à risques, le système de sécurité fonctionne bien dans notre pays car les personnes chargées de le mettre en place sont des personnes responsables; néanmoins, le contrôle est fait par des personnes qui sont liées aux exploitants. A partir du moment où une Commission composée d'experts et de scientifiques indépendants peut venir interroger l'exploitant et avoir accès à la totalité des pièces, l'information pourra se faire. Il faut une confrontation scientifique. Il est malheureusement vrai que l'Office a été créé trop tardivement. Pour ce qui est du surgénérateur ou de l'usine Melox par exemple, il aurait été souhaitable que l'Office puisse donner son avis avant la prise de décision. Il faut mettre en place un contrepouvoir. C'est ce que nous essayons de faire avec l'aide de scientifiques et d'associations.
     M. Cauvin: Pour revenir au rapport sur le stockage dont le Rapporteur est Christian Bataille, il serait intéressant que les membres de notre Commission, ayant des remarques à formuler, préparent une note écrite afin que nous puissions les transmettre à l'Office d'évaluation.
     M. Barbey: Il faut savoir que les associations, telles que l'ACRO, disposent de laboratoires indépendants. Ces laboratoires fonctionnent grâce aux cotisations des adhérents car ils n'ont pu bénéficier de subventions d'organismes officiels tels que le Conseil Général ou le Conseil Régional. Je pense que ce n'est pas au SCPRI d'assurer ces contrôles car il devient juge et partie. Au lieu d'effectuer ces contrôles, il serait plus logique qu'il les subisse au même titre que les autres laboratoires.
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     Par ailleurs, les laboratoires indépendants devraient financer leurs propres contrôles; leur budget étant très restreint, cela me paraît un moyen de les étouffer financièrement. J'aimerais que l'Office Parlementaire puisse étudier ce problème afin de pouvoir modifier les règles d'obtention d'agrément qui ne me paraissent pas, pour le moment, satisfaisantes.
     M. Le Déaut: Je ferai part de cette remarque au Rapporteur.
     M. Crinquette: L'approche que vous faites des problèmes me paraît bonne. Je crains donc que le loby nucléaire aille plutôt a contrario. J'ai peur que cela ne débouche pas sur quelque chose de concret. De plus, lors de votre intervention, vous avez dit que l'intervention de l'Office permettrait d'améliorer la situation au niveau de l'exploitant sans remettre en cause les choix antérieurs. Or si on constatait la nécessité d'un repli à faire, je crains que votre Office ne soit plus crédible car cela serait un retour en arrière trop important. Enfin, à propos du "nucléaire militaire", nous avons toujours le problème du PPI de l'Arsenal qui nous est en partie inconnu.
     M. Genty: Au sujet des laboratoires indépendants, il me paraît indispensable, lorsque la Commission cautionne certains de leurs résultats, qu'ils aient un agrément. Par ailleurs, au sujet du gel pendant 1 an des sites de stockage possibles, s'agit-t-il d'un blocage des travaux de prospection ou également des études?
     M. Le Déaut: En ce qui concerne la conclusion de la Commission Castaing de stocker en l'état, il y a eu beaucoup de rapports contradictoires. C'est un choix politique sur ce type de sujet. Pour l'instant, nous n'avons pas été en capacité de choix, et ce ne sont pas les politiques qui décident. La décision se fait au niveau du Ministère de l'Industrie, mais pas forcément au niveau politique. La plupart des choix à faire sont très complexes. Il faut essayer d'éclaircir le problème au moyen d'une étude réalisée par une Commission composée d'experts afin de vulgariser le sujet pour les parlementaires et essayer d'influer sur leur choix. Ces questions sont complexes et les décisions sont très importantes au niveau politique.
     Au sujet des agréments de laboratoires, je suis d'accord sur le fait de simplifier la procédure à partir du moment où on constate que les résultats sont fiables.
     En réponse à M. Crinquette, il y a eu plusieurs options qui ont été choisies dans le débat nucléaire, dont la solution de l'Office, qui a été retenue car c'était un moindre mal. A partir du moment où nous faisons notre travail d'une manière indépendante, avec diversités d'opinion, il y a déjà un progrès.
     Pour l'instant,je pense qu'on ne peut pas remettre en cause des choix qui ont été faits pour notre pays, ce serait suicidaire. Néanmoins, lorsqu'on impose dans d'autres pays nos modèles énergétiques alors qu'on pourrait mettre en place des systèmes de recherche, je ne suis pas d'accord. Je pense qu'il y a des choix qui sont définitifs, notamment sur la maîtrise de l'énergie et la politique en matière de transports.
     Au sujet du "nucléaire militaire", je souhaiterais qu'on puisse avoir accès aux informations et une évolution dans ce sens ne me paraît pas impossible
     M. Faussat: Au sujet du délai d'un an pour les sites de stockage, il s'agit effectivement d'un gel des travaux sur le terrain pour les 4 zones de prospection, y compris sur le site pour lequel il n'y avait pas de problème.
     En ce qui concerne les études, nous les poursuivons. Ces études peuvent être soit génériques, soit consistent en l'exploitation des données que nous avons déjà sur les sites en question (pratiquement toute la géophysique avait été faite), soit concernant des sites étrangers, par le biais de nos accords internationaux qui fait que nous travaillons dans des laboratoires souterrains, en particulier en Belgique et en Allemagne.
suite:
     Pour l'année 1990, donc en plein moratoire, nous aurons dépensé plus de 300 millions de francs pour les recherches sur les sciences de la terre et de l'environnement. Nous faisons travailler non seulement les laboratoires du CEA (essentiellement sur les aspects touchant la matière radioactive) mais aussi une bonne quinzaine d'Universités et environ 35 organismes divers et variés (Ecoles Polytechnique, BRGM, etc).
     Tout cela finit de confirmer les outils que nous avions déjà. Nous savons ce que nous devons faire pour le stockage. Pour avancer, il faut s'adresser aux laboratoires souterrains pour connaître le site en vrai grandeur et l'adaptation à un vrai terrain. Ceci est d'ailleurs indifférent des stratégies intermédiaires: que l'on ait du combustible à stocker en l'état ou qu'il y ait du retraitement poussé, on aura toujours un certain nombre de déchets qui devront aller en profondeur.
     M. Sené: Vous avez parlé du fait qu'on ne pouvait pas revenir sur la politique énergétique qui a été décidée. Je ne suis absolument pas en accord avec cette position car c'est maintenant qu'il faut décider la politique énergétique, qu'il y ait ou non prise en compte des énergies renouvelables si l'on veut, dans l'avenir, en France ou dans les autres pays, réaliser des économies d'énergie et améliorer notre environnement. En 1977, le Parlement a eu le rapport Schloesing qui abordait déjà ce problème et qui n'a pas du tout été exploité.
     La création de votre Office est une bonne chose, mais je voudrais savoir quel réel pouvoir vous allez avoir. Il faut remettre en cause la politique énergétique. Il faut qu'on ait le nucléaire que l'on est capable de gérer, c'est-à-dire le nucléaire que l'on est capable d'utiliser. Sur le site de La Hague, il y a énormément de déchets étrangers, comment va-t-on les renvoyer dans leurs pays?
     M. Barbey: Les choix politiques sont-ils dictés par les choix économiques?
     M. Le Déaut: J'ai dit qu'on sera obligé de faire des choix politiques très durs dans les prochaines années. On ne peut pas tout changer, on est dépendant des choix politiques qui ont été faits dans les années précédentes. Il importe de faire évoluer certains choix politiques en matière d'environnement.
     La crise du Golfe et les rejets de plus en plus importants de gaz dans l'atmosphère font qu'on devra prendre des inflexions en matière de politique énergétique, et pas seulement en matière de nucléaire. Toute décision politique remet en cause les équilibres sociaux et économiques.
     Je voudrais dire, pour terminer, que ma venue à Cherbourg m'a permis de voir le fonctionnement de votre Commission qui est exemplaire, car ses membres représentent des opinions contradictoires et variées. La confrontation scientifique, le dialogue et la transparence sont les clés pour faire avancer les choses.
     M. Cauvin: Si certains membres de la Commission ont des observations à faire au sujet du problème du stockage des déchets radioactifs ou désirent être auditionnés, je transmettrai au Rapporteur, M. Christian Bataille.
     Notre prochaine réunion aura lieu en décembre. Elle sera consacrée au sondage d'opinions lancé par la Commission. De plus, nous aborderons le sujet des contrats de coopération entre l'Education Nationale et la Commission afin de mieux faire connaître nos travaux.
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QUELQUES QUESTIONS A PROPOS DE LA FIN DU CYCLE
Monique Sené - 18 septembre 1990
Stockage
     1) L'arrêt de la prospection sur les sites profonds, décidé en février, a-t-il permis:
     - de mettre en place ou de prévoir la mise en place d'une législation que les populations pourront utiliser pour intervenir dans le débat;
     - de mettre en place une réflexion avec les populations concernées;
     - de mettre en place une confrontation scientifique des problèmes du stockage.
     2) L'arrêt de la prospection a-t-il également permis de se pencher sur l'ensemble du cycle, sachant que chaque stade industriel pèse sur la production de déchets, leur forme chimique, leur contenu radioactif et donc, pour finir, leur stockage?
     3) L'arrêt de la prospection a-t-il aussi permis de mettre en chantier les règles fondamentales de sûreté qui doivent régir les conditions de stockage sur un site, quel qu'il soit?
     Le conditionnement des déchets n'a pas été pris en compte, en 1966, au moment de la création de l'usine de la Hague. Ce problème se pose maintenant avec acuité:
     - reprise des boues,
     - reprise des coques et embouts,
     - reprise des silos divers de stockage.
     Différentes méthodes sont à l'étude. Le SCSIN a permis le démarrage complet de UP3-A sous réserve:
     - d'un ajustement de la production de l'usine à la capacité de traitement de STE 3;
     - des études de reprise et de conditionnement des déchets entreposés sur le site. 
Se posent, à ce sujet, des questions:
     - le retraitement des combustibles étrangers a engendré et engendrera des déchets. Sous quelle forme et à quelle condition seront-ils renvoyés dans les pays d'origine?
     - qui donne un avis sur la faisabilité des différents procédés? Le CEA conseille le SCSIN, ainsi que la Cogema et l'ANDRA. Or, le SCSIN est le contrôleur, la Cogema l'exploitant et l'ANDRA le gestionnaire. Qui plus est, la Cogema est une filiale à 100 % du CEA et l'ANDRA est sous la tutelle du CEA. Donc, le CEA est finalement, directement ou indirectement, bureau d'études, maître d'œuvre, maître d'ouvrage et conseiller de l'administration. Dans ces conditions, comment faire une analyse correcte du problème?
     L'analyse du Site de Stockage de la Manche permet-elle de répondre aux questions suivantes:
     - comment va-t-on procéder à la fermeture du site?
     - qui va avoir la charge de la mise en conformité du site après sa fin d'exploitation?
     - qui, finalement, assurera le suivi aussi bien au plan environnement (rejets) qu'au plan sûreté (surveillance du site lui-même)?
     - le Site Manche, au moment de sa fermeture, sera-t-il conforme aux conditions imposées par la règle fondamentale de sûreté des sites de surface: contenu radioactif, conditionnement!

Combustible MOX
     La construction de l'usine Melox, la mise en service du MOX sont-ils compatibles avec l'arrêt de la prospection des sites de stockage?
     En effet, les argumentaires avancés assurent, sans expérience sauf sur des éprouvettes en laboratoire, la faisabilité de tout le cycle. L'unique problème est que le MOX contraint au retraitement des REP, or ce point-là est soit disant à l'étude. En particulier, les problèmes de ce cycle n'ont pas de solution, donc le cycle MOX n'en a pas non plus. Il s'agit, une fois de plus, d'une fuite en avant proposée par une firme et malheureusement entérinée par des pouvoirs publics qui n'exercent pas leur droit de regard.

Autres questions
     - Le plan quinquenal de CEA montre, à l'évidence, que le programme MOX pèse sur les possibilités de travaux de l'organisme. Mais, de surcroît, on constate qu'il existe toujours des études à faire pour qualifier les verres, les bétons et les bitumes.
     Avez-vous pu obtenir du CEA des réponses sur toutes les études qu'il a entreprises et, surtout, avez-vous remarqué que l'option choisie est le retraitement et qu'il n'y a guère de sujet alternatif?
     - Le CEA, dans ce plan, sert d'aide à la SGN, à Technicatome, à Cogema et, en plus, à l'ANDRA et au Ministère.
     Une fois de plus, comment concilier tous ces intérêts divergents?
     - Même si, apparemment, de nombreux organismes gèrent quelques contrats d'étude sur le stockage des déchets, il n'existe pas d'organismes qui exercent un suivi global. Compte tenu des intérêts en jeu, il serait souhaitable de songer à une structure qui ferait un suivi des problèmes et des études. Parmi les organismes exitants, aucun n'a la forme requise car ils sont toujours juge et partie, Dans ces conditions, aucun ne peut être admis comme arbitre.

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